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10/06/2022 | FRANCE | N°19/02760

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 10 juin 2022, 19/02760


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022



N°2022/150













Rôle N° RG 19/02760 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDZVH







[C] [N]





C/



SCP BR ASSOCIES

Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE















Copie exécutoire délivrée

le : 10 Juin 2022

à :



Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiair

e 120)



Me Stéphanie JACOB BONET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 80)



Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 149)



Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'Aix en Provence

(Vestiaire 75)







Décision déférée à la...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2022

N°2022/150

Rôle N° RG 19/02760 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDZVH

[C] [N]

C/

SCP BR ASSOCIES

Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée

le : 10 Juin 2022

à :

Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 120)

Me Stéphanie JACOB BONET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 80)

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 149)

Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'Aix en Provence

(Vestiaire 75)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 22 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/01223.

APPELANT

Monsieur [C] [N], demeurant [Adresse 9] - [Localité 2]

représenté par Me Sophie PANAIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me OUALI Ziane, barreau d'Aix en Provence

INTIMEES

SCP BR ASSOCIES ès qualité de Mandataire Liquidateur de la SARL EIFFAGE ENERGIE RESAUX ET TELECOM dont le siège est [Adresse 10], [Localité 4]

Par Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE du 9 juin 2015, demeurant[Adresse 7]d - [Localité 3]

représentée par Me Stéphanie JACOB BONET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS EIFFAGE ENERGIE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 6] [Localité 8]

représenté par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'Aix en Provence, substituée par Me Denis AGRANIER, avocat au barreau de PARIS

Association UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE Représentée par sa directrice Mme [D] [M] ;

AFF EIFFAGE ERT / [N] appelant d'un JGT CPH AIX du 22/01/2019, demeurant [Adresse 1] - [Localité 5]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, et Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargés du rapport.

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre suppléante

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022, délibéré prorogé au 10 Juin 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

M [N] a été embauché par la société TTE TRANSEL SUD EST le 26 janvier 2004 selon contrat à durée indéterminée à temps plein .

La convention collective applicable est celle de la Métallurgie des Bouches du Rhône.

En 2005 la société TRANSEL Sud Est intégrait le groupe Eiffage .

Selon publication au Bodacc du 6 novembre 2011 elle changeait de dénomination et devenait la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM S.E. détenue à 100 % par la société EIFFAGE ENERGIE qui est une société holding regroupant une cinquantaine de filiales au sein d'une Unité Economique et Sociale , dont Eiffage Energie Réseaux et Telecom SE , mais n'emploie aucun salarié ni n'a d'activité de fourniture de biens ou services

Après échec de la tentative de cession de la société au groupe Ampéris en 2013/2014 du fait de l'opposition des salariés , un administrateur ad hoc était désigné le 29 octobre 2014 avec mission d'apprécier les perspectives de la société et du candidat à la reprise et la possibilité de pérennisation de l'activité après cession;

Après rapport de ce dernier , les salariés maintenant leur position , Ampéris abandonnait son projet de reprise.

La société continuait d'accumuler les pertes chiffrées à 326 000 euros fin 2014 comprenant le compte courant d'associé de la société EIFFAGE ENERGIE d'un montant de 327 600 euros

Le 15 janvier 2015 la convention de trésorerie liant la société EIFFAGE ENERGIE à la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM S.E. était résiliée

LE 26 mars 2015 la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM S.E. était placée en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, désignant Maître GILLIBERT ès qualité d'administrateur judiciaire et Maître RAFONI ès qualité de

mandataire judiciaire.La société RESOPHONE se portait candidate à la reprise mais sans succès.

Le 9 juin 2015 le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence prononçait la liquidation judiciaire de la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM SE et désignait Maître RAFONI ès qualité de liquidateur.

Il n'est pas contesté qu'à cette date M [N] bénéficiait du statut de salarié protégé.

Après convocation de M [N] à un entretien préalable pour le 22 juin 2015 et suite à l'autorisation de licenciement donnée par l'inspection du travail le 29 juillet 2015 , le liquidateur procédait au lienciement économique de M [N] le même jour en raison de la cessation d'activité de l'entreprise.

Après liquidation M [N] a été réembauché par la société RESOPHONE qui a acquis les actifs de la société liquidée.

Le 25 mars 2016 , sur le recours hiérarchique de M [N] ,l'autorisation administrative de licenciement était annulée pour non respect du délai de convocation à l'entretien préalable.Il n'est pas fait état d'un recours à l'encontre de cette décision.

