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21/07/2022 | FRANCE | N°18/03600

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 21 juillet 2022, 18/03600


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUILLET 2022



N°2022/ 101













Rôle N° RG 18/03600 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCA3U







Société GRYPHON PROPERTY

SARL ATELIER D'ARCHITECTURE 201

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF -





C/



SARL MOUGINS BATIMENT

SAS TENNIS DU MIDI

Compagnie d'assurances SMABTP

















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Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me MONTERO

Me SAMMUT

Me PYOT









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/04044.





APPELANTES

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUILLET 2022

N°2022/ 101

Rôle N° RG 18/03600 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCA3U

Société GRYPHON PROPERTY

SARL ATELIER D'ARCHITECTURE 201

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF -

C/

SARL MOUGINS BATIMENT

SAS TENNIS DU MIDI

Compagnie d'assurances SMABTP

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me MONTERO

Me SAMMUT

Me PYOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/04044.

APPELANTES

S.C.I. GRYPHON PROPERTY poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis, [Adresse 5] - [Localité 11]

représentée par Me MONTERO de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

SARL ATELIER D'ARCHITECTURE 201 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 6] - [Localité 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Laure SAMMUT, avocat au barreau de NICE, plaidante et substituant Me Benjamin DERSY (Nice)

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF - société d'assurance mutuelle à forme variable intervenant dans les limites des garanties accordées à son assuré, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4] - [Localité 9]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Laure SAMMUT, avocat au barreau de NICE, plaidante et substituant Me Benjamin DERSY (Nice)

INTIMEES

SARL MOUGINS BATIMENT, demeurant [Adresse 14] [Adresse 7] - [Localité 2]

représentée par Me Jean-claude PYOT, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

SAS TENNIS DU MIDI prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 15] - [Localité 3]

défaillante

Compagnie d'assurances SMABTP prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 10] - [Localité 8]

défaillante

*******************

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre, et Mme Sophie LEYDIER, Conseillère .

Mme, Sophie LEYDIER, conseillère a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame de Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Mr Nicolas ERNST, vice-président placé

Greffier lors des débats : M. Frank GENIER.

Greffier lors du prononcé : Mme Karelle ALMERAS

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2022.

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre et Mme Karelle ALMERAS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RG 18/3600

JONCTION AVEC RG 18/04482

Exposé du litige:

La SCI Gryphon Property, propriétaire d'un terrain situé voie [Adresse 13] » au [Localité 12], a confié:

- à la société Mougins Bâtiment des travaux de construction d'une plate-forme de soutènement d'un court de tennis,

- à la société Tennis du Midi, assurée auprès de la SMABTP, la construction d'un court de tennis,

- à la société Atelier d'Architecture 201, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), la maîtrise d''uvre des travaux.

Un procès-verbal de réception des ouvrages assortie de réserves sans lien avec le litige a été signé le 2 juillet 2012 par les représentants du maître d'ouvrage, de la société Tennis du Midi et de la société Atelier d'Architecture 201.

La société Gryphon Property a été mise en demeure de régler le solde des travaux s'élevant à 124 204,03 euros.

Se plaignant de l'apparition de désordres (éboulements de terres aux abords du court et de fissurations à plusieurs endroits du court), la société Gryphon Property a sollicité en référé la désignation d'un expert judiciaire.

Une expertise judiciaire a été confiée à Monsieur [Y] par ordonnance du 14 janvier 2013.

L'expert a déposé son rapport le 30 janvier 2015.

Par acte du 15 juillet 2013, la société Mougins Bâtiment a assigné la société Gryphon Property devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins d'obtenir le paiement du solde des travaux.

La société Gryphon Property s'est opposée au paiement en invoquant l'exception d'inexécution et elle a sollicité la condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui payer diverses sommes principalement au titre des travaux de reprise des désordres et au titre d'un préjudice de jouissance.

Par acte du 9 mai 2016, la société Mougins Bâtiment a assigné en garantie devant le tribunal de grande instance de Grasse la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF.

Par acte du 20 juillet 2016, la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF ont assigné en garantie devant le tribunal de grande instance de Grasse la société Tennis du Midi et la SMABTP.

Toutes les instances ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 20 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- condamné la société Gryphon Property à verser à la société Mougins Bâtiment la somme de 124 202,14 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012,

- débouté la société Mougins Bâtiment du surplus de ses demandes,

- condamné la société Mougins Bâtiment à verser à la société Gryphon Property la somme de 136 032 euros,

- débouté la société Gryphon Property du surplus de ses demandes reconventionnelles en paiement,

- condamné solidairement la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF à garantir la société Mougins Bâtiment de toute condamnation à hauteur de 50 %,

- débouté la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF de leurs demandes en garantie,

- rejeté toute prétention plus ample ou contraire,

- dit qu'il sera fait masse des dépens et que les parties seront condamnées à les payer comme suit: 25% à la charge de la société Mougins Bâtiment, 25% à la charge de la société Gryphon Property,

25% à la charge de la société Atelier d'Architecture 201,

25% à la charge de la MAF,

- condamné la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF à verser à la société Tennis du Midi et la SMABTP la somme unique de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée au greffe le 26 février 2018 sous le numéro RG 18/3600, la société Gryphon Property a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle :

