La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2022 | FRANCE | N°18/16253

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 01 juillet 2022, 18/16253


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 01 JUILLET 2022



N° 2022/ 141



RG 18/16253

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFZV







[O] [B]





C/



SASU SUPER AZUR



















Copie exécutoire délivrée le 1er Juillet 2022 à :



-Me Maud ANDRIEUX, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE







r>




















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Septembre 2018





APPELANT



Monsieur [O] [B], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022

N° 2022/ 141

RG 18/16253

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFZV

[O] [B]

C/

SASU SUPER AZUR

Copie exécutoire délivrée le 1er Juillet 2022 à :

-Me Maud ANDRIEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Septembre 2018

APPELANT

Monsieur [O] [B], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S SOCIETE D'EXPLOITATION AMIDIS ET COMPAGNIE, venant aux droits de la Société SUPER AZUR, laquelle venait aux droits de la S.A.S ERTECO France, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Maud ANDRIEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle De REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022

Signé par Madame Estelle De REVEL, Conseiller et Madame Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [B] a été engagé par la société ED, devenue société Erteco, aux droits de laquelle est venue la société Super Azur puis désormais la société d'Exploitation Amidis et Compagnie, suivant contrat à durée déterminée prenant effet le 18 décembre 2006, puis par contrat à durée indéterminée, en qualité d'employé commercial de caisse.

M. [B] était affecté au magasin ED, devenu Dia de Marseille Saint-Loup.

Par avenant du 1er décembre 2011, le salarié a été promu adjoint chef de magasin.

Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par les dispositions de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, M. [B] occupait le poste d'adjoint chef de magasin, statut agent de maîtrise, niveau 5.

A partir du 4 décembre 2015, le contrat de travail du salarié a été suspendu du fait d'un arrêt maladie pour accident du travail suite à un incident survenu au sein du magasin le 3 décembre 2015 alors que M. [B] était présent.

M. [B] a déposé plainte devant les services de police de [Localité 2] pour des faits qualifiés de 'vol simple, destruction ou dégradation de biens privés et menace' qui a fait l'objet d'un classement sans suite avec rappel à la loi à l'auteur identifié.

Le 3 mars 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille en vue d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et sa condamnation au paiement de diverses indemnités.

Par courrier du 31 mars 2016, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 13 septembre 2018, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

'Requalifie la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par [O] [B] en une démission

Déboute M. [B] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société Super Azur

Condamne M. [B] à verser à la société Super Azur la somme de 4 170,77 euros à titre indemnitaire pour préavis non effectué

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [B] aux entiers dépens de la présente procédure

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne seraient pas de plein droit exécutoires par application de l'article R.1454-28 du code du travail

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'.

Le 12 octobre 2018, M. [B] a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2019, M. [B] demande à la cour de :

'Infirmer sinon réformer le jugement du 13 septembre 2018 rendu par le Conseil des Prud'hommes de Marseille,

Constater la violation de l'obligation de sécurité par la société ERTECO.

Dire et juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence de quoi,

Condamner la société ERTECO aux sommes suivantes :

Indemnité compensatrice de préavis : 4 136€ outre 413€ de congés payés

Indemnité de licenciement : 3 860€

Dommages et intérêts : 30 000€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dommages et intérêts : 5 000€ pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

Assortir ces condamnations des intérêts légaux capitalisés depuis le jour de la saisine de lajuridiction.

Il sera également ordonné la condamnation de la société à verser à Monsieur [B] les entiers dépens et une somme due au titre de l'article 700 à hauteur 3000 €'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, la société Super Azur demande à la cour de :

'CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes du 13 septembre 2018,

En conséquence,

JUGER que l'employeur n'a pas manqué à son obligation légale de sécurité,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [B] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros de ce chef,

JUGER que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [B] doit s'analyse en une démission,

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [B] de ses demandes indemnitaires et de dommages et intérêts au titre de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail,

Le CONDAMNER à la somme de 4.170,77 euros à titre indemnitaire en compensation du préavis non effectué,

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [B] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Le CONDAMNER aux entiers dépens.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'obligation de sécurité

En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés, prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par l'article L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

En cas d'action en résiliation du contrat de travail ou de prise d'acte par un salarié qui, étant victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il appartient à l'employeur qui la considère injustifiée de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat.

