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17/06/2022 | FRANCE | N°19/04070

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 17 juin 2022, 19/04070


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 17 JUIN 2022



N° 2022/ 136





RG 19/04070

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD5Z6







[F] [C]





C/



SARL SUDEXPERTISES

























Copie exécutoire délivrée le 17 Juin 2022 à :



-Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Romain CHERFILS, avocat au

barreau d'AIX-EN-PROVENCE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00864.





APPELANT



Monsieur [F] [C], demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N° 2022/ 136

RG 19/04070

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD5Z6

[F] [C]

C/

SARL SUDEXPERTISES

Copie exécutoire délivrée le 17 Juin 2022 à :

-Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00864.

APPELANT

Monsieur [F] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL SUDEXPERTISES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Guy ALFOSEA, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle De REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par Madame Estelle De REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 février 2012, M. [F] [C] a été engagé par la société Sudexpertises en qualité d'expert des compagnies d'assurance par contrat de travail à durée indéterminée.

Le contrat de travail a été modifié par avenant du 28 mai 2012.

La convention collective nationale applicable était celle des bureaux d'études techniques, cabinet d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils.

Le 8 novembre 2016, M. [C] a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 2 octobre 2017.

Le 3 octobre 2017, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [C] apte.

Au cours du mois d'octobre 2017, le salarié a été placé à plusieurs reprises en arrêt de travail.

Soutenant que l'employeur ne lui avait pas versé les sommes dues au titre du maintien de salaire en cas d'arrêt maladie, le salarié a, le 7 février 2017, saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Marseille.

Par arrêt du 17 novembre 2017, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé l'ordonnance déférée, sauf à fixer la provision due par la SARL Sudexpertises au titre du maintien du salaire pour la période du 8 décembre 2016 au 8 février 2017 à la somme de 13 655,16 euros bruts.

Par courrier du 30 octobre 2017, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 25 avril 2018, il a saisi le conseil des prud'hommes de Marseille pour demander la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 février 2019, la juridiction prud'homale a :

- Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [C] s'analyse en une démission

- Déboute M. [C] de l'ensemble de ses demandes

A titre reconventionnel,

- Condamne M. [C] au paiement de la clause dédit formation : 6 000,00€

- Condamne M. [C] au paiement de l'indemnité compensatrice pour préavis non effectué : 18 809,17€

- Ordonne la restitution du matériel de la société à son siège de [Localité 3] par M. [C] dans un délaid'un mois après notification du jugement avec 50€ d'astreinte par jour à compter du dépassement de ce délai

- Condamne M. [C] au paiement de 1 000,00€ au titre de l'article 700 du CPC

Le 11 mars 2019, le salarié a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mai 2019, il demande à la cour de :

'Dire l'appel du jugement du 15 février 2019 recevable en la forme et bien fondé quant au fond

Réformer le jugement en toutes dispositions

En conséquence,

Condamner la société Sudexpertises à verser à M. [C] :

16 591,20€ à titre de préavis

1 659,00€ à titre d'incidence congés payés sur préavis

7 605,00€ à titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle

un rappel de salaires de novembre 2016 à octobre 2017 de 17 820,69€

18 739,00€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 500,00€ au titre de l'article 700 du CPC

Condamner Sudexpertises aux entiers dépens'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 août 2019, la société Sudexpertises demande à la cour de :

'Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 15 février 2019

en ce qu'il a :

dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [F] [C] doit produire les effets d'une démission,

débouté Monsieur [F] [C] de l'ensemble de ses demandes,

constaté que Monsieur [F] [C] n'a pas exécuté son préavis de 3 mois,

condamné Monsieur [F] [C] à payer à la société SUDEXPERTISES la somme de 18.809,17 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour non-exécution de préavis,

constaté que Monsieur [F] [C] a souscrit une clause de dédit-formation,

condamné Monsieur [F] [C] à payer à la société SUDEXPERTISES la somme de 6.000 € au titre de la clause de dédit-formation,

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 15 février 2019 en ce qu'il a :

débouté la société SUDEXPERTISES de sa demande de condamnation de Monsieur [F] [C] à lui verser la somme indûment perçue de 10.847,09€,

débouté la société SUDEXPERTISES de sa demande de condamnation de Monsieur [F] [C] à restituer à la société la somme de 13.655,16 € versés indument sur la base d'une analyse en référé ne permettant pas l'analyse au fond qui aurait légitimé une toute autre décision, ou à tout le moins, à titre subsidiaire, constater que la demande de rappel de salaire de Monsieur [F] [C] n'est pas légitime et impropre à justifier sa prise d'acte ;

Statuer à nouveau :

Condamner Monsieur [F] [C] à payer à la société SUDEXPERTISES la somme indûment perçue de 10.847,09€,

Condamner, Monsieur [F] [C] à restituer à la société la somme de 13.655,16€ versés indument sur la base d'une analyse en référé ne permettant pas l'analyse au fond qui aurait légitimé une toute autre décision, ou à tout le moins, constater que la demande de rappel de salaire de Monsieur [F] [C] n'est pas légitime et impropre à justifier sa prise d'acte ;

Condamner Monsieur [F] [C] à payer à la société SUDEXPERTISES la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

La cour relève que la société ne réclame plus la restitution du matériel par M. [C] expliquant que l'ensemble du matériel lui a été rendu par le salarié. Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur le rappel de salaire

Selon l'article 43 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 afférent à la garantie de salaire en cas d'arrêt maladie, après un an d'ancienneté, l'employeur ne doit verser au salarié que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, jusqu'à due concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toute charge, le cadre malade ou accidenté s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications.

Le maintien du salaire s'entend dès le premier jour d'absence pour maladie ou accident dûment constaté par certificat médical; les sommes fixées ci-dessus constituent le maximum auquel le cadre aura droit pour toute période de douze mois consécutifs au cours de laquelle il aura eu une ou plusieurs absences pour maladie ou accident. Cette garantie est fixée à trois mois entiers d'appointements.

L'avenant au contrat de travail du 28 mai 2012 stipule une clause de rémunération rédigée ainsi : 'en contrepartie de l'obtention de la qualification Crac, M. [C] percevra la rémunération brute suivante: 30% du chiffre d'affaires mensuel hors taxe réalisé par lui sur les factures qu'il aura émises. Ce pourcentage se décompose de la façon suivante: 27,27% des honoraires hors taxes facturés plus 2,73% des honoraires hors taxes facturés au titre des congés payés. Le montant des commissions sera versé sur la base d'un état récapitulatif établi en fin de mois'.

Le salarié réclame un rappel de salaire d'un montant de 17 820,69 euros pour la période comprise entre le mois de novembre 2016 et octobre 2017, période durant laquelle le contrat de travail était suspendu pour cause d'arrêt maladie d'origine non professionnelle.

La cour relève, au vu des conclusions du salarié et après analyse de sa pièce 26 à laquelle il renvoie en page 11 de ses écritures, que la somme réclamée concerne en réalité uniquement la période du 8 novembre 2016 au 31 janvier 2017. La période postérieure (jusqu'au 30 septembre 2017) fait bien l'objet d'une discussion sans cependant renvoyer à une somme autre que celle susvisée, seule figurant au dispositif.

M. [C] soutient qu'il aurait dû percevoir la somme globale de 31 666,42 euros bruts au titre des salaires de novembre 2016 à janvier 2017 inclus, alors que l'employeur ne lui a versé que 10 666,21 euros net soit 13 845,73 euros brut, d'où un différentiel de 17 820,69 euros. Pour en justifier, il renvoie à sa pièce 26 contenant les calculs opérés.

Critiquant ces calculs comme basés sur des chiffres d'affaires erronés, des périodes incohérentes et sans déduction des indemnités journalières reçues, la société considère avoir rempli son obligation de maintien de salaire pendant la période d'arrêt de travail.