- l'a condamnée à verser à la société Mougins Bâtiment la somme de 124 204,14 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012,

- l'a déboutée du surplus de ses demandes reconventionnelles en paiement tendant à solliciter la condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui payer la somme de 176 133 euros HT outre la TVA applicable et intérêt au taux légal et à des dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

- limité la condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui verser la somme de 136 032 euros,

- mis une partie des dépens à sa charge soit 25 % mais aussi 25 % à la charge de la société Mougins Bâtiment, 25 % à la charge de la société Atelier d'Architecture 201 et 25 % à la charge de la MAF,

- rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe le 12 mars 2018 sous le numéro RG 18/04482, la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a:

- condamné la société Mougins Bâtiment à verser à la société Gryphon Property la somme de 136 032 euros,

- condamné solidairement la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF à garantir la société Mougins Bâtiment de toute condamnation à hauteur de 50 %,

- débouté la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF de leurs demandes en garantie notamment contre la société Tennis du Midi et la SMABTP,

- rejeté toute prétention plus ample ou contraire de la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

- dit qu'il sera fait masse des dépens et que les parties seront condamnées à les payer comme suit:

25% à la charge de la société Mougins Bâtiment,

25% à la charge de la société Gryphon Property,

25% à la charge de la société Atelier d'Architecture 201,

25% à la charge de la MAF,

- condamné la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF à verser à la société Tennis du Midi et la SMABTP la somme unique de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile.

Les deux instances ont été jointes sous le numéro RG 18/3600 par ordonnance du magistrat de la mise en état du 18 septembre 2018.

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

La société Gryphon Property (conclusions du 30 juillet 2018 dans RG n°18/03600 et RG n°18/04482) sollicite:

-Qu'elle soit déclarée recevable et bien fondée en son appel partiel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Mougins Bâtiment la somme de 124 204,14 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012,

en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes reconventionnelles en paiement tendant à solliciter la condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui payer la somme de 176 133 euros hors taxes outre la TVA applicable et intérêt au taux légal et à des dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

en ce qu'il a limité la condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui verser la somme de 136 032 euros,

en ce qu'il a mis une partie des dépens à sa charge soit 25%, mais aussi 25% à la charge de la société Mougins Bâtiment, 25% à la charge de la société Atelier d'Architecture 201 et 25% à la charge de la MAF,

en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Mougins Bâtiment et le principe d'indemnisation de ses préjudices et débouter la société Mougins Bâtiment de ses autres demandes,

Et statuant à nouveau, au visa de l'article 1134 du code civil en sa rédaction en vigueur:

-Qu'il soit jugé qu'elle est bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution face aux manquements graves et caractérisés de la société Mougins Bâtiment,

En conséquence,

-L'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Mougins Bâtiment la somme de 124 204,14 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012 au titre des factures restantes,

-Le rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de la société Mougins Bâtiment,

Au visa des articles 1792 et 1792-1 du code civil:

-L'infirmation du jugement sur le quantum qui lui a été alloué en considération de la TVA en sus,

En conséquence:

-La condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui payer la somme de 176 133 euros hors TVA, montant des travaux pour parvenir à la livraison d'un ouvrage exempt de malfaçons outre TVA en sus au taux en vigueur au jour de la décision,

-Le rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de la société Mougins Bâtiment,

-L'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 20 000 euros à titre de préjudice de jouissance,

En conséquence,

-La condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

-L'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'article 700 du code de procédure civile de 10 000 euros,

-L'infirmation du jugement en ce qu'il a mis une partie des dépens à sa charge soit 25 % mais aussi 25% à la charge de la société Mougins Bâtiment, 25% à la charge de la société Atelier d'Architecture 201 et 25% à la charge de la MAF,

-La condamnation de la société Mougins Bâtiment à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ceux compris les deux constats d'huissier de justice des 11 juillet et 8 août 2012 des frais d'expertise qu'elle a avancés distraits en la faveur de Maître [C] [B] comme il est dit aux articles 695 et suivants du code de procédure civile,

-Le rejet de la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros et également de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 10 000 euros et des dépens,

-Le rejet des demandes de la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 5 000 euros outre les entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj ' Montera ' Daval Guedj, avocats associés près la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui en ont fait l'avance.

La société Mougins Bâtiment (conclusions du 20 juillet 2021) sollicite après jonction au visa des dispositions des articles 1134, 1147 devenus 1103 et suivants, 1217 et suivants, et 1792 et suivants et 1240 du code civil:

-La confirmation du jugement querellé en ce qu'il a condamné la société Gryphon Property à lui payer la somme principale de 124 204,14 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012, date de la mise en demeure,

-L'infirmation du jugement entrepris pour le surplus,

-La recevabilité de son appel incident,

Statuant à nouveau:

-Le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Gryphon Property et en tant que de besoin toute autre partie à la présente instance dirigées à son encontre,

-La condamnation de la société Gryphon Property à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire,

-La condamnation de la société Tennis du Midi, la société Atelier d'Architecture 201 et leurs assureurs respectifs, à savoir la SMABTP et la MAF à la relever et garantir indemne de toute condamnation,

-La condamnation de la société Gryphon Property à lui payer la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise.

