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01/07/2022 | FRANCE | N°18/17541

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 01 juillet 2022, 18/17541


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022



N° 2022/250



Rôle N° RG 18/17541 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJQP







[X] [V]





C/





SAS ARTELIA











Copie exécutoire délivrée

le :



01 JUILLET 2022



à :



Me Vanessa MOSCATO de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Romain CHERFILS, avocat au bar

reau d'AIX-EN-PROVENCE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00560.





APPELAN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022

N° 2022/250

Rôle N° RG 18/17541 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJQP

[X] [V]

C/

SAS ARTELIA

Copie exécutoire délivrée

le :

01 JUILLET 2022

à :

Me Vanessa MOSCATO de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00560.

APPELANTE

Madame [X] [V], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Vanessa MOSCATO de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS ARTELLA venant aux droits de la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Bettina SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022 et prorogé au 01 Juillet 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022

Signé par Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, pour le Président empêché et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [X] [V] a été embauchée en qualité d'Ingénieur Projets le 30 mars 2004 par la société THALES Engineering & Consulting.

Son contrat de travail a été transféré le 1er juin 2006 à la société COTEBA DEVELOPPEMENT devenue la société ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE.

Madame [X] [V] a été promue Responsable Activités Bâtiment Public Santé à compter du 1er janvier 2011, puis Directrice de l'agence d'[Localité 3] le 1er septembre 2011. Elle percevait alors une rémunération mensuelle brute de 4850 euros.

Au dernier état de la relation contractuelle, Madame [V] percevait une rémunération mensuelle brute de 5350 euros, outre une rémunération variable.

Par courrier du 19 mars 2015, Madame [X] [V] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 26 mars, reporté par courrier du 25 mars 2015 à la date du 30 mars, puis elle a été licenciée le 9 avril 2015 pour "insubordination, préjudiciable aux intérêts de l'entreprise".

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre, sollicitant l'annulation du forfait jours et réclamant le paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités de rupture, Madame [X] [V] a saisi la juridiction prud'homale par requête du 23 mai 2016.

Par jugement du 25 septembre 2018, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a débouté Madame [X] [V] de toutes ses demandes, a débouté la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Madame [X] [V] aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Madame [X] [V] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2019, de :

- DÉCLARER l'appel de Madame [X] [V] recevable et bien fondé.

- CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence du 25 septembre 2018 en ce qu'il a débouté la Société ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- RÉFORMER le jugement du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence du 25 septembre 2018 :

-en ce qu'il a dit le licenciement justifié pour cause réelle et sérieuse et rejeter la demande de Madame [V] de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse,

-en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande de licenciement abusif et rejeter la demande de Madame [V] de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

-en ce qu'il a dit que Madame [V] était soumise à un forfait annuel en heures et a rejeté ses demandes d'annulation du forfait jour et de rappel des heures supplémentaires et congés payés afférents,

-en ce qu'il a rejeté la demande de contrepartie obligatoire en repos,

-en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

-en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

ET STATUANT À NOUVEAU sur ces chefs de demande,

- DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

EN CONSÉQUENCE :

- CONDAMNER la société ARTELIA à payer à Madame [V] la somme de 87 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- CONSTATER en outre que le licenciement est intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires.

EN CONSÉQUENCE :

- CONDAMNER la société ARTELIA à payer à Madame [V] la somme de 33 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

- PRONONCER l'annulation du forfait-jours,

EN CONSÉQUENCE :

- CONDAMNER la société ARTELIA à la somme de 91 828 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, ainsi qu'à 9182 euros au titre de l'incidence congés payés.

- CONDAMNER la société ARTELIA à la somme de 41 147,19 euros au titre de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos, ainsi qu'à 4114,71 euros au titre de l'incidence congés payés.

- CONDAMNER la société ARTELIA à la somme de 30 814 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

- DÉBOUTER la société ARTELIA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- CONDAMNER la société ARTELIA à payer à Madame [V] la somme de 5000 euros sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile, outre tous les entiers dépens de l'instance.

La SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril à 2019, de :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence le 25 septembre 2018 (RG n° 18/00170) en ce qu'il a débouté la Société ARTELIA Bâtiment & Industrie de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Confirmer dans toutes ses autres dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence le 27 septembre 2018 (RG n° 18/00170)

Et statuant de nouveau :

- Débouter Madame [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Madame [V] à verser à la société ARTELIA Bâtiment & Industrie la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la salariée aux entiers dépens.

La SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE a informé la Cour, par note du 18 mars 2022 déposée au greffe que la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE avait fait l'objet d'une fusion absorption par la société ARTELIA Ville & Transports le 25 septembre 2019, laquelle a fait l'objet d'un changement de dénomination sociale à partir du 1er novembre 2019 et est devenue la SAS ARTELIA.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Madame [X] [V] soutient que l'employeur n'a pas hésité à monter en épingle, aux termes de la lettre de licenciement, un seul et unique fait tenant à une prétendue insubordination de la salariée ; que Madame [V] n'a jamais informé Monsieur [I] de l'entreprise [K] d'un quelconque changement d'organisation sur l'opération des jardins exotiques de [Localité 5] ; qu'elle s'est contentée, face aux interrogations légitimes du client quant au portage financier du projet, de lui répondre que cela était en cours de validation en interne chez ARTELIA et qu'une information prochaine serait donc faite ; qu'elle a tout à fait échangé avec Monsieur [O], Directeur de l'agence de [Localité 5], ce dès l'origine ; que le rendez-vous du 20 mars 2015 a été organisé dans l'urgence à la demande du client et que Madame [V] avait tenté de joindre Monsieur [H], en vain, juste avant la réunion simplement pour l'en informer ; que c'est bien Madame [X] [V] qui avait obtenu commercialement la mission des jardins exotiques de [Localité 5] et dont le projet avait été porté par la suite par son équipe ; qu'à aucun moment, Monsieur [H] n'a été l'interlocuteur principal du client, il l'a été en sa qualité de supérieur hiérarchique de Madame [V], informé du suivi du projet, notamment en étant en copie de tous les mails ; que de l'aveu même de Monsieur [H], celui-ci avait eu connaissance de la réunion du 20 mars, organisée dans la précipitation pour satisfaire à la demande du client, la veille par le biais d'un autre salarié de l'agence d'[Localité 3] ; que s'il ne souhaitait pas que cette réunion se tienne en dehors de sa présence, il avait toute latitude pour adresser un mail à Madame [V], en lui demandant de décaler la date pour lui permettre d'être présent ; que le courriel du 21 mars 2015 adressé par Madame [V] à « Monsieur [B] de FPMC et à Monsieur [KF] de l'entreprise [K], pour leur confirmer (son) implication personnelle sur ce projet ainsi que celle de ses collaborateurs de l'agence d'[Localité 3] », courriel dont Monsieur [H] était en copie, n'allait pas à l'encontre de l'organisation interne décidée, au dernier moment par ARTELIA, puisque comme l'indique l'employeur lui-même dans la lettre de licenciement, sur ce dossier « l'ingénierie allait bien sûr être réalisée par les collaborateurs d'[Localité 3] » ; que la Cour cherchera vainement le moindre élément concret probant démontrant le grief d'insubordination préjudiciable aux intérêts de l'entreprise ; que le motif d'insubordination "réitérée" est faux et a été inventé pour les besoins de la cause et que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La SAS ARTELIA réplique que le choix de faire porter le projet "Jardins exotiques" par l'agence de [Localité 5] était un choix conforme aux axes de développement d'ARTELIA, mais surtout obligatoire sur un plan légal et géographique ; que Madame [V] avait été expressément informée de ce choix par Monsieur [H], dès le Comité Régional Méditerranée du 7 octobre 2014 et à plusieurs reprises, notamment par mail du 13 mars 2015 ; qu'il revenait à Monsieur [H], Directeur de la Région Méditerranée, et à lui seul, de déterminer quel serait le responsable de mission le plus compétent et spécialisé pour intervenir sur ce projet ; que Madame [V] s'est opposée pendant 5 mois durant à la décision de sa hiérarchie concernant le portage du projet "Jardins exotiques" par l'agence de [Localité 5], décision qui n'entraînait aucun préjudice financier pour l'agence d'[Localité 3] ; que Monsieur [H] était le principal interlocuteur des clients, avec lesquels il entretenait en outre une relation de longue date ; qu'en persistant à refuser d'appliquer les consignes de sa hiérarchie et en s'opposant à l'autorité de la Direction d'ARTELIA BI, Madame [V] s'est affranchie de tout lien de subordination ; que le comportement de Madame [V], qui avait alerté ses interlocuteurs de FPMC et de [K] d'un changement d'organisation qu'ARTELIA voulait mettre en place, a eu pour effet immédiat d'entraîner une défiance des clients envers la Société ; que le comportement de Madame [V], avant même le démarrage de l'affaire, mettait en péril le projet et détériorait la relation de confiance d'ARTELIA avec les clients ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande.

***

Le courrier recommandé du 9 avril 2015 a notifié à Madame [X] [V] son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes :

« Vous avez été reçue en entretien préalable à un éventuel licenciement le 30 mars 2015. Cet entretien s'est déroulé en présence de Madame [W] [T] - Directrice des Ressources Humaines - et Monsieur [L] [H] - Directeur Régional d'ARTELIA Bâtiment & Industrie. Vous avez été assistée par un membre du personnel, Monsieur [C] [UV] - Délégué du Personnel de l'agence ARTELIA Bâtiment & Industrie de Nice.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs de cet éventuel licenciement et avons pris note de vos observations. Nous n'avons aujourd'hui d'autre solution que de prononcer votre licenciement et vous en rappelons les motifs.