Elle réclame de son côté le remboursement des sommes versées au cours des mois précédents l'arrêt de travail qui sont, selon elle, constitutives d'avances sur rémunération variable à des périodes de production moins importantes, nécessitant une régularisation en fin d'année.

Se référant à sa pièce 10 (tableau de comparaison entre les commissions réellement acquises et les sommes versées les 12 mois précédents l'arrêt de travail), l'employeur sollicite le remboursement de la somme de 10 847,09 euros soutenant que le salarié aurait perçu un salaire brut total de 75 236,67 euros entre novembre 2015 et octobre 2016 alors qu'il n'était en droit de ne prétendre qu'à une rémunération d'un montant global de 63 329,98 euros brut, soit la différence dont il faut déduire la somme de 1 059,60 euros indûment perçue.

Selon les dispositions conventionnelles susvisées, l'assiette de calcul des allocations maladie nécessaires pour compléter les sommes versées par la sécurité sociale et, le cas échéant, le régime de prévoyance, est calculée sur les douze derniers mois s'agissant d'une rémunération variable.

La cour relève que la rémunération mensuelle du salarié est perçue sous forme de commissions, qui ont la nature de salaire, versées sur la base d'un état récapitulatif établi en fin de mois, et non annuellement, de sorte que c'est à tort que l'employeur soutient que les sommes versées au cours des mois précédents l'arrêt de travail sont constitutives d'acomptes ou d'avances, qui nécessiteraient une régularisation et un remboursement.

La demande en remboursement de l'indû doit en conséquence être rejetée.

Les calculs produits par le salarié s'agissant de la détermination du salaire dû au titre des mois de novembre 2016 à janvier 2017 (pièce 26) sont conformes aux bulletins de salaires versés aux débats; s'agissant des chiffres d'affaires qui y sont retenus et qui sont contestés par l'employeur, la cour relève que le salarié se borne à les justifier par un récapitulatif de factures non étayé par aucune pièce (pièce 22) alors que l'employeur produit un tableau issu de quatre bases (pièce 14), qu'il convient de retenir.

Dès lors, le calcul correspondant à la somme des salaires maintenus au titre des mois de novembre 2016 à janvier 2017 et des salaires dus au titre de la rémunération variable sur la base des factures émises pendant cette période est le suivant :

17 238,10 euros + 11 081,47 = 28 319,57

Il y a lieu de déduire les indemnités journalières perçues pour la période concernée (octobre 2016 à janvier 2017) soit 1 648,82 euros, étant observé qu'aucun versement n'a été fait sur cette période en application du régime de prévoyance (il y a des versements pour la période de février 2017 au 30 septembre 2017), et les versements faits par l'employeur soit les sommes de 6 529,17 euros, 2 519,84 euros et 1 612,20 euros.

Dès lors, la société reste redevable d'un rappel de salaire d'un montant de 12 825,02 euros.

Il convient par conséquent de condamner la société à verser au salarié la somme de 12 825,02 euros et de rejeter la demande en remboursement de l'indû.

La demande en restitution de la somme provisionnelle de 13 655,16 euros fixée en confirmation de l'ordonnance de référé doit être rejetée, sauf à opérer compensation.

Sur la rupture du contrat de travail

1) Sur la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.

C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, s'il subsiste un doute, celui-ci profite à l'employeur.

La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

A l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.

En l'espèce, par courrier du 30 novembre 2017, M. [C] a pris acte de la rupture dans les termes suivants :

'Je vous adresse que je prends acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de mon employeur.

Alors même que je travaille dans votre entreprise depuis plus de cinq années, la situation est devenue intenable à compter du jour où je suis tombé malade, le 8 novembre 2016. En effet, à compter de cette date, je me suis subitement retrouvé sans revenu puisque du fait de mon arrêt de travail, vous avez décrété que vous n'aviez pas à maintenir mon salaire. Malgré mes demandes, vous avez persisté dans cette attitude, me mettant dans une situation exsangue. J'ai donc été contraint de saisir le juge des référés en date du 24 janvier 2017. Ce dernier a admis que vous étiez dans l'obligation de procéder au maintien de mon salaire et vous a condamné à me verser la somme de 15 304,08 euros.