M [N] appelait le CGEA -AGS , la SAS EIFFAGE Energie et Maitre Rafoni es qualité de liquidateur devant le conseil des prud'hommes d'Aix en Provence selon demande du 23 décembre 2016 aux fins de :

'voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse

'ordonner sa réintégration au sein de la société Eiffage Energie Ile de France , sous astreinte

'subsidiairement voir condamner les co-employeurs à lui payer 55 000 euros nets de dommages intérêts

En tout état de cause

'Condamner les Co-employcurs solidairement à lui verser la somme de 44.480 euros à parfaire par application de l'article L 2422-1 du code du travail en l'absence de réintégration malgré la décision du 25 mars 2016 annulant I'autorisation de le licencier datée du 29 juillet 2015

Fixer la moyenne de rémunération à la somme de 2.780 € bruts ,

'Condamner les Co-employeurs solidairement à lui payer les sommes suivantes

-Dommages et intérêts pour absence de consultation valable des institutions représentatives du personnel = 8.340 e,

-Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail = 15 000 € nets.

-Rappel de salaire = 567,64 € bruts,

-Indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire 56,76 € bruts.

'Condamner solidairement les Co-employeurs à la remise des bulletins de paie d'avril 2014 à mars 2015 rectifiés sous astreinte de 200 € par jour de retard et par document, le conseil se réservant compétence pour liquider l'astreinte ;

'Ordonner les intérêts de droit à compter de la demande Ordonner la capitalisation des intérêts ;

'Ordonner l'exécution provisoire du jugement a intervenir nonobstant appel

Par jugement en date du 22 janvier 2019 le conseil de prud'hommes D'AIX en provence a

'Dit que le licenciement de Monsieur [N] [C] repose bien sur une cause réelle et sérieuse, soit un motif économique ,

'Dit que Ie co-emploi n'existe pas

'Débouté Monsieur [N] [C] de l'intégralité de ses demandes .

'Condamne Monsieur [N] [C] aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 16 février 2019 M [N] interjetait appel du jugement.

Demandes et moyens des parties

Par conclusions notifiées via le RPVA le 16 mai 2019 l'appelant demande à la cour de

REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'|Aix en Provence le 22 janvier 2019.

A TITRE PRINCIPAL ,

ORDONNER la réintegration de Monsieur [N] au sein de la societe EIFFAGE

ENERGIE sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.

CONDAMNER les coemployeurs à payer solidairement à Monsieur [N] la somme de

144 460 euros à parfaire, arrêtée au 01 decembre 2019 à titre d' indemnisation pour non réintegration.

A TITRE SUBSIDIAIRE, à defaut de réintegration :

en cas de reconnaissance du co-emploi

- CONDAMNER les coemployeurs à payer solidairement à Monsieur [N] la

somme de 144 460 euros à parfaire, arrêtée au 01 decembre 2019 à titre d'indemnisation

pour non reintegration.

- 55 000 euros nets à titre de dommages interets pour licenciement depourvu de cause

reelle et serieuse.

- Dommages et interets pour absence de consultation valable des institutions

representatives du personnel : 8 340 euros

- Dommages et intérets pour execution fautive du contrat de travail : 15 000 euros nets

CONDAMNER solidairement les coemployeurs à la remise des bulletins de paie d'avril 2014

à mars 2015 rectifies sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document, la Cour se

reservant competence pour liquider ladite astreinte

en l'absence de reconnaissance du co-emploi

FIXER la créance de Mr [N] aux sommes suivants :

- 144 460 € à parfaire, arrêtée au 01 décembre 2019 à titre d'indemnisation pour non réintégration.

- 55 000 euros nets à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause

réelle et sérieuse.

- Dommages et intérêts pour absence de consultation valable des institutions

représentatives du personnel : 8 340 €

- Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 15 000 € nets.

ORDONNER la remise des bulletins de paie d'avril 2014 à mars 2015 rectifiés .

ORDONNER les intérêts de droit à compter de la demande ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER solidairement les coemployeurs à payer la somme de 2 000 € en application

de l'article 700 du C.P.C. ;

LES CONDAMNER solidairement aux entiers dépens.

Il fait valoir en substance que

'Que lorsqu'une société mère s'immisce dans la gestion d'une de ses filiales, à tel point que cette filiale ne bénéficie plus d'aucune marge de manoeuvre , la holding est considérée comme « co-employeur» du personnel de la filiale.

Qu'il existe en l'espèce un co-emploi par la société EIFFAGE ENERGIE;

qu'en effet cette société qui détenait 100% du capital de la société La société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM S.E.

- la tenait en outre sous sa dépendance économique totale au moyen de la convention de trésorerie ainsi qu'il ressort du rapport rendu par l'administrateur judiciaire;

- Qu'elle s'immiscait effectivement dans sa gestion puisqu'ainsi que le démontre le registre du personnel les deux Directeurs Monsieur [U] (Directeur Technique) et Monsieur [O] (Directeurd'Agence) ayant été licenciés en 2008 sans jamais être remplacés de sorte que depuis 2008 les salariés n'avaient plus que quelques ordres transmis au compte goutte par le Groupe EIFFAGE mais pas de direction effective sur place ; qu'il n'était pas procédé par ailleurs au remplacement de ses cadres et commerciaux , privant ainsi sciemment l'entreprise de ses possibilités de remporter des marchés et developper son activité.

