COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2022
N° 2022/ 314
N° RG 18/12761
N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3TE
[U] [H]
[S] [I]
C/
[W] [C]
[T] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Fabien MANOURY
Me Hedy SAOUDI
Me Sylvie LANTELME
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 16 Mai 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-17-2058.
APPELANTS
Monsieur [U] [H]
né le 12 Octobre 1974 à CANNES (06), demeurant Les Terrasses d'Antibes 357 boulevard Pierre DELMAS 06600 ANTIBES
Madame [S] [I]
née le 16 Novembre 1975 à SAINT CLOUD (92), demeurant Les Terrasses d'ANTIBES 357 boulevard Pierre DELMAS 06600 ANTIBES
représentés par Me Fabien MANOURY, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Jean-Pascal SERVE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [W] [C]
né le 12 Juin 1966 à NICE (06), demeurant 288 Avenue de Sainte Marguerite Les Restanques 13 - 06200 NICE
représenté par Me Hedy SAOUDI de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat plaidant Me Olfa CHAMKHI, avocat au barreau de NICE
Monsieur [T] [V]
né le 16 Août 1973 à TOULON (83), demeurant 2 impasse Tiran Quartier VERT COTEAU 83000 TOULON
représenté par Me Sylvie LANTELME, membre de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant certificat de cession daté du 30 octobre 2012, Monsieur [U] [H] et Madame [S] [I] ont vendu à Monsieur [W] [C] un véhicule RENAULT Scenic immatriculé 58 BPN 06 affichant 13.000 kilomètres au compteur.
Suivant un second certificat daté du 28 janvier 2015, ce même véhicule, réimmatriculé sous le numéro CP-602-CD, a été revendu par Monsieur [C] à Monsieur [T] [V] alors que le compteur totalisait 54.400 kilomètres.
L'acquéreur a appris par la suite en consultant l'historique des interventions réalisées sur le véhicule que celui-ci affichait en réalité 120.779 kilomètres à la date du 8 octobre 2012.
Cette information a été confirmée par une expertise amiable diligentée à l'initiative de son assureur de protection juridique.
Par acte du 7 juillet 2017, Monsieur [V] a fait assigner Monsieur [C] à comparaître devant le tribunal d'instance de Nice afin d'entendre prononcer la résolution de la vente pour manquement à son obligation de délivrance, sur le fondement de l'article 1604 du code civil.
Monsieur [C] a appelé en garantie ses propres vendeurs Monsieur [H] et Madame [I], par actes d'huissier du 20 novembre 2017 convertis en procès-verbaux de recherches infructueuses.
Aux termes d'un jugement réputé contradictoire rendu le 16 mai 2018, le tribunal a :
- prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre MM. [C] et [V],
- condamné Monsieur [C] à restituer le prix de 3.700 euros, outre intérêts au taux légal capitalisés à compter du 7 juillet 2017,
- débouté en revanche M. [V] de sa demande additionnelle en dommages-intérêts, au motif que la mauvaise foi du vendeur n'était pas établie,
- dit que les frais d'enlèvement du véhicule serait à la charge de Monsieur [C],
- condamné le défendeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [H] et Madame [I] à relever et garantir Monsieur [C] de l'ensemble des sommes mises à sa charge, y compris au titre des dépens et des frais irrépétibles, au motif que le compteur kilométrique avait été modifié antérieurement à l'acquisition du véhicule par ce dernier,
- et ordonné l'exécution provisoire de sa décision.
Monsieur [H] et Madame [I], qui ont reçu signification du jugement le 23 juillet 2018, en ont relevé appel par déclaration adressée le 28 juillet au greffe de la cour.
Ils ont ensuite obtenu du premier président l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations prononcées à leur encontre.
Par un arrêt avant dire droit rendu le 7 octobre 2021, la cour de céans a ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état aux fins de production de l'assignation en intervention forcée délivrée aux appelants le 20 novembre 2017.
L'affaire revient en l'état de la production de cette pièce, l'instruction ayant été à nouveau clôturée le 22 mars 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives notifiées le 21 mars 2022, Monsieur [U] [H] et Madame [S] [I] poursuivent à titre principal l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'assignation qui leur a été délivrée par exploits d'huissier convertis en procès-verbaux de recherches infructueuses, aux motifs que Monsieur [C] était en mesure de connaître le lieu de leur nouveau domicile, et que l'huissier instrumentaire n'a pas effectué de diligences suffisantes en application de l'article 659 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que cette irrégularité affecte l'ensemble des actes de procédure subséquents en raison du caractère indivisible du litige.
Subsidiairement ils invoquent l'irrecevabilité de l'action en garantie en raison de la prescription édictée par l'article 2224 du code civil, pour avoir été exercée plus de cinq ans après la première vente intervenue le 30 octobre 2012.
Plus subsidiairement encore et sur le fond, ils font valoir que la résolution de la seconde vente a été prononcée sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance, et non pas en raison d'un vice caché, de sorte que Monsieur [C] ne peut rechercher la garantie de ses propres vendeurs.
Ils contestent d'autre part avoir commis une quelconque faute lors de la première transaction, soutenant au contraire avoir informé leur acheteur de la remise à zéro du compteur kilométrique à l'occasion du changement du tableau de bord du véhicule effectué le 13 décembre 2011 par un concessionnaire de la marque RENAULT, facture à l'appui.