La société Tennis du Midi et la société SMABTP (conclusions du 6 août 2018 dans l'instance RG n°18/03600) sollicitent avant jonction au visa des articles 1240 et suivants du code civil:

-La confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Atelier d'Architecte 2012 et la MAF de leurs demandes en garantie dirigées à leur encontre,

En conséquence,

-Qu'il soit dit et jugé qu'aucune faute de sa part n'est établie,

Dès lors,

-Qu'il soit dit et jugé que la responsabilité délictuelle de la société Tennis du Midi ne peut être engagée,

-Que sa mise hors de cause et par suite, celle de la SMABTP son assureur soit prononcée,

-Le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

A titre subsidiaire,

-Qu'il doit dit et jugé que le coût des travaux de reprise ne peut dépasser le montant retenu par l'expert de 136 032 euros hors taxes,

-La condamnation de la société Atelier d'Architecture 201 et de la MAF à leur payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Maitre Francoise Boulan, avocat au Barreau d'Aix-en-Provence, sous sa due affirmation de droit.

La société Atelier d'Architecture 201 et la MAF (conclusions du 14 février 2022 après jonction) sollicitent au visa des articles 1792 et suivants ainsi que de l'article 1240 du code civil:

A titre liminaire,

-Qu'il soit constaté que la société Mougins Bâtiment sollicite pour la première fois dans le cadre de la procédure d'appel d'être relevée et garantie par elles dans ses conclusions notifiées le 20 juillet 2021,

En conséquence,

-Qu'il soit jugé que ces demandes sont tardives,

-L'irrecevabilité de ces demandes,

A titre principal, la réformation du jugement déféré, s'agissant de la responsabilité retenue contre l'architecte,

faisant valoir que le jugement querellé les condamne au visa d'un appel en garantie formée par la société Mougins Bâtiment sur le fondement de l'article 1792 du code civil, et que ce fondement juridique est manifestement erroné,

En toute hypothèse, la réformation du jugement querellé en toutes ses dispositions, faisant valoir d'une part, que les premiers juges ainsi que la société Mougins Bâtiment ne démontrent pas les éléments constitutifs de la responsabilité quasi-délictuelle qu'ils souhaitent leur imputer, et, d'autre part que l'architecte n'a commis aucune faute dans la réalisation de sa mission, la cause du sinistre retenue par l'expert étant manifestement erronée dans la mesure où ce dernier conclut à l'absence de prise en compte de la nature du sol alors même que les désordres constatés sont superficiels et n'altèrent que la première couche du court de tennis,

A titre subsidiaire, sur l'appel en garantie formée contre la société Tennis du Midi,

Faisant valoir que la société Tennis du Midi n'a émis aucune réserve sur le support mis en cause par l'expert, que l'acceptation sans réserve d'un support vicié entraîne la responsabilité de l'intervenant professionnel, que la société Tennis du Midi n'a pas exécuté l'ensemble des prestations prévues à son marché, que les prestations défaillantes avaient pour seul objet d'annihiler les causes identifiées comme à l'origine du désordre par l'expert,

en conséquence, que la société Tennis du Midi a commis une faute en lien direct avec les désordres allégués entraînant nécessairement sa responsabilité.

Dans l'hypothèse d'une condamnation prononcée à l'encontre de l'architecte et son assureur, que la société Tennis du Midi et son assureur SMABTP soient condamnés à les relever et garantir dans sa totalité de ces condamnations.

A titre infiniment subsidiaire, sur la limitation de la condamnation prononcée contre l'architecte et son assureur.

Si par extraordinaire, la cour devait confirmer le jugement querellé du 20 décembre 2017, soutenant que l'expert établit une hiérarchie des responsabilités au terme de laquelle la responsabilité principale de la société Mougins Bâtiment est retenue, ils sollicitent que la part de condamnation mise à leur charge ne pourra nécessairement pas être égale à celle de la société Mougins Bâtiment,

que la seule faute qui serait susceptible d'engager la responsabilité de l'architecte concerne un défaut de surveillance du chantier dont la condamnation ne peut être supérieure à 20 % des condamnations mises à la charge des succombants,

Enfin, ils sollicitent la condamnation de tous succombants à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 février 2022.

MOTIFS:

Sur les désordres, les responsabilités et les recours

Il résulte des pièces régulièrement produites et des explications des parties:

- qu'un procès-verbal de réception des travaux a été signé le 2 juillet 2012 par le maître d'ouvrage et les représentants de la société Tennis du Midi et du maître d'oeuvre, avec des réserves consistant en des vérifications, sans rapport avec le présent litige (pièce 19 de la société Mougins Bâtiment),

- que suivant procès-verbal établi le 11 juillet 2012 à la requête du maître d'ouvrage, Maître Patrick Morisseau, huissier de justice à Cannes, a notamment constaté:

* que le court de tennis neuf a été construit sur une plate-forme terrassée au dessus d'un talus,

* que la terre fraîche et le remblai provenant du terrassement ont été grossièrement étalés à la surface du talus, des traces d'éboulis étant visibles en de nombreux endroits (...),

