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17/06/2022 | FRANCE | N°18/15426

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 17 juin 2022, 18/15426


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 17 JUIN 2022



N° 2022/ 133



RG 18/15426

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDDSN







SNC DARTY GRAND EST





C/



[N] [J]

























Copie exécutoire délivrée le 17 juin 2022 à :



-Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau

de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00398.





APPELANTE



SNC DARTY GRAND EST, ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2022

N° 2022/ 133

RG 18/15426

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDDSN

SNC DARTY GRAND EST

C/

[N] [J]

Copie exécutoire délivrée le 17 juin 2022 à :

-Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00398.

APPELANTE

SNC DARTY GRAND EST, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [N] [J], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle De REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle De REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022

Signé par Madame Estelle De REVEL, Conseiller et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 novembre 1988, Mme [N] [J] a été embauchée par la société Darty en qualité d'hôtesse par contrat à durée indéterminée à temps complet.

Au cours de la relation contractuelle, la salariée a été promue à plusieurs postes.

Le 1er juin 2006, elle a été mutée au sein de la société Darty Provence Méditerranée en qualité de superviseur, statut agent de maîtrise.

En vertu d'un accord collectif relatif au forfait annuel en jours du temps de travail des agents de maîtrise de la société signé le 27 avril 2006 et suivant avenant du 1er juin 2006, Mme [J] s'est vue appliquer une convention individuelle de forfait annuel en jours.

A compter du mois d'avril 2007, la salariée a bénéficié d'un aménagement de ses horaires de travail pour la période d'avril à octobre en raison de contraintes familiales.

Le 1er août 2013, suite à une opération de fusion par absorption, le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société Darty Grand Est.

Au cours du mois de juin 2015, la société a informé Mme [J] qu'elle mettait fin à l'aménagement de ses horaires de travail à partir du 1er janvier 2016 et que celle-ci serait soumise aux mêmes contraintes horaires que ses collègues, en raison de l'évolution de sa situation personnelle et afin d'assurer le bon déroulement du service.

Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager, la salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 3 007,38 euros en qualité de coordinatrice, en contrepartie d'une convention de forfait annuel en jours.

Le 17 février 2016, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille sollicitant sa réintégration au sein de la société en bénéficiant de ses anciens horaires et subsidiairement, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, outre le paiement de diverses indemnités.

Le 10 mai 2016, l'employeur lui a notifié une mise à pied à titre disciplinaire jusqu'au 12 mai suivant pour non respect du planning et absences injustifiées.

Le 20 mai 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 1er juin suivant.

Par courrier du 6 juin 2016, elle s'est vue licencier pour faute grave dans les termes suivants:

« ' De graves manquements nous ont conduits à vous convoquer à un entretien préalable le mercredi 1er juin 2016 au plateau DARTYBOX-BBOX Darty situé [Adresse 2], entretien en présence de Monsieur [M], lors duquel vous étiez assisté de Monsieur [E] [Z], Délégué du Personnel.

Pour rappel les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

Malgré les rappels à l'ordre de votre hiérarchie, malgré notre courrier en recommandé avec AR du 7 avril 2016 vous mettant en demeure de respecter vos horaires tels que définis par votre planning et malgré la mise à pied qui vous a été notifiée par courrier en recommandé avec AR le 28 avril 2016, vous avez continué à ignorer délibérément les jours et horaires de travail tels qu'ils avaient été planifiés pour pratiquer des jours de travail à votre convenance. Il en a été ainsi des journées suivantes :

- le 28 avril 2016, vous vous êtes présentée à votre poste à 8 heures au lieu de 9 heures comme prévu par votre planning et êtes partie sans autorisation à 17h30 au lieu de 18 heures comme prévu par votre planning.

- Le 9 mai 2016, vous vous êtes présentée à votre poste de travail à 8 heures au lieu de 12 heures planifiées et votre hiérarchie a dû vous demander de quitter votre poste de travail en vous demandant de ne revenir qu'à 12 heures conformément à votre planning. Ce même jour, vous avez abandonné votre poste à 17 h 30 au lieu de 20 heures comme prévu par votre planning.

- Le 13 mai 2016, alors que vous étiez planifiée en repos hebdomadaire, vous vous êtes toute de même présentée à votre poste et votre hiérarchie a dû vous demander de repartir tandis que le 14 mai 2016, vous n'êtes pas venue travailler de la journée alors que votre planning prévoyait des horaires.

