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30/06/2022 | FRANCE | N°18/12461

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 30 juin 2022, 18/12461


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022



N°2022/198













Rôle N° RG 18/12461 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC223







[C] [Z]





C/



SA SOCIETE GENERALE



Société FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA



































Copie exécutoire délivrée le :

à :

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Me Paul GUEDJ



Me Florian LASTELLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 20 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00024.





APPELANT



Monsieur [C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 8] (34), demeurant [Adresse 9] - [Localité 2]

re...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2022

N°2022/198

Rôle N° RG 18/12461 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC223

[C] [Z]

C/

SA SOCIETE GENERALE

Société FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Paul GUEDJ

Me Florian LASTELLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 20 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00024.

APPELANT

Monsieur [C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 8] (34), demeurant [Adresse 9] - [Localité 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Florence PUJOL, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SA SOCIETE GENERALE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 4] - [Localité 6]

représentée par Me Florian LASTELLE de l'AARPI LASTELLE & DE VALKENAERE, avocat au barreau de NICE, assistée de Me Hélène ARNULF, avocat au barreau de NICE subtituant Me LASTELLE, avocat

PARTIE INTERVENANTE

Société FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GENERALE,

ayant pour société de gestion la société EQUIDIS GESTION SAS, représenté par son recouvreur, la société MCS ET ASSOCIES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 3] - [Localité 7]

représentée par, Me Florian LASTELLE de l'AARPI LASTELLE & DE VALKENAERE, avocat au barreau de NICE et assistée de Me Sébastien CAVALLO de la SELARL THEMA, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise FILLIOUX, conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens

La société MAC MAHON était une société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nice sous le numéro 958 807 836, ayant son siège social [Adresse 5] à [Localité 2] et qui exploitait un fonds de commerce de restauration à l'enseigne LE MAC MAHON.

Par acte sous seing privé en date du 21 décembre 2011, la société GODET, qui détenait 100% du capital social de la société MAC MAHON a cédé à la SARL EDEN, dont l'associé unique et le représentant est M. [C] [Z], à Monsieur [J] et à M. [E] l'intégralité des parts sociales représentatives du capital social de la société MAC MAHON. En conséquence de cette cession, le capital social de ladite société était détenu à hauteur de 85% par la société EDEN, de 10% par Monsieur [J] et 5% par Monsieur [E].

Le prix de cession des parts sociales a été fixé à la somme de 750.000 € et a été notamment financé au travers d'un prêt consenti par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à la Société EDEN, d'un montant de 607.000 €, remboursable sur une durée de 8 années, moyennant un taux d'intérêts de 4,80%.

Par acte sous seing privé du 16 décembre 2011, M. [C] [Z] s'est porté caution envers la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, des engagements de la société EDEN au titre du prêt consenti, à hauteur de la somme de 520.000 €.

Pour information, par acte du 9 février 2012, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a consenti à la société MAC MAHON un prêt d'un montant de 400.000 €, d'une durée de 7 ans, dont 6 mois de différé d'amortissement et moyennant un taux d'intérêts de 4,50%, destiné au financement de travaux au sein de l'établissement. Aux termes d'un acte sous seing privé en date du 7 février 2012, M. [C] [Z] s'est également porté caution des engagements de la société MAC MAHON envers la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dans la limite de la somme de 182.000 €.

Par jugement en date du 12 mars 2015, le Tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MAC MAHON, puis par jugement en date du 28 mai 2015, le Tribunal de commerce de Nice a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société EDEN.

Le 15 juillet 2015 la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.

Ces deux procédures ont abouti à la liquidation judiciaire de chacune de ces deux sociétés, selon jugements en date des 22 novembre 2017 et du 20 décembre 2017, après échec du plan de sauvegarde adopté le 12 octobre 2016.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a déclaré sa créance le 31 janvier 2018.

Après une mise en demeure du 14 août 2015 rappelant à la caution ses obligations, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a assigné le 21 décembre 2015 M. [C] [Z] devant le Tribunal de Commerce de Nice afin de le voir condamné au paiement des sommes restant dues au titre du prêt de 2011 en vertu de son engagement de caution en faveur de la SARL EDEN.

