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14/06/2022 | FRANCE | N°19/06557

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 14 juin 2022, 19/06557


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2022

A.D./ A.S.

N°2022/224













Rôle N° RG 19/06557 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEUG







SA SI MERMONT





C/



DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES





































Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Pierre-

Yves IMPERATORE

Me Virginie ROSENFELD





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 22 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/04099.





APPELANTE



SA SI MERMONT Société de droit suisse,

prise en la personne de son représentant légal en e...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2022

A.D./ A.S.

N°2022/224

Rôle N° RG 19/06557 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEUG

SA SI MERMONT

C/

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Me Virginie ROSENFELD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 22 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/04099.

APPELANTE

SA SI MERMONT Société de droit suisse,

prise en la personne de son représentant légal en exercice

demeurant [Adresse 1])

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Pierre-Marie FONTANEAU, avocat plaidant au barreau de NICE

INTIME

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, qui élit domicile en ses bureaux [Adresse 2]

représenté par Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller.

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2022..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2022.

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé :

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 22 mars 2019, ayant statué ainsi qu'il suit :

' déclare fondée la décision de l'administration fiscale, maintenant l'assujettissement à la taxe de 3 % de la société Si Mermont,

' déboute cette société de toutes ses demandes,

' condamne la société Si Mermont aux dépens .

Vu l'appel interjeté le 17 avril 2019 par la société Si Mermont.

Vu les conclusions de la société appelante en date du 14 janvier 2021, demandant de :

' dire que Monsieur [D] [R] est le principal actionnaire de la société,

' infirmer le jugement et prononcer la décharge de la taxe de 3 % au titre des années 2009 à 2011 ainsi que la remise des majorations et pénalités correspondantes,

' en tout état de cause, condamner la partie adverse à lui rembourser les dépens mentionnés à l'article R207-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que la somme de 5000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile ,

' condamner la partie adverse aux dépens.

Vu les conclusions de la direction générale des finances publiques poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône en date du 20 novembre 2019, demandant de :

' confirmer le jugement et rejeter toutes les demandes de la société appelante,

' la condamner à lui verser la somme de 3000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 5 avril 2022.

Motifs

La société Si Mermont est une société de droit suisse qui est propriétaire d'un bien immobilier situé à [Localité 3].

Elle est redevable de la taxe annuelle de 3 % prévue à l'article 990 D du code général des impôts, sauf à prouver qu'elle satisfait aux conditions d'exonération prévues au même code.

La taxe en cause est afférente aux années 2009 à 2011.

Le jugement déféré retient que la procédure est régulière, dans la mesure où l'administration fiscale justifie avoir envoyé une mise en demeure à la société le 1er mars 2012, alors que celle-ci avait pris l'engagement de lui communiquer les informations exigées par les textes ; que la société, dont le capital est composé d'actions au porteur, n'est pas exclue de l'exonération possible de la taxe de 3 %, mais qu'elle doit être en mesure de justifier de l'identité des porteurs des actions, la justification pouvant être apportée par tous moyens compatibles avec la procédure écrite et notamment, par des documents constituant un faisceau d'indices suffisamment probants de l'identité des actionnaires. Qu'en l'espèce, la société se contente de produire un courrier du 24 avril 2012, dans lequel le nom de Monsieur [R] figure en qualité d'unique détenteur des actions ; qu'il s'agit d'une affirmation univoque ; que la société ne démontre pas l'identité de ses actionnaires au premier janvier des années concernées ; que par ailleurs, l'administration fiscale suisse a donné des documents démontrant que les bénéficiaires économiques de la société sont Monsieur et Madame [V], détenteurs à parts égales des actions.

Au soutien de son appel, la société Si Mermont fait essentiellement valoir qu'elle s'est engagée à communiquer à l'administration, sur sa demande, les informations nécessaires aux exigences de l'article 990 E 3 du code général des impôts, par un courrier du 25 mai 2009 ; que l'administration l'a mise en demeure, le 1er mars 2012, de réaliser son engagement ; qu'elle a répondu le 24 avril en indiquant que les 50 actions de la société étaient détenues par Monsieur [R] ; que l'administration a réclamé des informations complémentaires et qu'en l'absence de réponse, elle lui a adressé une proposition de rectification, le 15 octobre 2012, au titre des années 2009 à 2011, pour une somme de 211'226 €.

Que le tribunal a confondu la qualité de bénéficiaire économique et d'actionnaire ; que M [R] est, en sa qualité de fiduciaire, l'associé principal de la société pour la période concernée.

