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24/06/2022 | FRANCE | N°18/11379

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 24 juin 2022, 18/11379


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 24 JUIN 2022



N° 2022/ 137



RG 18/11379

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXOI







SAS GSF PHOCEA





C/



[W] [N]

Société ATALIAN PROPRETE PACA (ANCIENNEMENT TFN PROPRETE)



















Copie exécutoire délivrée le 24 juin 2022 à :



-Me Juliette HUA, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Michaël DRAHI, avoc

at au barreau de MARSEILLE





- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Juin 2018 enregistré au ré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2022

N° 2022/ 137

RG 18/11379

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXOI

SAS GSF PHOCEA

C/

[W] [N]

Société ATALIAN PROPRETE PACA (ANCIENNEMENT TFN PROPRETE)

Copie exécutoire délivrée le 24 juin 2022 à :

-Me Juliette HUA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Michaël DRAHI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00972.

APPELANTE

SAS GSF PHOCEA, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Juliette HUA de l'AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [W] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michaël DRAHI, avocat au barreau de MARSEILLE

Société ATALIAN PROPRETE PACA (anciennement TFN PROPRETE), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022

Signé par Madame Estelle de REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [N] a travaillé au sein de la société TFN Propreté, devenue société Atalian Propreté Paca, à partir de septembre 2014 selon plusieurs contrats de travail et était, à ce titre, affecté sur le marché de nettoyage du centre commercial de [Localité 2].

Le 24 novembre 2015, la société GSF Phocea a informé la société TFN Propreté qu'elle était le nouvel adjudicataire du chantier de nettoyage à compter du 1er janvier 2016 et a sollicité la communication des informations relatives aux salariés satisfaisants aux conditions de reprise, telles que définies à l'annexe de la convention collective nationale des entreprises de propreté et à l'accord du 29 mars 1990.

Par courrier du 1er décembre 2015, la société TFN Propreté a transmis la liste des salariés dont M. [N].

La société GSF Phocea s'est opposée à la reprise du contrat de travail de ce salarié considérant qu'au vu des informations fournies par l'entreprise sortante sur le contrat de travail, les conditions n'étaient pas remplies.

La société TFN Propreté a saisi la commission régionale de conciliation de la branche propreté qui a rendu l'avis suivant, selon procès verbal du 25 février 2014 : 'selon les éléments donnés, après vérification des bulletins de salaire et des contrats de travail, (que) M. [N] est bien affecté sur le site depuis plus de 6 mois à la date de reprise de chantier et titulaire d'un CDI' et a constaté l'absence de conciliation, en l'absence de la société GSF Phocea.

Le 7 mars 2016, la société GSF Phocéa a indiqué à M. [N] qu'en dépit du manque d'informations données par la société TFN Propreté , 'nous sommes conscients de votre présence sur le site, nous vous proposons donc de reprendre votre contrat pour une durée hebdomadaire de 18 heures sur le site de la galerie marchande [Localité 2], dès réception de la présente'.

Par courriers du 13 et du 28 avril 2016, la société a demandé au salarié de justifier de son absence.

Le 22 avril 2016, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Après avoir été convoqué par courrier du 6 mai 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 mai suivant, le salarié s'est vu notifier par la société GSF Phocéa un licenciement pour faute grave le 18 mai 2016, précisant 'notre décision repose sur votre absence injustifiée et non autorisée depuis le 7 mars 2016".

Par jugement du 8 juin 2018, le conseil de prud'hommes a :

DIT le transfert du contrat de M. [W] [N] vers la Sté GSF PHOCEA effectif au 1er janvier 2016.

DECLARE la Sté TFN PROPRETE hors de cause ;

DIT QUE la Sté GSF PHOCEA a eu un comportement fautif dans l'exécution du contrat de travail de M. [W] [N].

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] aux torts de la Sté GSF PHOCEA en date du 18 mai 2016 emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la Sté GSF PHOCEA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à M. [W] [N] les sommes suivantes :

4.486,41 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3.328,60 € à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2016 au 7 mars 2016,

1.495,47 € au titre de l'indemnité de préavis,

149,54 € au titre des congés payés afférents,

498,48 € au titre de l'indemnité de licenciement,

1.500 € au titre de l'article 700 du CPC

DEBOUTE M. [W] [N] du surplus de ses demandes.