* que la partie basse du talus située à la hauteur de la partie haute du mur élevé autour du court, est enterrée sur la quasi-totalité de sa hauteur sur sa face de soutènement, aucun revêtement d'étanchéité n'apparaissant sur la surface enfouie de ce mur,

*qu'au dessus du court de tennis, ce talus n'est pas consolidé et surplombe le terrain de jeu sur un dénivelé de plus de 5 m de hauteur,

* qu'en contrebas du court de tennis, le terrain est également extrêmement pentu, le talus n'étant pas stabilisé (pièce 18 de la société Mougins Bâtiment),

- que suivant procès-verbal établi le 8 août 2012 à la requête du maître d'ouvrage, Maître Patrick Morisseau a encore constaté la présence de fissures et de petites boursouflures sur une moitié du terrain, entre la ligne de fond de court et le carré de service, et de la clôture jusqu'au centre du court, sur une longueur d'environ 7,50 m (pièce 17 de la société Mougins Bâtiment),

- que Monsieur [T], ingénieur en génie civil bâtiment, a procédé à un constat visuel des désordres le 5 août 2012 à la requête du maître d'ouvrage, et précise dans son rapport établi le même jour:

* que le terrain est en forte pente, le court de tennis ayant été réalisé en partie sur terrain naturel après une excavation du terrain en pente côté amont et une partie sur remblai côté aval,

* que des murs de soutènement en béton du côté des terres en amont et du côté des remblais en aval et latéralement ont été édifiés,

* que le sol du court de tennis présente une fissuration importante, un écartement du joint de dilatation médian et par endroit la fissuration du revêtement résine sur l'alignement,

* que le mur de soutènement des terres côté aval présente des microfissures au milieu des demi longueurs du mur et en tête de mur sur toute sa hauteur, (pièce 20 de la société Mougins Bâtiment),

- que dans un courrier du 9 septembre 2012 du responsable du bureau GSM (Géo Sciences&Méthodes) adressé à la société Tennis du Midi dont l'objet est relatif à une 'expertise géologique et géotechnique', il est notamment relevé 'qu'aucun plan de masse des ouvrages (court de tennis et murs) n'existe, ce qui peut être considéré de la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution, qu'aucune étude géologique et géotechnique n'a été faite en avant projet afin de définir les contraintes liées au sol d'assise du court et des ouvrages de soutènement, sachant que la propriété se situe dans les formations du Trias supérieur réputées comme étant très hétérogènes (marnes, argiles, calcaires, dolomies et gypse...), ce type d'étude aurait dû être réalisée en avant-projet avant travaux de terrassement, ce qui est aussi de la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution (...)', 'qu'aucune étude structure concernant les ouvrages de soutènement n'a été faite, ce qui peut être considéré de la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre de conception et d'exécution et/ou de l'entreprise réalisant tous les travaux d'infrastructure (....)' 'que les essais à la plaque n'ont pas été effectués sur la plateforme brute livrée à la société Tennis du Midi alors que le devis descriptif de Tennis du Midi du 16 avril 2012 précisait en page 1 terrassement pour création d'une plateforme conformément à la norme NF P90-110; dans cette norme est bien spécifiée la réalisation d'essais à la plaque; la maîtrise d'oeuvre d'exécution peut être considérée comme responsable de ce manquement' (pièce 3 SMABTP),

- que l'expert [Y] mentionne notamment dans son rapport:

* 'les travaux du tennis ont commencé début mai 2012, l'impératif premier étant la livraison pour fin juin de l'ensemble des travaux, la SARL Mougins Bâtiment étant chargée des terrassements, de la réalisation d'une plate-forme de base pour le tennis, de la réalisation des murs de soutènement en amont et en aval dans le sens longitudinal du court de tennis,

la SAS Tennis du Midi étant chargée de la construction du court de tennis en Rebound Ace, de la clôture et de l'installation de l'éclairage et des accessoires (filet, bancs, chaise)',

* 'la réception des travaux a eu lieu le 2 juillet 2012 avec la SAS Tennis du Midi, deux réserves concernant la planéité et l'éclairage ayant été notées et vérifiées les 3 et 13 juillet suivant',

* 'le 28 septembre 2012, Monsieur [V], architecte gérant de la SARL Atelier d'Architecture 201, a établi une attestation d'achèvement des travaux conforme au plan' (pièce 22 de la société Mougins Bâtiments),

* 'avoir constaté l'existence de fissures sur le court de tennis dans le sens transversal dont certaines sont importantes sur 2 à 3 mètres de long avec une ouverture de 2 à 3 mm, la profondeur semblant être comprise pour une grande partie entre 5 et 7 mm, le carottage au droit d'une fissure montrant qu'elle est traversante sur l'épaisseur du complexe de tennis 10 cm' (...) 'Ces désordres empêchent l'utilisation normale du court, créant de faux rebonds au droit des fissures',

* 'avoir constaté lors du premier accédit du 15 avril 2013 l'existence de microfissures sur le mur aval en trois endroits se prolongeant en partie verticale; il semble que ces microfissures n'affectent en réalité que l'enduit et ne se prolongent pas dans le béton du mur visible à sa base',

