COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2022
N° 2022/237
Rôle N° RG 19/07727 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEID6
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
C/
[Z] [W]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Virginie ROSENFELD
Me David-André DARMON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00024.
APPELANT
DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, représentée par le Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, qui élit domicile en ses bureaux, [Adresse 8],
représenté par Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
Madame [Z] [W], née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 9] (Italie), demeurant [Adresse 7] (Italie)
représentée par Me David-André DARMON, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2022,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu l'assignation du 18 octobre 2017, par laquelle Mme [Z] [W] a fait citer le Directeur du service du traitement du contentieux, devant le tribunal de grande instance de Nice.
Vu le jugement rendu le 15 avril 2019, par cette juridiction, ayant :
- Dit que la superficie du bien sis, [Adresse 4], cadastré section l'AD numéro [Cadastre 1] est de 98 m²
- fixé la valeur vénale de l'appartement à la somme de 701'239 €.
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dit que les dépens seront partagés entre les parties.
Vu la déclaration d'appel du 10 mai 2019, par la Direction Régionale des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur.
Vu les conclusions transmises, le 4 juillet 2019, par l'appelante.
Elle considère qu'il convient de retenir la déclaration remplie par la SCI Messidor, constructeur et vendeur de l'immeuble, le 20 mars 1996 au centre des impôts fonciers de Nice, mentionnant que la surface totale des pièces et annexes est de 110m², représentant la surface cadastrale et non le mesurage selon la loi Carrez, de 97,96 m², ne tenant pas compte des planchers, des parties des locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètres, des caves, garages et des emplacements de parking.
La Direction Régionale des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur observe que le tribunal qui retient un seul terme de comparaison à 9 210€ le m², a fixé sans aucune explication la valeur du bien à 7155,50€ le m².
Elle fait valoir que les cessions presentées par 1'administration portent sur des appartements tous situés à la lisière de la principauté de [Localité 10], de construction récente et de qualité, disposant d'un ascenseur et jouissant d'une belle vue sur mer et compte tenu de l'ensemble de leurs caractéristiques, tous classés dans la même catégorie cadastrale 3.
L'administration estime que les termes de comparaison proposés par la contribuable portent sur des biens de qualité moindre et sont situés dans des emplacements sans vue et éloignés de la mer et estime que l'expertise amiable réalisée par son mandataire fiscal ne peut être qualifiée d'indépendante.
Vu les conclusions transmises le 4 octobre 2019, par Mme [Z] [W].
Elle expose que selon la jurisprudence, pour justifier d'une sous-évaluation de la valeur vénale d'un bien l'administration fiscale doit produire au moins trois éléments de comparaison qui doivent comporter des caractéristiques similaires et dont la vente est intervenue dans la période précédant au plus près de la date du fait générateur de l'imposition.
Mme [Z] [W] souligne que le mesurage réalisé en application de la loi Carrez fixe la superficie à 98 m² et non 110 m² comme celle retenue par le fisc et estime que les termes de comparaison fournis par l'administration des impôts ne correspondent pas aux critères susvisés et sont contraires aux conclusions de l'expertise de M. [K] [H], notaire du 18 décembre 2012 qui se réfère à des biens de comparaison pertinents.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 avril 2022.
SUR CE
Dans le cadre de la liquidation de la société de droit italien Ferrim, Mme [Z] [W] s'est vu attribuer un appartement situé à [Localité 6] (Alpes Maritimes), compris dans l'actif de cette dernière, le 29 novembre 2013, l'opération ayant été enregistrée au service de la publicité foncière de [Localité 11] le 11 décembre 2013. L'acte d'attribution mentionnait une valeur de
400'000 €.
Le 20 octobre 2016, les services fiscaux ont adressé à Mme [Z] [W], une proposition
de rectification sur la base d'une valeur de 1'050'720 €.
Un avis de mise en recouvrement a été émis le 31 janvier 2017, pour 43 371€ en droits, 5 010€ d'intéréts de retard et 14 316 €, au titre de la majoration pour manquement délibéré.
Par une réclamation contentieuse en date du 21 février 2017, Mme [W] a contesté les
impositions.
L'administration a rejeté les prétentions de Mme [W] par une décision du 7 août 2017.
Par l'acte d'attribution susvisé, Mme [W] est devenue propriétaire du lot numéro quarante-cinq (45) dudit ensemble dont les caractéristiques sont les suivantes :
.Au troisième étage, un appartement situé à droite de l'ascenseur, comprenant trois pièces avec terrasse.
.Et les six cent trente trois/dix millièmes (633/10000èmes) de la propriété des parties
communes générales.
Il résulte des dispositions de l'article L17 du livre des procédures fiscales que l'administration est tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations.
La valeur vénale des immeubles doit être déterminée par comparaison avec la cession de biens intrinsèquement similaires, relatifs à des ventes antérieures à la date de l'habitation soumise à la formalité ; la valeur vénale réelle d'un bien est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par son propriétaire dans le cas d'une vente ordinaire réalisée dans des conditions normales de concurrence par un acquéreur quelconque, abstraction faite de toute valeur de convenance.