Vous n'avez pas exécuté la décision, j'ai donc été contraint de procéder à une saisie par voie d'huissier de la somme qui m'était due. Prétextant d'une irrégularité, vous avez saisi le juge de l'exécution et avez parallèlement interjeté appel. Je n'ai donc, encore à ce jour, toujours pas perçu ces sommes correspondant à une partie de mon salaire depuis bientôt un an.

Pendant tout ce temps, vous n'avez pas souscrit à votre obligation d'information en qualité d'employeur. C'est incidemment que j'ai appris qu'il convenait d'adresser des décomptes d'IJSS à la caisse de prévoyance chargée de prendre en charge le maintien de mon salaire. Depuis, vous percevez des indemnités versées par la caisse de prévoyance sans me transmettre le moindre décompte, ni me reverser les sommes me revenant. Cela participe encore à la dégradation de ma situation financière. Situation financière particulièrement obérée du fait des actions en justice que j'ai dû engagé afin d'obtenir le paiement de mon salaire.

Je vous rappelle que mon revenu moyen mensuel de l'année 2016 (avant arrêt) s'élevait à : 4 430,38 euros net/mois et que j'ai perçu depuis le 8 novembre 2016 (date de mon arrêt de travail initial) la somme globale de 19 124,63 euros (9 462,32 euros CPAM; 9 662,31 euros employeur), soit 1 738,60 euros par mois.

Le non respect de vos obligations a eu pour effet de provoquer une baisse drastique de mes revenus avec des conséquences dramatiques sur mon quotidien: obligation de souscrire à un crédit à la consommation, pour faire face à mes charges courantes, non paiement des tiers provisionnels pour les impôts, outre les aides pécuniaires accordées par ma famille et par mes proches.

Par ailleurs, je vous rappelle que l'employeur est tenu de délivrer un bulletin de salaire tous les mois. Or mes bulletins de salaire des mois de novembre 2016 à janvier 2017 m'ont été remis au mois de février par l'intermédiaire de mon avocat lors de l'audience devant le juge des référés et ceux de février à août 2017 m'ont été également transmis par l'intermédiaire de mon avocat devant le juge de l'exécution au mois de septembre dernier. Je n'ai donc aucune explication sur les sommes que vous m'avez versées ou auriez dû me verser alors que cela relève de votre obligation en tant qu'employeur et ce malgré mes nombreuses demandes.

Bien que particulièrement meurtri par l'ensemble de ces faits, j'ai repris mon poste au terme de mon arrêt de travail en date du 2 octobre 2017, après avoir été déclaré apte par le médecin du travail en date du 3 octobre 2017. Je me suis donc rendu chaque jour sur mon lieu de travail, et me suis malheureusement aperçu que je n'étais pas attendu, que je n'avais aucune tâche à accomplir, sur mes accès informatiques, mails et serveur n'avaient toujours pas été rétablis et ce, malgré ce que M. [S] m'avait annoncé par mail en date du 2 octobre 2017 sur ma boîte personnelle.

Pourtant, j'ai pu constater l'existence d'affaires entrant dans mon champ de compétence et qui ont été affectées aux personnes qui ont été embauchées pour me remplacer durant mon arrêt de travail. Au bout d'une semaine, la situation m'est très vite apparue moralement insupportable du fait de vos manquements répétés perdurant depuis des mois, et mon médecin a décrété que mon état de santé ne permettait pas de poursuivre dans ces conditions.

Face à ce constat, je suis contraint aujourd'hui de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs et vous remercie de m'adresser sans délai les documents qui me reviennent.'

Aux termes de ses conclusions, le salarié reproche essentiellement trois griefs principaux à l'employeur:

- la modification des éléments de sa rémunération

- l'absence de fourniture de travail lors de sa reprise d'activité

- l'exécution déloyale du contrat au moment de l'arrêt de travail.