* 'les remblaiements sur la partie du terrain situé à l'Est du court de tennis sont d'importance sur une épaisseur variant de 1,50 à 1 mètre; la SCI Gryphon Property est intervenue pour dégager la base des troncs des pins pour les dégager et ainsi éviter leur pourrissement et la dégénérescence du système racinaire; le talutage effectué le long du tennis à raison d'une pente de 3/2 a subi un tassement important du fait des épisodes pluvieux connus durant l'hiver; le talus semble stable, il n'a reçu aucune plantation',

* 'avoir constaté lors du second accédit du 6 septembre 2013 que les fissures du terrain de tennis se sont élargies, la fissure la plus importante étant située à la limite entre une partie du terrain à l'ombre et au soleil', étant relevé 'qu'un incident de chantier relatif à la vidange de la piscine après la réalisation du fond de forme a entraîné des écoulements d'eau importants qui ont traversé le terrain de tennis dans la partie défaillante, cette vidange ayant également déstabilisé, par ravinement, une maisonnette en bois située en amont',

* 'les investigations complémentaires ont permis de vérifier que la planimétrie générale est respectée suivant le cahier des charges ainsi que la pente dans le sens transversal (amont vers aval) les sondages carottés et les essais pressiométriques révèlent que le terrain est situé dans un secteur où prédomine un substratum marno-calcaire sensible au retrait et gonflement; la carte d'aléas du BRGM situe cette zone en aléas moyens, ce qui veut dire que des précautions sont à prendre quant à la mise en oeuvre d'ouvrages sur ce type de terrain. Il était donc important de tenir compte de la nature du terrain dans sa sensibilité à l'eau. Il semble que ce facteur n'ait pas été considéré par l'entreprise Mougins Bâtiment ni par des recommandations de l'architecte [V] en charge de la surveillance des travaux (...) Le phénomène de fissuration constaté est issu de causes géotechniques multiples. Les mesures de résistance mécaniques indiquent la présence de matériaux d'assises assez hétérogènes, caractérisées par des horizons de résistance irrrégulières et parfois médiocres. Ces caractéristiques irrégulières peuvent conduire à des disparités de comportement engendrant des tassements différentiels. Les matériaux sont constitués d'éléments fins ayant une limite de liquidité et de plasticité élevées conduisant à les classer comme très sensibles aux variations de teneur en eau (phénomènes de retrait/gonflement) (...) Au droit du sondage PF3, la présence d'eau a été relevée à 3,05 mètres de profondeur (...) pouvant correspondre à des alimentations localisées s'effectuant au sein de passage préférentiel plus perméable, dont l'amplitude peut varier saisonnièrement de manière significative tant en intensité qu'en répartition, notamment à la suite d'épisodes pluvieux importants',

* 'il est à noter que l'on constate une nette fracture sur l'épaisseur du complexe dans la zone entre ombre et soleil sur le court. Cela conforte la mécanique de travail du sol entre partie humide, ou séchant peu, et la partie exposée au soleil',

* 'le cahier des charges de l'aménagement d'un court de tennis par Tennis du Midi précise bien qu'il était prévu une couche de fondation de 0.20 d'épaisseur de granulats 15/25 ou 20/40 sur un géotextile (qui n'a pas été trouvé dans les forages), et qu'en cas de présence d'argile il sera procédé à la mise en place d'une couche de substitution, appelée aussi couche de consolidation, afin de redonner au sol existant la portance nécessaire à la construction du court, ceci afin d'éviter le phénomène de retrait-gonflement préjudiciable à la stabilité du tennis'.

Selon l'expert [Y]: 'la première responsabilité revient à l'entreprise qui a exécuté la plate-forme de terrassement, soit la société Mougins Bâtiment, le maître d'oeuvre étant également responsable pour ne pas avoir veillé à la garantie de la bonne exécution conformément au cahier de prescriptions de Tennis du Midi (sauf erreur, aucune réserve sur la mise en oeuvre n'a été émise par un courrier ou un PV de chantier' (...) 'Concernant le drainage prévu, il perd de son efficacité quand la couche de base et la fondation sont de même constitution, c'est-à-dire composée essentiellement de terres argileuses du site, et favorise au contraire un phénomène

de retrait-gonflement plus rapide nuisible à la bonne tenue du revêtement de surface, qui n'a pas l'élasticité suffisante pour absorber les écarts dimensionnels', 'la qualité des terrains rencontrés lors des terrassements aurait dû alerter l'ensemble des participants à s'interroger sur la mise en oeuvre des ouvrages; l'expert n'est pas en possession d'éléments prouvant que des réserves auraient été émises à l'époque des travaux; ceci est aussi à rapprocher d'un délai d'exécution extrêmement court pour les terrassements et les soutènements, qui n'ont pas permis le recul nécessaire à l'analyse des conditions de mise en oeuvre; tout cela semble avoir été fait dans la précipitation d'un respect de planning; il appartenait à chacun d'émettre les réserves nécessaires et d'informer le maître d'ouvrage des difficultés rencontrées' (page 14 du rapport).

1/ Responsabilité de la SARL Mougins Bâtiment:

Il n'est pas contesté que les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont donc de nature décennale.