DEBOUTE la Sté TFN PROPRETE de toutes ses demandes.

DEBOUTE la Sté GSF PHOCEA de toutes ses demandes.

FIXE la moyenne des salaires des 3 derniers mois à 1.494,47 €.

DIT QU'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire.

ORDONNE le remboursement par la Sté GSF PHOCEA aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois et dit qu'une copie certifiée du présent jugement sera adressé par le Greffe auxdits organismes.

CONDAMNE la Sté GSF PHOCEA aux entiers dépens ».

Le 6 juillet 2018, la société GSF Phocea a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2019, la société GSF Phocea demande à la cour de :

'RECEVOIR les présentes conclusions de la Société GSF PHOCEA et les dire bien fondées ;

REFORMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE le 8 juin 2018 en ce qu'il a :

DIT le transfert du contrat de M. [W] [N] vers la Sté GSF PHOCEA effectif au 1er janvier 2016.

DECLARE la Sté TFN PROPRETE hors de cause ;

DIT QUE la Sté GSF PHOCEA a eu un comportement fautif dans l'exécution du contrat de travail de M. [W] [N]

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [N] aux torts de la Société GSF PHOCEA en date du 18 mai 2016 emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la Sté GSF PHOCEA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à M. [W] [N] les sommes suivantes :

4.486,41 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3.328,60 € à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2016 au 7 mars 2016,

1.495,47 € au titre de l'indemnité de préavis,

149,54 € au titre des congés payés afférents,

498,48 € au titre de l'indemnité de licenciement,

1.500 € au titre de l'article 700 du CPC »

DEBOUTE la société GSF PHOCEA de ses demandes »

DEBOUTER Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

DEBOUTER la Société TFN PROPRETE PACA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris les demandes formulées à titre d'appel incident

En conséquence,

DIRE ET JUGER que la société TFN PROPRETE a eu un comportement fautif dans le cadre du transfert du contrat de travail de Monsieur [N]

DIRE ET JUGER que la Société GSF PHOCEA n'a commis aucune faute dans la reprise de Monsieur [N]

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave dont Monsieur [N] a fait l'objet était parfaitement justifié par l'abandon de poste qu'il a commis ;

DÉBOUTER Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société GSF PHOCEA

CONDAMNER la société TFN à relever et garantir la société GSF PHOCEA de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

CONDAMNER Monsieur [N] à payer à la société GSF PHOCEA la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER Monsieur [N] aux entiers dépens de l'instance.'

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 décembre 2018, la SASU Atalian Propreté PACA (anciennement TFN Propreté) demande à la cour de :

'INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a débouté la société Atalian Propreté PACA de sa demande de remboursement dirigée à l'encontre de la société GSF

Le CONFIRMER pour le surplus ;

Sur ce la Cour, statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que le transfert de Monsieur [W] [N] au sein de la société GSF Phocéa est effectif à compter du 1er janvier 2016 ;

DEBOUTER Monsieur [W] [N] et la société GSF Phocéa de l'intégralité des demandes dirigées contre la société Atalian Propreté PACA ;

CONDAMNER la société GSF Phocéa au paiement de la somme de 2.991,00 € au titre des salaires de janvier et février 2016 avancés par la société Atalian Propreté PACA ;

CONDAMNER la société GSF Phocéa au paiement de la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. ainsi qu'aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2018, M. [N] demande à la cour de :

'CONFIRMER le Jugement entrepris ;

A TITRE PRINCIPAL,

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

En conséquence,

CONDAMNER conjointement et solidairement les requises à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 8.972,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

CONDAMNER conjointement et solidairement les requises à la somme de 4.486,41 euros à titre de rappel de salaire des mois de février, mars, avril et mai 2016 ;

CONDAMNER conjointement et solidairement les requises à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 1.495,47 euros au titre de l'indemnité de préavis, et 149,54 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNER conjointement et solidairement les requises à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 498,48 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

CONDAMNER conjointement et solidairement les requises à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens

A TITRE SUBSIDIAIRE,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [W] [N] est abusif

En conséquence,

CONDAMNER la société GSF PHOCEA à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 8.972,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

CONDAMNER la société GSF PHOCEA à la somme de 4.486,41 euros à titre de rappel de salaire des mois de février, mars, avril et mai 2016 ;

CONDAMNER la société GSF PHOCEA à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 1.495,47 euros au titre de l'indemnité de préavis, et 149,54 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNER la société GSF PHOCEA à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 498,48 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

CONDAMNER la société GSF PHOCEA à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

DIRE ET JUGER qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, les frais de recouvrement et les sommes dues à l'Huissier de justice en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale seront supportés par la débitrice'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

I. Sur le transfert du contrat de travail

La société GSF Phocea explique qu'elle n'a pas obtenu de la société TFN Propreté (nouvellement dénommée Atalian Propreté Paca) les informations claires et précises sur les conditions dans lesquelles M. [N] exerçait ses fonctions. Elle soutient que certains contrats ne lui ont pas été communiqués, d'autres n'étaient pas signés, d'autres se chevauchaient pour des motifs différents ne lui permettant pas d'apprécier si les conditions du transfert conventionnel étaient remplies.

Elle considère que n'étaient pas établies, au vu des pièces communiquées, ni la continuité de la présence du salarié au sein de la société depuis 6 mois, ni une durée de travail à temps complet.

Elle fait valoir la mauvaise foi de la société sortante qui a volontairement conclu un contrat à durée indéterminée avec M. [N] en novembre 2015 afin de lui transmettre le contrat de travail dans le cadre de la reprise du marché.

La société Atalian Propreté Paca (anciennement TFN Propreté) réplique avoir parfaitement respecté les obligations mises à sa charge par la convention collective, le salarié répondant à l'ensemble des conditions pour voir son contrat de travail transféré.

Le salarié expose qu'il remplissait les conditions d'un transfert conventionnel dans la branche des entreprises de propreté étant exclusivement affecté au secteur du centre commercial de [Localité 2] depuis plus de six mois.

Les deux sociétés concernées étant des entreprises de nettoyage, la convention collective des entreprises de propreté et l'accord de branche du 29 mars 1990 de la convention collective de la propreté s'appliquent en cas de perte du marché par une entreprise, dite sortante, au profit d'une autre, dite entrante, cette perte de marché ne s'entendant pas du transfert d'une entité économique autonome .

Cet accord de branche du 29 mars 1990 intitulé « garantie d'emploi en cas de continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire » prévoit en son article 2-1 que le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi du personnel ouvrier affecté au marché qui fait l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :

- être titulaire soit d'un contrat à durée indéterminée,

- et justifier d'une affectation d'au moins six mois sur le marché à la date d'expiration de celui-ci et passer sur le marché concerné 30% de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante,

- et ne pas être absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat (sauf en ce qui concerne les salariés en congé maternité).

- soit d'un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent qui satisfait aux conditions visées ci-dessus.

Aux termes des dispositions de l'article 3 (en vigueur étendu) du même accord, l'entreprise sortante établit une liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisant ressortir les salariés remplissant les conditions énumérées à l'article 2-1, et la communiquera obligatoirement à l'entreprise entrante dès connaissance de ses coordonnées.

Cette liste contient, pour chaque personne bénéficiant de la garantie d'emploi, le détail de sa situation individuelle, conformément au modèle figurant en annexe I, et est accompagnée des documents suivants:

- les six derniers bulletins de paie,

- la dernière fiche d'aptitude médicale,

- la copie du contrat de travail et, le cas échéant, de ses avenants.

En l'espèce, il ressort de leur échange de courriers que la société TFN Propreté a communiqué à la société GSF Phocéa la liste du personnel à reprendre sur le site de la galerie du centre commercial de [Localité 2] et s'agissant de M. [N]:

- sa fiche d'aptitude,

- un contrat de travail à durée déterminée du 4 au 10 septembre 2014, mentionnant le centre commercial de [Localité 2] comme lieu d'affectation et une durée de 35 heures/semaine,

- un contrat de travail à durée déterminée du 11 au 20 septembre 2014, dans les mêmes conditions (centre commercial de [Localité 2], 35 heures/semaine),

- un contrat de travail à durée déterminée daté du 4 septembre 2014 débutant le 21 septembre 2014 sans terme précis en remplacement d'un salarié absent pour maladie (M. [C]), pour 35 heures/semaine, au centre commercial de [Localité 2],

- un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet daté du 2 novembre 2015 pour une affectation au 'Centre [Localité 2]', pour une durée de 151heures67/mois

- les bulletins de salaire des mois de juillet à décembre 2015 mentionnant une ancienneté au 4 septembre 2014 et des durées de travail variant entre 123 heures (juillet), 88,67 heures (août), 81,67 heures (septembre), 86,67 heures (octobre), 112,67 heures (novembre), 157,67 heures (décembre).

La société entrante, quant à elle, fournit en pièce 10, le courrier aux termes duquel elle indique que M. [N] ne satisfait pas les conditions susvisées. Elle motive son refus de reprise du contrat de ce salarié, en se fondant sur deux éléments:

- des anomalies concernant un contrat à durée déterminée conclu du 1er au 31 août 2015 pour le remplacement d'un salarié absent qui n'est pas signé par l'employeur, dont la répartition des horaires dans la semaine est incohérente et dont le motif n'est pas indiqué,

- 'le bien fondé et la loyauté' du contrat à durée indéterminée du 2 novembre 2015 qui aurait été conclu de manière 'frauduleuse' : elle reproche la date indiquée sur le contrat (juillet 2014), 'la durée hebdomadaire à 35 h et les heures de travail indiquées qui ne correspondent pas aux heures et à la durée indiqués sur vos relevés de pointage que le client nous communique depuis le mois de mai 2015".

Dans sa réponse du 22 décembre 2015, l'entreprise sortante indique que M. [N] travaille bien sur le site du centre de [Localité 2] depuis le 4 septembre 2014 en vertu d'un contrat de travail sans terme précis en remplacement de M. [C] qui a été reconnu inapte récemment, puis en vertu d'un contrat à durée indéterminée. Elle explique qu'il ne figure pas sur tous les relevés de pointage car il a été absent comme cela ressort de ses bulletins de salaire.

Concernant le contrat du mois d'août 2015, elle explique qu'elle ne l'a pas signé car il s'agissait d'une erreur au regard du contrat susvisé.

Elle dénie les accusations de fraude s'agissant du contrat à durée indéterminée qui ne reposent sur aucun fondement.

Le 28 décembre 2015, la société GSF Phocéa maintient son refus de reprise du contrat de travail au vu des 'contradictions soulevés par les documents présentés'. Elle continue de pointer l'existence d'une fraude dans la signature du contrat à durée indéterminée dès lors que, remplaçant un salarié absent, un tel contrat n'était pas fondé, selon elle. Elle fait état des incohérences entre le temps de travail indiqué sur le contrat et la répartition des horaires prévues à 25 h/semaine considérant qu'il existe un doute sur la durée réelle de travail du salarié.

La société sortante réplique par courrier du 29 décembre 2015 dans les termes suivants : 'les bulletins de M. [N] depuis le mois de septembre 2014, indiquent bien une mensualisation de base de 151,67 heures, qui n'est pas contestable, à raison de 35 heures par semaine sur le chantier concerné. M. [N] remplaçait en CDD M. [C] depuis le 4 septembre 2014. Début novembre 2015, nous avons réceptionné la notification d'incapacité au 2/3 de M. [C]. Par expérience, nous savions que cela allait déboucher sur une inaptitude au poste, c'est pourquoi, nous avons décidé de passer M. [N] en CDI au 1er novembre 2015".

La société entrante maintient son refus au vu de doutes sur les heures effectuées par le salarié qui selon elle, ne travaille pas à temps complet sur le chantier, objet de la reprise.

S'agissant de la fraude qui consisterait pour la société TFN Propreté à conclure un contrat de travail à durée indéterminée le 2 novembre 2015 avec M. [N] dans le seul but de transférer ce contrat à l'entreprise entrante, la cour observe qu'elle ne repose sur aucun élément. En effet, la société TFN Propreté a été informée de la reprise du marché par la société GSF Phocéa le 24 novembre 2015; aucun élément, ni aucune pièce n'est avancé par cette dernière pour justifier que l'entreprise sortante aurait eu une connaissance de cette reprise antérieurement à cette date et encore moins à la conclusion du contrat litigieux.