En l'espèce, M. [B] fait valoir que l'employeur ne démontre pas avoir mis en oeuvre les mesures nécessaires pour évaluer les risques liés aux incivilités et violences, ni pour prévenir efficacement ces risques ou qu'elle avait mis en place une organisation et des moyens adaptés pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

Il considère que la société ne peut prétendre avoir été confrontée à un événement imprévisible et insurmontable lors des faits du 3 décembre 2015.

Le salarié soutient que le nombre d'heures de gardiennage était insuffisant et n'a en réalité été porté à 355 qu'après les faits du mois de décembre 2015, et que les travaux pour remédier aux insuffisances pointées par l'inspecteur du travail s'agissant de l'accès du magasin comme n'étant pas assez entravant, n'ont été faits qu'en 2016. Il critique encore le manque de formation et de consigne sur les règles de sécurité qu'il juge inefficaces.

Il dénonce l'absence d'armoire verrouillée pour les bouteilles d'alcool, pourtant réclamée, et qui aurait évité les vols.

Il regrette l'insuffisance de la diffusion des consignes de sécurité auprès des salariés, des formations et le peu d'aide et de soutien en dépit des nombreux incidents.

La société soutient avoir pris les mesures nécessaires à la prévention et la protection de la santé physique et mentale des salariés du magasin de [Localité 3] en adoptant un accord collectif sur la santé et la sécurité au travail depuis 2011, en ayant élaboré des consignes contre les braquages et agressions et diverses procédures de sécurité, outre un document unique d'évaluation des risques, et en ayant formé ses salariés en terme de sécurité.

La société indique avoir mis en place un dispositif de vidéosurveillance et de gardiennage par vigile et maître-chien, d'ailleurs présents le 3 décembre 2015.

Elle précise avoir fait le nécessaire auprès de ses salariés après les faits en ayant déclenché le système de prise en charge et l'accompagnement psychologique de ses salariés en cas d'événement traumatisant.

Elle indique avoir informé le CHSCT des mesures prises et mises en place et des incidents survenus au cours de l'année, lequel n'a pas considéré le magasin comme sensible et n'a pas déclenché d'enquête, et ajoute que le médecin du travail n'a jamais fait d'alerte spécifique sur de quelconque manquement.

Elle soutient avoir procédé aux affichages nécessaires dans le magasin des procédures et des consignes de sécurité, en avoir informé les employés qui ont été formés sur les dispositifs de prévention.

M. [B] produit un relevé d'incidents internes (pièce 1) qui concerne aussi bien les dysfonctionnements techniques que les incidents et agressions survenus dans le magasin depuis 2013. Ce relevé, qui a fait l'objet d'une analyse détaillée par le premier juge, fait apparaître des vols et incivilités, notamment un braquage à la fin de l'année 2014, des vols et incivilités entre janvier et avril 2014, puis septembre 2014, des vols en automne 2015 et le fait que des jeunes scolarisés dans un lycée voisin soient venus insulter les employés le 16 novembre 2015.

L'employeur justifie avoir mis en place :

- dès 2012, un système de vidéosurveillance comprenant 14 caméras en 2014 (pièce 20).

- depuis 2013, un système de surveillance du magasin dont les planning produits aux débats montrent une augmentation de l'amplitude horaire des gardiens entre 2013 et 2015 pour aboutir à 322,5 heures par mois en décembre 2015 (127 heures en 2013), étant précisé qu'il s'agit du plus gros volume d'heures en comparaison avec les magasins de la région sans que le magasin de [Localité 3] ne soit classé 'sensible' par le CHSCT. Il est encore observé qu'outre un agent de surveillance, il y avait la présence d'un maître-chien dans le magasin notamment le jour des faits.

- des formations à la sécurité et au risque d'agression auprès des salariés, que ce soit lors de l'entrée dans la société (pièce 26 et 27) ou au cours du contrat de travail.

- un suivi après les faits du 3 décembre 2015 avec prise en charge des salariés et information du médecin du travail, inspection du travail.