Vous avez été recrutée par la société Thales Engineering & Consulting le 1er avril 2004, en qualité d'Ingénieur Projets Industriels à l'agence d'[Localité 3]. Suite à une cession d'activités, votre contrat de travail a été transféré le 1er juin 2006 à la société COTEBA DEVELOPPEMENT en vertu de l'application de l'article 122.12 alinéa 2 du Code du Travail; la société COTEBA étant depuis devenue ARTELIA.

De par l'évolution organisationnelle de l'agence d'[Localité 3], vous avez été promue Directrice d'agence au 1er septembre 2011.

Dans le cadre de l'offre du projet des Jardins Exotiques, vous avez participé à la rédaction de l'offre afin de répondre à une demande d'un client; cette offre complexe aussi bien d'un point de vue technique que du point de vue de la taille du projet (plus de 100 millions d'euros de travaux) a été gagnée grâce à la participation active de plusieurs collaborateurs d'ARTELlA.

La Direction d'ARTELIA a été prévenue officieusement du gain de cette opération le 25 Février 2015.

Compte tenu de la taille et de la proximité géographique du projet basé sur [Localité 5], votre Direction a décidé que les phases de conception et de suivi de travaux de l'opération seraient portées par l'agence de [Localité 5].

Le 13 mars 2015, Monsieur [H], votre hiérarchie directe, Directeur de la Région Méditerranée ARTELIA Bâtiment & Industrie, vous a envoyé un mail ainsi qu'à Monsieur [O] - Directeur des agences de [Localité 6] et [Localité 5] - pour vous expliquer I'organisation et pilotage opérationnel de cette affaire importante pour la Région.

Vous avez alors répondu par mail quelques heures plus tard à votre hiérarchie en exprimant votre mécontentement et avez remis en question toutes les décisions prises par votre Direction. En effet, vous avez exprimé votre incompréhension quant aux choix de l'organisation envisagée de ce projet, vous avez expliqué que vous aviez « ramené cette affaire » et que le portage du contrat devait rester à votre agence.

Par retour de mail, Monsieur [H] vous a alors réexpliqué les raisons de son choix d'organisation de par la proximité géographique du projet et du site client à [Localité 5] et vous a rappelé que cette affaire avait été remportée par ARTELIA. II vous a enfin rappelé qu'une « majorité des honoraires reviendrait à l'agence d'[Localité 3] » puisque l'ingénierie allait bien sûr être réalisée par les collaborateurs d'[Localité 3].

Le 16 mars 2015, Monsieur [H] a été appelé par la Direction de FPMC qui lui faisait part de son inquiétude quant à l'organisation du projet des Jardins Exotiques qui « semblait être remise en question».

En effet, il apprenait à Monsieur [H] que vous aviez alerté vos interlocuteurs de FPMC du changement d'organisation qu'ARTELIA voulait mettre en place.

Le Directeur de FPMC a alors clairement expliqué à Monsieur [H] qu'il attendait des explications et ce dernier s'est vu contraint de clarifier et confirmer l'organisation logique qu'il avait décidée afin de rassurer le client.

Votre comportement a, en effet, installé un doute auprès du client quant au sérieux d' ARTELIA et sur son fonctionnement interne. Ceci aurait pu mettre en péril le démarrage de ce nouveau projet dont le contrat n'avait pas encore été notifié et plus globalement détériorer la relation de confiance avant même le démarrage de l'affaire.

Dans la même logique, vous avez pris l'initiative d'organiser une réunion le 19 mars 2015 à l'agence d'[Localité 3] avec ce même client, FPMC et pour ce même projet des jardins Exotiques, afin de présenter un aspect technique de la mission (Maquette numérique) et ce, sans en avoir informé votre hiérarchie Monsieur [H] qui est, de surcroît, l'interlocuteur principal d'ARTELIA auprès de ce client.

Lors de l'entretien préalable du 30 mars, vous avez argué du fait que ce rendez-vous s'était organisé dans des délais extrêmement courts et vous nous avez soutenu avoir été dans l'incapacité de joindre Monsieur [H] pour l'en informer.

Vous avez affirmé qu'à aucun moment vous n'avez eu l'intention de l'écarter de ce rendez-vous. Or, non seulement vous aviez confirmé la date de ce rendez-vous une semaine avant à un collaborateur en interne, mais vous aviez toute la latitude pour prévenir Monsieur [H] avec lequel vous échangiez par téléphone, la veille de ce rendez-vous, sur d'autres projets. Ces éléments montrent que vous vouliez cacher délibérément ce rendez-vous à votre hiérarchie.

Enfin, dès le 21 mars 2015, vous avez écrit un mail à Monsieur [B] de FPMC et à Monsieur [KF] de l'entreprise PIZZAROTII, pour leur confirmer votre implication personnelle sur ce projet ainsi que celle de vos collaborateurs de l'agence d'[Localité 3]. Par ce mail, vous vous êtes positionnée, de fait, comme l'interlocutrice principale de ce client, ce qui allait à l'encontre de l'organisation présentée par votre hiérarchie.