- qu'ainsi c'est le Directeur Général D'EIFFAGE energie , Monsieur [P], qui a écrit aux organes de la procédure collective, C'est Monsieur [S] [K], cadre directeur administratif et financier de la société EIFFAGE ENERGIE, qui se chargeait de superviser la facturation client et les relations avec les fournisseurs

- que Monsieur [H] [T], Directeur Adjoint de l'une des divisions de la

société EIFFAGE ENERGIE, a été présenté comme Directeur de la filiale

EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM S.E notamment lors des échanges

de mails avec les délégués du personnel dans cette dernière, alors qu'il ne figure pas sur le registre du personnel , qu'il a été rendu destinataire de la dénonciation de la convention de trésorerie

Il estime dès lors que la confusion intérêts, d'activités et de direction est caractérisée

'que cette situation impose d'apprécier le motif économique du licenciement non pas au niveau de la filiale concernée mais au niveau du groupe selon la jurisprudence de la cour de cassation (Cass. soc. 18 janvier 2011 n° 09-69.199);

'Qu'en l'espèce la cessation d'activité de l'entreprise ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement car elle résulte d'un comportement fautif de la société EIFFAGE ENERGIE , actionnaire à 100 % , elle même détenue à 100% par la société Eiffage qui a décidé de mettre fin à l'activité pour des raisons de pure rentabilité économique alors qu'elle ne rencontrait aucune difficulté ; qu'au demeurant la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne fait pas référence à de quelconques difficultés économiques du groupe Eiffage.

'Qu'il n'a pas été procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement ,qui s'impose au liquidateur même en cas de cessation d'activité , au sein de toutes les sociétés du groupe dont l'organisation ou les activités permettent la permutabilité de tout ou partie du personnel

ainsi que le démontre le faible temps écoulé entre l'entreptien préalable du 9 juin 2015 et les propositions de postes évasives émises le 15 juin 2015 .Que de même le liquidateur n'a pas proposé de formation afin de l'adapter éventuellement à un des postes libres de la liste , ni communiqué la localisation, la description des tâches, les niveaux de formation et de

rémunération.

'Que la procédure de licenciement n'a pas été repectée la personne ayant procédé à la consultation des délégués du personnel étant dénuée de qualité pour ce faire et n'ayant au surplus pas respecté le délai entre la convocation et l'entretien

Par conclusions notifiées via le RPVA le 6 juin 2019 la SCP BR ASSOCIES représentée par Maitre Rafoni es qualité de liquidateur de la SARL EIFFAGE ENERGIE RÉSEAUX et TELECOM demande à la cour de confirmer le jugement .

Elle expose principalement

'Que durant sa mission d'assistance elle a constaté les pertes importantes de la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM sur plusieures années , compensées par les apports de l'actionnaire unique en compte courant , impossible à poursuivre dans le temps , le passif étant chiffré à 3 660 000 euros fin 2014

'Que le jugement de liquidation devenu définitif caractérise à lui seul la réalité du motif économique du licenciement rendant irrecevable la contestation

'Que le co- emploi ne peut résulter du seul lien capitalistique ou de l'identité des dirigeants alors par ailleurs que la compagnie Nationale des commissaires aux comptes considère que les conventions portant sur les assistances de service général ( juridique , logistique ,informatique et comptable) ainsi que les services financiers sont présumées normales au sein d'un groupe et que cette analyse est validée par la cour de cassation.

'Qu'au sein d'un groupe les difficultés économiques s'apprécient au regard des seules filiales ou société relevant du même secteur d'activité.

'Que la jurisprudence admet que le liquidateur a 15 jours pour accomplir l'obligation de reclassement résultant de l'article 1233-4 du code du travail , qu'en l'espèce le reclassement a été recherché auprès de toutes les entreprises du groupe eiffage et au moyen de lettres personnalisées comportant le profil de chaque salarié.Que ce dispositif a permis le reclassement de l'appelant , qui ne justifie d'aucun préjudice , chez RESOPHONE.

Subsidairement elle soutient

'Que la réintégration qui n'a pas été demandée dans les deux mois de la décision d'annulation est impossible , l'entreprise étant liquidée

'que l'employeur ayant respecté le statut du salairé en sollicitant l'autorisation de licencier ne peut être condamné à dommages intérêts et ce d'autant qu'il n'existe en l'espèce aucun préjudice l'appelant ayant été immédiatement relassé au sein de RESOPHONE;

'Que l'appelant ne justifie d'aucun préjudice distinct pour éxécution fautive du contrat de travail.

'Que l'ouverture de la procédure de redressement judiciairesuspend le cours de intérêts égaux et que le mandataire liquidteur n'a pas qualité pour procéder à la rectification des bulletins de salaires dont l'entreprise étaient débitrice avant la liquidation.

Par conclusions notifiées via le RPVA le 6 aout 2019 LA SAS EIFFAGE demande à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel ,

Dire et juger qu'Eiffage Energie n'a pas eu la qualité d'employeur ou de co-employeur de Monsieur [C] [N] ;

En conséquence, mettre la Société Eiffage Energie hors de cause et débouter Monsieur [C] [N] de toutes ses demandes, dirigées contre ladite Société.

