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01/07/2022 | FRANCE | N°18/15709

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 01 juillet 2022, 18/15709


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 01 JUILLET 2022



N° 2022/ 140



RG 18/15709

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDELT







[R] [E]





C/



SAS STANLEY SECURITY FRANCE

























Copie exécutoire délivrée le 1er Juillet 2022 à :



- Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON



-Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEI

LLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00342.





APPELANT



Monsieur [R] [E], demeurant [Adress...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2022

N° 2022/ 140

RG 18/15709

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDELT

[R] [E]

C/

SAS STANLEY SECURITY FRANCE

Copie exécutoire délivrée le 1er Juillet 2022 à :

- Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

-Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00342.

APPELANT

Monsieur [R] [E], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

SAS STANLEY SECURITY FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Paul CHENIAU, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle De REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022

Signé par Madame Estelle De REVEL, Conseiller et Madame Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [E] a été engagé par la société Compagnie Européenne de Télésécurité en qualité d'opérateur par contrat de travail à durée déterminée du 15 juin 1993 qui s'est poursuivi par un contrat à durée indéterminée.

Son contrat de travail a été transféré à la société Eurostation puis à la société Staneley Security France à compter du 7 février 2013.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, régie par les dispositions de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, le salarié était superviseur, niveau 2, échelon 2, coefficient 200, catégorie agent de maîtrise.

Le 31 août 2016, la société a notifié un avertissement à M. [E], lequel l'a contesté le 7 septembre 2016.

Le 4 octobre 2016, la société l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 octobre 2016, reporté au 25 octobre suivant.

Le 9 novembre 2016, M. [E] s'est vu notifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant le bien fondé de la rupture et réclamant la nullité de l'avertissement, le salarié a, le 7 avril 2017, saisi le conseil de prud'hommes de Martigues, lequel l'a, par jugement du 28 septembre 2018, débouté de l'ensemble de ses demandes et a laissé les dépens des parties à leur charge respective.

Le 4 octobre 2018, le salarié a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 octobre 2018, M. [E] demande à la cour de :

'Recevoir l'appel du concluant comme étant régulier en la forme et juste au fond ;

- Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- Annuler l'avertissement du 31 août 2016.

- En conséquence, condamner la SASU STANLEY SECURITY France au paiement de la somme de 2.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [R] [E] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse pour les causes sus énoncées.

- En conséquence, condamner la SASU STANLEY SECURITY France au paiement de la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts du fait du caractère abusif du licenciement.

- Condamner la SASU STANLEY SECURITY France au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

- Condamner la SASU STANLEY SECURITY France aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2019, la société Stanley Sécurity France demande à la cour d'appel de :

'CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Martigues du 28 septembre 2018

- CONSTATER la réalité des manquements de Monsieur [E]

- JUGER que l'avertissement du 31 août 2016 est légitime et justifié

- DEBOUTER Monsieur [E] de sa demande indemnitaire liée à sa demande d'annulation de l'avertissement du 31 août 2016

- CONSTATER la réalité et le sérieux des manquements de Monsieur [E] la nuit du 8 au 9 août 2016

- JUGER que le licenciement intervenu repose sur une cause réelle et sérieuse

- DEBOUTER Monsieur [E] de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- DEBOUTER Monsieur [E] de l'intégralité de ses autres demandes

- CONDAMNER Monsieur [E] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

La recevabilité de l'appel n'étant pas remise en cause par l'intimée, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

Sur la sanction disciplinaire

L'article L.1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l'article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, la lettre d'avertissement est libellée ainsi :

'Nous vous avons demandé d'expliquer la teneur de l'échange téléphonique que vous aviez eu avec l'un des responsables de la société Paris Saint-Denis Aero, le 15 juin à 4h26 du matin.

Pour mémoire, lors de l'échange que vous avez eu avec M. [O] [L], l'un des destinataires d'alerte de ce compte, lequel se plaignait de la non application des consignes d'alerte et du comportement d'un des opérateurs de votre équipe, vous vous êtes engagé, d'une part à lui transmettre un rapport écrit sur l'incident, dès le lendemain matin, ce qui n'a pas été fait. Et vous avez refusé, d'autre part, de vous identifier lorsqu'il vous en a fait la demande.