Le rapport de l'inspection du travail daté du 1er février 2016, réalisé après une visite de l'établissement en janvier 2016, suite 'aux agressions extérieures survenues à l'encontre du personnel en 2015", fait état des mesures de surveillance et de sécurité du magasin, tant en moyens matériels qu'humains, notamment 'la présence entre le lundi et le samedi sur toute l'amplitude horaire d'ouverture du magasin d'un agent de sécurité et d'un maître-chien entre 12 h et 15 h'. Sont encore relevés au titre des mesures de sécurité existantes au moment des faits, la présence de diverses cameras de vidéo-surveillance avec enregistrement momentané des données et le fait de fermer le rideau avant les opérations de caisse en fin de journée. Si aux termes de ce rapport, l'inspecteur du travail recommande de rendre plus visible la signalétique de sécurité déjà en place 'mais par trop discrète' et de faire des modifications dans le sens de circulation du magasin relevant de manière générale qu''une trop grande facilité pour accéder et surtout ressortir d'un magasin contribue à un plus grand risque de survenance d'agressions et de vol', il note qu'il ne peut y 'avoir de mesure de sécurité absolue, compte tenue de la nature du risque lié à des agressions extérieures, la prévention des risques professionnels consiste, en la matière, à prévenir et plus précisément le plus possible le risque de renouvellement de tels accidents'.

Aux termes des deux rapports CHSTC de l'année 2015, produits aux débats, le magasin n'était pas signalé comme sensible et aucune demande complémentaire n'a été faite par rapport aux dispositifs existants. Selon l'attestation de la secrétaire du CHSTC , l'employeur avait réagi bien avant les faits de 2015 aux incidents dont le magasin pouvait être l'objet ; elle indique en effet 'compte tenu du fait qu'il y avait un vigile et un maître-chien sur le magasin mais également qu'à ma connaissance, les salariés du magasin n'avaient pas été personnellement attaqués ce jour-là, je n'ai pas jugé utile en ma qualité de secrétaire et en demandant l'avis des autres membres de cette instance, de faire une enquête. De plus, dans ce magasin il y avait un membre élu en tant que délégué du personnel qui y travaillait, lequel avait signalé à la direction en réunion courant 2015 les incivilités dont le magasin faisaient l'objet et que compte tenu des faits, la direction avait mis en oeuvre tous les moyens nécessaires en termes de protection, notamment du gardiennage supplémentaire avec un maître-chien'.

Le document unique d'évaluation des risques a été mis à jour pour la dernière fois en novembre 2015 notamment par la chef de magasin qui a noté, s'agissant de la sécurité, que le point de vente avait subi plusieurs agressions et braquages et que des améliorations avaient été pratiquées par l'équipement de 'surveillance multicaméras en 2011 + présence agent de sécurité aux heures sensibles'. Mme [U], salariée ayant mis à jour le document, n'y évoquait aucune amélioration à effectuer.

La cour relève avec le juge départiteur que le reproche fait par M. [B] de ne pas interdire l'accès du magasin aux lycéens est inopérant dès lors qu'il s'analyserait en un refus de vente illicite; il en est de même s'agissant de l'absence d'entreposage des bouteilles d'alcool dans une armoire verrouillée dès lors que le vol d'alcool n'est pas exclusif de tout autre incident dans le magasin.

Il est établi que M. [B] s'est vu remettre le livret d'accueil comme c'est le cas pour tous les salariés, et qu'il a été avisé des fiches de procédures détaillant les conduites à tenir en cas d'agression, de cambriolage, de dégradation, d'incendie ou encore de vol.

Il est encore démontré par les pièces et attestations que les formations en matière de sécurité étaient proposées (pièce 43) notamment aux agents de maîtrise.

S'agissant des faits du 3 décembre 2015, M. [B] indique dans sa plainte qu'un groupe de jeunes est venu dans le magasin, que l'agent de sécurité et le maître-chien leur ont interdit l'accès les connaissant pour des vols, qu'il y a eu des insultes et une bagarre et que le maître-chien a lâché le chien. Il précise que cela a permis aux salariés de se retrancher dans le magasin pour se protéger.

La cour constate que le salarié a été informé par le procureur près le tribunal de grande instance de Marseille du classement de sa plainte, tel que prévu par la loi, aucun pouvoir de la sorte n'étant attribué à l'employeur.