Le premier juge a exactement relevé que le maître d'ouvrage recherchait la responsabilité de la seule SARL Mougins Bâtiment, en sa qualité de constructeur, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, cette dernière étant réputée responsable de plein droit dès lors qu'il est établi que les désordres lui sont imputables.

Alors que la SARL Mougins Bâtiment était chargée des terrassements, de la réalisation d'une plate-forme de base pour le tennis, de la réalisation des murs de soutènement en amont et en aval dans le sens longitudinal du court de tennis, de l'exécution d'un drain sur toute la longueur du mur élevé autour du court et du remblaiement des terres (devis et factures pièces 1 à 7), il lui incombait de s'assurer de la faisabilité technique du projet pour livrer une plate-forme stable et pérenne pouvant supporter l'implantation d'un court de tennis, notamment en sollicitant auprès du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre une étude géologique et une étude de sol préalablement à la réalisation de ses travaux.

Il convient de relever que l'expert [Y] a fait appel à un sapiteur géomètre et à un sapiteur géotechnicien afin de réaliser notamment un relevé altimétrique du terrain, et des sondages par carottages à sec sur un mètre de profondeur pour vérifier les caractéristiques des couches de terrain et formes mises en oeuvre, outre 3 pénétromètres dynamiques, et ce en présence de toutes les parties.

S'il est exact que les devis établis par la SARL Mougins Bâtiment et acceptés par le maître d'ouvrage ne mentionnent pas l'apport de matériaux ou d'un géotextile et que les désordres sont apparus sur le revêtement posé par la SAS Tennis du Midi, la SARL Mougins Bâtiment n'établit par aucune pièce émanant d'un professionnel de la construction reconnu pour son expertise que les constatations et les conclusions de l'expert [Y] selon lesquelles le phénomène de fissuration affectant le court de tennis est issu de causes géotechniques multiples liées aux spécificités du site, à la nature argileuse du sol et à la présence de matériaux d'assises assez hétérogènes (remblais) ne sont pas techniquement fondées, le seul fait que les fissures soient apparues très vite après la pose du revêtement ne permettant pas d'exclure qu'elles résultent de la mauvaise qualité du terrassement.

Et, si la plate forme livrée ne présentait pas de défaut de planéité, la SARL Mougins Bâtiment ne peut sérieusement soutenir au vu des conclusions de l'expert [Y], corroborées par celles des ingénieurs requis par le maître d'ouvrage après sinistre (Mr [T] et le bureau GSM), que la qualité de son terrassement n'est pas en cause, alors qu'en sa qualité de professionnelle elle ne pouvait ignorer les risques d'instabilité du terrain liés à un remblaiement de terres argileuses et sujettes à des retraits et gonflements sur la moitié de la plate forme destinée à recevoir le court de tennis, notamment en cas de pluie ou de stagnation d'eau, compte tenu de l'implantation particulière de l'ouvrage.

Et, comme l'a très clairement explicité l'expert, les mouvements observés à l'origine des désordres sont bien horizontaux, ce qui s'explique par le retrait des matériaux argileux, ce retrait s'effectuant principalement dans le sens horizontal, la secousse rétracte entraînant le complexe de surface, sauf dans la partie Est restant ancrée car plus humide (parties du tennis plus ombragé).

Il s'ensuit que les désordres sont imputables à la SARL Mougins Bâtiment, laquelle est responsable de plein droit, aucune cause étrangère n'étant caractérisée en l'espèce, puisque les éventuels manquements des autres constructeurs ne constituent pas une cause étrangère.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé.

Responsabilité de la SARL Atelier d'Architecture 201:

La cour constate que, comme en première instance, le maître d'ouvrage n'a formé aucune demande à l'encontre de la SARL Atelier d'Architecture 201.

La SARL Mougins Bâtiment forme un recours à l'encontre de la SARL Atelier d'Architecture 201 et de son assureur la MAF, en visant les dispositions des articles 1792, 1134 et 1147 devenus 1103 et suivants, et 1240 du code civil, soit l'ancien article 1382 applicable en l'espèce, les travaux ayant été réceptionnés en 2012.

Contrairement à ce que soutiennent la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF, cette demande n'est pas nouvelle ni tardive en appel puisque la SARL Mougins Bâtiment a, par actes du 9 mai 2016, appelé en garantie la SARL Atelier d'Architecture 201 et son assureur la MAF (instance enrôlée sous le numéro 16/2590 jointe à l'instance principale) devant le premier juge, et que dans ses conclusions récapitulatives notifiées par le RPVA le 15 mars 2017, elle a, à titre subsidiaire en cas de condamnation à son encontre, demandé au juge:

- de déclarer la SARL Atelier d'Architecture 201 responsable des désordres, faute d'avoir préconisé une étude préalable du sol (page 11 pièce 6 produite par la MAF),

- de 'juger que l'assureur décennal des constructeurs en cause devra indemniser le coût des reprises, lequel sera limité à l'évaluation chiffrée par l'expert judiciaire, soit 136 032 euros' (page 15 pièce 6),

demande interprétée par le premier juge comme une demande en garantie formée par la SARL Mougins Bâtiment à l'encontre de la MAF, en sa qualité d'assureur décennal de la SARL Atelier d'Architecture 201, et à l'encontre de cette dernière.