Vous avez reconnu les faits et avez justifié ce manquement par l'heure de l'appel la charge de travail et une saisie erronée.

Nous précisions, à ce propos, que la vérification faite le 17 juin suivant infirmait l'erreur de saisie. La consigne 'intrusion' n'avait pas été appliquée.

Par ailleurs, nous vous avons demandé dans la seconde partie de notre entretien les raisons pour lesquelles vous n'aviez pas déclaré les retards répétés en date du 30 mai, du 4 juin et du 13 juin 2016 de M. [G].

Vous avez reconnu les faits et avez justifié ces manquements en nous expliquant que vous aviez reçu M. [G] à trois reprises pour une sensibilisation.

Nous vous avons fait remarquer que l'importance de ces retards, allant de 60 à 90 minutes impliquait une saisie, par vos soins, dans le logiciel de gestion RH, mais aussi l'information de votre responsable hiérarchique, ce que vous n'avez pas fait.

Ces manquements répétés génèrent une iniquité entre les membres de l'équipe dont vous avez la charge. En outre, nous vous rappelons que vous avez déjà été convoqué et sensibilisé par courrier recommandé avec accusé de réception, le 18 septembre 2015 sur le respect des procédures RH.

Nous constatons à regret que la mansuétude dont il a été fait preuve à votre encontre n'a aucun effet.

En l'occurrence, nous vous informons que ces divers manquements sont sanctionnés par un avertissement qui sera porté à votre dossier.'

La SAS Staneley Security France soutient que :

- M. [E] s'est engagé à transmettre à M. [L] un rapport écrit concernant un incident, ce qu'il n'a pas fait

- le salarié n'a pas déclaré les retards répétés d'un de ses collaborateurs alors qu'il aurait dû le faire auprès des services des ressources humaines et que la gestion des plannings et des absences faisait partie de sa fiche de fonction.

Pour contester le bien-fondé de son avertissement, M. [E] expose que :

- il ne s'est jamais engagé à faire un retour écrit au client,

- en tout état de cause, l'employeur reconnaît avoir reçu un rapport d'incident,

- il tenait un tableau de suivi s'agissant des retards.

A titre liminaire, la cour constate que M. [E] ne soulève pas la prescription des faits ayant donné lieu à la sanction disciplinaire, moyen que la cour ne peut suppléer d'office.

L'existence des retards du salarié [G] n'est pas contestée et, s'il est exact que M. [E] a établi un tableau de suivi intitulé 'support de suivi des opérateurs' qui mentionne les retards du salarié (au nombre de 5 entre le 8 avril et le 13 juin 2016) et les rappels du règlement intérieur qu'il a pu lui faire verbalement, il n'est pas démontré qu'il ait communiqué ce tableau à sa hiérarchie. Or, au vu du caractère répété de ces retards et de leur ampleur, l'employeur, qui détient le pouvoir de sanction, est fondé à considérer qu'il aurait dû en être averti par M. [E] qui était superviseur, catégorie agent de maîtrise.

Le grief est ainsi fondé.

S'agissant de l'incident avec M. [L] :

Au vu des pièces produites, l'appelant a fait part de l'incident du 15 juin à son employeur à peine une heure après sa survenance, dans un mail intitulé 'communication compliquée'précisant que 'le client va sans doute rappeler ce matin'. Aucun élément n'est produit par l'employeur selon lequel M.[E] se serait engagé envers le client à lui faire un rapport écrit sur l'incident. Le grief n'est pas établi.

En revanche, selon les explications de M. [E], il reconnaît avoir refusé de donner son nom à ce client, seulement son prénom. Le fait que l'employeur ait admis, dans un courrier du 3 novembre 2016 (pièce 8) que le refus de donner toute son identité était mineur n'en retire pas l'aspect répréhensible mais seulement la gravité.

Etant rappelé que l'avertissement est considéré par le législateur comme une sanction mineure puisqu'il n'appelle pas la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et qu'il est sans incidence sur la situation du salarié, ces faits (sauf le défaut de rapport) étaient de nature à justifier une telle sanction en raison du manque de rigueur du salarié, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le rejet de la demande d'annulation de la sanction et des dommages et intérêts subséquents.

Sur le licenciement

Conformément à l'article L.1232-6 du code du travail, c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement.