Ainsi à diverses reprises vous avez manifesté ouvertement, directement ou indirectement, votre désaccord sur l'organisation mise en place. Vous avez tenté de faire pression sur votre hiérarchie via le client pour obtenir une modification d'organisation du projet dans le sens que vous souhaitiez. Tout ceci au mépris de l'intérêt du projet et de l'intérêt de l'entreprise.

Eu égard à votre niveau de responsabilité, vous n'êtes pas sans ignorer quels peuvent en être les impacts vis-à-vis d'un client. En effet, vous avez remis en question non seulement en interne mais aussi à l'extérieur l'organisation validée par Monsieur [H], ce qui a eu pour conséquence une défiance de notre client.

Certes, nous pouvons parfaitement concevoir qu'à votre niveau de responsabilités, des divergences puissent être exprimées. Toutefois, la situation actuelle a cependant largement dépassé ce stade. Vous traduisiez dans vos actes, les remises en causes régulières que vous portez sur l'organisation stratégique et organisationnelle de votre Direction. Cette constante opposition ne saurait vous dispenser de suivre très précisément ses instructions sur des sujets dont la décision finale lui incombe.

Votre insubordination, préjudiciable aux intérêts de l'entreprise, est clairement caractérisée. Votre licenciement est dès lors pleinement justifié. Compte tenu de la situation, nous vous dispensons d'effectuer votre préavis de trois mois qui débutera à la date de la première présentation de la présente lettre.

A l'expiration de votre préavis, vous recevrez vos documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Assedic et solde de tout compte).

A réception de ce courrier et compte tenu de la dispense de votre préavis, une personne de la DRH prendra contact avec vous pour la restitution du matériel informatique / téléphonie, badges d'accès, mis à votre disposition dans le cadre de vos fonctions... ».

Si la SAS ARTELIA soutient que Madame [V] était informée du choix de faire porter le projet "Jardins exotiques" dès le Comité Régional Méditerranée du 7 octobre 2014, la pièce 15 qu'elle verse aux débats démontre que Madame [X] [V], en réponse au compte rendu du Comité Régional Méditerranée, a répliqué : « L'offre des jardins exotiques a été faite, et est portée par [Localité 3] et non [Localité 5], j'y tiens c'est vraiment un investissement commercial personnel » (courriel de Madame [V] du 4 novembre 2014 adressé à [L] [H] et [F] [D]). Il n'est pas prétendu ni établi qu'une réponse ait été apportée à Madame [V] par ses interlocuteurs, de sorte qu'il ne peut être conclu qu'à cette date, une décision définitive était prise.

Monsieur [L] [H] a informé [X] [V] et [C] [O], par courriel du 13 mars 2015, que l'opération "Jardin exotique" « est située à [Localité 5] et elle doit être portée par ARTELIA MONACO pour des raisons fiscales et administratives.

C'est donc ARTELIA MONACO qui sera porteur du contrat.

Par ailleurs, nous allons intégrer à [Localité 5] [Z] [E] qui a vocation à traiter en priorité les grands projets à [Localité 5], c'est donc elle qui sera positionnée en responsable de mission.

Bien entendu la partie ingénierie sera traitée par [Localité 3], dans le cadre d'un contrat interne au groupe' ».

Madame [X] [V] a répliqué, par courriel du 13 mars 2015 que l'opération avait été confiée à l'agence d'[Localité 3] notamment par [K] "pour plusieurs raisons liées avant tout aux personnes", que les sociétés [K] et FPMC avaient "insisté pour que les personnes identifiées dans l'offre travaillent sur le sujet et je me suis engagée personnellement à suivre le projet", qu'elle avait "ramené une opération et commercialement il est donc logique de la conserver sur [Localité 3]'".Monsieur [L] [H] a réexpliqué à la salariée, par courriel en réponse du 13 mars 2015, les motifs de sa décision, tout en précisant que "la majorité des honoraires reviendra à [Localité 3] puisque les spécialistes dans l'offre ne changent pas ce sont ceux d'[Localité 3]'".

Si Madame [V] a discuté la décision de son supérieur hiérarchique, dans des termes mesurés, rappelant sa participation active dans le montage de l'offre et sa position d'interlocutrice principale des entreprises clientes, tel que cela résulte des pièces 10 à 16 qu'elle verse aux débats, il ne peut être déduit de cet échange de courriels du 13 mars 2015 que la salariée a remis en question les décisions prises par sa direction.

La SAS ARTELIA produit un autre courriel du 17 mars 2015 de Monsieur [L] [H] rappelant à Madame [X] [V] l'organisation décidée : « Pour cette affaire je ne souhaite pas que tu lâches le projet, je veux simplement que l'on remplace JMA par [Z] [E]' Tu conserves la relation client historique en particulier avec l'agence Pizza de Marseille et ce sont les équipes d'[Localité 3] qui travaillent en ingénierie sur le dossier.