Il s'ensuit que les demandes formées par la SARL Mougins Bâtiment à l'encontre de la SARL Atelier d'Architecture 201 et de son assureur la MAF sont recevables.

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, en l'absence de lien contractuel entre la SARL Atelier d'Architecture 201 et la SARL Mougins Bâtiment, cette dernière ne peut rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre que sur un fondement délictuel, ce qui implique l'établissement d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la SARL Atelier d'Architecture 201 était chargée du suivi de l'exécution des travaux, étant rappelé que le 28 septembre 2012, Monsieur [V], architecte de la SARL Atelier d'Architecture 201, a établi une attestation d'achèvement des travaux conforme au plan.

Or, il résulte des pièces produites et des investigations de l'expert que la SARL Atelier d'Architecture 201 n'a pas vérifié la faisabilité technique du projet et ne s'est pas assurée de l'exécution du revêtement du court conformément au cahier des charges, puisque le géotextile qui devait être posé avant mise en place du revêtement ne l'a pas été.

La SARL Atelier d'Architecture 201 et son assureur n'établissent par aucune pièce émanant d'un professionnel de la construction reconnu pour son expertise que les conclusions de l'expert [Y] selon lesquelles le phénomène de fissuration constaté est issu de causes géotechniques multiples liées aux spécificités du site, à la nature argileuse du sol et à la présence de matériaux d'assises assez hétérogènes (remblais) ne sont pas techniquement fondées, et que la cause des désordres trouverait nécessairement et exclusivement son origine dans le revêtement superficiel installé par la société Tennis du Midi et non dans la nature du sol.

Contrairement à ce qui est soutenu, il n'est nullement démontré que l'expert n'a pas tiré les conclusions suffisantes de ses constatations ni qu'il s'est contredit, et le fait qu'il n'y a pas eu un phénomène généralisé de fissurations ou un défaut de planimétrie du court de tennis ne permet pas d'exclure que les fissures sont liées à la mauvaise qualité du terrassement compte tenu de la nature particulière du terrain, laquelle a été mise en évidence par les sondages réalisés par l'expert et ses sapiteurs, en présence de toutes les parties.

Alors qu'il est établi que le maître d'oeuvre ne s'est pas assuré des caractéristiques du terrain d'assise, qu'il n'a émis aucune réserve quant au régalage des terres excavées sur place pour terrasser la plateforme, qu'il a pas vérifié la bonne exécution du revêtement du court conformément au cahier des charges, il a commis des fautes ayant contribué à la réalisation du sinistre, de sorte que sa responsabilité délictuelle est engagée.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du maître d'oeuvre, mais sur un autre fondement et pour d'autres motifs.

Responsabilité de la SAS Tennis du Midi:

La cour constate que, comme en première instance, le maître d'ouvrage n'a formé aucune demande à l'encontre de la SAS Tennis du Midi.

La SARL Atelier d'Architecture 201 et son assureur la MAF, ainsi que la SARL Mougins Bâtiment recherchent la responsabilité de la SAS Tennis du Midi.

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il résulte suffisamment des conclusions de l'expert que les travaux réalisés par la SAS Tennis du Midi ne sont pas conformes au cahier des charges établi pour l'aménagement du court de tennis en Rebound Ace, et que la SAS Tennis du Midi a accepté le support mis en oeuvre par la SARL Mougins Bâtiment sans émettre aucune réserve sur la qualité du terrassement et, notamment sans procéder à des essais à la plaque pour vérifier la portance nécessaire à la construction du court, avant la réalisation de son ouvrage.

La SAS Tennis du Midi a donc également commis une faute ayant contribué à la réalisation du sinistre, de sorte que sa responsabilité délictuelle est engagée.

Sur l'indemnisation

Préjudice matériel:

Au soutien de sa demande d'infirmation quant au montant des travaux de reprise, la société Gryphon Property se contente de faire référence aux devis du 5 janvier 2015 et du 6 janvier 2015 (pièces 19 et 20) qui ont été examinés puis écartés par l'expert, sans expliquer en quoi l'évaluation des travaux faite par l'expert aurait été sous-évaluée comme elle le prétend.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter le chiffrage de l'expert qui correspond à l'exécution des travaux permettant de remédier aux désordres.

En revanche, la société Gryphon Property fait exactement remarquer que le montant retenu par l'expert s'entend HT, de sorte qu'il convient de préciser que la somme de 136 032 euros HT sera assortie de la TVA au taux en vigueur au jour du présent arrêt.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé, sauf à ajouter que la somme allouée de 136 032 euros HT sera assortie de la TVA au taux en vigueur au jour du présent arrêt.

Préjudice de jouissance:

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il résulte des constatations de l'expert et des photographies produites que compte tenu des fissures affectant le revêtement du court de tennis, ce dernier ne peut être normalement utilisé (faux rebonds au droit des fissures, lesquelles sont importantes et se sont aggravées en cours d'expertise).

La société Gryphon Property, maître d'ouvrage établit donc ne pas avoir pu jouir normalement de ce terrain de tennis et subir un préjudice de jouissance qui sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici infirmé.