Ils demandent à la cour :
- principalement, d'annuler le jugement rendu par le tribunal d'instance,
- subsidiairement, de le réformer partiellement en ce qu'il les a condamnés à relever et garantir Monsieur [C], et de débouter ce dernier des demandes dirigées à leur encontre,
- plus subsidiairement encore, d'infirmer en totalité le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente conclue entre MM. [C] et [V],
- et en tout état de cause, de condamner in solidum les parties adverses à leur payer une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre leurs entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 17 décembre 2018, Monsieur [W] [C] soutient pour sa part que la régularité de l'assignation en intervention forcée ne peut être remise en cause dès lors que Monsieur [H] et Madame [I] avaient déménagé sans faire suivre leur courrier et que lui-même n'avait aucun moyen de connaître leur nouvelle adresse.
Il conteste avoir été informé de la remise à zéro du compteur kilométrique, et soutient au contraire avoir été trompé par ses vendeurs, contre lesquels il dit avoir déposé plainte entre les mains du procureur de la République.
Il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner les appelants à lui payer une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
Par conclusions notifiées le 17 janvier 2019, Monsieur [T] [V] considère également que la nullité du jugement n'a pas lieu d'être prononcée, et que même dans le cas où l'assignation en intervention forcée serait reconnue irrégulière cela n'affecterait que la seule action en garantie, et non pas l'action principale introduite à son initiative, faute de lien de dépendance entre les deux actions.
Il demande à la cour de confirmer le jugement, et de condamner tout succombant à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
DISCUSSION
Sur l'irrégularité de l'assignation en intervention forcée :
En vertu de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
En l'espèce les actes incriminés ont été signifiés à Monsieur [H] et Madame [I] à leur ancienne adresse située 225 chemin des Tapets à Pegomas (06580), et contiennent les mentions suivantes : ' Le nom de [H] (ou [I]) n'apparaît nulle part. Le voisinage n'a pas pu nous renseigner. Nous n'avons pas connaissance d'un employeur. Toutes les autres recherches entreprises, y compris celles par annuaire électronique, sont restées infructueuses'.
Ces mentions ne relatent pas précisément les diligences effectuées par l'huissier pour retrouver les destinataires de l'acte, hormis une recherche sur l'annuaire électronique.
Or Madame [S] [I] rapporte la preuve que son nom et son adresse figurent au moins sur deux annuaires électroniques accessibles à partir d'une simple recherche par internet, étant précisé que, son abonnement ayant été souscrit au titre d'une ligne fixe personnelle, ces coordonnées sont publiées d'office par défaut, sauf inscription sur liste rouge (cf pièces n° 5, 6 et 19 de son dossier de plaidoirie).
Il résulte également d'une attestation de Monsieur [F] [J] que MM. [H] et [C] avaient échangé les numéros de leurs téléphones mobiles respectifs afin de prendre rendez-vous pour finaliser la vente (pièce n°8).
Monsieur [C] ne peut soutenir d'autre part que l'acte serait parvenu à ses destinataires si ces derniers avaient pris la précaution de faire suivre leur courrier, dans la mesure où il est établi qu'ils ont déménagé dans le courant de l'année 2013, soit quatre ans auparavant, après avoir acquis un appartement situé 357 chemin de Fontmerle à Antibes (pièce n° 16).
Enfin et surtout, l'acte signifié dans de telles conditions doit être annulé lorsque le domicile réel du destinataire était connu de la partie adverse, qui l'a fait délivrer de manière malicieuse en un autre lieu. Or en l'espèce il convient de relever que la signification du jugement a bien été faite au domicile actuel de Monsieur [H] et de Madame [I], sans que Monsieur [C] ne s'explique sur les circonstances qui ne lui auraient permis de le découvrir que postérieurement à l'assignation.
Il y a lieu en conséquence d'annuler l'assignation en intervention forcée sur le fondement de l'article 114 du code de procédure civile, en raison de l'inobservation d'une formalité substantielle ayant nécessairement causé grief aux défendeurs en les privant de faire valoir leurs droits devant le premier juge.
Sur les conséquences de l'irrégularité :
Le tribunal, faisant application de l'article 367 du code de procédure civile, a joint l'instance principale et l'appel en garantie et statué par une seule décision.
Cependant la jonction d'instances, simple mesure d'administration judiciaire, ne crée pas une procédure unique, ni de liens juridiques entre toutes les parties en cause.
En outre le présent litige ne présente pas de caractère indivisible, de sorte que l'irrégularité de l'assignation en garantie ne peut conduire à l'annulation de la totalité du jugement, mais seulement de celles de ses dispositions intéressant les garants.
Par dérogation au principe de l'effet dévolutif de l'appel, Monsieur [C] sera renvoyé à mieux se pourvoir de ce chef.
La cour n'étant par ailleurs saisie d'aucun appel incident, le jugement sera en revanche confirmé pour le surplus de ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Annule l'assignation en intervention forcée signifiée le 20 novembre 2017 par Monsieur [W] [C] à Monsieur [U] [H] et Madame [S] [I],
Annule en conséquence les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Monsieur [H] et Madame [I] à relever et garantir Monsieur [C] des sommes mises à sa charge,
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,
Condamne Monsieur [C] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer aux appelants une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande présentée par Monsieur [T] [V] sur le même fondement.
LA GREFFIERELE PRESIDENT