COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2022
N° 2022/ 309
N° RG 19/07858
N° Portalis DBVB-V-B7D-BEIRK
Société BOATRUST MANAGEMENT
C/
[H]
[L]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jérôme MOULET
Me Fabrice MALORTIGUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 28 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18-002965.
APPELANTE
Société BOATRUST MANAGEMENT
dont le siège social est sis Le CORONADO - 20 avenue de Fontvieille 98000 MONACO, prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Jérôme MOULET de la SELARL MOULET-MARTY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [H] [L]
né le 15 juillet 1942 à MARSEILLE (13), demeurant 1003 route de Saint Jacques 06810 AURIBEAU SUR SIAGNE
représenté par Me Fabrice MALORTIGUE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M.[L] exerce la profession d'expert maritime et conseil technique spécialisé dans les moteurs diesel marins.
Le 8 mars 2018, la société BOATRUST a pris attache avec M.[L] pour solliciter son intervention aux fins expertiser des moteurs de marque MTU d'un yacht dénommé « BLUE MAGIC '' (anciennement BIG MACK) alors en cale sèche à Saint Mandrier (84).
Considérant que des factures demeurent impayées M.[L] a assigné la société BOATRUST devant le tribunal d'instance de TOULON, qui par jugement du 28 mars 2019 a condamné la société BOATRUST MANAGEMENT à payer à M. [L] la somme de 4.954,71 € au titre des prestations réalisées entre le 15 mars et 12 avril 2018, outre 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en a ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration au greffe en date du 13 mai 2019, la société BOATRUST a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite:
-l'infirmation du jugement entrepris,
Puis statuant à nouveau :
Sur la demande de communication sous astreinte des documents listés à l'article D8222-5 du Code du travail :
-le constat de la radiation de M. [L] du répertoire SIRENE depuis le 5 mai 2011 ;
-le constat qu'elle est débitrice d'une obligation de vigilance sur la régularité de la situation sociale de son cocontractant ;
Par suite,
-la condamnation de M. [L] à lui communiquer sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter du jugement à intervenir les documents listés à l'article D.8222-5 du Code du travail ;
Sur le mal fondé des demandes présentées par M. [L] :
-le constat que M. [L] a émis un devis d'un montant de 6.600€ pour l'ensemble de ses prestations jusqu'au 26 avril 2018 ;
-le constat que M. [L] a confirmé par email du 13 avril 2018 la gratuité de son intervention du 15 mars 2018 ;
-le constat que M. [L] a émis des factures pour des prétendues prestations dont le montant global s'élève à la somme de 9091,29€ ;
-le constat que M. [L] n'a émis aucun devis pour ces prétendues prestations supplémentaires ;
-le constat qu'elle a réglé la somme de 3.960€ sur l'ensemble des factures émises par M. [L] ;
Par suite,
-qu'il soit dit et jugé qu'elle n'a pas donné son accord exprès ou tacite portant sur le montant des travaux réalisés hors devis ;
En conséquence,
-le débouté de M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
-la condamnation de M. [L] au paiement d'une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens ;
A l'appui de son recours, elle fait valoir:
-qu'elle n'a pas signé le mandat adressé par l'intimé,
-que l'entreprise exploitée par l'intimé a été radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 5 mai 2011, ce qui ne l'a pas empêché d'émettre des factures le 17 mars et le 5 avril 2018, qu'ainsi il est susceptible de poursuites pour travail dissimulé et elle risque une solidarité financière, ce qui justifie sa demande de communication sous astreinte de documents,
-que les factures émises par l'intimé ne correspondent à aucune prestation,
-que l'acceptation de devis pour les travaux supplémentaires constitue une condition nécessaire pour leur exécution,
-que la facture n°1 correspond à l'intervention du 15 mars 2018 annoncée gratuite par l'intimé elle sera rejetée,
-que pour les interventions entre le 21 mars et le 26 avril 2018, l'intimé a forfaitisé son travail par devis du 20 mars 2018 pour un montant de 6 600€,
-qu'elle a réglé 3 960€ le 25 mars 2018 et le solde devait être réglé comme conventionnellement prévu au plus tard le 19 avril 2018,
-que le 5 avril 2018, l'intimé a produit une facture N°2 d'un montant de 6 676,58€ qui ne correspond pas au devis forfaitaire du 20 mars 2018,
-qu'elle n'a jamais donné son accord préalable à des interventions hors forfait,
-que l'intimé a cessé toute diligence à partir du 12 avril 2018, mettant gravement en péril l'exploitation commerciale du navire au cours de la saison 2018,
-qu'il ne démontre pas avoir réalisé les prestations facturées.