En application de l'article L.1331-1 du code du travail, l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« Par courrier recommandé daté du 4 octobre 2016, vous avez été convoqué à une première reprise le 14 octobre 2016 à 17h00. Suite à la réception de votre courrier daté du 10 octobre nous informant de votre impossibilité d'assister à cet entretien, vous avez été convoqué par courrier recommandé daté du 14 octobre 2016 à un nouvel entretien devant avoir lieu le 25 octobre à 11h30, auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Par courrier daté du 19 octobre, vous avez néanmoins exposé vos explications quant aux faits reprochés et indiquant que vous serez absent pour une durée indéterminée.

Vous avez intégré la société le 15 juin 1993 en qualité d'Opérateur en télésurveillance, vous remplissez actuellement les fonctions de Superviseur de nuit en Télésurveillance d'une équipe de 9 opérateurs, fonctions que vous exercez depuis le 1er septembre 1999.

Nous vous rappelons les faits reprochés :

nous avons été confrontés à l'arrêt d'exploitation du centre de télésurveillance de [Localité 3] le 8 août 2016. Conformément à nos obligations réglementaires, toutes les alarmes habituellement gérées par ce centre ont été transférées sur le PC de [Localité 4], le temps de cette coupure.

Cette situation présentait un risque réel pour un grand nombre de clients sensibles, et pour notre entreprise. Bien qu'étant le manager en poste, responsable de l'exploitation sur notre centre de [Localité 4], vous n'avez pas pris en charge cet incident, ni donné d'instruction aux équipes pour leur permettre de le gérer du mieux possible. Cette absence de réaction a occasionné un stress important sur les collaborateurs en charge de l'exploitation Horus et généré un risque extrêmement élevé sur les établissements financiers dont nous assurons la télésurveillance.

Pour seule explication de ces manquements, vous nous avez adressé un courrier daté du 19 octobre dernier faisant état des 3 courriers de sensibilisation qui vous avaient été adressés entre avril et août 2015 et d'un avertissement émis en août 2016.

Par ailleurs, vous justifiez l'absence de gestion de cette situation par le fait que l'incident était connu ce même jour depuis 17h30, d'une part, et que le responsable de la station se devait de prévoir un renfort. D'autre part, vous estimez avoir pris la situation en charge, avoir donné toutes les instructions nécessaires et avoir gardé votre calme. Vous insistez tout particulièrement sur ce point en mettant en avant l'expérience qui est la vôtre.

Nous sommes au regret de ne pas partager du tout votre sentiment sur la gestion de cette situation.

Ainsi, vous évoquez le fait que cet incident était connu le 8 août depuis 17h30.

En réalité, le centre de Télésurveilance a connu plusieurs coupures de courte durée le 7 août 2016 et la nuit qui a suivie. La situation était rétablie et stable dès le 8 août à 00h35 et le PC de [Localité 4] avait été avisé du fait à 01h35.

La situation a continué à être stable toute la journée du 8 août jusqu'à 20h35, heure à laquelle une coupure d'une durée d'une minute, entraînant l'arrêt des stations de travail de [Localité 3], a eu lieu. L'exploitation a pu être relancée immédiatement.

Un nouvel incident eu lieu à 20h58 entraînant l'arrêt total de l'exploitation sur [Localité 3] sans possibilité de la relancer. Le PC de Télésurveillance de [Localité 4] en a été avisé, le même jour à 21h08. Il convient de préciser qu'aucune action de votre part pour contacter des personnes pouvant renforcer l'équipe, n'a

été initiée à votre arrivée.

Par ailleurs, les collaborateurs présents en charge de l'exploitation Horus nous ont avisés de la désinvolture dont vous avez fait preuve lors de cet incident d'une gravité extrême.

Vous n'avez émis aucune recommandation, ni communiqué d'instructions à l'équipe en poste, laissant les personnels et votre coordinatrice essayer de gérer cette situation au mieux.

Les témoignages recueillis sont sans équivoque, les collaborateurs évoquent la prise d'initiatives personnelles de la part des opérateurs pour palier à l'absence d'instruction, et le rôle de coordinatrice en poste, qui a tenté de piloter l'équipe pour palier à votre absence de réaction. En outre, la méconnaissance des faits, au regard d'un accident de cette importance, démontre le peu d'intérêt que vous y avez porté.