Sur le plan financier la marge sera partagée comme je te l'ai dit.

Je pense que c'est une solution équitable ».

Ce nouveau courriel d'explication de Monsieur [H] ne démontre pas, en l'absence de production du mail de Madame [V] auquel il a été répondu, que cette dernière refusait d'appliquer les consignes de son employeur.

S'agissant du grief relatif à l'alerte donnée par Madame [V] à ses interlocuteurs de FPMC et de [K] sur un changement d'organisation qu'ARTELIA voulait mettre en place, la SAS ARTELIA produit uniquement le courriel du 18 mars 2015 de Monsieur [L] [H] rapportant à sa direction que « elle (Mme [V]) est allée raconter à [K] qu'on voulait changer l'organisation et qu'on voulait certainement l'écarter, ce qui n'est pas le cas' Bref j'ai été appelé par [P] [I] (le DG de [K]) hier, je lui ai proposé de déjeuner à l'aéroport de [Localité 6] et j'ai dû lui expliquer les choses, heureusement on se connaît !

Pour moi c'est la goutte d'eau qui risque de faire déborder le vase mais je pense qu'elle va nous pourrir l'opération si on passe en force vu que les spécialistes sont à [Localité 3]!!!

Surtout et en plus avec une directrice de projet ([Z] [E]) qui arrive !! Cdt ».

Ce seul courriel est insuffisant à démontrer que Madame [V] aurait alerté les clients d'un changement d'organisation voulu par la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE, la salariée ayant fermement contesté ce grief dans le cadre de l'entretien préalable (compte rendu établi par le délégué du personnel assistant Madame [V] - pièce 22 de l'appelante).

La SAS ARTELIA fait valoir que Madame [V] prenait également l'initiative, le 23 mars 2015, de présenter l'agence d'[Localité 3] comme porteuse d'une mission complémentaire au projet des "jardins exotiques" sans en référer à sa hiérarchie. Toutefois, comme cela résulte des échanges de mails des 21 et 23 mars 2015, la proposition de Madame [V] relative à la mission complémentaire a été transmise à Monsieur [L] [H], comme réclamé par lui, pour validation.

Enfin, s'agissant de l'organisation d'une réunion le 19 mars 2015 (en réalité le 20 mars 2015) sans avoir informé la hiérarchie, il n'est pas démontré que Madame [V] aurait délibérément caché ce rendez-vous avec FMPC à Monsieur [H]. La SAS ARTELIA procède par voie d'affirmation et non de démonstration lorsqu'elle affirme que Madame [V] avait confirmé ce rendez-vous "une semaine avant" à un collaborateur en interne et qu'elle s'était abstenue de mentionner ce rendez-vous à Monsieur [H] lors d'un échange téléphonique la veille.

Alors qu'il n'est pas discuté que l'agence d'[Localité 3] devait s'occuper de l'ingénierie, il ne ressort d'aucun élément que Madame [V] ne pouvait pas tenir une réunion technique hors la présence de son supérieur hiérarchique, lequel a interrogé [X] [V] sur la proposition de mission (par courriel du 23 mars 2015 : "Je regarde la fiche de prix. Qui est prévu pour réaliser la maquette '"). Par ailleurs, Monsieur [L] [H] a reconnu être informé la veille, par un collaborateur, de la tenue de cette réunion, et n'a pas manifesté d'opposition ou de volonté d'y participer.

Au vu de l'ensemble des éléments versés par les parties, le licenciement de Madame [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [X] [V] produit un courrier du 24 janvier 2018 de Pôle emploi des périodes indemnisées du 1er février 2016 au 28 septembre 2017 et l'attestation du 8 janvier 2018 de [J] [R], expert comptable de la société OBRA INGÉNIERIE, présidée par Madame [X] [V], l'expert attestant que cette dernière n'a perçu aucune rémunération de la société depuis sa création jusqu'au 31 décembre 2017.

En considération des éléments fournis sur son préjudice, de son ancienneté de 11 ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut (5932,67 euros sur les 12 derniers mois selon fiche de calcul versée en pièce 32 par l'employeur), la Cour accorde Madame [V] la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le caractère abusif du licenciement :