Par jugement du 21 janvier 2016 rectifié par jugement du 29 janvier 2016, le Tribunal de Commerce a ordonné un sursis à statuer dans l'attente du jugement arrêtant le plan de sauvegarde.

Suite au plan de sauvegarde arrêté par jugement du 12 octobre 2016, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a fait valoir que les causes du sursis avaient disparu et a sollicité par courrier du 24 janvier 2017 la remise au rôle afin de condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 417.780,78€ au titre de son engagement de caution envers la SARL EDEN.

M. [C] [Z] a soulevé le caractère disproportionné de son engagement de caution et a demandé reconventionnellement la condamnation de la banque au paiement d'une somme de 418.000€ à titre de dommages intérêts en réparation de la faute de celle-ci.

Par jugement contradictoire en date du 20 juin 2018, le Tribunal de Commerce de Nice a :

- condamné M. [C] [Z] à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 417.780, 78€, outre intérêts au taux contractuel de 8, 80% à compter du 15 septembre 2015 ;

- débouté M. [C] [Z] de ses demandes

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

- condamné M. [C] [Z] au paiement d'une somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, liquidés à la somme de 70, 20 €.

Le tribunal a considéré que l'engagement de caution de M. [C] [Z] n'était pas disproportionné et que la banque n'avait commis aucun manquement à son devoir de conseil.

M. [C] [Z] a interjeté appel par déclaration en date du 24 juillet 2018.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a constitué avocat et signifié des conclusions.

Par conclusions du 23 avril 2021 le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA(FCT) ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION SAS, représenté par son recouvreur la société MCS et ASSOCIES, est intervenu volontairement dans la procédure comme venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 3 août 2020.

L'affaire a été appelée à l'audience du 25 mai 2021 et renvoyée à la mise en état.

Par ses conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 13 décembre 2021, M. [C] [Z] demande à la Cour, au visa des articles 1699 du Code civil, 1700 du Code civil, L 341-4 ancien du Code de la consommation, 1147 ancien du Code civil,

de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 20 juin 2018 et statuant de nouveau

* à titre principal

- juger M. [Z] recevable et bien fondé à exercer le droit de retrait litigieux dont il bénéficie en vertu des dispositions des articles 1699 et 1700 du Code civil,

- juger à la somme de 20.958, 72 euros le montant des sommes dues par M. [Z] au Fonds Commun de Titrisation CASTANEA en suite de la cession de créance intervenue, outre la prise en charge par M. [Z] des « frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite » conformément aux dispositions de l'article 1699 du Code civil, frais, loyaux coûts et intérêts qu'il appartiendra au Fonds Commun de Titrisation CASTANEA de justifier,

- débouter le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA de ses prétentions excédant la somme de 29.958, 72 € et les « frais et Loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite »,

* A titre subsidiaire

- juger que le cautionnement souscrit par M. [Z] le 16 décembre 2011 était, lors de sa souscription, manifestement disproportionné aux biens et aux revenus de celui-ci,

- juger que le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE ne rapporte pas la preuve de ce que M. [Z] serait en mesure de faire face à son engagement

En conséquence,

- juger que le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de M. [Z],

- débouter le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [Z]

* A titre infiniment subsidiaire

Sur le manquement de La SOCIETE GÉNÉRALE à son devoir de mise en garde

- juger que Monsieur [Z] est une caution non avertie

- juger que l'engagement de caution souscrit par Monsieur [Z] le 16 décembre 2011 était inadapté aux capacités financières de celui-ci,

- juger que le prêt accordé par la SOCIETE GÉNÉRALE à la société EDEN n'était pas adapté aux capacités financières de cette société et qu'il existait de ce fait un risque d'endettement pour M. [Z],

- juger que la SOCIETE GÉNÉRALE, aux droits de laquelle se trouve le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA a manqué à son obligation de mise en garde envers Monsieur [Z],

En conséquence

- condamner la SOCIETE GÉNÉRALE au paiement, au profit de M. [Z], d'une somme de 500.000 € à titre de dommages et intérêts,