- Les 17, 18, 19 et 20 mai 2016, vous vous êtes présentée à 8 heures à votre poste de travail alors que selon votre planning vous deviez commencer à 7 heures.

- Les 23, 24, 26 et 27 mai 2016, vous vous êtes présentée à votre poste de travail à 8 heures au lieu de 11 heures comme planifié et votre hiérarchie a dû vous demander de quitter votre poste de travail en vous demandant de ne revenir qu'à 11 heures conformément à votre planning.

- Ces mêmes jours vous avez abandonné votre poste de travail à 17 h30 au lieu de 19 heures comme prévu par votre planning.

- Le 25 mai 2016, vous vous êtes présentée à votre poste de travail à 8 heures au lieu de 11 h 30 planifié ; votre hiérarchie vous a demandé de quitter votre poste et de ne revenir qu'à 11 h 30 conformément à votre planning. Le même jour, vous avez abandonné votre poste à 17 h 30 au lieu de 20 h 30 comme prévu par votre planning.

Ainsi, ce non-respect délibéré des plannings s'inscrit dans l'irrespect de l'article 3 de notre règlement intérieur qui vous est opposable : « Les horaires établis et affichés sur les tableaux prévus à cet effet doivent être obligatoirement respectés par l'ensemble du personnel concerné. Toute modification des horaires s'impose également au personnel concerné.. Le personnel doit être à son poste et en tenu de travail aux heures de début et de fin de séance de travail prévues par l'horaire affiché. » ainsi que de l'article 4 : « Une autorisation préalable du manager est nécessaire lorsqu'un salarié désire quitter son poste de travail en dehors des heures normales de sortie. »

De plus, votre absence injustifiée du 14 mai 2016 s'inscrit dans l'irrespect de l'article 5 de notre Règlement Intérieur qui vous est opposable : »Tout retard doit faire l'objet d'une justification à l'arrivée u travail auprès du manager. Toute absence prévisible doit être préalablement autorisée par le manager. Si l'absence est imprévisible et notamment si elle est due à un cas fortuit ou de force majeure. Le salarié doit informer, dans les 24 heures, ou faire informer au plus tôt la direction et faire parvenir au service du personnel dans les trois jours une justification de cette absence. A défaut de justification dans le délai ci-dessus, comme en cas de justification non valable (car non assortie d'un document officiel attestant des raisons de l'absence), l'absence est considérée alors comme une absence injustifiée avec toutes les conséquences en résultant notamment au plan disciplinaire. ». Ces manquements s'inscrivent également dans l'irrespect de l'article 19 de notre Règlement Intérieur : « Sont notamment considérés comme des actes pouvant donner lieu à sanction les faits suivants'de quitter le travail sans motif ou sans

autorisation ».

Mais au-delà de cet aspect réglementaire, vos départs anticipés et absences inopinées ont gravement perturbé l'organisation du service et pénalisé vos collègues, contraints de vous remplacer et d'assumer une surcharge de travail pour assurer la continuité de l'activité.

Ces faits de non-respect de votre planning sont constitutifs d'un manquement grave à vos obligations contractuelles les plus élémentaires ainsi qu'à notre Règlement Intérieur. Force est de constater que toutes les mesures que nous avons prises à travers les directives verbales et formelles, mise en demeure écrites des 21 janvier 2016 et 07 avril 2016, mise à pied prononcée à votre encontre le 28 avril 2016, pour vous faire prendre conscience du caractère éminemment fautif de vos manquements et de leur conséquence sur la bonne marche du plateau, sont restées vaines au regard de la réitération de faits similaires : votre agissement caractérisé par la répétitivité de vos manquements relevant de l'insubordination. En synthèse et cumule depuis avril 2016, nous relevons 14 journées où vous avez abandonné votre poste avant l'horaire initialement prévu et/ou êtes arrivée en retard par rapport à l'horaire planifié ainsi que trois journées d'absences injustifiées. Vous aviez pourtant bien connaissance de vos plannings mais n'avez pas daigné les respecter, malgré que vous vous ayons laissé le temps nécessaire pour vous organiser en conséquence conformément à l'important délai de prévenance que nous vous avions octroyé en vous prévenant dès le mois de juin 2015 (soit près d'un an à l'avance) de l'organisation du travail qui serait mise en place à partir d'avril 2016. Lors de l'entretien du 1er juin 2016, vous avez totalement reconnu les faits et réaffirmé votre détermination à venir travailler comme bon vous semblait sans respecter le plannings fixés par votre hiérarchie, malgré les directives argumentées de l'Entreprise, confirmées à plusieurs reprises et réaffirmées notamment dans notre courrier du 12 janvier 2016.

Votre insubordination caractérisée est constitutive d'une faute grave et votre maintien dans l'entreprise dans un tel contexte s'avère impossible.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave'. ».

Par jugement du 13 septembre 2018, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

'Annulé la mise à pied disciplinaire dont Mme [N] [J] a fait l'objet pour les journées des 10, 11 et 12 mai 2016

Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Madame [J] à la société Darty grand Est à effet au 6 juin 2016 aux torts exclusifs de la société Darty grand Est

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamné la société Darty grand Est à verser à Mme [J] les sommes de nature salariales suivantes:

875,80€ au titre de l'annulation de la mise à pied disciplinaire

87,58€ au titre des congés payés y afférents

6 014,76€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

601,47€ au titre des congés payés y afférents

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 22 février 2016, et ce jusqu'à parfait paiement

Condamne la société Darty grand Est à verser à Mme [J] les sommes indemnitaires suivantes :

73 000,00€ de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

23 307,01€ au titre de l'indemnité légale de licenciement

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement

Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 14 décembre 2017, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière

Condamné d'office la société Darty grand est à rembourser Pôle emploi les indemnité de chômage perçues par Mme [J] dans la limite des six premiers mois

Dit que le présent jugement sera notifié, à la diligence du greffe de la juridiction, à Pôle emploi

Débouté Mme [J] de ses demandes indemnitaires pour sanction injustifiée et illégitime ainsi que pour licenciement vexatoire et infamant

Condamné la société Darty grand Est à verser à Mme [J] la somme de 1 500,00€ au titre de l'article 700 du CPC

Condamné la société Darty grand Est aux entiers dépens de la présente procédure

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision, sous réserve des dispositions qui sont de plein droit exécutoires

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'.

Le 28 septembre 2018, la société a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2022, la société demande à la cour de :

'Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

Annulé la mise à pied disciplinaire dont Mme [J] a fait l'objet pour les journées des 10, 11 et 12 mai 2016

Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] à effet au 6 juin 2016 aux torts exclusifs de la société Darty grand Est

Dit et jugé que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamné la société Darty grand Est à verser à Mme [J] les sommes de nature salariales suivantes :

875,80€ au titre de l'annulation de la mise à pied disciplinaire

87,58€ au titre des congés payés y afférents

6 014,76€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

601,47€ au titre des congés payés y afférents

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légale à compter du 22 février 2016 et ce jusqu'au parfait paiement

Condamné la société Darty grand Est à verser à Mme [J] les sommes de nature indemnitaire suivantes :

73 000,00€ de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

23 307,01€ au titre de l'indemnité légale de licenciement

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 22 février 2016, et ce jusqu'à parfait paiement

Condamné la société Darty grand Est à verser à Mme [J] les sommes indemnitaires suivantes :

73 000,00€ de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

23 307,01€ au titre de l'indemnité légale de licenciement

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement

Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 14 décembre 2017

Condamné d'office la société Darty grand est à rembourser Pôle emploi les indemnité de chômage perçues par Mme [J] dans la limite des six premiers mois indemnités

Dit que le jugement sera notifié à Pôle emploi

Condamné la société Darty grand Est à verser à Mme [J] la somme de 1 500,00€ au titre de l'article 700 du CPC

Condamné la société Darty grand Est aux entiers dépens

Débouté la société Darty grand Est de l'ensemble de ses demandes visant notamment à voir dire et juger que le licenciement de Mme [J] repose sur une faute grave et à rejeter l'ensemble de ses demandes afférentes

Et statuant à nouveau de :

- Constater que la société Darty grand Est n'a pas commis le moindre manquement à l'égard de Mme [J] dans l'exécution du contrat de travail

En conséquence,

- Dire et juger injustifiée et infondée la demande de résiliation judiciaire

En conséquence,

- Débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre

- Condamner Mme [J] à rembourser à la société Darty grand Est les sommes qu'elle a perçues à ce titre au terme du jugement attaqué

- Dire et juger la mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [J] parfaitement justifiée et proportionnée

En conséquence,

- Débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre

- Dire et juger que le licenciement de Mme [J] repose incontestablement sur une faute grave

En conséquence,

- Débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre

A titre reconventionnel,

Condamner Mme [J] à la somme de 2 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 mars 2022, la salariée demande à la cour de :

'Débouter la société DARTY de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions exposées en cause d'appel, mal fondées en fait et en droit ;