Madame [X] [V] soutient que le 13 avril 2015, une note d'information circulait dans l'entreprise faisant état du départ de l'entreprise de la salariée et de son remplacement par Monsieur [H] alors qu'elle-même ne recevait sa lettre de licenciement que le 14 avril 2015 (pièce 29), qu'il résulte du compte rendu d'entretien préalable que la décision de licencier Madame [V] avait déjà été prise (pièce 22), que la décision de licencier Madame [V] avait été annoncée à l'ensemble du personnel de l'agence d'[Localité 3] (courriel du 13 avril 2015 - pièce 29) ainsi qu'au secrétariat de ARCHITECTES ASSOCIÉS (pièce 25), que Madame [V] avait été informée verbalement par Monsieur [H] de la décision de la licencier le 8 avril 2015 (pièce 30), que ses rendez-vous étaient annulés (pièce 31 : annulation d'un rendez-vous), qu'elle a fini par craquer et a été placée en arrêt maladie le 13 avril 2015 (certificat d'arrêt de travail initial du 11 avril 2015) et qu'elle a été suivie pour état dépressif pendant plusieurs mois (pièce 33: une prescription médicale du 11 avril 2015). Elle sollicite, au titre des circonstances particulièrement brutales et vexatoires ayant entouré son licenciement, le paiement de la somme de 33 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La SAS ARTELIA réplique que l'annonce du départ de Madame [V] ne revêtait aucun caractère vexatoire, cette annonce ayant été faite le 13 avril 2015, soit après la notification de son licenciement ; que Madame [V] n'apporte aucun élément prouvant qu'elle n'aurait reçu sa lettre de licenciement que le 14 avril 2015 ; qu'aucun rendez-vous de Madame [V] n'était annulé en raison de la procédure de licenciement, la référence de la salariée à l'annulation du rendez-vous "avec M. [Y] hôpital [4]" étant de toute évidence purement fortuite, que la société n'est pas non plus responsable de la prétendue détérioration de l'état de santé de Madame [V], laquelle doit être déboutée de sa demande totalement injustifiée.

***

Si Madame [V] n'a reçu le courrier du 9 avril 2015 de notification de son licenciement qu'à la date du 14 avril 2015 (sa pièce 21), elle reconnaît toutefois avoir été informée du licenciement prononcé dès le 9 avril 2015 par sa direction. Si son licenciement a été annoncé au sein de l'entreprise le 13 avril 2015, la salariée était cependant en arrêt de travail pour maladie à partir du 11 avril 2015. L'annulation d'un rendez-vous à la date du 15 avril 2015, alors que la salariée était en arrêt de travail, n'est pas vexatoire.

Il ne résulte pas des éléments versés par l'appelante que les circonstances ayant entouré son licenciement étaient brutales et vexatoires. En conséquence, la Cour déboute Madame [X] [V] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Sur les heures supplémentaires :

Madame [X] [V] fait valoir que, si son contrat de travail initial fait état d'une rémunération basée sur un "forfait heure annuel de 1670 heures", l'employeur a décidé unilatéralement de soumettre la salariée, à compter du mois de juin 2011, à un forfait annuel en jours, comme mentionné sur ses bulletins de paie; que la salariée relevait en 2011 de la position 3.2, ce qui explique vraisemblablement que l'employeur l'ait soumise au forfait annuel en jours, sans obtenir l'accord exprès de la salariée ; qu'en l'absence d'avenant écrit et signé par Madame [V], le forfait jours lui est inopposable ; au surplus, que l'employeur n'a jamais organisé d'entretien annuel individuel concernant la charge de travail de la salariée ; que la convention de forfait en jours est privée d'effet ; que la concluante est dès lors fondée à réclamer le paiement des heures accomplies au-delà de 151,67 heures ; qu'elle verse aux débats un tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle a été contrainte de réaliser à compter du mois de juin 2013 ; que les termes de ce tableau sont corroborés par divers témoignages, lesquels confirment tout à la fois la régularité des horaires de travail de Madame [V] et l'amplitude horaire de celle-ci (arrivée au plus tard à 8 heures et départ au plus tôt à 20 heures) ; qu'elle verse également de très nombreux mails qu'elle a eu à échanger dans le cadre de son activité professionnelle et dont les heures affichées sont parfaitement révélatrices de sa cadence de travail et également de ce que l'employeur ne pouvait ignorer ladite cadence ; qu'il ressort de ce qui précède que Madame [V] a réalisé sur la période de juin 2013 à avril 2015, 1767 heures supplémentaires et qu'il convient de lui accorder un rappel d'heures supplémentaires d'un montant de 91 828 euros de juin 2013 à avril 2015, outre 9182 euros au titre de l'incidence des congés payés.

La SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE soutient qu'aucune convention individuelle de forfait annuel en jours n'a été soumise à Madame [V] ; que pendant toute la durée de son contrat de travail, Madame [V] a bénéficié d'un forfait annuel de 1670 heures réparties sur 215 jours et entre 9 à 13 jours de RTT par an, conformément à l'article 2 de son contrat de travail et à l'Accord sur le temps de travail COTEBA ; que le tableau informatique élaboré par Madame [V] est erroné (la salariée indique avoir travaillé des jours fériés chômés, elle fait référence à une semaine 53 en 2014, elle ne décompte aucun JRTT en 2014, le tableau produit contient bon nombre d'erreurs de calculs) ; que les attestations produites n'indiquent pas des journées commencées à 8 heures et terminées à 20 heures ; que les incohérences relevées démontrent à elles seules l'inconsistance de ces demandes ; que Madame [V] doit être déboutée de ses demandes d'heures supplémentaires ; que la salariée a bénéficié de JRTT pour compenser le temps de travail effectué entre 35 et 39 heures ; que dès lors, seules les heures travaillées à compter de la 40ème heure sur les semaines concernées pourraient être considérées comme des heures supplémentaires ; que si par extraordinaire, la Cour de céans venait à condamner au paiement d'heures supplémentaires, elle allouerait alors à la salariée uniquement la somme de 68 355 euros.

