COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2022
N° 2022/ 316
N° RG 20/11897
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGS3Q
[L] [C] [J]
C/
[R] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Philippe RIBEIRO DE CARVALHO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire (Pôle de Proximité) de NICE en date du 22 juin 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/00889.
APPELANT
Monsieur [L] [C] [J],
venant aux droits de [O] [I] [J], demeurant 15 route de Sirole 06100 NICE
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Stéphane GIANQUINTO, Avocat au Barreau de Nice
INTIMEE
Madame [R] [F]
née le 28 Octobre 1976 à MINSK (BIELORUSSIE), demeurant le parc Montebello 180 Avenue de Pessicart, Bâtiment Les Cystes 2ème étage 06100 NICE
représentée par Me Philippe RIBEIRO DE CARVALHO de la SELARL PRC AVOCAT, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [O] [I] [J], aux droits duquel vient Monsieur [L] [C] [J], a donné à bail à Madame [R] [F], par acte sous seing privé en date du 31 mai 2012, un appartement à usage d'habitation situé ' Le Parc Montebello', 180 avenue de Pessicart, Bâtiment Les Cytises, à NICE 06100, moyennant un loyer mensuel de 1 165,70 € charges comprises.
La locataire n'ayant pas satisfait son obligation de paiement des loyers, un premier commandement de payer la somme de 7 336,91 €, ainsi qu'un second commandement de payer la somme de 5 538,48 € lui ont été signifiés respectivement le 30 mai 2018 et le 21 octobre 2019, bien qu'ils soient restés infructueux.
Par exploit d'Huissier en date du 3 février 2020, Monsieur [L] [C] [J] a fait assigner la locataire devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de NICE pour qu'il prononce la résiliation du bail, qu'il autorise l'expulsion de Madame [F] et qu'il condamne cette dernière au paiement de l'arriéré locatif d'un montant de 7 400,45 € à titre provisionnel sur les sommes dues au jour de l'assignation, au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 2 300 € à compter de la résiliation du bail à intervenir et ce jusqu'au jour de la reprise de possession des locaux litigieux, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement rendu le 4 novembre 2020, le Tribunal Judiciaire de NICE a déclaré irrecevable la demande de résiliation du bail, constaté que les demandes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation étaient sans objet, rejeté l'exception de nullité soulevée par Madame [F], de même qu'il a condamné cette dernière au paiement de la somme de 8 336,02 € au titre des loyers et charges impayés au 1er septembre 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.
Le Tribunal judiciaire a également débouté la locataire de sa demande de délais de paiement et le bailleur de sa demande de paiement du coût des deux commandements de payer délivrés les 30 mai 2018 et 21 octobre 2019, de même qu'il a condamné Madame [F] à verser au bailleur la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration au greffe en date du 2 décembre 2020, Monsieur [L] [C] [J] a interjeté appel de cette décision afin qu'elle soit réformée. Il demande à la Cour de condamner l'intimée au paiement de la somme de 14 037,01 € au titre des loyers et charges dont elle était redevable au 1er septembre 2020, de prononcer l'expulsion de cette dernière ainsi que celle de tous occupants de l'appartement litigieux et ce au besoin avec le concours de la force publique, de même qu'il sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer les sommes de 6 146,65 € au titre des loyers impayés par la période du 1er octobre 2019 au 1er février 2020, de 2 300 € mensuels à titre d'indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail à intervenir jusqu'au jour de la reprise de possession des lieux litigieux et de 1 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Il soutient :
- que son action en prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement régulier des loyers et charges est recevable.
- que le quantum de la dette locative de l'intimée retenu par le jugement entrepris est, selon lui, erroné.
Madame [F] conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables la demande de résiliation du bail et la demande de paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation. Elle demande à la Cour de dire que le commandement de payer en date du 30 mai 2018 vise des dispositions abrogées du Code civil, de sorte qu'il est nul, de même qu'elle sollicite que soit constaté que les commandements de payer signifiés en date du 30 mai 2018 et du 11 août 2019 comprennent des frais de procédure et de relance et de les déclarer nuls.
Elle demande à la Cour de déclarer que la clause résolutoire n'est pas acquise et sollicite, à titre subsidiaire, l'octroi des plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette.
En tout état de cause, elle demande à la Cour de dire qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, de même qu'elle sollicite que les dépens soient laissés à la charge du Trésor Public.
Elle fait valoir :
- que l'action en résiliation du bail intentée par l'appelant est irrecevable.
- que les commandements de payer signifiés le 30 mai 2018 et le 21 octobre 2019 sont affectés de nullité.
- que sa situation financière justifie l'octroi de délais de paiement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que Monsieur [O] [I] [J], aux droits duquel vient Monsieur [L] [C] [J] , a donné à bail à Madame [R] [F], par acte sous seing privé en date du 31 mai 2012, un appartement à usage d'habitation situé 'Le Parc Montebello', 180 avenue de Pessicart, Bâtiment Les Cytises, à NICE 06100, moyennant un loyer mensuel de 1 165,70 € charges comprises ;
Que la locataire n'ayant pas satisfait son obligation de paiement des loyers, un premier commandement de payer la somme de 7 336,91 €, ainsi qu'un second commandement de payer la somme de 5 538,48 € lui ont été signifiés respectivement le 30 mai 2018 et le 21 octobre 2019, bien qu'ils soient restés infructueux ;
Attendu qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ;
Qu'à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'Huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l'offre globale de services d'accompagnement vers et dans le logement prévue à l'article 4 de la loi du 31 mai 1990 ;
Qu'il résulte des pièces versées aux débats par l'appelante que des commandements de payer a été signifié à Madame [F] les 30 mai 2018 et 21 octobre 2019 selon les modalités prévues par les articles 656 et 658 du Code de procédure civile, pour un montant total de 5 711,80 € selon décompte arrêté au 14 octobre 2019 et qu'une assignation en résiliation du bail lui a été signifiée le 3 février 2020 et dénoncée à préfecture des Alpes Maritimes le 4 février 2020 ;
Qu'est versé aux débats un accusé de réception électronique attestant de ce que la préfecture des Alpes Maritimes a bien été saisie le 4 février 2020 ;
Que la notification de l'assignation au représentant de l'Etat a bien été réalisée dans les délais légaux ;
Qu'il convient donc de retenir que l'action en prononcé de la résiliation du bail pour défaut de paiement régulier des loyers et charges est recevable ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 114 du Code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;
Qu'en outre, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ;
Que l'intimée invoque les dispositions de l'article 24 susmentionné au soutien de son exception de nullité, dispositions selon lesquelles le commandement de payer doit viser les loyers et les charges impayés ;
Qu'il s'agit d'une irrégularité de forme qui doit avoir occasionné un grief pour le destinataire de l'acte afin d'en prononcer la nullité ;
Qu'en l'espèce, les deux commandements de payer ne visent pas la clause résolutoire et reproduisent les dispositions de l'article 24 susvisé ;
Que les mentions devant figurer au commandement de payer à peine de nullité ne s'imposent qu'en cas de délivrance d'un commandement de payer visant à mettre en 'uvre la clause résolutoire stipulée dans le contrat, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire ;
Qu'ainsi, l'intimée ne peut prétendre avoir subi un quelconque grief du fait de l'imputation des frais de relance et d'huissier à son décompte de loyers impayés dès lors que, comme l'a retenu à bon droit el jugement entrepris, les commandements de payer ne visent pas de clause résolutoire et que l'action judiciaire diligentée contre elle est une action en prononcé de la résiliation du bail et non en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, laquelle est une procédure qui n'exige pas la délivrance d'un commandement de payer répondant aux exigences de l'article 24 susvisé ;
Qu'ainsi, c'est à bon droit que le jugement entrepris a rejeté l'exception de nullité soulevée par Madame [F] ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'ancien article 1134 du Code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et qu'elles doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi ;
Qu'il ressort des dispositions de l'ancien article 1184 et de l'article 1741 du Code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut demander la résolution du contrat en justice et que le juge peut la prononcer ;
Qu'en application des dispositions de l'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, modifié par l'article 16 de la loi du 28 décembre 2015, le locataire a pour obligation de payer les loyers et charges selon les termes du contrat de bail ;
Qu'il est à constater que Madame [F] ne conteste pas le montant de la dette locative qui lui est imputée ;
Qu'en tout état de cause, Monsieur [L] [C] [J] produit aux débats un état récapitulatif du compte de la locataire depuis le 1er mai 2016 jusqu'au 1er février 2021, lequel permet de constater que la dette locative due au 1er février 2021 s'élève à un montant de 20 183,66 € ;
Qu'il convient donc de prononcer la résiliation du bail litigieux aux torts de la locataire pour défaut de paiement régulier des loyers et charges depuis des années, lequel est constitutif d'une inexécution grave de ses obligations contractuelles ;
Qu'ayant désormais occupante sans droit ni titre, il convient de prononcer son expulsion ainsi que celle de tous occupants des lieux litigieux, de leur chef et au besoin avec le concours de la force publique ;
Qu'il y a donc lieu de condamner Madame [F] à payer à Monsieur [J] une indemnité mensuelle d'occupation à compter de la résiliation du bail, qui prendra effet à compter de la publication du présent arrêt, et ce jusqu'au jour de la reprise de possession par le propriétaire des lieux litigieux, libres de tout occupant, matériel et mobilier ;
Qu'il convient de fixer cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 1 165,71 €, soit le montant du loyer mensuel ;
Qu'en tout état de cause, il y a lieu de condamner la locataire au paiement de sa dette locative actualisée au 1er février 2021, soit la somme de 20 183,66 € (à savoir la somme de 14 037,01 € au titre de la dette au 1er septembre 2020 et 6 146,65 € pour la période allant du 1er octobre 2019 au 1er février 2021) ;
Attendu que l'article 1343-5 du Code civil permet d'accorder aux débiteurs impécunieux des délais de paiement tenant compte des circonstances, sans pouvoir dépasser les deux années ;
Que l'article 24 de la du 6 juillet 1989 permet au juge, même d'office, d'accorder des délais de paiement dans la limite de trois années et dans les conditions prévues à l'article 1244-1 du Code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative ;
Qu'en vertu des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;
Que Madame [F] n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'elle dispose de la capacité financière d'apurer sa dette locative et de poursuivre le paiement des loyers ;
Que c'est donc à bon droit que le jugement entrepris l'a déboutée de sa demande de délais de paiement ;
Qu'il convient donc de réformer partiellement le jugement rendu le 4 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire ( Pôle Proximité ) de NICE, sauf en ce qu'il a débouté Madame [R] [F] de sa demande de délais de paiement et rejeté l'exception de nullité soulevée par cette dernière ;
Attendu qu'il sera alloué à Monsieur [L] [C] [J], qui a dû engager des frais irrépétibles pour défendre ses intérêts en justice, la somme de 1 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que Madame [R] [F], qui succombe, supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 4 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire ( Pôle Proximité ) de NICE en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée par Madame [R] [F] et l'a déboutée de sa demande de délais de paiement ;
LE REFORME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE Madame [R] [F] à payer à Monsieur [L] [C] [J] la somme de 14 037,01 € au titre des loyers et charges impayés dont elle était redevable au 1er septembre 2020 ;
CONDAMNE Madame [R] [F] à payer à Monsieur [L] [C] [J] la somme de 6 146,65 € au titre des loyers impayés pour la période allant du 1er octobre 2019 au 1er février 2021 ;
PRONONCE la résiliation du bail du local d'habitation sis 'Le Parc Montebello', 180 avenue de Pessicart, Bâtiment les Cytises, à NICE (06100) au torts de Madame [R] [F] pour défaut de paiement régulier des loyers et charges ;
DIT que la résiliation du bail litigieux prendra effet à compter de la publication du présent arrêt ;
PRONONCE l'expulsion de Madame [R] [F] ainsi que celle de tous occupants de l'appartement sis Le Parc Montebello, 180 avenue de Pessicart, Bâtiment les Cytises à NICE (06100), de leur chef et ce au besoin avec le concours de la force publique ;
CONDAMNE Madame [R] [F] à payer à Monsieur [L] [C] [J] une indemnité d'occupation mensuelle d'une somme de 1 165,71€ à compter de la résiliation du bail et ce jusqu'au jour de la reprise de possession par Monsieur [J] des lieux litigieux, libres de tout occupant, matériel et mobilier ;
CONDAMNE Madame [R] [F] à payer à Monsieur [L] [C] [J] la somme de 1 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens d'appel.
LA GREFFIERELE PRESIDENT