Sur les condamnations prononcées en réparation des désordres

Comme indiqué précédemment, seule la société Mougins Bâtiment doit être condamnée à payer à la SCI Gryphon Property:

- la somme de 136 032 euros HT assortie de la TVA au taux en vigueur au jour du présent arrêt, au titre des travaux de reprise,

- la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Compte tenu des missions de chacun des intervenants et des fautes commises par la SARL Atelier d'Architecture 201 et par la SAS Tennis du Midi ayant contribué au sinistre, la société Mougins Bâtiment est fondée à être relevée et garantie par ces dernières, ainsi que par leurs assureurs respectifs qui ne contestent pas le principe de leur garantie en cas de condamnation de leurs assurés, à hauteur:

- de 15% par la SAS Tennis du Midi et la SMABTP,

- de 20% par la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF.

Et, la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF seront elles-mêmes relevées et garanties par la SAS Tennis du Midi et la SMABTP à hauteur de 5% des condamnations prononcées à leur encontre.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici infirmé.

Sur les demandes en paiement d'un solde de travaux et de dommages et intérêts formées par la société Mougins Bâtiment

Contrairement à ce qu'elle soutient, la société Gryphon Property n'est pas fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour ne pas régler le solde restant dû d'un montant de 124 204,14 euros à la société Mougins Bâtiment pour les travaux commandés, compte tenu des condamnations prononcées à l'encontre de la société Mougins Bâtiment au titre de la réparation des désordres pour lesquels sa responsabilité a été retenue en vertu des dispositions de l'article 1792 du code civil.

En effet, le maître d'ouvrage ne peut obtenir à la fois la réparation intégrale des désordres affectant l'ouvrage et la dispense de régler le prix des travaux ayant permis la réalisation de l'ouvrage, le droit de se prévaloir d'une exception d'inexécution, n'entraînant pas celui de ne pas s'acquitter du solde de la facture, dès lors que celle-ci correspond à des travaux ayant été exécutés, même si ceux-ci ont été affectés de désordres, ces derniers étant réparés par l'allocation de dommages intérêts correspondant au coût des travaux nécessaires pour y remédier.

La société Mougins Bâtiment n'établissant pas avoir subi un préjudice spécifique directement causé par l'absence du règlement du solde de ses travaux, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté sa demande en paiement de dommages et intérêts.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant partiellement, les parties seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, étant rappelé que les frais de constat d'huissier ne relèvent pas des dépens, en vertu de l'article 695 du code de procédure civile.

Dans leurs rapports, la charge finale des dépens sera supportée comme suit:

- 10 % pour la société Gryphon Property,

- 40 % pour la société Mougins Bâtiment,

- 25 % pour la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

- 25 % pour la SAS Tennis du Midi et la SMABTP.

L'équité commande d'allouer à la société Gryphon Property une indemnité de

4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme au paiement de laquelle la société Mougins Bâtiment, la SARL Atelier d'Architecture 201, la MAF, la SAS Tennis du Midi et la SMABTP seront condamnées in solidum, étant précisé que dans leurs rapports, la charge finale de cette condamnation sera supportée comme suit:

- 40 % pour la société Mougins Bâtiment,

- 30 % pour la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

- 30 % pour la SAS Tennis du Midi et la SMABTP.

En revanche, aucune considération d'équité ne justifie de faire droit aux autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a:

- condamné la SCI Griphon Property à verser à la SARL Mougins Bâtiment la somme de 124 204,14 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 04 octobre 2012,

- débouté la SARL Mougins Bâtiment du surplus de ses demandes,

L'INFIRME pour le surplus, et statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Mougins Bâtiment à payer à la SCI Griphon Property:

* la somme de 136 032 euros HT, assortie de la TVA au taux en vigueur au jour du présent arrêt au titre du préjudice matériel,

* la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

DIT que la société Mougins Bâtiment sera relevée et garantie des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice matériel et du préjudice de jouissance à hauteur :

- de 15% par la SAS Tennis du Midi et la SMABTP,

- de 20% par la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

DIT que la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF seront elles-mêmes relevées et garanties par la SAS Tennis du Midi et la SMABTP à hauteur de 5% des condamnations prononcées à leur encontre au titre du préjudice matériel et du préjudice de jouissance,

REJETTE le surplus des appels en garantie,

CONDAMNE in solidum la société Mougins Bâtiment, la SARL Atelier d'Architecture 201, la MAF, la SAS Tennis du Midi et la SMABTP à payer à la société Gryphon Property une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé que dans leurs rapports, la charge finale de cette condamnation sera supportée comme suit:

- 40 % pour la société Mougins Bâtiment,

- 30 % pour la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

- 30 % pour la SAS Tennis du Midi et la SMABTP,

REJETTE les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société Gryphon Property, la société Mougins Bâtiment, la SARL Atelier d'Architecture 201, la MAF, la SAS Tennis du Midi et la SMABTP aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, étant précisé que, dans leurs rapports, la charge finale des dépens sera supportée comme suit:

- 10 % pour la société Gryphon Property,

- 40 % pour la société Mougins Bâtiment,

- 25 % pour la SARL Atelier d'Architecture 201 et la MAF,

- 25 % pour la SAS Tennis du Midi et la SMABTP,

et en ordonne la distraction.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/03600
Date de la décision : 21/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-21;18.03600 ?
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