***

L'article 2 du contrat de travail de Madame [V] en date du 30 mars 2004 prévoit que les "appointements annuels sont fixés 32.500 euros sur la base d'un forfait heure annuel de 1.670 heures'".

Les bulletins de paie versés par l'appelante mentionnent :

-un "FORF HOR ANNUEL 1670,00 H. TRAV" sur le bulletin de paie de juin 2006,

-un "forfait heures" sur le bulletin de paie de janvier 2011,

-un "Forfait annuel jours" sur les bulletins de paie de juin et de novembre 2011 et de décembre 2012, étant précisé par ailleurs le versement du salaire mensuel au titre des "appointements 166,83 heures"

-un "Nbre d'heure/Forfait" : "215 jours" sur les bulletins de paie de juin à août 2013, d'octobre 2013 à juillet 2014, de septembre 2014 à février 2015 et de juillet 2015.

La référence sur les bulletins de paie à "215 jours" de travail n'est pas révélatrice d'un forfait jours compte tenu que l' "Accord d'harmonisation du temps de travail au sein du groupe COTEBA" en date du 30 décembre 2008 (pièce 43-1 versée par l'employeur) précise, au titre de la "modalité 2 : Le forfait en heures sur l'année", que "la réduction du temps de travail est organisée par :

- Un forfait en heures sur l'année de 1677 heures (y compris une journée de 7 heures au titre de la Loi de solidarité du 30 juin 2004) ;

- réparti sur 215 jours de travail (y compris une journée de 7 heures au titre de la Loi de solidarité du 30 juin 2004) indépendamment du nombre de jours de l'année et du positionnement calendaire des jours fériés ;

- L'attribution de 9 à 13 jours au titre de la réduction du temps de travail selon les années".

Il résulte par ailleurs de l'ensemble des bulletins de paie de Madame [V] que celle-ci a bénéficié de jours de RTT, ce dont il peut être déduit que son temps de travail était décompté en heures, sur la base d'un forfait annuel de 1670 heures, correspondant à un horaire indicatif de 38,5 heures hebdomadaires (166,83 heures mensuelles mentionnées sur les bulletins à partir de juin 2011) [selon l'Accord du groupe, le forfait annuel de 1677 heures correspond à un horaire indicatif de 39 heures hebdomadaires avec l'attribution de jours de RTT pour les horaires effectués de la 36ème à à 39ème heure hebdomadaire].

Il n'était donc pas convenu entre les parties de l'application d'un forfait jours, peu importe que la salariée ne rentrait plus dans la catégorie des salariés visés par la modalité 2 de l'Accord du groupe sur la réduction du temps de travail après l'obtention en 2011 de la position 3.2, aucun avenant n'ayant été signé entre les parties aux fins de modifier l'article 2 du contrat de travail de Madame [V].

La SAS ARTELIA ne verse aucun élément susceptible de justifier du décompte annuel des heures de travail accomplies par la salariée, dans la limite du forfait de 1670 heures.

Madame [V], qui peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires exécutées au-delà du forfait annuel de 1670 heures, produit un tableau des heures supplémentaires qu'elle réclame sur la période de juin 2013 à avril 2015 pour un montant total de 91 828 euros. Elle précise dans ce tableau avoir exécuté au minimum 11 heures de travail par jour, ayant été présente au bureau à 8 heures "au plus tard" et "départ pas avant 20h00", sans pause déjeuner ("Si pas de déjeuner extérieur pas de pause déjeuner (30 minutes/1h arrêt au plus) Donc base 11h par jour"), ayant inscrit un horaire journalier de 11 heures, parfois plus (13h, 14h) avec quelques commentaires ("Mardi : Train pour [Localité 7]", "Mercredi : Salon Hôpital expo sur [Localité 7] + Soirée inauguration", etc.).