Vos explications n'ayant pas été convaincantes, au regard de la nonchalance dont vous faites preuve dans l'exercice de vos missions, des impacts négatifs de votre comportement sur l'exploitation et les collaborateurs de votre équipe, malgré la répétition des sensibilisations et l'avertissement qui vous ont été adressés.

Par conséquent, nous avons décidé de mettre un terme à notre collaboration, et nous vous notifions par la présente votre licenciement, pour cause réelle et sérieuse. »

La société Staneley Security France a licencié M. [E] en raison de nombreux manquements commis dans l'exécution de son contrat. A ce titre, elle expose que :

- le 8 août 2016, elle a été confrontée à l'arrêt d'exploitation du centre de télésurveillance dont les alarmes ont été transférées sur le centre de [Localité 4] géré par M. [E]. Or, ce dernier n'a pas su prendre en charge cet incident, ni gérer ses équipes correctement (pièces 30 à 35)

- M. [E] avait déjà fait preuve de ce manque d'implication managériale.

Pour contester son licenciement, M. [E] soutient que :

- son courrier de licenciement mentionne des faits remontant au 8 août 2016 soit antérieurement à son avertissement du 31 août 2016 qui n'ont pourtant pas été sanctionnés par l'avertissement de sorte que l'employeur ne peut plus les sanctionner

- l'incident a été connu à 17h30 et aucune mesure n'a été prise par sa direction pour renforcer l'équipe de nuit

- il a géré cet incident 'avec les moyens du bord'.

La cour relève, après analyse des motifs énoncés dans la lettre de rupture, que l'employeur souligne le caractère répétitif des erreurs commises par M. [E] et leur gravité. Faisant état de la 'désinvolture' de l'intéressé, de son manque d'intérêt pour la situation, d'un comportement en méconnaissance des règles et indiquant que ces griefs font suite à un avertissement, mesure qui par nature est une sanction, la société a entendu procéder à un licenciement disciplinaire.

La cour constate que la société Staneley Security France indique n'avoir eu pleinement connaissance des faits ayant motivé le licenciement que le 31 août 2016 après l'entretien disciplinaire d'une salariée présente lors de la nuit du 8 août.

Ce faisant, cette date étant contemporaine à celle de l'avertissement et la cour relevant que le bordereau d'envoi de celui-ci est daté du lendemain (1er septembre 2016), l'employeur ne démontre pas avoir eu une connaissance des faits postérieure à la notification de l'avertissement.

Dès lors, bien qu'informée de l'ensemble des faits reprochés au salarié, la société a choisi le même jour, de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux de sorte qu'elle avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait plus prononcer un licenciement pour sanctionner des autres faits antérieurs à cette date, dont elle avait connaissance.

En infirmation du jugement déféré, le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le salarié ayant deux ans d'ancienneté et appartenant à une entreprise d'au moins 11 salariés, il a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

M. [E] fait valoir son ancienneté dans l'entreprise, ses chances compromises de réinsertion sociale et le préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la rupture.

La société soutient que la demande indemnitaire formée par le salarié est excessive en ce qu'elle représente près de 24 mois de salaires et qu'un tel préjudice n'est pas démontré.

La cour relève que M. [E] avait 23 ans d'ancienneté et était âgé de 55 ans lors de la rupture. Il justifie avoir été inscrit à Pôle Emploi au 20 mars 2018. Sa rémunération brute mensuelle moyenne s'élevait à 3 256 euros.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de condamner la société à lui verser la somme de 65 000 euros.

Sur l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail

L'effectif de l'entreprise étant supérieur à 11 salariés et M. [E] ayant plus de deux ans d'ancienneté, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois.

Sur les autres demandes

En application de l'article 700 du code de procédure civile il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint le salarié à exposer en cause d'appel. La société doit en conséquence être condamnée à verser au salarié la somme de 1 200 euros et être déboutée de sa demande à ce titre.

En application de l'article 696 du même code, il convient de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'employeur qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [R] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Staneley Security France à verser à M. [E] les sommes suivantes:

- 65 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois,

Dit que la copie de la présente décision sera adressée par le greffe au Pôle Emploi

Condamne la société Staneley Security France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/15709
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;18.15709 ?
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