COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT DEFERE
DU 29 JUIN 2022
N° 2022/ 320
N° RG 21/15842
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIL24
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU VAR
C/
SARL VINON IMMOBILIER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Cyril MARTELLO
Me Stéphane MÖLLER
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance n°21/M141 de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, Chambre 1-7 en date du 19 octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021/M141.
APPELANTE
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU VAR
dont le siège social est ZUP de la Rode 38 Rue Emile Ollivier 83000 TOULON, prise en la personne de son Directeur en exercice y domicilié en cette qualité,
représentée par Me Cyril MARTELLO, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARL VINON IMMOBILIER
prise en la personne de son gérant, Monsieur [V] [W], dont le siège social est 20 Avenue de la Paludette 83560 VINON SUR VERDON
représentée par Me Stéphane MÖLLER de la SELARL SELARL D'AVOCATS STEPHANE MÖLLER, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon contrat de location en date du 10 novembre 2011, M. et Mme [U] ont donné à bail à Mme [E], une villa de type 3/4 d'environ 87 m2, sise Hameau Les Guis 83560 STJULIEN LE MONTAGNIER.
M. et Mme [U] ont confié la gestion de leur bien à l'Agence VINON IMMOBILIER selon mandat de gestion enregistré sous le numéro 425.
Mme [E] ayant fait une demande d'allocation logement, les indemnités CAF versées au titre de l'allocation logement ont été directement versées entre les mains de la Société VINON IMMOBILIER gestionnaire de l'appartement de M. et Mme [U], qui a reversé les sommes encaissées aux propriétaires bailleurs en exécution du mandat de gestion.
Un échange de logement a été effectué et selon bail d'habitation en date du 11 avril 2015, Mme [J] a donné à bail à Mme [E] une villa de type 5 de 113 m2 sise 382 Chemin des Bernes 83560 STJULIEN LE MONTAGNIER.
Mme [J] a confié la gestion de son bien immobilier à l'Agence VINON IMMOBILIER selon mandat de gestion enregistré sous le numéro 794.
La CAF du VAR a continué à verser des prestations au titre de l'allocation logement sur le compte de la Société VINON IMMOBILIER, prestations que la Société VINON IMMOBILIER a imputé sur le compte de la locataire Mme [E], et elle a reversé les revenus locatifs aux propriétaires bailleurs.
Mme [E] a quitté le logement loué par Mme [J] le 28 février 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 novembre 2017, la CAF du VAR a notifié à la Société VINON IMMOBILIER une contrainte d'un montant de 8 633.79 €, au motif « d'un indu d'allocation logement familial de 8 633.79 € versé à tort du 01 mai 2015 au 30 avril 2017 suite à votre déménagement '', puis a fait délivrer à la Société VINON IMMOBILIER un commandement aux fins de saisie vente en date du 4 octobre 2018 et par acte en date du 30 octobre 2018, la Société VINON IMMOBILIER s'est vu dénoncer un procès-verbal de saisie attribution en date du 24 octobre 2018.
Par jugement en date du 4 juin 2019, le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a :
- Déclaré recevable en la forme la contestation de la Société VINON IMMOBILIER;
- Rejeté ses demandes en annulation de la contrainte émise et notifiée par la CAF DU VAR à son encontre le 29 novembre 2017, en mainlevée de la saisie-attribution diligentée à son encontre par la CAF DU VAR selon procès-verbal de saisie du 24 octobre 2018 dénoncé le 30 octobre 2018 et en dommages et intérêts pour abus de saisie ;
- Condamné la Société VINON IMMOBILIER aux dépens;
- Débouté la CAF DU VAR de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par acte en date des 28 et 30 janvier 2020, la Société VINON IMMOBILIER a assigné devant le Tribunal de proximité de BRIGNOLES Mme [E] et la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU VAR en répétition de l'indu.