La cour retient, après examen de ces éléments, que l'employeur a pris en compte les incidents et agressions répétitives commises entre 2013 et 2015 relevés dans le rapport interne concernant la sécurité du magasin de [Localité 3] en lien avec sa situation géographique à proximité d'un établissement scolaire sensible, et les demandes des salariés. Il a en effet agi pour prévenir le risque et faire en sorte qu'il ne se réalise pas en utilisant les outils juridiques et experts de la prévention (surveillance gardiennage), en établissant un document unique d'évaluation des risques professionnels, en formant ses salariés, en dialoguant avec le CHSCT, et avec le médecin du travail.

L'attestation d'une salariée, Mme [D] épouse [V], qui se borne à affirmer que 'la clôture des tickets IRIS n'entraînait pas forcément la résolution des problèmes et ce dans tous les magasins' et que 'nous rencontrions dans tous les magasins des problèmes de sécurité car le nombre d'heures attribuée était minime comparé à l'amplitude horaire du magasin, est trop imprécise et, faute d'exemple de situation concrète, elle ne permet pas de corroborer que l'employeur ne traitait pas les incidents qui lui étaient signalés par les relevés susvisés.

Il en est de même de l'attestation d'un individu indiquant avoir été gardien du magasin de [Localité 3] pendant deux ans, sans aucune précision de date.

Le salarié ne peut faire grief à la société de ne l'avoir pas informé en amont sur les mesures de prévention au vu de ce qui précède, de n'avoir pas réagi aux relevés d'incident et de ne pas avoir mis en place les mesures suffisantes pour assurer la sécurité des salariés dans le magasin.

Il convient, en l'espèce, de constater que les faits du 3 décembre 2015 et ceux antérieurs, étaient commis par des individus extérieurs à la société et sur lesquels celle-ci ne possédait aucune autorité de droit ou de fait.

La cour dit en conséquence que l'obligation de l'employeur concernant l'objectif de prévention qui est au fondement des dispositions légales et le souci d'en assurer l'effectivité, est en l'espèce satisfait dès lors que toutes les mesures nécessaires ont été prises.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande d'indemnité pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur la prise d'acte

Lorsque le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire puis qu'il a pris acte de la rupture, le juge examine le bien-fondé de la prise d'acte, la demande de résiliation judiciaire étant alors sans objet puisque le contrat de travail a pris fin, en examinant l'ensemble des griefs invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire et de la prise d'acte.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Par courrier du 31 mars 2016, M. [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants:

« Je vous indique par la présente que j'ai décidé de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.

Vous ne pouvez ignorer que j'ai en effet été victime d'une violente agression sur mon lieu de travail pendant l'accomplissement de mes fonctions et je considère, tout comme d'autres salariés présents le même jour que moi, que ces faits inadmissibles n'ont pu se produire et se renouveler que parce que vous n'avez pas pris conscience des conditions de travail dans lesquelles nous travaillons.

J'estime en effet que ma personne n'est pas mise en sécurité et que, malgré plusieurs alertes, vous n'avez pas pris les mesures nécessaires afin d'assurer ma sécurité.

Ceci est d'ailleurs la cause de ma présente saisine du Conseil des Prud'hommes en résiliation judiciaire et j'estime que la gravité des faits qui se sont déroulés empêche toute poursuite du contrat.»

Le salarié fonde exclusivement sa prise d'acte sur la violation par l'employeur de son obligation de sécurité. Mais, la cour ayant considéré qu'il ne pouvait être retenu aucun manquement de ce chef, il convient en conséquence de dire que la prise d'acte est une démission conformément à ce qui a été décidé par le premier juge.

Le salarié est débouté de ses demandes indemnitaires.

La prise d'acte aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse étant jugée injustifiée, comme l'ont exactement décidé les premiers juges, la société est en droit de réclamer une indemnité au titre du préavis non exécuté.

Il convient de condamner le salarié à verser à l'employeur la somme de 4.170,77 euros conformément aux dispositions conventionnelles, tel que réclamé par la société.

Sur les autres demandes

M. [B] qui succombe doit supporter les dépens et être condamné à payer à la société la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris sauf s'agissant du montant de l'indemnité de préavis,

Condamne M. [O] [B] à payer à la société d'Exploitation Amidis et Compagnie, venant aux droits de la société Super Azur, laquelle venait aux droits de la société Erteco, les sommes suivantes:

- 4 170,77 euros à titre d'indemnité de préavis non exécuté,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] [B] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/16253
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;18.16253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award