Qu'elle a respecté les dispositions de l'article 990 E et que l'administration rajoute des conditions à la loi pour tenter de justifier son refus d'exonération ; que le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a repris, en l'assimilant à un fondement, légal la doctrine administrative énonçant les pièces ayant force probante en la matière.

Elle souligne que la déclaration qualifiée d'univoque par le tribunal est corroborée par les déclarations d'impôt sur la fortune qui n'ont jamais été remises en cause par l'administration fiscale et qui recoupent la propriété des parts sociales par Monsieur [R] en 2009 et 2010 ; que l'administration n'admet pas la réponse faite à sa demande car elle considère que cette réponse n'est pas satisfaisante, dans la mesure où Monsieur [R] détient les actions à titre fiduciaire pour le compte de bénéficiaires économiques ; que cependant, en présence d'un contrat fiduciaire, il est impossible pour la société de révéler un autre nom ; que la loi consacre, dans le cas d'une fiduciaire propriétaire des actions d'une société possédant un immeuble en France, l'existence d'une chaîne de participations ; que conformément à la loi, la société a transmis à l'administration les informations lui permettant de poursuivre ses investigations au niveau de l'échelon supérieur de détention ; que chacune des structures de la chaîne est tenue aux mêmes obligations et ne doit pas accomplir ses obligations pour le compte d'une autre et que la solidarité qui existe ne permet pas à l'administration de reprocher à l'une d'elles des manquements imputables à l'autre ; qu'ainsi, dès qu'un fiduciaire est dénoncé, il convient d'imposer le maillon supérieur si sa réponse est insuffisante ; qu'en l'espèce, la société a communiqué les informations demandées quant à l'identité de ses associés et que Monsieur [R] s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôt sur la fortune en France ; que l'administration contrevient aux objectifs de la taxe.

L'administration fait, de son côté, valoir que Monsieur [R] est l'expert-comptable de la société SEF qui agit au nom des intérêts de la société Si Mermont, qu'il est d'ailleurs administrateur dans de nombreuses autres sociétés suisses; que les actions de la société sont des actions au porteur ; que le jugement qui cite la doctrine n'affirme pas que seuls les documents ainsi cités peuvent servir de justificatifs, puisqu'il précise que la justification peut être apportée par tous moyens compatibles avec la procédure écrite et notamment tous documents constituant un faisceau d'indices suffisamment probants de l'identité des actionnaires ; que le fait que les titres soient au porteur ne constitue pas une présomption irréfragable que la société ne pourrait pas justifier de ses actionnaires et ne pourrait pas bénéficier des exonérations ; que la jurisprudence écarte comme élément probatoire le contrat fiduciaire en raison de la convergence d'intérêts existants entre le contribuable et le mandant fiduciaire ; que la désignation de Monsieur [R] comme actionnaire résulte d'une affirmation univoque ; que l'insuffisance des informations fournies par la société ne lui permet pas de prétendre bénéficier de l'exonération ; que la société n'a jamais présenté le contrat de fiducie ; que le tribunal a considéré, au vu des informations recueillies en Suisse, que les détenteurs des actions étaient Monsieur et Madame [V], ce qui démontre qu'il se réfère à la notion d'identité d'actionnaire et non à celle de bénéficiaire économique ; que par ailleurs, en l'état de ces éléments, il y a une insuffisance d'information qui permet de considérer que la société ne s'est pas acquittée de ses obligations déclaratives, de sorte qu'il ne peut être reproché au tribunal d'avoir méconnu les dispositions de l'article 990 E 3 du code général des impôts; que la position de l'administration n'est pas excessive et ne contrevient pas aux objectifs fixés pour la taxe de 3 % destinée à lutter contre la fraude fiscale ; que la taxe de 3 % et l'impôt sur la fortune constituent deux impôts distincts, l'imposition à l'un de ces impôts n'étant pas exclusif de l'autre.

************

Le premier grief est tiré d'une erreur de droit du jugement, au motif qu'il cite la doctrine administrative comme assimilable à un fondement légal pour, ensuite, fonder sa motivation sur cette doctrine.

Le moyen sera rejeté, dans la mesure où si le tribunal cite effectivement les documents prévus au BOI de nature à satisfaire aux exigences de l'article 990 E 3 sur l'identification de l'identité des actionnaires, il rappelle en même temps la possibilité légale d'apporter la justification par tous moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite et notamment tous documents constituant un faisceau d'indices suffisamment probants de l'identité des actionnaires.