Sur les sommes dues au Fonds Commun de Titrisation CASTANEA

- juger que les sommes pouvant être mises à la charge de Monsieur [Z] ne sauraient excéder la somme de 440.419, 47 € au titre des échéances impayées au jour de la liquidation judiciaire de la société EDEN et du capital restant dû à cette date,

- juger que la clause de majoration de l'intérêt conventionnel de 4 points procède d'une clause pénale manifestement excessive

- réduire en conséquence à 0,01 point la majoration de l'intérêt conventionnel,

- débouter le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE de ses demandes au titre de l'indemnité de résiliation,

- juger en tout état de cause que le montant maximal des sommes pouvant être mises à la charge de M. [Z] en principal, frais, intérêts et accessoires ne saurait excéder le montant maximal de son engagement de caution du 16 novembre 2011,

- débouter le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA, venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE du surplus de ses demandes

* Dans tous les cas

- condamner le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA, et la SOCIETE GÉNÉRALE au paiement, au profit de M. [Z], d'une somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA, et la SOCIETE GÉNÉRALE aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ sur son offre de droit.

Monsieur [Z] soutient qu'antérieurement à la cession de la créance, un procès avait été engagé sur le bien fondé du droit cédé, que la cession n'est intervenue que le 3 août 2020 et que dès lors que la contestation n'a pas été tranchée par une décision définitive au jour de la cession, le droit demeure litigieux, qu'il s'était avant la cession opposé aux demandes de la banque et formé des demandes reconventionnelles et qu'il peut donc exercer son droit de retrait.

Il fait valoir que la cession en bloc ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de retrait dès lors que le prix reste déterminable et qu'il convient de rechercher si la part correspondant à la cession cédée dans le prix global n'est pas déterminable en fonction d'éléments d'appréciation précis et concrets produits par les parties, qu'il convient de diviser le prix global par le nombre de créances cédées, que l'on obtient la somme de 20 958,72euros à défaut d'autres éléments produit par le Fonds, qu'il convient de ne pas s'arrêter à la qualification de forfaitaire du prix et de rechercher si la détermination du prix de la créance litigieuse est possible.

Il indique que le fait que la créance a été admise au passif n'empêche nullement la caution d'exercer son droit de retrait.

Il ajoute que sa qualité d'appelant en cause d'appel ne lui fait pas perdre sa qualité de défendeur à l'action en paiement engagée à son encontre ;

Sur la disproportion, il soutient qu'il convient de tenir compte de son engagement postérieur du 9 février 2012 de 182 000euros pour garantir un prêt consenti à la société Mac MAHON puisque ces deux engagements de caution ont concouru au financement de la même opération économique globale.

Enfin, il fait valoir que la banque a manqué à son obligation de mise en garde de la caution puisqu'il était une caution non avertie, sa qualité de dirigeant étant insuffisante à l'établir et que le prêt était inadapté aux capacités financières de la débitrice principale qui n'avait en 2010 et en 2011 aucune capacité d'autofinancement.

Il précise que la clause de majoration des intérêts conventionnels doit s'analyser comme une clause pénale et qu'il convient de la réduire.

Par conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 13 décembre 2021, Le Fonds Commun de Titrisation CASTANEA venant aux droits de la SOCIETE GÉNÉRALE demande à la Cour, vu les articles 1193 à 1195, 1231-6, 1231-7, 1343-2 et 2288 et suivants du code civil, de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 20 juin 2018, à l'exception du quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur [Z] en sa qualité de caution de la SARL EDEN ,

- le réformer pour le surplus ,

- condamner Monsieur [C] [Z] à payer au FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, ayant pour société de gestion EQUITIS GESTION, représenté par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIE, la somme de 520 000 euros outre les intérêts dus au taux contractuel majoré de 8,8% jusqu'à parfait paiement,

- débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

- le condamner au paiement d'une indemnité de 4.000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, que Maître Florian LASTELLE, Avocat, pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Fonds Commun de titrisation CASTANEA soutient que seul le débiteur principal jouit de la faculté de retrait, que les créances ont, depuis l'ordonnance qui les a admises le 23 mai 2017 soit antérieurement à la cession, l'autorité de la chose jugée et donc n'ont plus de caractère litigieux et ne peuvent plus être contestées, qu'en tout état de cause, Monsieur [Z] n'en a pas remis en cause l'existence même du droit détenu par le Fonds et dès lors le droit de retrait ne peut s'exercer, qu'enfin, Monsieur [Z] n'a pas le caractère de défendeur à l'instance mais est devenu demandeur en cause d'appel.