M.[L] conclut:
-qu'il soit dit et jugé que par mandat du 8 mars 2018 et devis modificatif du 20 mars 2018 la société BOATRUST MANAGEMENT a contracté avec lui pour une prestation d'expertise et
d'assistance technique concernant le yacht BIG BLUE.
-qu'il soit dit et jugé qu'après règlement d'un acompte de 3.000 € la société BOATRUST MANAGEMENT reste lui devoir la somme 5.131,29 € au titre des facture n°1 et n°2.
-à la condamnation de la société BOATRUST MANAGEMENT à lui payer la somme de 5.131,29 € au titre des prestations réalisées dans le cadre du mandat d'assistance et d'expertise du 8 mars 2018 et du devis modificatif du 20 mars 2018, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation.
-à l'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir de la société BOATRUST MANAGEMENT en sa demande de condamnation à son encontre sous astreinte de 100€ à communiquer les documents visés à l'article D. 8222-5 1° et 2° du Code du travail.
-au débouté la société BOATRUST MANAGEMENT de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
-à la condamnation de la société BOATRUST MANAGEMENT à lui payer la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-à la condamnation de la société BOATRUST MANAGEMENT aux entiers dépens;
Il soutient:
-qu'il est incontestable qu'il a été mandaté le 8 mars 2018 par l'appelante pour procéder à l'expertise des moteurs du navire le BLUE MAGIC amarré à St MANDRIER quant bien même cette dernière n'a pas signé le mandat puisqu'elle l'a autorisé le 13 mars à se rendre à bord pour y démarrer ses investigations,
-que leur accord a ensuite été amendé par un devis du 20 mars 2018 signés par les parties portant sur les prestations à compter du 21 mars,
-qu'il a émis deux factures pour ses diligences entre le 13 mars et le 12 avril:
*facture n°1 du 17 mars 2018: 2 314,71€
*facture n°2 du 5 avril 2018: 2 816,56€ déduction faite d le'acompte de 3 000€ reçu le 22 mars 2018,
-que ni ces factures ni la qualité de son travail n'ont été contestées par l'appelante avant le 30 avril 2018,
-que les vérifications à l'origine de la demande de production de pièces sous astreinte doivent être faite lors de la conclusion du contrat puis en cours de ce dernier jusqu'à son terme, or le contrat ayant pris fin elle n'est plus légalement tenue et donc n'a plus aucun intérêt actuel à le faire,
-que suite à l'annulation initiale de la convocation des différents intervenants par l'appelante, il a proposé de faire gratuitement un contrôle statique des moteurs à l'arrêt, or la convocation a été finalement maintenue et les diligences qu'il a accompli ne correspondent pas à l'intervention gratuite qu'il avait proposée,
-que l'appelante n'a nullement contesté cette facture émise dès le 17 mars,
-qu'elle n'a pas réglé la somme de 3 690€ mais la somme de 3 000€,
-que les prestations hors forfait correspondent aux analyses que l'appelante lui reproche d'avoir retenues,
-qu'il n'a pas cessé toute diligence après le 12 avril 2018, c'est l'appelante qui ne s'est plus manifestée à compter du 11 avril pour mettre fin à la relation contractuelle le 30 avril.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement
Il résulte de l'article 1113 du code civil que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.
Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.
L'article 1710 du même code énonce que le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.
Un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel du contrat d'entreprise.
Les articles 1103 et 1104 du même code disposent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article 1217 du même code autorise la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté à poursuivre l'exécution forcée de l'obligation.
En l'espèce, si la société BOATRUST MANAGEMENT n'a pas signé le mandat d'assistance et d'expertise, transmis par M.[L], le 8 mars 2018, elle en a nécessairement accepté le principe, puisqu'elle a autorisé ce dernier, dès le 13 mars suivant, à se rendre à bord du navire, pour y démarrer ses investigations.
Aussi c'est à juste titre que le premier juge a retenu l'existence d'un contrat d'entreprise entre les parties.
Concernant la facture n°1 du 17 mars 2018 d'un montant de 2 314,71€, elle fait suite à l'intervention autorisée par BOATRUST du 15 mars 2018.
Certes, par mail du 13 mars 2018, M.[L] annonce un contrôle statique des moteurs à l'arrêt, sans honoraire, suite à l'annulation de la sortie en mer prévue le 15 mars, mais il résulte du rapport d'intervention rédigé le 17 mars 2018 et non contesté par la société BOATRUST, et de la facture, qu'après avoir été annulée l'intervention avec sortie en mer a été 're-programmée', sans qu'elle ne puisse davantage se faire, pour raisons météorologiques.
Ainsi, ce rapport n'est pas un simple contrôle statique des moteurs à l'arrêt, mais un rapport sur des constatations faites en statique immédiatement après un préchauffage de la nuit et un fonctionnement au ralenti à quai, de sorte que la société BOATRUST ne peut valablement opposer à M.[L] son engagement à une intervention gratuite, cet engagement ne correspondant pas à l'intervention effectivement réalisée.
Faute pour la société BOATRUST de contester valablement les diligences accomplies en ne produisant aux débats aucun élément contestant leur réalité, et alors même qu'elle n'a fait aucune contestation lors de l'envoi de la facture, retraçant ces prestations effectuées deux jours plus tôt, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamnée à payer cette facture n°1.
Par la suite les parties ont validé un devis du 20 mars 2018 pour des prestations du 21 mars au 26 avril pour un montant de 6 600€.
Ce devis inclus l'essai du 22 mars et la présence à bord les vendredis 30 mars, 6 avril, 13 avril et 20 avril pour mission de contrôle, d'assistance, de conseil durant les travaux sur la partie concernant le domaine d'expertise de M.[L].
Or la relation contractuelle a été rompue le 11 avril 2018.
Suivant facture du 5 avril 2018 n°2, M.[L] distingue ce qui est du au titre du devis soit deux interventions sur 5, non valablement contestée par la production de pièces, soit 2640€ moins l'avance de 3 000€ versée par la société BOATRUST soit un solde en la faveur de cette dernière de 360€ et une partie hors forfait incluant les déplacements pour les analyses et les analyses elles-mêmes, pour lesquelles la société BOATRUST ne peut prétendre qu'elle n'a pas donné son accord puisqu'elle les a réclamées à M.[L] par mail du 11 avril 2018 et qu'elle lui reproche de les avoir abusivement retenues suite au non paiement de la facture, pour un montant de 3 176,56€, soit un solde de facture de 2 816,56€.
Ainsi, la société BOATRUST est condamnée au paiement de la somme de 2 314,71€ +2 816,56€ soit la somme de 5 131,27€.
Sur la demande reconventionnelle en communication des documents relatifs à la situation sociale de M.[L] par la société BOATRUST MANAGEMENT
La société BOAT TRUST MANAGEMENT réclame en vertu de l'article L8222-1 du code du travail la communication sous astreinte de documents relatifs à la situation sociale de M.[L] et notamment les éléments relatifs à son inscription régulière au registre du commerce et des sociétés, mettant en avant le risque de solidarité financière encourue au regard de l'exercice irrégulier de l'activité de ce dernier.
Outre que la présente instance n'a pas pour objet de déterminer la régularité de la situation de M.[L], les textes précisent que la société BOAT TRUST MANAGEMENT aurait dû vérifier ces documents lors de la conclusion du contrat puis en cours de contrat jusqu'à son terme, ce qu'elle n'a pas fait.
Le contrat ayant pris fin, ces demandes sont sans objet et la société BOAT TRUST MANAGEMENT ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude, de sorte que le premier juge est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les autres demandes
La société BOATRUST MANAGEMENT est condamnée à la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 28 mars 2019 par le Tribunal d'instance de TOULON
SAUF quant au quantum de la condamnation de la société BOATRUST MANAGEMENT,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société BOATRUST MANAGEMENT à payer à M.[L] la somme de 5 131,27€ au titre des prestations réalisées sur la période du 15 mars au 12 avril 2018,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la société BOATRUST MANAGEMENT à régler à M.[L] la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE la société BOATRUST MANAGEMENT aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERELE PRESIDENT