Il en résulte qu'aucune erreur de droit ne peut être reprochée de ce chef.

Le deuxième grief de la société appelante consiste à prétendre qu'en dénonçant Monsieur [R] comme le détenteur des actions à titre fiduciaire, la société a respecté l'engagement qu'elle avait pris .

Elle fait aussi valoir qu'en présence d'un fiduciaire, il existe une chaîne de participations, l'administration étant en mesure de poursuivre ses investigations au niveau de l'échelon supérieur de détention, à savoir, Monsieur et Madame [V].

Cette chaîne de participations invoquée entre les différents maillons de la détention des actions ne dispense cependant pas la société, dont la déclaration exigée par l'article 990 doit être exacte, complète et transparente, notamment sur l'identité des actionnaires, de faire une déclaration satisfaisant à ces exigences légales qui sont claires et d'interprétation stricte.

Or, tel n'est pas le cas de la déclaration unilatéralement faite par la société, sans être corroborée par aucun document, désignant M [R] comme seul détenteur des actions qui constitue donc une déclaration univoque, alors de surcroît que la qualité de fiduciaire de celui-ci est associée à l'existence d'intérêts convergents avec la société et ses actionnaires ; qu'enfin, l'administration suisse a communiqué à l'administration française que les actions de la société étaient en réalité détenues à concurrence de moitié chacun par Monsieur et Madame [V], dont le nom n'apparaît sur aucun des documents fournis par la société appelante.

La conjonction de l'ensemble de ces éléments suffit donc à démontrer que la déclaration faite ne satisfaisait pas aux exigences du texte, dès lors d'une part, qu'il y a une contradiction entre la déclaration faite en France et les informations reçues de la Suisse et dès lors d'autre part, qu'il n'existe aucun document de nature à constituer un faisceau d'indices démontrant la réalité de l'identité des actionnaires et notamment les conditions juridiques et financières dans lesquelles les personnes ont pu devenir titulaires des droits en cause, le fait que les actions soient au porteur n'interdisant pas de mettre en place un mécanisme permettant d'identifier les porteurs des titres.

Le troisième grief est tiré d'un amalgame fait par le jugement entre la notion de bénéficiaire économique et celle d'actionnaire, grief qui n'est nullement fondé dans la mesure où ainsi qu'il a déjà été dit ci-dessus, et compte tenu des exigences légales de l'article 990 E 3 du code général des impôts, le tribunal a exactement jugé du bien-fondé de la position de l'administration fiscale, au seul motif que les éléments en sa possession, à savoir, la déclaration faite dénonçant Monsieur [R] et les informations reçues de Suisse, démontraient que les éléments contenus à la déclaration n'étaient pas suffisants pour déterminer l'identité des actionnaires.

La notion artificielle de chaîne de participation ne saurait par ailleurs être valablement invoquée de ce chef par le redevable de la taxe.

La société affirme, enfin, que la position de l'administration est excessive et contrevient aux objectifs fixés par la taxe de 3 %.

Il n'est pas contesté que cette taxe a pour but de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, notamment afin d'éviter que ne soit éludé le paiement de l'impôt sur la fortune par les personnes physiques derrière des sociétés écrans ; or, les demandes d'informations complémentaires de l'administration répondent parfaitement à ces exigences, sans encourir de grief de disproportion ou de discrimination, compte tenu de l'objectif légitime de lutte contre la fraude fiscale poursuivi et des moyens donnés aux contribuables pour justifier de leur situation et bénéficier de l'exonération.

Il est, en dernier lieu, vainement invoqué qu'une entité juridique n'est pas soumise à la taxe lorsque la connaissance de l'identité de ses actionnaires assujettis à l'impôt sur la fortune résulte de la communication par elle des informations, alors que la personne qui acquitte l'ISF est Monsieur [R], dont il n'est pas démontré qu'il soit l'actionnaire de la société. Par ailleurs, la taxe de 3 % et l'impôt de solidarité sur la fortune constituent deux impôts distincts qui ne se rapportent pas aux mêmes personnes et qui ne poursuivent pas le même objectif.

La société Si Mermont sera donc déboutée de toutes les fins de son appel et le jugement sera confirmé.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Rejette toutes les demandes de la société Si Mermont et confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Si Mermont à verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à la direction générale des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Si Mermont aux dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRESIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/06557
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.06557 ?
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