Il fait valoir que les conditions du retrait ne sont pas réunies, faute d'individualisation possible du prix de cession de la créance, que le prix de cession global prend en compte les possibilités de rendement et les risques de l'ensemble du portefeuille et qu'en raison de l'indivisibilité et l'interdépendance des créances, la somme forfaitaire ne peut être réduite à la somme de toutes les créances composant le portefeuille, que substituer un prix judiciaire calculé sur des bases inexistantes au prix conventionnellement stipulé reviendrait à remettre en cause l'accord des parties, que diviser le prix forfaitaire par le nombre de créances cédées reviendrait à retenir la même valeur pour toutes les créances quelle que soit la valeur faciale et les chances de recouvrement alors que la banque bénéficiait en l'espèce des inscriptions sur le bien immeuble de Monsieur [Z] et que donc les chances de recouvrement étaient élevées.

Il soutient qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque était fondée à se prévaloir de la fiche de renseignement fournie et qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des engagements ultérieurs de la caution, que Monsieur [Z] est un dirigeant averti avec une longue expérience dans la gestion de société dans le domaine de la restauration et ce depuis 1999, que le prêt n'était pas excessif puisque la société Mac MAHON a pu le rembourser pendant 4 ans et que depuis le plan de sauvegarde de 2015, la société Mac MAHON a retrouvé un résultat bénéficiaire.

Par conclusions du 23 juillet 2021, la Société Générale demande à la Cour de :

Dire et juger qu'en l'état de la cession de créance intervenue le 3 août 2020 entre la société Générale et le fonds commun de titrisation CASTANEA, directement opposable au débiteur cédé la SARL Eden, ainsi qu'aux tiers à la cession en général, dont Monsieur [C] [Z], dès la date de la cession, le Fonds commun de titrisation CASTANEA est subrogé dans les droits et obligations de la Société Générale,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 20 juin 2018en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la Société Générale,

Débouter Monsieur [Z] de ses demandes dirigées à l'encontre de la Société Générale en condamnation au paiement d'une somme de 500 000euros à titre de dommages et intérêts au titre d'une prétendue violation de l'obligation de mise en garde,

Le condamner au paiement d'une indemnité de 3 000euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile avec distraction au profit de Maître Lastelle avocat.

Elle soutient que l'engagement de Monsieur [Z] n'était pas disproportionné par rapport à ses revenus et son patrimoine puisqu'il affirmait détenir un bien immobilier évalué à 580 000euros et qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des engagements ultérieurs.

Elle fait valoir sur le devoir de mise en garde que Monsieur [Z] est un dirigeant averti puisqu'il gérait depuis 1999 une société Frager dont il détenait une partie des parts sociales et qui avait acquis un fond de commerce, la société Frager étant également associée de la société Eden, qu'il était donc rompu à la vie des affaires et que le prêt était adapté aux capacités de la débitrice principale.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 décembre 2021.

Motifs

Il convient de prendre acte de l'intervention volontaire par conclusions du Fonds de titrisation CASTANEA ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS associés, la créance détenue par la société Générale sur la SARL Eden et Monsieur [Z] ayant fait l'objet d'une cession le 3 août 2020 à son profit, Monsieur [Z] ayant été informé de cette cession par lettre du 1er septembre 2020.

Sur le droit de retrait litigieux :

Monsieur [Z] sollicite à titre principal que la Cour limite à la somme de 20 958,72 euros le montant des sommes dues au Fonds de titrisation en application du droit de retrait prévu aux articles 1699 et 1700 du code civil.

L'article 1699 du code civil énonce que 'Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.' L'article 1700 du dit code précise 'La chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit.'