En outre, il est établi que M. [N] remplaçait un salarié absent (le même nom figure sur tous les contrats à durée déterminée depuis septembre 2014); or, outre l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée, le transfert conventionnel de contrat de travail est également possible s'agissant d'un contrat pour remplacement d'un salarié absent. La signature d'un contrat à durée indéterminée n'était donc pas requise pour le transfert.

En conséquence, si en droit, la fraude corrompt tout, les accusations de fraude ne sont pas étayées et ne pouvaient fonder le refus de reprise.

S'agissant de la régularité de la date du contrat à durée indéterminée, la date de sa conclusion apparaît clairement sous la mention 'Fait à [Localité 4], le 2/11/2015" ; cette date ne peut se confondre avec la mention 'juillet 2014" figurant en bas de chaque page du contrat relevant manifestement d'une 'coquille'.

S'agissant de la durée du travail, la cour relève que l'entreprise sortante a fourni les pièces exigées par l'accord de branche et qu'en tout état de cause, le texte ne prévoit une durée de travail effectuée par le salarié sur le marché concerné qu'à hauteur de 30% de son temps de travail total pour le compte de l'entreprise sortante et en aucun cas à temps plein.

Or, l'analyse des pièces produites (bulletins de salaire et contrats de travail ainsi que le cahier de liaison) à la lumière des explications données par la société TFN Propreté permet de considérer que cette condition était remplie puisque le salarié était affecté exclusivement sur le site de [Localité 2] (c'est ce qui est indiqué dans tous les contrats de travail) et ce, à temps plein.

La cour relève à ce titre que, d'une part l'entreprise entrante n'explique pas en quoi elle remet en cause la durée effective du temps de travail de l'intéressé, dûment justifiée par l'entreprise sortante à laquelle revient la charge de la preuve, sauf à faire état de 'relevés de pointage communiqués par le client depuis le mois de mai 2015" qu'elle ne produit pas; d'autre part, en définitive, elle ne conteste pas l'existence d'un plein temps puisque dans le courrier du 29 mars 2016 qu'elle adresse à M. [N] pour lui demander de justifier son absence alors qu'elle a repris son contrat de travail à temps partiel, elle énonce 'nous vous rappelons que les conditions de travail que nous vous proposons sont distinctes de celles proposées par TFN pour qui vous étiez salarié à temps plein'.

Ainsi, après analyse des pièces susvisées et de l'échange qui a suivi entre les entreprises entrante et sortante, il est établi que le salarié a bien travaillé de manière continue sur le marché commercial faisant l'objet de la reprise durant les six derniers mois en vertu d'un contrat à durée déterminée sans terme précis parfaitement régulier puis d'un contrat à durée indéterminée dont il n'est pas démontré qu'il soit irrégulier ou frauduleux.

En conséquence, le salarié remplissait donc bien les conditions prévues par l'accord du 29 mars 1990.

Les arguments invoqués par la société GSF Phocéa dans ses conclusions ne sont pas ceux ayant motivé son refus de reprise du contrat de travail dans les échange susvisés et ne peuvent justifier le refus.

Il convient en effet de constater que lors de la reprise du marché, à aucun moment, l'entreprise entrante ne reproche la régularité du contrat à durée déterminée du 20 septembre 2014, ni la continuité de la présence du salarié au sein de la société.

Dès lors, il est démontré que dans le cadre de la communication des éléments nécessaires au transfert incombant à l'entreprise sortante, la société TFN Propreté n'a pas failli ; au contraire elle a répondu à la société entrante sur ses interrogations.

En tout état de cause, un manquement de l'entreprise sortante à son obligation de communiquer à l'entreprise entrante les documents prévus par l'accord ne peut empêcher un changement d'employeur qu'à la condition qu'il mette l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché.

Dans cette hypothèse, il appartient au juge d'apprécier si l'éventuelle insuffisance des éléments fournis ou le caractère insincère de certains d'entre eux rendait impossible l'organisation de la reprise effective du marché.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, le refus de transfert est injustifié car basé sur des allégations non fiables, la société ne démontrant d'aucune façon avoir été dans l'impossibilité de reprendre le marché lui même, M. [N] remplissant les conditions visées dans l'accord de 1990 lequel imposait à la société GSF Phocéa, de procéder au transfert, quitte à le contester ensuite par une action.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que le contrat de travail avait été transféré à la société GSF Phocéa le 1er janvier 2016.