M. [C] soutient que la société a diminué de façon unilatérale sa rémunération en calculant celle-ci sur la base de la facturation, non plus du mois échu comme stipulé au contrat, mais sur celle du mois N-1. Il indique en outre que l'employeur a modifié les libellés des bulletins de salaire en remplaçant le terme 'commission' par 'salaire de base' et 'prime'.

L'intimé explique avoir procédé à des avances sur rémunération variable afin que le salarié bénéficie d'un revenu pendant les périodes de production moins importantes et ce, en accord avec lui lequel ne s'y est pas opposé durant toute l'exécution du contrat.

La clause de rémunération susvisée renvoyant au chiffre d'affaires mensuel HT réalisé par le salarié, c'est en vain que celui-ci fait état d'une baisse de sa rémunération en raison d'un changement dans le mois pris en compte, qui ne modifie ni la structure, ni le montant de la rémunération, tel que cela ressort d'ailleurs des bulletins de salaire produits et ce depuis le mois de janvier 2015.

La cour a constaté que pendant l'arrêt maladie le salarié avait reçu une rémunération moindre qui ne constitue pas pour autant une modification des éléments de sa rémunération.

Le grief n'est pas établi.

S'agissant du défaut de fourniture de travail, le salarié explique qu'à son retour, en dépit d'un mail d'accueil de l'employeur, aucun travail ne lui a été donné et ce durant l'ensemble des jours du mois d'octobre où son contrat de travail n'était pas suspendu pour cause de maladie.

Il ajoute qu'il n'avait également aucun accès informatique.

Il produit notamment les fax qu'il a passé les jours de présence sur le lieu de travail à son retour ainsi que les missions d'expertises qu'avait à accomplir la société durant la même période.

En réplique, l'employeur soutient que l'appelant n'a été en réalité en mesure d'effectuer une prestation de travail que durant deux jours pendant le mois d'octobre 2017, expliquant que pendant la semaine du 2 au 6 octobre il était subordonné au résultat de la visite de reprise, qu'il ne s'est pas présenté à son poste de travail le lundi 9 octobre, qu'il a été placé en arrêt de travail du 10 au 13 octobre, puis du 16 au 20 octobre; qu'il ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le 23 octobre; qu'il a été à nouveau placé en arrêt de travail du 21 au 27 octobre, et que le 30 octobre 2017, prenant acte de la rupture du contrat de travail, il a quitté la société le 30 octobre.

La fourniture du travail convenu au salarié est une obligation essentielle de l'employeur. C'est à ce dernier de démontrer qu'il a satisfait à cette obligation, en fournissant au salarié du travail, et que celui-ci a refusé ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

Il ressort des pièces produites par les parties (arrêt de travail, relevé de transmission,) que M. [C] était présent dans l'entreprise le lundi 2 octobre, jour où il a reçu un mail d'accueil de son employeur sur sa boîte personnelle lui indiquant qu'ils feraient ensemble un point sur son programme 'dans la semaine', après sa visite médicale de reprise (3 octobre) et qu'il faisait le nécessaire pour lui donner accès au serveur et à sa boîte mail professionnelle. Le salarié a communiqué son certificat d'aptitude à la reprise le 3 octobre à 13h33 et était donc à la disposition de l'employeur du mardi 3 octobre après-midi au lundi 9 octobre compris, aucun élément ne permettant de considérer qu'il était absent ce jour là, sauf l'affirmation non étayée de l'employeur. Or, durant cette période de 4,5 jours ouvrés, aucune prestation ne lui a été confiée alors qu'à la lecture de la pièce 27 du salarié, l'entreprise avait des missions à accomplir.

Le salarié sera encore à la disposition de l'employeur le 16, le 23 et le 30 octobre, bien qu'entrecoupés d'arrêts maladie.

La cour retient, après analyse de ces éléments, que l'employeur n'a pas fourni de travail à l'appelant alors pourtant qu'il était à sa disposition, sans refuser de travailler, dès le 2 octobre ; s'il est vrai que le contrat de travail s'est trouvé suspendu à plusieurs reprises à partir du 10 octobre en raison d'arrêts maladie, cela ne déliait pas l'employeur de son obligation pour les jours de présence qui furent continus notamment du 3 au 6 octobre de lui fournir du travail. Or, aucune mission ne lui a été confiée à cette période et l'employeur ne démontre ni n'allègue avoir prévu de faire exécuter des missions par l'intéressé et avoir dû, le cas échéant, les réorganiser en raison de ses absences.

La cour relève en outre que durant toute cette période, le salarié n'a pas eu accès au serveur de l'entreprise, ni de boîte mail professionnelle, en dépit du mail de l'employeur et d'une tolérance pour les 2 premiers jours après la reprise. Cet élément démontre un peu plus l'absence de volonté de l'employeur de lui confier des missions.

Le grief est par conséquent établi.

La cour rappelle que le non paiement du salaire est établi au moins entre le mois de novembre 2016 et le mois de février 2017, soit une période de trois mois et que le salarié a dû saisir le juge des référés pour réclamer une provision sur salaire qui lui a été accordée.

Le manquement est par conséquent établi.

Dès lors, la cour considère que les manquements relevés ci-dessus étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Le jugement est infirmé.

2) Sur les conséquences financières

La prise d'acte a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

a) Sur les indemnités de rupture

Ayant le statut de cadre, l'article 3 de la convention collective applicable prévoit une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois.

Il convient par conséquent de condamner la société à verser à M. [C] la somme réclamée de 16 591,20 euros, outre 1 659 euros à titre de congé payés afférents, non autrement contestée par l'employeur qui demandait une somme de 18 809,17 euros pour l'indemnisation du préavis non exécuté.

Selon l'article 18 de la convention collective applicable, il est attribué à tout salarié justifiant d'au moins deux ans d'ancienneté une indemnité de licenciement distincte de l'indemnité de préavis. Elle s'élève après deux ans d'ancienneté, à 1/3 de mois par année de présence de l'ingénieur ou du cadre sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois.

Il convient d'allouer au salarié la somme réclamée de 7 605 euros, non utilement contredite à ce titre.

b) Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le salarié ayant deux ans d'ancienneté et appartenant à une entreprise d'au moins 11 salariés, il a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Cependant, la cour constate que le salarié a fait une demande inférieure à ce minimum, le salaire moyen s'élevant à 5 530 euros.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande de 18 739 euros

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du même code qui l'imposent, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la clause de dédit formation

La société fait valoir qu'aux termes de l'avenant du 28 mai 2012, le salarié s'est engagé à rester au moins 5 ans dans l'entreprise à partir de l'obtention de la qualification CRAC; et dans l'éventualité où il souhaiterait quitter l'entreprise avant la fin de ce délai à rembourser les frais de formation selon certaines modalités.

Mais cet engagement contractuel du salarié est prévu si le salarié 'souhaite quitter' l'entreprise, en cas de 'démission' (selon le dernier alinéa de l'avenant). Or, en l'espèce, la cour considère que c'est l'employeur qui est à l'origine de la rupture du contrat de travail du fait de ses manquements graves à ses obligations contractuelles.

Dès lors, la société est déboutée de sa demande d'indemnité au titre de la clause de dédit formation et le jugement infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Il convient d'infirmer la décision sur ce point et de condamner la société à verser au salarié en cause d'appel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme la décision entreprise SAUF dans ses dispositions relatives à la restitution du matériel,

Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant:

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Sudexpertises à payer à M. [F] [C] les sommes suivantes :

- 12 825,02 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois de novembre 2016 au mois d'octobre 2017, sous réserve de compensation à opérer avec la somme réglée à titre provisionnel,

- 16 591,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 659 euros à titre de congés payés afférents,

- 7 605 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 18 739 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par la société Sudexpertises à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 6 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi par le greffe,

Condamne la société Sudexpertises à verser à M. [C] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04070
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;19.04070 ?
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