L'exercice du droit de retrait litigieux suppose que le droit litigieux a été cédé moyennant un prix que le retrayant rembourse au cessionnaire de la créance pour mettre un terme au litige

Pour s'opposer à l'exercice de ce droit par Monsieur [Z], le FCT soutient d'une part que seul le débiteur principal peut l'exercer ainsi que le précise le texte qui vise uniquement celui contre lequel on a cédé un droit et qu'il s'agit nécessairement du débiteur principal et non pas de la caution et d'autre part que la créance litigieuse ne faisait l'objet d'aucune contestation ni d'aucun procès en cours lors de la cession puisqu'elle avait été admise dans la cadre de la procédure de sauvegarde.

Toutefois, en premier lieu, la cession de la créance principale emporte en application de l'article 1692 ancien du code civil, la cession de ses accessoires tels que la caution, privilège et hypothèque et au profit du cédant, la cession de la créance sur la caution et que celle-ci peut invoquer son droit de retrait.

En second lieu, il est acquis que le droit de retrait ne peut s'exercer qu'autant que les droits cédés sont litigieux à la date de cette faculté, cette exigence de l'article 1700 du code civil s'entend d'une contestation antérieure à la cession qui remet en question le bien fondé du droit lui-même et non pas les modalités de son exercice, son exécution ou des difficultés de procédure et que celui qui entend exercer le droit de retrait conteste en qualité de défendeur, le droit au fond dans une instance toujours en cours au jour où la cession est intervenue et qu'elle perdure au jour où le retrait est exercé.

Or en l'espèce, la créance litigieuse a été cédée par la banque au FCT le 3 août 2020 et la banque avait assigné en paiement la caution dès le 21 décembre 2015.Par conclusions déposées à l'audience du 31 janvier 2018, Monsieur [Z] s'est opposé aux demandes en arguant du caractère disproportionné de l'engagement de caution justifiant le prononcé du débouter de la banque, en mettant en cause la responsabilité de la banque dans l'octroi du crédit de nature à justifier l'octroi de dommage et intérêts et en contestant le montant sollicité comprenant selon lui des sommes indues. Par ces conclusions, Monsieur [Z] a bien contesté le principe du droit invoqué par la banque contre lui puisqu'il demande à titre principal de la débouter de ses demandes. Un jugement a été rendu par le tribunal de commerce de Nice le 20 juin 2018 à l'encontre duquel un appel a été interjeté le 24 juillet 2018 de sorte qu'un procès était en cours au jour où la cession est intervenue, au cours duquel Monsieur [Z] mettait en cause la validité et la quotité de son engagement et donc le fond du droit invoqué contre lui.

La créance cédée a fait l'objet d'une contestation de la part de Monsieur [Z] en qualité de défendeur au cours d'une instance antérieure à la cession. Il a en effet contesté l'engagement de caution invoqué contre lui et ainsi le droit invoqué par le FCT contre lui, qui est devenu ainsi litigieux au sens de l'article 1700 du code civil devant la juridiction de première instance puis d'appel en visant la disproportion de celui-ci. Ce faisant, il a contesté, dans le cadre du procès, le fond du droit invoqué par la banque, les conditions de recevabilité de la mise en oeuvre du droit de retrait sont remplies. (Cassation Commerciale 12/11/2020 n°19/13008).

Le FCT soutient que Monsieur [Z], s'il était défendeur en première instance, est devenu demandeur en interjetant appel, alors que le droit de retrait ne peut être exercé que par le défendeur.

Le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que par un défendeur à l'instance qui conteste le droit litigieux.

Tel est le cas en l'espèce, les moyens de Monsieur [Z] visent à obtenir le rejet de la demande en paiement en opposant, soit une défense au fond, soit une demande reconventionnelle en dommages intérêts. Monsieur [Z] a la qualité de défendeur dans un litige qui est fondé sur son engagement de caution et où la disproportion qu'il oppose au FCT représente un moyen de défense.

Le FCT soutient enfin qu'eu égard au caractère indéterminé du prix de la cession, le droit de retrait ne peut s'exercer en l'espèce.

La cession en bloc d'un grand nombre de droits et créances ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de retrait litigieux à l'égard d'une créance qui y est incluse, dès lors que la détermination de son prix est possible. Le seul fait que la cession intervenue ait été faite pour un prix global calculé statistiquement et non créance par créance n'est pas, en soi, de nature à écarter l'application de l'article 1699 du code civil. Le prix de la cession de la créance doit être déterminable et il appartient au juge de dire s'il l'est en fonction des éléments précis d'appréciation et concrets produits par les parties.