L'évaluation s'effectue par comparaison avec des éléments de référence possédant des caractéristiques similaires au bien litigieux, sans pour autant qu'elle soient strictement identiques dans le temps, dans l'environnement et dans l'emplacement à ceux qui constituent l'objet du litige ; qu'à défaut de termes de comparaison intrinsèquement identiques sur le marché pour la période considérée, l'évaluation peut être réalisée par la méthode de la décote ou de l'abattement à partir d'une évaluation par référence à des biens libres.
La valeur de vente d'un bien immobilier ne pas doit être appréciée à partir de la superficie fiscale déclarée pour le calcul de l'impôt foncier qui s'effectue au plancher entre les murs, sans tenir compte de la hauteur, mais du certificat de superficie établi en application de la loi du 18 décembre 1996 et du décret du 23 mai 1997, ne retenant que les surfaces disposant d'une hauteur suffisante pour constituer une partie habitable. Il y a lieu de constater que pour l'analyse de ses termes de comparaison l'administration se réfère elle même à la superficie déterminée par la loi Carrez.
Il convient donc de retenir, pour l'évaluation du bien litigieux, la superficie déterminée par le certificat établi le 21 janvier 2002 selon la loi Carrez dans le cadre d'une précédente transaction, soit 97,96 m², arrondis à 98 m².
Il n'est pas contesté comme l'indique l'administration fiscale que l'appartement attribué à Mme [Z] [W] qui se trouve au troisième étage d'une petite copropriété de belle qualité de construction récente ( 20 ans), est traversant et bénéficie d'une triple exposition, avec une terrasse de 50 m², disposant d'une belle vue sur la mer. L'emplacement est très proche de [Localité 10].
Il est classé en catégorie cadastrale 3, correspondant à un bien de belle apparence avec une très bonne qualité de construction.
Si l'administration convient, comme le signale Mme [Z] [W] que l'appartement visé dans la proposition de rectification comme premier terme de comparaison situé [Adresse 5] était en cours de construction à la date de sa vente le 27 septembre 2013, il est cependant affecté de la même catégorie cadastrale. Il est précisé que la valeur des deux garages pour 50'000 €en sus du prix n'a pas été prise en compte pour le calcul du prix au mètre carré. Les services fiscaux citent dans leurs conclusions par ailleurs des ventes de garages réalisés dans le même secteur pour le prix de 25'000 €par garage. Ce logement neuf ne peut cependant être retenu comme critère de comparaison valable avec une construction achevée le 15 octobre 1995.
Le fait que le deuxième terme de comparaison, situé [Adresse 3], dans une voie parallèle et proche de celle du bien litigieux, soit implanté au douzième étage n'implique pas nécessairement l'existence d'une plus belle vue sur la mer, celle-ci pouvant être compensée par une construction plus ancienne de 14 ans.
Le troisième terme de comparaison visé par la proposition de rectification est situé dans le même immeuble que celui de l'appartement objet de la procédure, au sixième étage, pour une vente intervenue le 27 juin 2008. Il convient donc de tenir compte de l'augmentation du coût de l'immobilier intervenue depuis lors jusqu'à la date de la transmission en 2013.
Il convient de remarquer que l'ensemble de ces biens, de construction récente sont situés à proximité de la principauté de [Localité 10], bénéficient tous d'une vue sur la mer et sont classées dans la catégorie cadastrale 3, comme l'appartement objet de l'évaluation.
Sur les termes de comparaison proposés par Me [H], notaire de Mme [Z] [W], dans son courrier du 27 février 2017, il convient d'observer que :
- la vente du 2 juillet 2012 concerne un appartement situé au quatrième étage d'un immeuble édifié en 1949, sans ascenseur et de catégorie cadastrale 6, très inférieure à celle du bien en cause et que les photographies produites révèlent que la vue en direction de la mer est barrée par des immeubles plus élevés.
- La vente du 28 mars 2012 concerne un appartement situé au quatrième étage d'un immeuble édifié en 1900, sans ascenseur, de catégorie cadastrale 5 et que la photographie produite confirme qu'il est implanté dans une rue éloignée du bord de mer, sans vue, bordant un terrain vague.
- La vente du 27 janvier 2012 concerne un appartement situé un étage indéterminé d'un immeuble édifié en 1900, dans la même rue que le bien objet de la rectification mais cependant éloigné de celui-ci. La catégorie cadastrale est indéterminée.
Il résulte de ces remarques que le prix au mètre carré doit être déterminé à partir des deuxièmes et troisièmes termes de comparaison proposée par les services fiscaux, soit une moyenne arrondie de 9200 € le m², soit une valeur de 901 600 €, pour une superficie de 98m².
Le complément de droits d'enregistrement sera donc calculé à partir de cette valeur.
Il apparaît ainsi que la cour dispose d'éléments suffisants et qu'il n'est pas utile à la solution du litige d'ordonner une mesure d'expertise
La contestation est donc partiellement admise.
Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne la fixation de la valeur vénale de l'immeuble.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la valeur vénale de l'immeuble.
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe la valeur du bien immobilier litigieux, au montant de 901 600 €,
Dit que le complément des droits d'enregistrement sera calculé en fonction de ce montant,
Dit n'y avoir lieu à la désignation d'un expert,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT