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17/06/2022 | FRANCE | N°18/15453

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 17 juin 2022, 18/15453


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 17 JUIN 2022



N° 2022/ 129





RG 18/15453

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDDUH







[X] [J]





C/



SARL AB CONCEPT

























Copie exécutoire délivrée le 17 juin 2022 à :





- Me Romain JIMENEZ-MONTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Laurence NASSI-

DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01480.





APPELANT



Monsieur [X] [J], demeura...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N° 2022/ 129

RG 18/15453

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDDUH

[X] [J]

C/

SARL AB CONCEPT

Copie exécutoire délivrée le 17 juin 2022 à :

- Me Romain JIMENEZ-MONTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Laurence NASSI-DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01480.

APPELANT

Monsieur [X] [J], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Romain JIMENEZ-MONTES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Audrey BRUIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL AB CONCEPT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurence NASSI-DUFFO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 17 Juin 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 1er juillet 2014, M. [X] [J] a été embauché par la SARL AB Concept en qualité de menuisier ébéniste par contrat à durée indéterminée.

Par lettre du 20 novembre 2016, M. [J] a sollicité auprès de son employeur la rupture d'un commun accord de son contrat de travail.

A la suite de deux entretiens préalables des 1er et 8 décembre 2016, la rupture conventionnelle a été validée en janvier 2017, les parties signant également un protocole d'accord transactionnel.

Le 20 juin 2017, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir la nullité de la transaction et le paiement de diverses indemnités.

Le 3 septembre 2018, le conseil de prud'hommes a rendu sa décision en ces termes :

«DIT ET JUGE la validité de la rupture conventionnelle.

DEBOUTE Monsieur [J] [X] de ses demandes de :

- Dommages et intérêts concernant les mentions obligatoires sur les bulletins de salaires et contrat de travail,

- Dommages et intérêts sur les modifications du contrat de travail opérées unilatéralement

- Paiement de rappel de salaires et congés payés afférents,

- Dommages et intérêts au titre des menaces et pressions exercées,

- Dommages et intérêts pour préjudice distinct

- Versement du paiement d'heures supplémentaires

CONDAMNE M. [J] au remboursement d'un trop perçu de primes de transports pour un montant de 104,25 € (cent quatre euros et vingt-cinq centimes)

CONDAMNE la SASU AB CONCEPT à recalculer les bulletins de salaires avec mention de la classification conforme aux statuts de Maître d'apprentissage (Niveau 3, position 2, coefficient 230) à compter du 21 octobre 2015

CONDAMNE la SASU AB CONCEPT à payer à Monsieur [J] [X], les sommes suivantes :

- 400 € (quatre cents euros) au titre de prime d'apprentissage,

- 40 € (quarante euros) au titre de congés payés afférents,

- 964,44 € (neuf cent soixante-quatre euros et quarante-quatre centimes) au titre du montant

des paniers repas sur une période définie,

- 96,44 € (quatre-vingt-seize euros et quarante-quatre centimes) au titre des congés payés

afférents

- 1200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SASU AB CONCEPT sous astreinte de 10 € (dix euros) par jour au-delà de 90 jours à compter du prononcé du présent jugement,

CONDAMNE la SASU AB CONCEPT à remettre à Monsieur [J] [X] l'ensemble des documents sociaux (Attestation Pôle emploi, solde de tout compte, certificat bleu de la Caisse des Congés payés, contrat de travail) en concordance au présent jugement

CONDAMNE la SASU AB CONCEPT aux entiers dépens.»

Le 28 septembre 2018, le conseil du salarié a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 avril 2019, M. [J] demande à la cour de :

«IN LIMINE LITIS

REJETER les attestations de Messieurs [K] et [G] (pièces adverses n°7 et 8) sur le fondement de l'article 202 du Code de procédure civile, et la pièce adverse n°20.

CONFIRMER donc le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille.

SUR LA RUPTURE CONVENTIONNELLE

PRONONCER la nullité de la rupture conventionnelle.

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

En conséquence, CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 11.872,02 euros au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3957,34 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

SUR LA TRANSACTION

PRONONCER la nullité de la transaction pour défaut de concessions réciproques et antériorité de la transaction au regard de l'homologation intervenue.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 5.858,31 euros au titre de dommages et intérêt pour le préjudice subi.

SUR LES DEMANDES POUR NON RESPECT DES DISPOSITIONS LÉGALES ET CONVENTIONNELLES

Sur les mentions obligatoires sur les bulletins et le contrat de travail

CONSTATER le défaut de mentions obligatoires sur les bulletins et le contrat de travail.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mentions obligatoires dans le contrat de travail,

- 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mentions obligatoires sur les bulletins de salaire,

Sur les modifications du contrat de travail opérées unilatéralement

CONSTATER les modifications unilatérales du contrat.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts suite à la modification du coefficient,

- 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts pour modification de la rémunération.

Sur le rappel de salaires et la date de son versement

CONSTATER que Monsieur [J] est en droit de prétendre à un rappel de salaires sur la base du coefficient 230 de la CCN applicable.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 12.213,04 euros à titre de rappel de salaire et 1221,30 euros au titre des congés payés y afférents.

Si par extraordinaire, la Cour ne devait pas retenir pas le coefficient 230, Monsieur [J] sollicite la CONDAMNATION de la Société AB CONCEPT à payer la somme de 7.509,88 euros et 750,98 euros au titre des congés payés y afférents (sur la base du coefficient contractuel 210).

CONSTATER que Monsieur [J] ne recevait pas le paiement de ses salaires aux échéances fixées contractuellement.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point en ce qu'elle a rejeté sa demande,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions contractuelles.

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour incidence du rappel de salaire sur les congés payés (caisse ProBTP).

Sur la durée du travail et le paiement des heures supplémentaires

CONSTATER le non-respect des horaires de travail et l'absence de suivi et de contrôle des heures effectuées.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 5.858,31 euros au titre de dommages et intérêts.

CONSTATER que Monsieur [J] a réalisé des heures supplémentaires non payées.

En conséquence,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] les sommes suivantes (sur la base du coefficient 230) :

- 763,35 euros et 76,33 euros au titre des congés payés y afférents,

- 32,42 euros au titre d'une heure réalisée la nuit et 3,24 euros au titre des congés payés y afférents.

Si par extraordinaire, la Cour ne devait pas retenir le coefficient 230 (mais 210), Monsieur [J] sollicite la CONDAMNATION de la Société au paiement des sommes suivantes :

- 605,60 euros et 60,56 euros au titre des congés payés y afférents,

- 29,92 euros au titre d'une heure réalisée la nuit et 2,99 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la prime de panier et l'indemnité de transport

CONSTATER le non-versement de la prime de panier.

CONFIRMER la décision du CPH de Marseille sur le principe, mais revoir le montant de la condamnation prononcée

En conséquence, CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] de la somme de 4.013,03 euros et 401,30 euros au titre des congés payés y afférents.

CONSTATER le non-versement de l'indemnité de transport à compter du mois de décembre 2015 et CONSTATER les irrégularités dans le versement antérieur.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point,

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 1.462,00 euros au titre de l'indemnité de transport à compter de décembre 2015 et 146,20 au titre des congés payés y afférents.

Sur la prime d'apprentissage

CONSTATER le non-versement de la prime d'apprentissage.

En conséquence,

CONFIRMER la décision du CPH de Marseille sur ce point.

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] la somme de 400,00 euros au titre de la prime d'apprentissage et 40,00 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur les menaces quotidiennes et pressions exercées par la Société

CONSTATER que Monsieur [J] a subi au cours de la relation contractuelle des menaces et pressions quotidiennes de la Société ayant fortement dégradé ses conditions de travail.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point.

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] de la somme de 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le préjudice distinct

CONSTATER que Monsieur [J] a subi un préjudice moral et financier distinct.

En conséquence,

REFORMER la décision du CPH de Marseille sur ce point.

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à payer à M. [J] de la somme de 5.858,31 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct.

SUR LA COMMUNICATION DES DOCUMENTS, LE VERSEMENT DES SOMMES PAR LA SOCIETE ET L'ASTREINTE

CONFIRMER la décision du CPH de Marseille, sur le principe, en ce qu'il a prononcé la délivrance sous astreinte : des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, certificat de travail, « certificat bleu »), des bulletins de salaire rectifiés.

FIXER cette astreinte à 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision d'appel.

ORDONNER la liquidation de l'astreinte prononcée par le CPH de Marseille, pour la non communication desdits documents à ce jour.

CONFIRMER la décision du CPH de Marseille, sur le principe, en ce qu'il a prononcé la condamnation de la Société au paiement de sommes sous astreinte.

FIXER cette astreinte à 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision d'appel.

ORDONNER la liquidation de l'astreinte prononcée par le CPH de Marseille quant au versement des sommes dues par la Société AB CONCEPT, Monsieur [J] n'ayant toujours pas reçu le paiement desdites sommes (soit plus de 90 jours après la décision du CPH).

REJETER les demandes reconventionnelles formées par la Société.

PRONONCER la condamnation de la Société AB CONCEPT avec intérêt au taux légal.

CONDAMNER la Société AB CONCEPT à verser à Monsieur [J] la somme de 4.500,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la Société AB CONCEPT aux entiers dépens.»

Aux termes de ses dernières écritures, transmises par voie électronique le 2 juillet 2019, la société AB Concept demande à la cour de :

«In limine litis,

Sur les attestations

Dire et juger que les attestations de Messieurs [K] et [G] et celle de Madame [M] sont parfaitement recevables.

Sur le licenciement

Dire et juger les demandes de M. [J] irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur la transaction

Dire et juger l'action de Monsieur [J] irrecevable

En conséquence,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société AB Concept aux sommes suivantes :

400,00€ bruts au titre de la prime d'apprentissage

40,00€ bruts au titre de congés payés y afférents

944,44€ au titre du montant des paniers repas sur une période définie

96,44€ au titre de congés payés y afférents

Sous astreinte de 10,00€ par jours au-delà de 90 jours à compter du prononcé du jugement

En ce qu'elle a :

Condamné la société AB Concept à recalculer les bulletins de salaires avec mention de la classification conforme aux statuts de Maître d'apprentissage

Condamné la société à remettre à M. [J] l'ensemble des documents sociaux en concordance à la décision entreprise

Débouté la société de sa demande reconventionnelle visant à condamner M. [J] à rembourser la somme de 1 482,20€ nets à titre de trop perçu des primes de panier

Et pour le surplus,

Confirmer la décision entreprise

En tout état de cause

A titre principal

Sur les demandes de M. [J]

Débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER Monsieur [J] à rembourser à la société AB CONCEPT la somme de 1.428,20 € nets à titre de trop perçu des primes de panier,

CONDAMNER Monsieur [J] à rembourser à la société AB CONCEPT la somme cle 400,00 € bruts, sous déduction des cotisations sociales, à titre de trop perçu de prime d'apprentissage,

A titre subsidiaire,

Sur les demandes de la société AB Concept

CONDAMNER Monsieur [J] au paiement de la somme de 250,00 € bruts, sous déduction des cotisations sociales, au titre de sa prime d'apprentissage et à 25,00€ bruts, sous déduction des cotisations sociales, au titre des congés payés y afférents.

Et si par extraordinaire la Cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société ABCONCEPT :

ORDONNER LA COMPENSATION des condamnations prononcées avec les sommes dues par Monsieur [J].»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la demande de jonction

Chacune des parties a demandé la jonction des procédures N° 18/15453 et 18/15622.

La cour observe que le conseiller de la mise en état a déjà opéré cette mesure d'administration judiciaire par ordonnance du 16 janvier 2020, notifiée aux conseils des parties, étant souligné que la jonction a été faite sous le numéro le plus ancien, bien que les parties aient de façon erronée, conclu uniquement en dernier sous le numéro le plus récent.

Sur la rupture du contrat de travail

Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, la société fait valoir que la demande en nullité de la rupture conventionnelle, ainsi que la condamnation à des dommages et intérêts

au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité compensatrice de préavis n'ont pas été formulées en première instance, soulignant en outre qu'elle a été validée par la DIRECCTE.

L'appelant n'a pas répondu à cette fin de non recevoir.

L'artile 564 du code de procédure civile prévoit :

«A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»

Aux termes du dispositif des conclusions visées par le greffier du conseil de prud'hommes le 29 mai 2018, le salarié ne sollicitait pas la nullité de la rupture conventionnelle mais seulement celle de la transaction, précisant dans ses écritures que les parties ont signé le formulaire Cerfa le 8 décembre 2016.

La demande est en conséquence nouvelle et il s'agit d'une prétention non soumise au premier juge ne constituant pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire à la nullité de la transaction, acte distinct remis en cause sur un fondement juridique propre.

Dès lors, les demandes relatives à la rupture conventionnelle doivent être déclarées irrecevables, étant rappelé que la rupture avait été homologuée par l'autorité administrative de façon tacite selon la pièce n°11 du salarié au 14 janvier 2017, et que sa validité n'a pas été remise en cause par le salarié dans le délai de douze mois devant le conseil de prud'hommes.

Sur la transaction

La société considère que le conseil de prud'hommes aurait dû déclarer l'action de M. [J] irrecevable, le salarié étant assisté et la convention comportant des concessions réciproques puisqu'il a reçu la somme de 4 000 € nets au lieu de 969,44 €, en contrepartie d'une renonciation à diverses demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Au soutien de la nullité de la transaction, le salarié invoque l'absence de concessions réciproques et le fait qu'elle a été signée de façon concomitante à la convention de rupture conventionnelle, alors que sa signature ne pouvait intervenir au plus tôt que le 15 janvier 2017.

La cour rappelle que la rupture conventionnelle ne produit pas les effets d'une transaction et a pour seul objet de mettre fin aux relations des parties, alors que la transaction a un périmètre plus large.

La cour constate qu'au mépris de la jurisprudence constante, la transaction - au demeurant intitulée convention de rupture - établie manifestement par des professionnels du droit, comporte des dispositions relatives à la rupture conventionnelle et a été établie le même jour que celle-ci soit le 8 décembre 2016, alors que pour sa validité, elle ne pouvait être signée que postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative.

En conséquence, elle doit être déclarée nulle.

L'indemnité transactionnelle n'a plus d'objet et devrait être remboursée à la société mais la cour estime qu'il existe un préjudice subi par le salarié dans le cadre de l'annulation, lequel est estimé à la somme de 4 000 euros.

Sur l'exécution du contrat de travail

Le salarié se prévaut de divers manquements de la part de son employeur :

- un défaut de mentions obligatoires sur les bulletins de salaire et le contrat de travail,

- des modifications unilatérales du contrat de travail,

- un retard dans le paiement du salaire,

- un non paiement des heures supplémentaires et des heures de nuit,

- un non paiement de primes et indemnités,

- des menaces quotidiennes et pressions exercées.

1- Sur le harcèlement moral

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L.1154-1 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le salarié invoque les éléments suivants:

- l'absence de consigne précise donnée par la gérante pour l'exécution du travail,

- le fait qu'il était tourné en dérision par la gérante, en l'appelant «momo»,

- des insultes et menaces,

- des conditions déplorables de travail ayant entraîné une dégradation de son état de santé.

A l'appui, il produit :

- des photos des plans à réaliser «inexploitables»,

- une photo du maillot avec les surnoms,

- un récépissé de main courante du 17 octobre 2016, indiquant que depuis qu'elle a reçu la lettre de son avocat, la gérante ne lui parle plus du tout, faisant état d'insultes de la part d'un ouvrier et du fait que : «vendredi le père de la gérante est venu me parler et m'a dit sur un ton menaçant de faire attention à moi»,

- des photos des locaux de la société,

- des ordonnances prescrivant des anxyolitiques et décontractants.

La main courante ne fait que relater les dires de M. [J] et n'est corroborée par aucun autre élément, étant précisé qu'il s'agit d'un unique fait signalé alors que dans ses écritures, M. [J] se prévaut de menaces quotidiennes.

Les photos présentées tant du maillot, des plans des travaux à réaliser que des locaux ne sont pas horodatées par un moyen objectif et n'ont aucune force probante, et à elles seules ne peuvent venir illustrer le moyen.

Aucun lien ne peut être établi entre les prescriptions médicales et les conditions de travail de M. [J], de sorte que le salarié ne caractérise par aucune des pièces produites une situation permettant de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

En conséquence, l'appelant doit être débouté de sa demande à ce titre.

2- Sur le défaut de mentions sur le contrat de travail et les bulletins de salaire

A l'appui d'une demande double de dommages et intérêts et au visa de la directive européenne n°91/533 du 14 octobre 1991 et de l'article R.3243-1 du code du travail, le salarié indique que plusieurs des mentions déclarées obligatoires par ces textes sont manquantes :

- sur le contrat de travail : qualification, niveau suivant la CCN applicable, durée du congé payé, durée des délais de préavis en cas de cessation du contrat, durée de travail journalier ou hebdomadaire, mention des conventions et/ou accords collectifs régissant les conditions de travail, horaires de travail;

- sur les bulletins de paie : intitulé de la convention collective, position dans la classification conventionnelle.

Il ajoute qu'en outre son emploi ne correspond pas à la convention collective nationale et le coefficient ne correspond pas à celui prévu par le contrat de travail, passant de 210 à 185 puis 150 et enfin 185 à compter de juin 2016.

La société rappelle les dispositions de l'article L.1221-1 du code du travail, ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation laquelleconsidère que la formation des contrats de travail n'est pas subordonnée à la rédaction et à la signature d'un écrit.

Elle précise que le contrat signé porte la mention du coefficient 210, vise les congés payés anuels

«conformément aux dispositions de la convention collective», comporte la durée du préavis en cas de cessation du contrat, la durée du travail, le salaire brut.

Elle fait valoir que l'indication de la convention collective de la maçonnerie générale présente tant dans le contrat de travail que sur les bulletins de salaire en 2014 a été rectifiée au mois de janvier 2015 sur ses derniers, de sorte que cette erreur n'a pu lui causer un préjudice.

La cour constate à l'instar de la société que si une erreur existe dans le contrat de travail et dans les bulletins de salaire quant à l'intitulé de la convention collective nationale, celui-ci a été rectifiée sur les bulletins de salaire dès le mois de janvier 2015 et dès lors M. [J] ne pouvait ignorer qu'il dépendait de la convention collective des ouvriers du bâtiment dans les entreprises de moins de dix salariés, lui permettant de vérifier notamment sa classification conventionnelle.

La cour retient également que le contrat de travail précisait que le contrat est régi par la convention collective nationale BTP, indique l'exercice d'un temps plein avec les horaires précis du lundi au vendredi, le taux horaire, le salaire brut pour 151,67 heures de travail.

Dès lors que le salarié pouvait identifier la convention collective applicable dès le mois de janvier 2015, que certaines mentions invoquées figurent bien sur le contrat de travail et qu'il ne justifie pas d'un grief et donc d'un préjudice pour celles prétendues manquantes dont le caractère obligatoire n'est pas démontré, la cour approuve le conseil de prud'hommes d'avoir rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour le défaut de mentions.

En outre, dans la mesure où l'appelant fait une demande distincte à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale de son contrat de travail concernant son coefficient dont il estime qu'il n'était pas le bon ni dans le contrat de travail ni sur les bulletins de salaire, il ne saurait obtenir deux fois l'indemnisation d'un même préjudice.

3- Sur les modifications unilatérales du contrat de travail

Le salarié indique que son coefficient hiérarchique a fait l'objet d'une modification unilatérale à quatre reprises sans son accord ce qui équivaut à une modification du contrat de travail, alors qu'il pouvait prétendre au coefficient 230 dans la mesure où il était maître d'apprentissage, sollicitant outre des dommages et intérêts, un rappel de salaire à ce titre et une prime spécifique liée à l'exercice de cette fonction pendant deux ans.

A l'appui d'une demande de dommages et intérêts distincte, M. [J] invoque également une modification de son salaire de base, considérant que la gérante procédait à des ajustements de sa rémunération entre le brut et le net.

La société fait valoir qu'elle n'a fait que rectifier une erreur de classification. Elle explique que M. [J] n'a jamais fourni son curriculum vitae et qu'en fixant son salaire, les parties ont convenu que le salarié occuperait un emploi peu qualifié, précisant que M. [K], embauché dans des conditions similaires, bénéficiait du coefficient 150.

a) Sur la qualification professionnelle

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

La convention collective applicable avant 2018 a prévu en ses articles 12-1 et suivants les niveaux suivants des ouvriers, définis par des critères précis :

- ouvrier d'exécution niveau I,

position 1, coefficient 150

postion 2, coefficient 170,

- ouvrier professionnel niveau II,

position 1, coefficient 210,

position 2, coefficient 230,

- compagnon professionnel niveau III,

position 1 : 210

position 2 : 230.

Elle précise que «les ouvriers de niveau III/2 exécutent les travaux délicats de leur métier, à partir d'instructions générales et sous contrôle de bonne fin. Dans ce cadre, ils disposent d'une certaine autonomie et sont à même de prendre des initiatives se rapportant à la réalisation des travaux qui leur sont confiés.

Ils possèdent et mettent en oeuvre de très bonnes connaissances professionnelles acquises par formation professionnelle, initiale ou continue, et/ou une expérience équivalente.

Ils peuvent être appelés à transmettre leur expérience et, éventuellement, à assurer le tutorat des apprentis et des nouveaux embauchés (1), au besoin à l'aide d'une formation pédagogique.»

En l'espèce, la cour constate qu'il ressort de la pièce n°23 produite par M. [J] qui est le contrat d'apprentissage de M. [H] ayant pris effet le 21 octobre 2015, signé par la gérante, que :

- l'apprenti prépare le CAP menuisier fabricant, ce qui induit à tout le moins que le maître d'apprentissage possède ce diplôme,

- le nom de M. [J] est indiqué comme le maître d'apprentissage,

- une case cochée précise «l'employeur atteste que le maître d'apprentissage répond à l'ensemble des critères d'éligibilité à cette fonction».

En conséquence, par ces mentions, la société a reconnu que conformément à la convention collective applicable, M. [J] avait le niveau pour assurer le tutorat et dès lors, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a reconnu au salarié, à compter du 21 octobre 2015, cette qualification, étant précisé que ces fonctions n'étaient pas ponctuelles puisqu'elles ont perduré jusqu'à la rupture, soit pendant plus d'un an.

b) Sur le rappel de salaire

La décision doit être infirmée dans la mesure où la formule visant au recalcul des bulletins de salaire est absconse et n'est pas de nature à répondre à la prétention.

Le salarié est en droit d'obtenir du fait d'un salaire de base moindre que celui auquel il pouvait prétendre, un rappel de salaire prenant en compte sa position III-1 au coefficient 210 du 1er juillet 2014 au 21 octobre 2015, puis sa position III-2 au coefficient 230 jusqu'à la rupture.

Les éléments chiffrés présentés par le salarié pages 21 & 22 de ses écritures n'étant pas contestés par la société, la cour fixe les différentiels annuels aux sommes suivantes:

- 2014 : 1 802,37 euros,

- 2015 : (1 816,75 - 302,79) + 1 015,38 = 2 529,34 euros

- 2016-2017 : 847,02 + 2 229 = 3 076,02 euros,

soit un total de 7 407,73 euros outre 740,78 euros au titre des congés payés afférents.

c) Sur la prime des maîtres d'apprentissage

L'exercice effectif des fonctions ouvre droit à M. [J] au versement d'une prime même si le salarié n'avait pas le titre de maître d'apprentissage confirmé (MAC) mais il y a lieu de fixer son montant, conformément à la demande de la société, à la somme de 200 euros pour la première année et 50 euros pour la période subséquente, eu égard à l'arrêt maladie de M. [J] intervenu dès octobre 2016 et à son départ de l'entreprise.

Cette somme est soumise aux cotisations sociales et ayant la nature d'un complément de salaire, doit bénéficier des congés payés.

d) Sur les demandes à titre de dommages et intérêts

Non seulement l'employeur a modifié le coefficient de 210 prévu au contrat de travail en le fixant à 185 sur les bulletins de salaire en 2014 , mais il l'a à nouveau baissé en 2015 à 150, lors d'un changement de comptable.

Ces modifications effectuées de façon unilatérale, sans accord exprès du salarié constituent des fautes justifiant à elles seules - du fait de la mauvaise foi de l'employeur, se réfugiant derrière une prétendue erreur comptable - l'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, que la cour fixe à la somme de 1 500 euros.

Il n'est pas justifié d'un préjudice distinct du rappel de salaire accordé avec les intérêts au taux légal qui serait lié à la modification de la rémunération.

e) Sur la date de versement des salaires

Le salarié fait valoir que la société n'a pas respecté l'obligation contenue au contrat de travail quant au règlement du salaire le 1er de chaque mois civil, relevant diverses anomalies à ce titre, signalées par le courrier de son conseil en octobre 2016.

La société admet un règlement avec quelques jours de retard mais considère que le salarié ne fait pas la démonstration d'un préjudice indépendant de ce retard causé par la mauvaise foi de l'employeur.

La loi française ne fixe aucune obligation commune à tous les employeurs pour le paiement des salaires. En effet, il n'existe pas de date fixe à laquelle les salariés doivent avoir perçu leur salaire. En revanche, la loi impose aux employeurs de respecter une périodicité dans le versement des salaires avec l'interdiction de laisser passer plus d'un mois entre deux paiements.

La cour constate que l'employeur n'a pas respecté la date prévue au contrat, opérant un versement de salaires à des dates plus lointaines mais surtout, il ressort des relevés bancaires produits en pièce n°17 par le salarié que d'une part, il était réglé de la somme de 1 350 euros ne correspondant pas exactement au salaire net à percevoir issu du bulletin de salaire et d'autre part, la périodicité d'un mois n'a pas été respectée (11/08 puis 17/09, 09/01 puis 10/02, 05/03 puis 08/04) ce qui démontre une exécution déloyale empreinte de mauvaise foi de la part de l'employeur justifiant l'allocation d'une somme de 1 500 euros, au titre du préjudice moral et financier subi.

f) Sur la délivrance des bulletins de salaire

La cour, infirmant la décision de ce chef, doit ordonner à l'employeur de délivrer des bulletins de salaire conformes aux indications du présent arrêt sur le coefficient et la convention collective applicable, mais estime qu'il n'est pas justifié de prononcer une astreinte de ce chef.

4- Sur l'incidence du rappel de salaire sur les congés payés

La société n'ayant pas soulevé dans son dispositif l'irrecevabilité de la demande comme nouvelle, elle ne peut le faire dans le cadre de la seule discussion.

Le salarié réclame une somme à titre de dommages et intérêts, expliquant être dans l'impossibilité de déterminer cette incidence puisque son salaire total brut est faux.

Sous couvert d'une demande de dommages et intérêts, M. [J] ne peut réclamer une somme à ce titre alors que le rappel de salaire sollicité auquel il a été fait droit en partie comprend déjà une indemnité au titre des congés payés afférents, laquelle est recevable du fait de l'absence de respect par l'employeur de ses obligations à cet égard, en application de la jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation sur ce point (arrêt n°19-17046 du 22/09/2021).

Il convient de prononcer la condamnation de l'employeur à fournir au salarié le certificat de congés payés dit «certificat bleu», sans nécessité de fixer une astreinte.

5) Sur la durée du travail et les heures supplémentaires

Le salarié sollicite d'une part, une somme à titre de dommages et intérêts, pour non respect des dispositions légales en vigueur sur la durée du travail, aucun suivi ni contrôle n'étant effectué par l'employeur et d'autre part, un rappel de salaire portant sur 47 heures supplémentaires et une heure de nuit non rémunérées.

La société indique que les salariés étaient tous soumis aux mêmes horaires de travail, de sorte que les articles D.3171-8 et D.3171-12 du code du travail ne sont pas applicables; elle précise produire les affichages obligatoires où figuraient les horaires collectifs.

Elle considère que les photos produites sont insuffisantes pour prouver l'accomplissement d'heures supplémentaires et produit de son côté des attestations.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Le salarié indique qu'il dépassait très largement les horaires indiqués et plus particulièrement le soir, afin de terminer des commandes.

Il verse aux débats :

- des photos de l'atelier avec indication du jour et de l'heure,

- des sms échangés avec sa femme le 05/01/2016, le 20/01/2016, le 09/02/2016,

- des photos d'un salon où il a monté un stand le 22/01/2016,

- l'attestation de son épouse indiquant «mon mari ne finissait jamais avant 19h minimum tous les soirs au lieu de 17h... quand il avait des chantiers à l'extérieur c'était du 23h/minuit minimum...».

Il critique la motivation de rejet du conseil de prud'hommes fondée sur l'absence de demande pendant le contrat de travail.

Il dénie toute valeur probante aux attestations de M. [K] et M. [D], précisant que celle du père de la gérante apporte la preuve qu'il effectuait des heures supplémentaires à des dates non retenues par lui.

Le seul fait que M. [J] n'a pas demandé le paiement d'heures supplémentaires pendant la relation de travail ne saurait l'empêcher de le solliciter après la rupture.

Le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux jours concernés figurant page 25 de ses écritures, pour permettre à l'employeur d'y répondre, ce qu'il ne fait pas.

Toutefois, outre le fait que les photos produites ne sont pas horodatées mais que la date et l'heure ont été reproduites de façon manuscrite, il ne résulte pas de ces éléments que M. [J] effectuait - comme il le prétend -en moyenne deux heures supplémentaires par jour sur les trois années de la relation contractuelle, et ses demandes ne concernent pas des chantiers à l'extérieur contrairement à ce qu'induit l'attestation de son épouse; s'il fait état de 5 heures supplémentaires effectuées le 22 janvier 2016, la cour constate qu'il ne les réclame pas ; enfin, la demande relative au travail de nuit le 16/10/2015 n'est nullement explicitée par une demande expresse de l'employeur.

En considération des pièces présentées de part et d'autre et sans qu'il y ait lieu d'écarter les attestations produites par la société, lesquelles ne sont pas irrecevables mais ont peu de valeur probante, la cour a la conviction que M. [J] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées mais pas dans la proportion affichée .

En appliquant le taux horaire tel que calculé par M. [J], la cour fixe la somme due au titre des années 2014 et 2015 à 64,43 euros et pour l'année 2016, à 113,69 euros, soit un total de 178,12 euros outre 17,81 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur démontre que les horaires collectifs étaient affichés dans l'entreprise, de sorte que les dispositions légales étaient respectées et le seul fait de n'avoir pas rémunéré des heures supplémentaires ou de ne pas avoir contrôlé les heures du salarié ne constitue pas une faute ayant pu générer un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par le paiement des heures supplémentaires.

En conséquence, M. [J] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

6) Sur les primes de panier

Le salarié soutient que classé en zone 3, il pouvait prétendre à une indemnité journalière de repas laquelle ne lui a pas été réglée sur l'année 2014 et n'a plus été payée à compter de mars 2016.

La société, au visa des articles 8-11 et 8-12 de la convention collective, indique que cette indemnité n'est dûe que lorsque le salarié effectue de petits déplacements et produit en pièce n°15 la liste des chantiers où M. [J] s'est rendu en 2015, lui permettant de réclamer à titre reconventionnel les sommes indument perçues.

Aux termes de l'article 8-11 de la convention collective dans sa version applicable à l'espèce, le régime des petits déplacements a pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements, inhérente à la mobilité de leur lieu de travail.

Le régime d'indemnisation des petits déplacements comporte les 3 indemnités professionnelles suivantes:

- indemnité de repas ;

- indemnité de frais de transport ;

- indemnité de trajet,

qui sont versées aux ouvriers bénéficiaires.

Ces indemnités de remboursement de frais sont journalières, forfaitaires et fixées en valeur absolue.

L'indemnité de repas est définie à l'article 8-15 de la convention collective dans sa version applicable à l'espèce, comme ayant pour objet d'indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l'ouvrier.

L'indemnité de repas n'est pas due par l'employeur lorsque :

- l'ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle ;

- un restaurant d'entreprise existe sur le chantier et le repas est fourni avec une participation financière de l'entreprise égale au montant de l'indemnité de repas ;

- le repas est fourni gratuitement ou avec une participation financière de l'entreprise égale au montant de l'indemnité de repas.

Dès lors, contrairement à ce qu'invoque la société, l'indemnité de repas était dûe dès lors que le salarié ne prenait pas son déjeuner à sa résidence habituelle - ce qu'elle ne dénie pas - étant précisé que l'employeur ne justifie pas qu'il y avait un restaurant d'entreprise ou qu'il fournissait le repas gratuitement.

En conséquence, la demande reconventionnelle doit être rejetée et le salarié est en droit de solliciter cette prime pour les mois où elle n'a pas été réglée.

Le salarié qui critique la décision déférée, laquelle a retenu un montant de 964,44 euros, réclame une somme plus importante (4 013,03 euros) mais ne produit aucun décompte ou calcul à ce titre.

La cour, prenant en compte le nombre de jours, excluant les périodes de congés et de maladie, fixe à la somme de 1 215,90 euros la somme dûe pour l'année 2014 et à 1 425,90 euros, celle dûe pour l'année 2016 (de mars à octobre), soit un total de 2 641,80 euros.

Cette prime doit être exclue de l'assiette de calcul de congés payés, s'agissant d'un remboursement de frais professionnels et non d'un complément de salaire.

7) Sur les indemnités de transport

Le salarié indique qu'il pouvait prétendre à une indemnité de déplacement zone 3 mais qu'il a perçu cette indemnité selon diverses zones en 2015 et n'a plus rien perçu à compter de décembre 2015.

Il reproche au conseil de prud'hommes d'avoir retenu un trop perçu en se fondant sur la seule pièce adverse.

La cour, à l'instar des premiers juges, constate que cette indemnité n'est dûe que pour les déplacements vers les chantiers ; or, non seulement M. [J] ne donne aucun détail sur sur son calcul mais n'établit pas s'être rendu sur des chantiers extérieurs de façon systématique, les photos produites révélant par ailleurs, essentiellement un travail en entreprise.

En l'état du tableau dressé par la société précisant la liste des chantiers avec indication de la zone concernée (trajet du siège social au chantier pouvant donc faire varier la zone) et le nombre de primes versées, la cour retient que le salarié n'est pas en droit d'obtenir la somme sollicitée et qu'il existe un trop perçu sur l'année 2015 de 104,85 euros, qui viendra en déduction de créances de M. [J], par compensation judiciaire.

8) Sur le préjudice subi

Le salarié ne fait pas la démonstration d'un préjudice supplémentaire ou distinct qui n'aurait pas déjà été indemnisé, au titre des manquements relevés.

Sur les autres demandes

Le salarié soutient qu'il n'a pas obtenu la remise des documents telle qu'ordonnée par le conseil de prud'hommes sous astreinte ni l'intégralité des sommes et demande aux termes de son dispositif, la liquidation des deux astreintes et la fixation de deux nouvelles astreintes.

La juridiction de première instance ne s'étant pas réservée la liquidation des astreintes prononcées, seul le juge de l'exécution est compétent pour y procéder et pour, le cas échéant, en fixer de nouvelles, étant rappelé que la cour infirme la décision sur la fixation d'une astreinte au titre des sommes à verser.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare irrecevables les demandes en nullité de la rupture conventionnelle, en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déclare nulle la transaction signée entre les parties le 8 décembre 2016,

Dit que la somme de 4 000 euros nets payée au titre de l'indemnité transactionnelle est acquise à M. [J] à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'annulation de la transaction,

Condamne la société AB Concept à payer à M. [X] [J] les sommes suivantes :

- 7 407,73 euros à titre de rappel de salaire relatif au coefficient professionnel,

- 740,78 euros au titre des congés payés afférents

- 250 euros au titre de la prime de maître d'apprentissage,

- 25 euros au titre des congés payés afférents,

- 178,12 euros au titre des heures supplémentaires effectuées en 2014, 2015 et 2016,

- 17,81 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 641,80 euros au titre des indemnités de repas,

Condamne M. [J] à payer à la société AB Concept la somme de 104,25 euros au titre d'un trop perçu de primes de transport,

Opère compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties,

Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale sont dûs à compter du 20 juin 2017,

Condamne la société AB Concept à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du coefficient professionnel,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions contractuelles et légales au titre de la date de versement des salaires,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société AB Concept de délivrer à M. [J] :

- des bulletins de salaire rectifiés, conformément au présent arrêt, tant sur la qualification professionnelle, l'indice et la convention collective applicable,

- le certificat de congés payés dit «certificat bleu»,

- s'il y a lieu, l'attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Déboute M. [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour :

- défaut de mentions obligatoires dans le contrat de travail et sur les bulletins de salaire,

- modification de la rémunération,

- incidence du rappel de salaire sur les congés payés,

- harcèlement moral,

- non respect des dispositions légales sur la durée du travail,

- préjudice distinct,

Rejette les demandes de M. [J] concernant l'incidence de congés payés sur les primes de panier, l'indemnité de transport et la liquidation des astreintes prononcées par le jugement,

Déboute la société AB Concept de ses autres demandes en remboursement,

Condamne la société AB Concept aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/15453
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;18.15453 ?
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