Surabondamment :

Dire et juger Monsieur [C] [N] mal fondé en l'ensemble de ses demandes, l'en débouter.

Très subsidiairement

Pour le cas où par impossible la Cour envisagerait de faire application de l'article L. 2422-4 du Code du Travail, ordonner toute mesure d'instruction tendant à établir les revenus professionnels et/ou les revenus de remplacement dont Monsieur [C] [N] a bénéficié depuis son licenciement.

En tout état de cause.

Condamner Monsieur [C] [N] aux éventuels dépens

A l'appui de ses prétentions elle fait valoir

'Qu' il n'existe pas de co-emploi en l'espèce à défaut de confusion d'intérêts ,d'activité et de direction se manifestant par une immixion dans la gestion économique et sociale dans la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM S.E. par EIFFAGE ENERGIE , la cour de cassation admettant que l'identité de dirigeants , la prise de décision pour la filiale , la dépendance financière et l'existence d'une convention d'assistance moyennant rémunération ne suffisent pas a établir une situation de co-emploi;

qu'en effet Eiffage Energie Réseaux et Telecom S E a été dirigée par M [O] jusqu'en 2008 puis par M [F] , employé par EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM RHONE ALPES DE 2007 jusqu'en 2014 et placé sous la responsabilité de M [P] supervisant l'ensemble des filiales du groupe évoluant dans le secteur de la téléphonie d'entreprise .

M [F] était remplacé mi 2014 par M [T] délégué par M [P] dans la perspective d'une cession de l'entreprise .

qu'ainsi La Société a eu une direction en propre jusqu'en 2008, puis une direction partagée avec une seule autre entreprise de taille modeste et société-soeur issue de la même acquisition, jusqu'à quelques mois avant sa mise en liquidation, devenue inévitable;

Que cette situation caractérise une coordination entre filiales appartenant à un même groupe qui ne permet pas de conclure à un co emploi selon la jurisprudence de la cour de cassation.

'Que la décision de cession ne constitue pas un abandon fautif mais une decision d'actionnaire qui relève de la liberté d'entreprise , maitre Gilibert mettant en exergue dans son rapport de mandtaire ad hoc le comportement et la responsabilité des salariés qui ont fait échouer la cession.

'Subsidairement elle fait valoir que

-, la Cour de Cassation a eu l'occasion de préciser que l'existence d'un motif économique réel et sérieux du licenciement ne peut être remise en cause quand il résulte d'une décision juridictionnelle devenue définitive dans le cadre d'une procédure collective, voir notamment Cass. Soc. 26 janvier 2001 n o 99-43.078, rendue dans un cas de licenciements économiques prononcés dans le cadre d'un redressement judiciaire mais le principe vaut évidemment aussi pour une liquidation judiciaire.

- Que l'obligation de reclassement a été exécutée.et M [N] réembauché de sorte qu'il ne justifie d'aucun préjudice

-que M [N] n'a pas sollicite sa réintégration dans le delai fixé par l'article L 2422-4 du code du travail mais a fondé sa demande présentée pour la première fois devant le conseil des prud'hommes sur les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail et avant même l'annulation de la décision d'autorisation de son licenciement..

Qu'en toute hypothèse il ne justifie d'aucun préjudice sur le fondement de l'artcile 2422-4 au vu des indemnités de préavis et de licenciement perçues lors de la rupture étant précisé qu'il convient de déduire de préjudice les revenus de remplacement dont il a disposé mais ne justifie pas.

-Que M [T] disposait d'une délégation pour consulter les représentants du personnel sur le licenciement envisagé

Par conclusions notifiées via le RPVA le 23 juillet 2019 L'Unedic-AGS CGEA de Marseille demande à la cour de :

Vu la Liquidation judiciaire du 09/06/2015 (L 640-1 C.COM) de société SAS EIFFAGE

ENERGIE RESEAUX ET TELECOM RCS AIX N° 443 145 164 ;

Vu la mise en cause de l'UNEDIC-AGS C.G.E.A DE MARSEILLE, gestionnaire de l'AGS, en

application des articles L. 625-1 et L641-14 (LJ) du code de commerce ;

Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, sur la garantie des créances salariales enmatière de procédure collective de l'employeur ;

Dire et juger que la garantie AGS ne peut jouer pour les créances imputées éventuellement à la société EIFFAGE ENERGIE SAS RCS VERSAILLES N° 775 673 031 qu ine fait pas l'objet d'une procédure collective.

Vu les articles L. 622-21 et suivants du code de commerce ;

Dire et juger irrecevables les demandes condamnations contre la société de SAS EIFFAGE

ENERGIE RESEAUX ET TELECOM RCS AIX N° 443 145 164 en liquidation judiciaire.