II. Sur la rupture du contrat de travail

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

En cas de saisine de la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire suivie d'un licenciement du salarié, le juge doit examiner prioritairement la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.

La société GSF Phocéa soutient n'avoir commis aucune faute dans la reprise du contrat de travail litigieux, contrairement à la société TFN Propreté, et avoir mis tout en oeuvre pour organiser la reprise du salarié, alors qu'elle n'en avait pas l'obligation.

Elle considère qu'elle était en droit de reprendre le contrat de travail en ne tenant compte que du nombre d'heures effectivement réalisées par le salarié en dépit des stipulations contractuelles.

Le salarié fait valoir les manquements graves commis par l'entreprise entrante s'agissant de l'absence de fourniture de travail du 1er janvier 2016 au 7 mars 2016 et du non paiement du salaire depuis le 1er janvier 2016.

Il résulte des éléments de la cause que la société GSF Phocéa a, au moins jusqu'au 7 mars 2016, refusé de fournir du travail à M. [N] et de le rémunérer alors que le contrat de travail de celui-ci lui avait été transféré à compter du 1er janvier 2016.

Ces faits constituent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations contractuelles pour justifier la résiliation du contrat aux torts de la société GSF Phocéa. Il convient de fixer la date de la rupture à la date du licenciement, soit le 18 mai 2016 et de dire que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III. Sur les conséquences financières de la rupture

Le salarié ayant au moins une année d'ancienneté, conformément à la demande du salarié, il convient de confirmer la décision du conseil des prud'hommes s'agissant de l'indemnité de licenciement.

La décision est également confirmée s'agissant de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, tels que réclamés par le salarié.

S'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en considération de ces éléments, de l'ancienneté du salarié dans son emploi (16 mois), de son âge (26 ans), de son salaire mensuel brut lors de son licenciement de 1 495,47 euros et du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi au moins jusqu'au mois de juin 2017 (avis de situation Pôle Emploi), il y a lieu en application de l'article L.1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, et compte tenu du préjudice subi, de confirmer le montant alloué par les premiers juges.

IV. Sur la demande de la société Atalian Propreté Paca

L'entreprise sortante justifie par sa pièce 15 avoir continué de payer le salaire de M. [N] entre les mois de janvier et février 2016.

Le contrat de travail étant transféré à la société GSF Phocéa dès le 1er janvier 2016, il convient en conséquence de condamner celle-ci à rembourser à la société Atalian Propreté Paca (anciennement dénommée TFN Propreté) la somme réclamée de 2 991 euros et d'infirmer la décision de ce chef.

V. Sur la demande de rappel de salaires

M. [N] justifie que la société GSF Phocéa n'a pas payé son salaire jusqu'à son licenciement le 18 mai 2016, étant cependant précisé que les salaires des mois de janvier et février 2016 lui ont été payés par la société TFN Propreté.

En application de la théorie de l'enrichissement sans cause, il convient par conséquent de condamner la société GSF Phocéa à lui verser la somme limitée à 2 392,75 euros.

IV. Sur les indemnités de chômage

Selon l'article L.1235-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage prévues à l'article L.1235-4 du même code.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision des premiers juges de ce chef.

V. Sur les autres demandes

La société GSF Phocéa qui succombe, doit être condamnée à payer à M. [N] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et 1000 euros à la société Atalian Propreté Paca.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris SAUF s'agissant du :

- montant des rappels de salaire dûs à M. [N],

- rejet de la demande en paiement de la société Atalian Propreté Paca,

- remboursement des indemnités de chômage,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société GSF Phocéa à verser à M. [W] [N] les sommes suivantes :

- 2 392,75 euros à titre de rappel de salaire,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société GSF Phocéa à payer à la société Atalian Propreté Paca (anciennement TFN Propreté) les sommes suivantes:

- 2 991 euros à titre de remboursement des salaires versés,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la sanction de l'article L.1235-4 du code du travail n'est pas encourue,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société GSF Phocéa aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/11379
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;18.11379 ?
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