Confirmer le jugement entrepris sur l'intégralité de ses dispositions en ce qu'il a justement décidé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire et en ce qu'il a fait droit aux rappels de salaires et indemnités réparatrices de ces chefs ;

Juger que la mise à pied disciplinaire de trois jours des 10, 11 et 12 mai 2016 avec retenue sur la paye de Mai 2016 est injustifiée, illégitime et irrégulière ;

A titre infiniment subsidiaire,

Si la Cour par extraordinaire décidait que la résiliation judiciaire ne serait pas acquise aux torts de l'employeur,

Juger que le licenciement de Madame [N] [J] prononcé pour faute grave apparaît sans cause réelle et sérieuse ;

Juger que ce licenciement apparaît vexatoire, infamant et humiliant ;

Juger que la mise à pied disciplinaire de trois jours des 10, 11 et 12 mai 2016 avec retenue sur la paye de Mai 2016 est injustifiée, illégitime et irrégulière ;

Condamner la Société DARTY GRAND EST au versement des salaires et indemnités suivantes

Principalement,

Au titre de la Résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de DARTY GRAND EST.

Annulation de la sanction infligée, s'agissant de la mise à pied disciplinaire de trois jours des 10, 11 et 12 mai 2016 avec retenue de salaire sur la paye du mois de mai 2016 et remboursement de cette mise pied 875,80 €

Congés Payés sur ce rappel 87,58€

Dommages-Intérêts pour sanction injustifiée et illégitime 3 000,00 €

Indemnité de Préavis 6 014,76 €

Congés payés sur préavis 601,47 €

Indemnité légale de licenciement 23 307,01 €

Dommages-Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse73 000.00 €

Subsidiairement,

Au titre de la contestation du licenciement pour faute grave.

Indemnité de Préavis 6 014,76 €

Congés payés sur préavis 601,47 €

Indemnité légale de licenciement 23 307,01 €

Dommages-Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 73 000.00 €

En tout état de cause,

Fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice, prononcer la capitalisation de ceux-ci ;

Confirmer la condamnation de la société DARTY au paiement de la somme de 1500.00 € alloués en première instance au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du CPC ;

Condamner la Société DARTY GRAND EST au paiement de la somme de 2 500,00 € au titre de l'Article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

I. Sur la résiliation judiciaire

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée.

En l'espèce, l'employeur considère que contrairement à l'interprétation faite par le conseil des prud'hommes, l'application d'une convention individuelle de forfait en jours n'exclut pas la nécessité de se plier aux directives de l'employeur notamment s'agissant des plages horaires mises en place au regard des impératifs et des besoins de fonctionnement de la société conformément à son contrat de travail.

La société fait valoir que l'aménagement des horaires de travail de la salariée en 2007 procédait d'une tolérance eu égard à la situation personnelle et familiale de cette dernière sans qu'il ne s'agisse ni d'un avantage acquis, ni d'une modification du contrat de travail.

L'employeur soutient enfin qu'il ne s'agit pas plus d'un élément essentiel du contrat de travail mais d'une libéralité à laquelle il était en droit de mettre fin dès lors qu'elle était devenue incompatible avec l'organisation de l'entreprise et les responsabilités de la salariée, et n'était plus exigée par la situation personnelle de la salariée qui avait évolué.

Mme [J] fait valoir à titre principal que l'aménagement de ses horaires de travail est devenu un élément essentiel du contrat de travail dans la commune intention des parties et dans leur intérêt respectif, peu important l'absence d'écrit. Elle considère que si la société entendait n'en faire qu'un aménagement temporaire, il lui appartenait de le préciser par avenant. Elle soutient en conséquence, que l'employeur ne pouvait le modifier unilatéralement sauf à le dénoncer dans les formes requises.

Elle explique encore qu'elle était liée à la société par une convention de forfait en jours et qu'en conséquence, elle disposait d'une autonomie et d'une organisation propre dans la gestion de son travail interdisant à l'employeur de lui imposer des plannings, de sorte que celui-ci a gravement manqué à ses obligations contractuelles.

Enfin, sur le fondement de l'article L.2261-14 du code du travail, elle indique que l'avantage qui lui a été accordé constitue un avantage acquis que l'employeur ne pouvait remettre en cause.

a) Sur l'aménagement des horaires de travail comme élément essentiel du contrat de travail :

La modification du contrat de travail est celle qui porte sur un élément essentiel du contrat; elle échappe au pouvoir unilatéral de l'employeur et ne peut intervenir que d'un commun accord.

La modification est caractérisée lorsqu'elle porte sur un élément qui entre dans la définition du contrat de travail à savoir le lien de subordination, les fonctions et la rémunération; ou sur un élément dont les parties ont voulu faire une condition de leur engagement.

En l'absence de clause écrite, c'est à celui qui invoque que les parties ont voulu faire de cette condition un élément essentiel de leur engagement de l'établir.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'à partir de 2007, afin de lui permettre de s'occuper de sa fille d'avril à octobre alors que son mari était indisponible, un aménagement d'horaire a été accordé à Mme [J].

Aucune clause, aucun avenant n'a été signé par les parties pour officialiser cet aménagement et le contrat de travail stipulant que la salariée était tenue de respecter les horaires de travail en vigueur dans l'entreprise dont la répartition pouvait être modifiée en fonction des nécessités du service n'a pas été modifié.

Contrairement à l'interprétation erronée de l'intimée, il n'appartenait pas à l'employeur d'indiquer par écrit que cet aménagement n'était pas essentiel dans le contrat.

En l'absence d'écrit, c'est à elle de justifier que les parties ont entendu faire de cet élément une condition essentielle du contrat de travail.

Or, elle ne produit aucune pièce en ce sens (et certainement pas sa pièce 39 qui est un procès verbal du comité d'entreprise sans aucun lien avec les faits).

C'est en conséquence à juste titre que le conseil des prud'hommes a rejeté ce moyen.

b) Sur le maintien d'un avantage acquis :

Les dispositions de l'article L.2261-14 du code du travail ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de remise en cause d'une convention ou d'un accord collectif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

c) Sur l'incompatibilité d'horaires de travail précis imposés par l'employeur avec la convention de forfait en jours :

Selon l'article L.3121-39 du code du travail, la convention individuelle de forfait doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut, par une convention ou un accord de branche, qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

L'accord collectif relatif à la mise en place du forfait annuel en jours des agents de maîtrise de la société Darty Provence Méditerranée stipule :

- (article 1) qu'il est convenu que les agents de maîtrise ont une durée du temps de travail qui ne peut être prédéterminée et disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées,

- (article 2) que le temps de travail de ces salariés non cadres fait l'objet d'un décompte annuel en jours de travail effectif avec un maximum de 215 jours plus le jour de solidarité par année de référence. Dans l'hypothèse où le plafond de 215 jours par an, plus le jour de solidarité, serait à titre exceptionnel dépassé, il ne pourrait en tout état de cause pas être supérieur à 218 jours par an,

- (article 3) que l'amplitude indicative des journées de travail de l'agent de maîtrise est fixée entre 6 heures et 10 heures. Seules des circonstances exceptionnelles et des jours d'inventaires pourront justifier une dérogation à ces limites.

L'accord collectif énonce encore que l'autonomie dans le travail n'est pas synonyme d'indépendance totale, aussi les agents de maîtrise concernés pourront être amenés, au maximum 6 semaines par an et au plus deux semaines consécutives, sauf accord du salarié, dans les périodes de forte activité, à travailler un maximum de 6 jours par semaine pour répondre aux attentes des clients et aux besoins de l'activité de l'entreprise.

Chaque année, au cours d'un entretien individuel avec le responsable, un bilan sera fait avec chaque agent de maîtrise afin d'examiner l'impact de ce régime sur l'organisation du travail, l'amplitude des horaires et la charge de travail des salariés concernés. Compte tenu de son autonomie, la planification des jours travaillés par la hiérarchie se fera en concertation avec l'agent de maîtrise en forfait annuel en jours et compte tenu des contraintes d'activité, des impératifs de fonctionnement et du service attendu par nos clients.

L'avenant au contrat de travail de Mme [J], signé le 1er juin 2006, stipule qu'elle appartient à l'une des catégories visées à l'accord collectif compte tenu des caractéristiques de son emploi ainsi que de l'absence de prédétermination de son horaire de travail, mais également compte tenu de sa réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour l'accomplissement de ses tâches.

Il est indiqué qu'elle reconnaît que ses horaires de travail ne peuvent être pré-déterminés du fait de la nature de ses fonctions, du niveau de responsabilité qui est le sien et du degré d'autonomie dont elle dispose dans l'organisation de son emploi du temps.

Il n'est pas contesté que suite au transfert du contrat de travail de l'intéressée à la société Darty Grand Est le 1er août 2013, l'accord relatif à la mise en place du forfait annuel en jours a continué à produire ses effets jusqu'au 30 avril 2017.

Comme justement relevé par le premier juge, Mme [J] bénéficiait d'une importante autonomie dans l'exercice de ses fonctions de coordinatrice généraliste ainsi que dans l'organisation de son emploi du temps pour la période de 2006 à 2016. Elle percevait une prime d'autonomie et elle était en charge d'établir les plannings des salariés dont elle assurait la coordination.

Contrairement à ce qu'indique la société appelante, la salariée, bien que relevant l'absence d'entretien annuel pour évaluer sa charge de travail, ne sollicite pas la nullité de la convention de forfait en jours.

S'il est vrai que l'employeur a informé la salariée dès le mois de juin 2015 de la fin de l'aménagement de ses horaires de travail en 2016, soit près de 6 mois à l'avance, il reste qu'il n'y a eu aucune concertation, comme pourtant exigée par les dispositions conventionnelles ; les horaires n'ont pas été planifiés en fonction des critères susvisés mais un planning linéaire a été imposé unilatéralement à Mme [J] ; et des sanctions disciplinaires (mise pied) ont été prises pour leur non respect.

C'est en conséquence par une exacte et pertinente appréciation des faits de l'espèce que le juge départiteur a considéré qu'à partir du mois d'avril 2016, l'employeur a soumis Mme [J] à des plannings horaires précis comportant notamment les jours et les tranches horaires au sein desquels elle devait exercer ses fonctions, ce qui était contraire à l'autonomie réelle dont elle devait bénéficier dans l'organisation de son travail et à sa convention de forfait en jours.

Tout en retenant que l'application d'une convention individuelle de forfait en jours n'excluait pas la nécessité de se plier aux directives de l'employeur, le premier juge a justement relevé qu'en imposant à la salariée un changement de ses horaires de travail et des plannings astreignants, unilatéralement établis, la société avait violé ses obligations contractuelles et conventionnelles.

La cour retient que cette violation est suffisamment grave empêchant à elle seule la poursuite du contrat de travail.

Par confirmation du jugement, il y a lieu en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur à compter du 6 juin 2016, date du licenciement, et de dire que la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II. Sur les conséquences financières de la rupture

a) Sur les indemnités de rupture :

Les sommes allouées tant au titre de l'indemnité compensatrice de préavis que de l'indemnité légale de licenciement par les premiers juges ne sont pas autrement discutées et sont confirmées.

b) Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge qui, se fondant sur l'ancienneté de la salariée, sur son salaire mensuel brut, sur son âge et ses difficultés à retrouver un emploi, a évalué à 73 000 euros le montant des dommages et intérêts, somme par ailleurs non autrement contestée.

c) Sur les circonstances vexatoires

Selon Mme [J], l'attitude de l'employeur, les termes qu'il a employé, le manque de considération à son égard et le choix de la procédure démontrent qu'elle a été prise en exemple dans le seul but de dissuader les autres salariés de toute contestation.

Mais la cour dit que par les griefs susvisés, non étayés, la salariée ne justifie pas avoir subi, du fait des conditions de son licenciement, un préjudice indépendant de celui qui est réparé par les sommes susvisées. Dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

III. Sur la mise à pied disciplinaire et ses conséquences

Il convient de confirmer l'annulation de la mise à pied à titre disciplinaire notifiée à la salariée le 28 avril 2016 pour non respect du planning dès lors que la cour a jugé que le fait d'imposer à la salariée un changement de ses horaires de travail et des plannings astreignants, établis unilatéralement par l'employeur constituait un manquement contractuel de la part de ce dernier.

Dès lors, la salariée est en droit d'obtenir un rappel de salaire tel que visé dans la décision entreprise.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts, en l'absence de démonstration d'un quelconque abus de l'employeur dans l'utilisation de son pouvoir disciplinaire, lequel ne peut découler de la seule annulation de la sanction, et Mme [J] ni ne justifiant, ni n'alléguant de préjudice distinct de celui déjà réparé par le rappel de salaire.

IV. Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu d'infirmer la décision sur les intérêts.

La société Darty Grand Est, succombant au principal doit s'acquitter des dépens de première instance et d'appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et doit payer à ce titre en cause d'appel, la somme de 1 500 euros à l'intimée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Darty Grand Est à payer à Mme [N] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société aux dépens.

LE GREFFIERPour Mme MARTIN empéchée,

Mme De REVEL en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/15426
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;18.15426 ?
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