Subsidiairement,

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile, et L. 1221-1 du code du travail ;

Vu les articles l'article L. 1233-58 et suivants du code du travail

Vu les articles L. 1235-1, L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail ;

Vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce ;

Vu la Liquidation judiciaire le 09/06/2015 de la SAS EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM

RCS AIX N° 443 145 164 ;

Débouter M. A. [N] de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société SAS

EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM RCS AIX N° 443 145 164 en liquidation judiciaire.

Dire et juger que la demande de paiement de salaire de 44 480 € à parfaire pour la période

postérieure à la liquidation judiciaire et au licenciement dont l'autorisation du 29/07/2015 a été

annulée le 25/03/2016, ne peut concerner la procédure collective et débouter M. A. [N] de cette demande en ce qu'elle est dirigée contre la SAS EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET

TELECOM RCS AIX N° 443 145 164 ;

Débouter M. A. [N] qui ne communique ni calcul, ni pièce, sur le fondement et la justification de de rappel de salaire de 567.64 € bruts au titre de l'exécution de son contrat de travail chez SASEIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM RCS AIX N° 443 145 164 désormais en liquidationjudiciaire.

Débouter M. A. [N] de sa contestation du motif économique de son licenciement, celui-ciayant été opéré en vertu d'une liquidation judiciaire définitive ;

Confirmer le jugement du 22/01/2019 du conseil des prud'hommes d'AIX et débouter M. A.

[N] des fins de son appel ;

Subsidiairement,

Dans l'hypothèse où le co-emploi serait reconnu, condamner la société EIFFAGE ENERGIE SAS RCSVERSAILLES N° 775 673 031 à rembourser l'indemnité de licenciement de M. A. [N] prévue àl'article L.1234-9 C. TRAV. et perçue de ME D. RAFONI au moyen d'une avance AGS le 08/04/2016 pour un montant de 20 316,35 € ;

Très subsidiairement,

Dire et juger qu'en application de l'article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutessommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l'article D.3253-5 du Code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions durégime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale,ou d'origine conventionnelle imposées par la loi ;

Dire et juger que l'obligation de l'UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE de faire l'avance de montant totaldes créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail, compte tenu du plafondapplicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé decréances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l'absence de fonds disponiblesentre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du Code du travail ;

Dire et juger que l' l'UNEDIC-AGS CGEA DE MARSEILLE ne doit pas sa garantie pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du CPC, des dépens, de l'astreinte, des cotisations patronales ou résultant d'une action en responsabilité ;

Débouter M. [N] de toute demande contraire, et le condamner aux dépens.

Elle fait valoir

'Que les demandes à l'encontre de la société en liquidation judicaires ne peuvent tendre qu'à la constatation et la fixation de créance salariales au passif de la société

'Qu'il n'existe pas en l'espèce de co emploi selon la définition donnée par la cour de cassation mais que dans lhypothsèe où il serait retenu il conviendrait alors de condamner la société EIFFAGE ENERGIE a rembourser l'indemnité de licenciement versée à M [N] pour un montant de 20316,35 euros

'Que les sommes réclamées à titre de rappel de salaires postérieurement à la liquidation ne concerne pas la procédure collective

'Que M [N] ne justifie d'aucune faute , d'aucune lien de causalité ni d'aucun préjudice a l'appui de sa demande de dommages intérêts pour éxécution fautive de son contrat de travail

'Que l'article 1233-58 du code du travail dispense le liquidateur du respectd es délais de procédure , subsidairement qu'il convient de déboutre M [N] de sa demande de dommgaes intérêts pour non respect de la procédure à défaut de preuve du préjudice ou de lui alllouer au plus un mois de salaire de ce chef

'Que le licenciement intervenu en vertu d'une liquidation judicaire ne peut voir son caractère économique contesté

L'ordonnance de clôture est en date du 7 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Les demandes de l'appelant en ce qu'elles sont dirigées à titre principal à l'encontre de la société EIFFAGE ENERGIE SAS se fondent sur la thèse d'un co- emploi par cette société , qu'il convient donc d'examiner en premier lieu

I Sur la qualité de co employeur de la société EIFFAGE ENERGIE SAS

Il convient de rappeler que pour qu'il y ait groupe il est nécessaire qu'il y ait participation financière d'une société dominante sur des sociétés filiales .

Toutefois cette participation , fût - elle de 100% du capital comme en l'espèce ne fait pas échec à l'autonomie juridique des sociétés composant le groupe et ne suffit pas à caractériser le co- emploi. Il en va de même de l'existence entre les sociétés mère et filiale d'une unité économique et sociale et de la conclusion d'une convention de trésorerie comme en l'espèce.

Les arguments de l'appelant sur ces points doivent donc être écartés.

Pour être retenu le co -emploi nécessite en effet soit l'existence d' un lien de subordination entre le salarié et le co -employeur , soit une intervention effective de celui ci dans les activités et la direction de la filiale éxcédant la nécessaire coordination des actions économiques au sein d'une groupe au point d' entrainer une confusion d'intérêts , d'activités et de direction telle que la société filale ne dispose plus d'aucune autonomie sur le plan économique et social et que les sociétés n'en forme plus qu'une seule dans les faits.

Dans sa jurisprudence la plus récente la cour de cassation énonce que le fait que les dirigeants

de la filiale proviennent du groupe et agissent en étroite collaboration avec la société mère,que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur la politique de développement ou la stratégie commerciale et sociale de sa filiale voire que celle-ci ait pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis ait renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s'impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe, ne pouvait suffire à caractériser une situation de coemploi

La charge de la preuve de l'existence du co-emploi pèse sur celui qui en revendique l'existence

L'appelant fonde en l'espèce sa demande sur ( pièces 8,9,10,11 et 12 , 16 et 17 de l'appelant )

- l'absence de dirigeants propres de l'entreprise depuis le départ de M . [O] et [U] en 2008

-l'intervention du Directeur Général D'EIFFAGE ENERGIE M [P] dans la procédure collective ( pièce 8)

-La supervision de la facturation cliens et des relations avec les fournisseurs par M [K] D'EIFFAGE Energie

- L'intervention de M [F] puis de M [T] , employés D'EIFFAGE ENERGIE , lors des échages de mails avec lui même en sa qualité de délégué du personnel et les instructions données .

- les courriers concernant l'entreprise adressés à M [T] à des adresses ne correspondant pas à celle de l'entreprise .

La SAS EifFage énergie fait valoir que postérieurement au départ de M [O] en 2008 la société a été dirigée par M [F] , gérant de la filiale RHONE ALPES jusqu'en octobre 2014 par souci d'alléger les charges mais non par le groupe ou la SAS EIFFAGE Energie ; qu'ultérieurement M [T] a été délégué avec la même préocupation en provenance d' une autre filiale( EIFFAGE ENERGIE TRANSPORTS ET DISTRIBUTION) dans le but de la redresser ou d'envisager un plan de cession

En l'espèce le registre du personnel communiqué par l'appelant n'est pas exploitable (pièce 6)

IL ressort des pièces 2 et 3 de la société Eiffage Energie que postérieurement au départ de M [O] , directeur d'exploitation de la société TTE Transel Sud Est ,en 2008 le Président de cette société M [E] a confié à M [F] qui travaillait pour cette même société les fonctions de Directeur d'établissement jusqu'au 16 mars 2011 .

A compter de mars 2012 la société EIFFAGE ENERGIE est elle -même devenue Présidente de la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM SE et a délégué ses pouvoirs successivement à M [F] , puis M [W] jusqu'en aout 2013. ( pièce 6 , 7 , 8 de l'intimée)

A compter de cette date la nomination de M [P] en qualité de Président de la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM SE jusqu'en juin 2014 date de son remplacement par M [A] a conduit à des délégations confiées successivement à M [W] , [F] et en dernier lieu M [T] ( pièce 8 -9-10 de l'intimée)

Si une confusion de direction a donc pu exister de mars 2012 jusqu'en aout 2013 la cour relève qu'elle n'existait plus à la date du licenciement , la société filiale étant dotées de dirigeants propres depuis aout 2013 .Le fait que ses dirigeants soient issus du groupe est en lien avec la necessaire coordination des activités économiques de celui-ci et ne caractérise pas en lui même le co- emploi.

La lettre du directeur Général d'eiffage energie, M [P], adressée le 17 avril 2015 à l'administrateur judicaire ( pièce 8 de l'appelant ) est une réponse du créancier de l'entreprise en redressement à l'administrateur judiciaire de la société ;

Le mail adressé par M [K] à M [N] le 20 avril 2015 (pièce 9 de l'appelant) démontre la nécéssité de l'évaluation de l'état de la société par son actionnaire unique en vue de sa reprise éventuelle ainsi qu'il ressort de la pièce 11 détaillant la réponse apportée par M [T] aux représentants du personnel suite à leurs demandes de reclassement chez Eiffage Energie.

Au demeurant les conventions conclues entre une filiales et sa société mère pour la prise en charge de prestations comptables , RH , paye ,juridique (pièce 16 de l'appelant) ne suffisent pas à établir le co-emploi.

Enfin la pièce 17 mentionnant que ' Eiffage Energie reste maitre de la gestion de l'entreprise au quotidien ' traduit le rôle déterminant de la société mère dans la statégie économique et doit être rapprochée de la phrase précédente soulignant la necessité de l'accord du directeur de la filiale pour toute commande ou fourniture de prestation .

La cour retient que ces pièces sont toutes postérieures à la rupture de la convention de trésorerie et contemporaines de la procédure de sauvegarde puis de redressement judicaire dans laquelle l'implication de l'actionnaire principal ne caractérise pas une confusion d'intérêts et d'activité qui doit principalement exister durant la vie ordinaire de la société et qui n'est pas démontrée par l'appelant.

En conclusion le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le co-emploi par Eiffage Energie

et débouté l'appelant des demandes formées à son encontre.