En l'espèce, l'acte de cession porte mention d'un prix global de 195 000 000euros et précise ' le prix d'acquisition est forfaitaire sachant que certains éléments du portefeuille ont une valeur quasiment nulle et d'autres une valeur proche de la valeur faciale, avec toutes sortes de situations intermédiaires ce qui est reconnu et accepté par le cessionnaire, le prix du portefeuille tient compte de l'appréciation qu'ont le cédant et le cessionnaire de l'équilibre du risque et des chances de recouvrement'. Ainsi le prix de la créance litigieuse n'est pas déterminé dans l'acte.

Par conclusions d'incident du 10 mai 2021, Monsieur [Z] a saisi le conseiller de la mise en état afin que le FCT produise la copie intégrale de l'acte de cession comportant la liste des créances désignées et individualisées, tous documents rendant compte de la valeur et des chances de recouvrement de la dite créance et tous éléments d'appréciation précis et concret permettant à la Cour de dire si le prix de la créance est déterminable.

Le 11 mai 2021, Madame le Conseiller de la mise en état a enjoint au FCT de produire les pièces demandées.

Le FCT a communiqué la copie de l'acte intégral de cession qui n'apporte aucun élément complémentaire, l'annexe correspondant à la liste des 9 304 créances cédées mais en occultant totalement outre l'identité des autres débiteurs, le montant des créances cédées, en faisant valoir que les documents dont Monsieur [Z] sollicite la production aux débats n'existent pas ou heurterait le principe du secret des affaires.

L'acte de cession précise que le prix du portefeuille tient compte de l'appréciation qu'ont le cédant et le cessionnaire de l'équilibre du risque et des chances de recouvrement. Mais le FCT ne propose aucun évaluation du prix réel de la créance autre que celui proposé par Monsieur [Z].

Sauf à admettre que le droit de retrait reste soumis au bon vouloir du FCT qui par le choix des termes du contrat de cession interdirait l'exercice du droit légal de retrait par les débiteurs, il convient de retenir que cette seule circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à la détermination du prix de cession de la créance par le juge en tenant compte des seuls éléments qui lui sont proposés.

Le FCT indique ignorer le prix individuel de chaque créance puisque le prix du portefeuille résulterait d'une 'analyse complexe mais non scientifique' qui tiendrait compte des 'évaluations statistiques multiples qui tiennent compte des informations communiquées par le cédant' et réfute toute analyse financière élaborée pour chaque créance cédée. Or le FCT aurait pu, pour le moins, aisément communiquer la somme totale des créances cédées sans violer le secret des affaires qu'il invoque pour justifier son abstention, sans révéler l'identité des débiteurs.

Il convient dés lors, faute d'élément contraire proposé par le FCT, de privilégier la méthode statistique qui implique de rapporter le prix total payé sur le nombre de créances cédées pour déterminer le prix de chaque créance soit la somme de 195 000 000euros par 9 304 créances soit 20 958,72euros et qui permet de déterminer la valeur de la créance cédée.

Il convient d'infirmer la décision de première instance et de condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 20 958,72euros et les frais et loyaux coûts et ce avec intérêt à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faire.

Etant fait droit à la demande principale de Monsieur [Z], il n'y a pas lieu d'examiner les prétentions subsidiaires.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.

Par ces motifs

La Cour statuant par arrêt contradictoire :

Infirme le jugement rendu le 20 juin 2018 par le tribunal de commerce de Nice,

Prend acte de l'intervention volontaire du Fonds Commun de titrisation ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion représentée par la société MCS et associé,

Condamne Monsieur [C] [Z] à payer au Fonds Commun de titrisation, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion représentée par la société MCS et associé, la somme de 20 658,72 euros et les frais et loyaux coûts et ce avec intérêt à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faire,

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [C] [Z] aux entiers dépens y compris ceux de première instance avec distraction au profit de Maître Florian LASTELLE, avocat sur son affirmation de droit.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 18/12461
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;18.12461 ?
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