Elle produit également l'attestation du 1er décembre 2017 de Monsieur [N] [U], salarié de l'entreprise de juin 2008 à septembre 2016, qui rapporte le dévouement de Madame [V] "au-delà des heures et des jours normaux de travail", l'attestation du 8 décembre 2017 de Madame [S] [G], ingénieur d'études puis directeur technique au sein de l'agence d'[Localité 3] de 2007 à 2015, qui rapporte la grande implication professionnelle de Madame [V] qui "s'exprimait notamment au travers de la très grande amplitude horaire de ses journées, de ses week-ends'souvent déjà présente lorsque (Mme [G]) arrivait vers 8h/ 8h30... et de même le soir quand (Mme [G]) quittait (son) poste vers 17h30/18h00, elle était également encore présente" et l'attestation du 8 janvier 2018 de Monsieur [A] [M], ingénieur, qui rapporte que "entre le mois de novembre 2007 et le mois de février 2015, Madame [V] était systématiquement présente à son poste avant d'arriver le matin au bureau... entre 7h45 et 8h20 chaque jour... (et) après mon départ du bureau s'exécutant en moyenne entre 19h00 et 20h00 chaque jour... à l'occasion des rendus des concours que l'agence produisait, j'étais présent lors des bouclages qui pouvaient avoir lieu le week-end précédant les rendus. Lors de ces bouclages, Madame [V] était toujours la dernière personne à partir du bureau' Madame [V] me transmettait des e-mails parfois tard dans la nuit, y compris après 23h et également le week-end. Depuis 2011, mis à part dans le cadre commercial, Madame [V] ne s'autorisait que très rarement à prendre une pause déjeuner'".

Madame [V] verse enfin de nombreux courriels qu'elle a envoyés à des heures tardives (22h36, 00h02, 03h43,') sur la période de septembre 2013 à mars 2015 (pièces 47), y compris à sa direction.

Madame [X] [V] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées dans le cadre du forfait annuel en heures, d'y répondre en produisant ses propres éléments.

La SAS ARTELIA critique les éléments versés par l'appelante, relève des erreurs de calcul dans le tableau produit mais ne verse aucune pièce de nature à établir les heures effectivement réalisées par la salariée sur les années 2013 à 2015.

Au vu des éléments versés par l'appelante, la Cour constate que Madame [V] présente un calcul de ses heures de travail sur 2013, de juin à décembre 2013, et non sur l'année. Il n'est pas possible, dans ces conditions, de calculer les heures exécutées au-delà du forfait annuel de 1670 heures sur l'année 2013 (la salariée ne prétendant pas avoir exécuté plus de 1670 heures sur la seule période de juin à décembre 2013).

Sur l'année 2014, Madame [X] [V] soutient avoir exécuté 942 heures supplémentaires au-delà des 35 heures hebdomadaires, soit un total de 2622 heures de travail sur l'année, soit 952 heures supplémentaires exécutées au-delà du forfait annuel de 1670 heures. Toutefois, la salariée n'a pas déduit ses jours de RTT, équivalant à 3,5 heures hebdomadaires.

Sur l'année 2015, alors que le contrat de travail a été rompu par la mesure de licenciement en date du 9 avril 2015, les heures supplémentaires accomplies par Madame [V] sont celles exécutées au-delà de 38,5 heures hebdomadaires, la salariée ayant bénéficié de jours de RTT pris et du paiement du reliquat des RTT acquis sur son bulletin de paie de juillet 2015 (pièce 30-31 versée par l'employeur).

Ainsi, la Cour reconnaît l'existence d'heures supplémentaires accomplies par Madame [V] et qui ne pouvaient être ignorées par l'employeur, réceptionnant à des heures tardives les mails de la salariée, soit 784 heures supplémentaires exécutées sur l'année 2014 et 208 heures supplémentaires exécutées sur l'année 2015.

En conséquence, il est accordé à Madame [V] la somme brute de 51 552,56 euros au titre des heures supplémentaires impayées et non compensées, ainsi que la somme brute de 5155,26 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la contrepartie obligatoire en repos :

Il convient d'accorder à Madame [X] [V] une contrepartie obligatoire des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, égale à 100 % des heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Le contingent annuel d'heures supplémentaires étant de 220 heures et au vu du nombre d'heures supplémentaires accomplies par la salariée, la Cour accorde à Madame [X] [V] la somme brute de 19 100,17 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos, ainsi que la somme brute de 1910,01 euros de congés payés y afférents.

Sur le travail dissimulé :

Alors que la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE n'a pas décompté les heures de travail de Madame [X] [V] dans le cadre du forfait heures et qu'elle ne pouvait ignorer les nombreuses heures supplémentaires exécutées par la salariée, au vu des heures de présence de celle-ci sur l'agence et des heures tardives d'envoi de courriels à sa direction, il est établi que la société a intentionnellement dissimulé le nombre d'heures de travail accompli par la salariée.

En conséquence, la Cour fait droit à la prétention de Madame [V] et lui accorde la somme de 32 814 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif et en ce qu'il a reconnu l'application du forfait annuel en heures,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Dit que le licenciement de Madame [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS ARTELIA venant aux droits de la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE à payer à Madame [V] les sommes suivantes :

-50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-51 552,56 euros d'heures supplémentaires,

-5155,26 euros de congés payés sur heures supplémentaires,

-19 100,17 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos sur heures supplémentaires,

-1910,01 euro de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos,

-32 814 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Condamne la SAS ARTELIA venant aux droits de la SAS ARTELIA BATIMENT ET INDUSTRIE aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [X] [V] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER Mme Stéphanie BOUZIGE, Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/17541
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;18.17541 ?
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