II / Sur la cause du licenciement

A- sur l'existence du motif économique

En l'espèce l'annulation de la décision administrative autorisant le licenciement de l'appelant est fondée sur un motif de forme tenant au non respect du délai de convocation à l'entretien préalable, en conséquence la décision d'annulation ne s'étant pas prononcée sur la cause du licenciement, le juge judiciaire reste compétent pour apprécier son caractère réel et sérieux.

Dans ce cadre il lui appartient de vérifier, en application de l'article L1235-1 du code du travail que sont réunis les éléments constitutifs du motif économique au sens de l'article L. 1233-3 de ce code dans sa rédaction en vigueur à la date du licenciement

Selon l'article L1233-3 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause résultant de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Si l'entreprise fait partie d'un groupe l'appréciation du motif économique se fait au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel l'entreprise intervient.

Il est constant que lorsque les difficultés économiques de l'entreprise sont la conséquences de la légèreté blamable de l'employeur , le licenciement est dépourvu de cause réelle et séireuse

Il n'est pas contesté en l'espèce que la société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM SE appartenaitt à la branche Energie du groupe Eiffage et au secteur RESEAUX ET SERVICES TELECOMS ( pièce 13 de l'intimée)

La cour note que ce secteur regroupe les sociétés du groupe (pièce 13 et 14 de EIFFAGE ENERGIE ) oeuvrant tant dans le domaine de la téléphonie ' indoor ' d'installation et maintenance de standards et réseaux de téléphonie internes pour les entreprises ,que dans celui des réseaux mobiles

Le communiqué sur les résultats annuels du groupe en 2015 ( pièce 1 de l'appelant ) note une progression du chiffre d'affaire de la branche 'Energie ( + 5,9%) et un redressement des marges en dépit d'une baisse globale de 3,9 % du chiffre réalisé en France tous secteurs confondus accompagnée néanmoins d' une augmentation du chiffre d'affaire dans l'activité telecomm ( pièce 2 de l'appelant )

Toutefois il ressort de la pièce 4 de l'appelant et de la pièce 26 de l'intimée qu'au sein de cette branche d'activité le secteur des sociétés ' réseaux et telecom ' était en particulière difficulté , en effet l'ensemble des sociétés de ce secteur présente un résultat comptable négatif dans le rapport financier de 2013 conduisant le Groupe à céder toutes entreprises de ce secteur (pièces 29 à 44).

Cette analyse est confortée par le rapport du mandataire judiciaire (pièce 4 de la société BR associés ) désigné à l'occasion de la procédure de sauvegarde de la La société EIFFAGE ENERGIE RESEAUX ET TELECOM SE qui énonce que la société ' réalise depuis plusieures années un chiffre d'affaire inférieur au point mort et cumule des pertes d'exploitation qui doivent être financées par des apport en compte courant D'EIFFAGE Energie SAS ' .

Ce rapport fait également ressortir une baisse de 13'% du chiffre d'affaire depuis 2010 , une aggravation constante du passif cumulé à 1 424 M d'euros entre 2010 et 2014 et une évolution corrélative du compte courant de l'actionnaire unique de 1555 M euros entre 2010 et 2014 sans perspective d'amélioration( pièce 1 eiffage energie)

La cour relève que nonobstant la situation financière déplorable de l'entreprise , l'employeur a constamment recherché dès 2013 des solutions de cession permettant le maintien de l'emploi jusqu'à la liquidation .

A cet égard il convient de rappeler que seuls les actionnaires , qui risquent le capital investi dans la société , disposent , au travers des organes de direction de la société qu'ils choisissent , du pouvoir de décider de ses orientations économiques (notamment au travers d'une décision de cession voir de liquidation) sous réserve de ne pas en faire un usage fautif.

Il ressort des pièces produites aux débats que bien que plusieurs solutions de reprises aient été favorisées par l'employeur (AMPERIS , TREES TELECOM ,RESOPHONE ) ( pièce 16 et 17 de l'appelant) et jugées viables par l'administrateur judiciaire , toutes ont echouées du fait de l'opposition systématique voire de l'hostilité manifestée par les 6 salariés (pièce 73 de l'intimée rapport de la procédure de sauvegarde ; pièce 74 courrier de Résophone abandonnant sa proposition en raison de l'hostilité des salariés) conduisant à la liquidation de l'entreprise .

En conséquence le motif économique du licenciement est établi et aucune légèreté blâmable ne peut etre reprochée à l'employeur.

B/ Sur la consultation des représentantsdu personnel

M [N] dénie toute validité à la consultation du comité d'entreprise ayant précédé son licenciement au motif qu'il y a été procédé par M [T] qui n'avait pas qualité car il n'est ni employeur , ni liquidateur ni même salarié de l'entreprise

La cour relève que le liquidateur était présent lors de l'ensemble des consultations du comité d'entreprise tandis que M [T] tire pouvoir de convoquer et présider le comité d'entreprise de la délégation donnée par M [A] ( pièce 10 de la SAS EIFFAGE ENERGIE )

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté l'appelant de sa demande .