Par jugement en date du 15 décembre 2020, le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES a :
- Déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la CAF DU VAR,
- Déclaré irrecevable l'action engagée par la SARL VINON IMMOBILIER à l'encontre de la CAF DU VAR,
- Condamné Mme [E] épouse [I] à payer à la SARL VINON IMMOBILIER la somme de:
* 9 292.49 € avec intérêts au taux légal à compter du 24juin 2019,
* 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
-Condamné Mme [E] aux dépens.
Le 8 janvier 2021, la SARL VINON IMMOBILIER a relevé appel de cette décision.
Par conclusions d'incident du 18 mai 2021 la CAF DU VAR a demandé au conseiller de la mise en état à titre principale la nullité de la déclaration d'appel, et subsidiairement son irrecevabilité.
Par ordonnance d'incident en date du 19 octobre 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE a:
-rejeté les demandes de la CAF DU VAR,
-rejeté les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la CAF DU VAR aux dépens de l'incident.
Par requête afin de déférer notifiée par RPVA le 29 octobre 2021, la CAF DU VAR sollicite :
-l'infirmation de l'ordonnance d'incident du 19 octobre 2021
à titre principal
-la nullité de la déclaration d'appel
à titre subsidiaire
-l'irrecevabilité de l'appel
en tout état de cause
-la condamnation de la SARL VINON IMMOBILIER à lui payer la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-la condamnation de la même aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Me MARTELLO, avocat.
Elle fait valoir:
-qu'une partie importante de la déclaration d'appel vise les motifs du jugement entrepris et non le dispositif, seul de nature à causer grief de sorte que les exigences des articles 901 et 562 du CPC ne sont pas satisfaites, puisque l'appel ne vise pas les chefs du jugement expressément critiqués auxquels il est limité,
-que si l'ordonnance a retenu que la déclaration d'appel mêle la motivation et le dispositif du jugement, elle aurait dû en tiré comme conséquence un manque à l'exigence d'intelligibilité découlant des textes sus visés et prononcé la nullité de la déclaration d'appel ou à tout le moins la priver de son effet dévolutif,
-que pour faire appel il faut y avoir un intérêt qui s'apprécie au jour de l'appel, que la demande unique de la SARL VINON IMMOBILIER sur le même fondement à titre principal contre elle et à titre subsidiaire contre Mme [E] a été satisfaite dans sa composante subsidiaire puisque Mme [E] a été condamnée à lui payer les sommes réclamées, de sorte que la demande ayant été pleinement accueillie peu importe le débiteur il n'y a pas intérêt à faire appel,
-que si l'appel devait prospérer la SARL VINON IMMOBILIER aurait deux titres exécutoires pour obtenir le paiement de la même somme sans solidarité entre les débiteurs.
Suivant conclusions en réplique sur déféré, signifiées par RPVA le 25 novembre 2021, la SARL VINON IMMOBILIER demande:
-la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance d'incident rendue le 19 octobre 2021 par le Conseiller de la mise en état de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE.
-qu'il soit jugé que la déclaration d'appel n°21/00236 de la SARL VINON IMMOBILIER est régulière.
-la recevabilité de son appel;
-qu'il soit jugé qu'elle a bien intérêt à agir;
-le débouté de la CAF du VAR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
-la condamnation de la CAF du VAR à payer à la SARL VINON IMMOBILIER la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-la condamnation de la CAF du VAR aux entiers dépens de l'incident distraits au profit de Me MÖLLER Avocat sous son affirmation de droit.
Elle fait valoir:
-qu'elle a bien mentionné dans sa déclaration d'appel le dispositif du jugement à savoir:
'déclaré irrecevable l'action engagée par la SARL VINON IMMOBILIER à l'encontre de la CAF DU VAR
débouté la SARL VINON IMMOBILIER du surplus de ses demandes'
-qu'il n'est nullement interdit de mentionner dans la déclaration d'appel les motifs ayant conduit la partie appelante à relever appel,
-que son intérêt à agir est bien concret puisqu'il s'agit de protéger un intérêt financier, la CAF ne pouvant agir contre elle pour le remboursement des allocations logement indues et la solvabilité de Mme [E] étant incertaine (aucune réaction à un commandement aux fins de saisie vente et saisies attributions inefficaces).
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de nullité de la déclaration d'appel
Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile dans sa rédaction issue de l'article 13 du décret du n°2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58 et à peine de nullité:
...
4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Cette obligation permet d'assurer l'information immédiate et précise des parties et de la juridiction d'appel sur les données du litige et concourt, par suite, à la bonne administration de la justice.
L'article 562 du même code dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Or la déclaration d'appel formée par la SARL VINON IMMOBILIER est ainsi rédigée:
'Objet/portée de l'appel: appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués:
appel du jugement en ce qu'il a retenu:
-que le recours tend à faire condamner la CAF DU VAR au remboursement de la somme correspondant à la saisie attribution à l'encontre de la SARL demanderesse, demande qui a été tranchée par le Juge de l'exécution. Cette assignation met en jeu les mêmes parties, avec le même objet à savoir la même somme et les mêmes causes, la SARL demanderesse ayant été déjà déboutée de sa demande en annulation de la contrainte;
-que la SARL demanderesse disposait de voies de recours à l'encontre de ces décisions qu'elle n'a pas exercées;
-qu'en conséquence, les demandes formulées à l'encontre de la CAF doivent être déclarées irrecevables sur ce fondement;
Et en ce qu'il a:
-déclaré irrecevable l'action engagée par la SARL VINON IMMOBILIER à l'encontre de la CAF DU VAR;
-débouté la SARL VINON IMMOBILIER du surplus de ses demandes.'
Cette déclaration d'appel précise les chefs du jugement critiqués à savoir:
'Et en ce qu'il a:
-déclaré irrecevable l'action engagée par la SARL VINON IMMOBILIER à l'encontre de la CAF DU VAR;
-débouté la SARL VINON IMMOBILIER du surplus de ses demandes.', de sorte que comme l'a retenu le conseiller de la mise en état, il importe peu que cette déclaration d'appel vise également la motivation de ce jugement, ce visa ne portant nullement atteinte à l'exigence d'intelligibilité visée par les textes, en effet les chefs du jugement critiqués sont parfaitement et clairement visés par cette déclaration d'appel.
Ainsi, l'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle a retenu que la déclaration d'appel n'encourt pas la nullité et répond aux exigences des articles 901 et 562 du code de procédure civile.
Sur le défaut d'intérêt à agir et l'irrecevabilité de l'appel
Il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'article 546 du même code dispose que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêts, si elle n'y a pas renoncé.
L'appelant est recevable à former appel dès lors que ses prétentions n'ont pas été intégralement accueillies, quelle que soit la nature ou l'importance de la prétention rejetée.
Ainsi, la satisfaction donnée à la demande subsidiaire ne fait pas disparaître l'intérêt à interjeter appel du jugement pour avoir écarté la demande principale.
En l'espèce, la SARL VINON IMMOBILIER a, certes, vu ses prétentions subsidiaires accueillies par le jugement dont il est fait appel à l'encontre de Mme [E], mais ce dernier a rejeté ses demandes principales à l'encontre de la CAF, dont la solvabilité est bien supérieure, de sorte que peu importe que la demande principale et la demande subsidiaire porte sur le même montant, ayant succombée partiellement, c'est à juste titre que le conseiller de la mise en état a considéré que la SARL VINON IMMOBILIER a qualité à agir et a déclaré son appel recevable.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La CAF du VAR est condamnée à 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens du déféré.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance d'incident rendue le 19 octobre 2021 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE,
Y ajoutant,
CONDAMNE la CAF du VAR à régler à la SARL VINON IMMOBILIER la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE la CAF du VAR aux entiers dépens du déféré, distraits au profit de Me MÖLLER, avocat.
LA GREFFIERELE PRESIDENT