C/ Sur l'éxécution de l'obligation de reclassement

l'article L1233-4 dans sa rédaction en vigueur à la date du licenciement dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Cette obligation de reclassement s'impose aussi au mandataire liquidateur en cas de

liquidation judiciaire.

Toutefois, si la liquidation judiciaire de l'employeur ne dispense pas le liquidateur

judiciaire de l'obligation de rechercher, d'une manière sérieuse et individualisée, et de

proposer, préalablement au licenciement, toutes les possibilités de reclassement qui

existent dans l'entreprise et dans le groupe dont elle relève, il est admis que le contrôle

de l'exécution de l'obligation de reclassement qui lui incombe, y compris en cas de liquidation judiciaire, doit tenir compte des moyens dont il dispose à cette fin, soit dans l'entreprise, soit dans le groupe dont il relève

En l'espèce la cour rappelle que l'entreprise ayant été placée en liquidation judiciaire le 9 juin 2015, c'est le mandataire liquidateur qui a dû procéder aux recherches de reclassement dans le délai contraint de 15 jours pour licencier imposé par les dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail afin de garantir aux salariés le paiement des créances résultant de la rupture de leur contrat de travail .

Ainsi le grief tiré de la précipitation dans la recherche du reclassement formulé ' in abstracto ' par l'appelant est dénuée d'intérêt.

La cour retient par ailleurs que le liquidateur qui justifie avoir recherché les postes disponibles et correspondants à la qualification de chaque salarié précisément définie et auprès de l'ensemble des sociétés du groupe ( P9 et 10 bis du liquidateur, pièce 84 et 85 de la société EIFFAGE energie ), les avoir communiqués à chaque salarié ( pièce 12 bis de manière individualisée ( pièce 22 du liquidateur et surtout pièce 89 de EIFFAGE ernergie suivi du reclassement de M [N] ) et s'être tenu à disposition pour expliciter les propositions formulées a accompli l'obligation de reclassement à la mesure du temps et des moyens à sa disposition.

Il convient de souligner que M [N] , dûment relancé par l'administrateur , a contesté d'emblée la sincerité de la démarche de reclassement et refusé d'y participer .

En conséquence le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M [N] de sa demande de dommages intérêts.

Par ailleurs l'appelant sera également débouté de sa demande de dommages intérêts pour éxécution fautive du contrat de travail à l'appui de laquelle il invoque le non respect du délai de 5 jours entre sa convocation à l'entretien préalable et la tenue de celui - sans démontrer aucun préjudice en lien de causalité.

III Sur la demande d'indemnité pour non réintégration

L'article L2422-4 du code du travail dispose :

' Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

En l'espèce M [N] qui fonde sa demande sur le texte susvisé ne détaille pas avec précision les modalités de son calcul mais soutient en substance qu'il peut prétendre à une somme correspondant à son salaire du jour du licenciement jusqu'à sa réintégration;

La cour ne saurait adhérer à ce raisonnement .Il convient en effet de rappeler d'une part qu'en l'espèce la décision d'annulation est postérieure à la liquidation de l'entreprise qui rend la réintégration impossible , que d'autre par M [N] ne justifie pas avoir sollicité sa réintégration dans les deux mois de la notification de la décision d'annulation.

Enfin la demande de réintégration formulée par M [N] en première instance comme devant la cour a toujours été dirigée vers la société EIFFAGE ENERGIE et ne peut prospérer à défaut de co-emploi.

Dans ces conditions M [N] doit se voir appliquer le deuxième alinéa du texte qui ouvre droit à indemnisation entre la date du licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant l'annulation de l'autorisation de licenciement.

Cette indemnité se cumule avec avec le paiement des indemités de rupture contrairement à ce que soutient l'intimée EIFFAGE ENERGIE mais se calcule déduction faite des revenus tirés d'une activité professionnelle ou des allocations chômage.

En l'espèce M [N] qui a été sommé par son adversaire, aux termes de ses conclusions , de produire les documents relatifs à ses revenus ne produit aucune pièce de ce chef alors qu'il ne conteste pas avoir été embauché par RESOPHONE .

Dans ses conditions il ne justifie pas de son droit à indemnisation. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M [N] de sa demande de ce chef

Il ne parait pas inéquitable de condamner Monsieur [N] qui succombe dans l'intégralité de ses prétentions à payer à la société EIFFAGE ENERGIE la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC etd e le condamner aux dépens de l'instance d'appel. Il sera débouté de sa prorpe demande au titre de l'article 700 du CPC

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes d'aix en provence en ce qu'il a

- Dit que la SAS Eiffage Energie n'a pas qualité de co-employeur de M [N]

-débouté M [N] de l'ensemble de ses demandes

et y ajoutant

Condamne M [N] à payer à la SAS EIFFAGE ENERGIE la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC

Le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du CPC

Le condamne aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 19/02760
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;19.02760 ?
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