COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-3
ARRÊT AU FOND
DU 10 JUIN 2022
N° 2022/ 126
RG 18/17952
N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKUU
[H] [S]
[D] [J]
SARL BBA-REMAN
C/
[K] [O]
Association AGS - CGEA DE MARSEILLE DELEGATION REGIONAL DU SUD EST
Copie exécutoire délivrée le 10 juin 2022 à :
-Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
-Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 19 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00568.
APPELANTE
SARL BBA-REMAN, demeurant [Adresse 6]. [Adresse 5]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [K] [O], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Antoine DONSIMONI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIES INTERVENANTES
Maître [H] [S], Administrateur judiciaire de la SARL BBA REMAN, demeurant [Adresse 1]
Défaillant
Maître [D] [J], Mandataire judiciaire de la SAS BBA REMAN, demeurant [Adresse 4]
Défaillant
Association AGS - CGEA DE MARSEILLE DELEGATION REGIONAL DU SUD EST, demeurant [Adresse 7]
Défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Estelle DE REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.
ARRÊT
REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022
Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES
En 2012, Mme [O] a été embauchée par la société BBA Reman par contrat à durée indéterminée en qualité de magasinier.
La convention collective nationale applicable était celle du commerce et de la réparation de l'automobile du cycle et du motocycle et des activités connexes du 15 janvier 1981.
Le 2 mars 2015, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable devant se tenir le 13 mars et par lettre recommandée du 23 mars 2015, elle a été licenciée pour faute grave en ces termes : « (...)Malheureusement nous avons eu à déplorer les faits suivants :
La société CARDROID S.E.A dont l'activité est la réparation de pièces électroniques automobiles s'est installée à [Localité 8] à compter du 1er novembre 2014. Son atelier se situe [Adresse 2]. Elle est gérée par Mme [U] [R], ancienne salariée de BBA REMAN.
Il apparaît manifeste que, durant l'exécution du contrat de travail vous liant à la société BBA REMAN, vous avez commis des actes de concurrence déloyale, en violation totale avec l'obligation de loyauté régissant tout contrat de travail.
Ce seul fait constitue à lui seul une faute grave.
Par ailleurs, nous avons pu constater que malgré nos demandes répétées, vous aviez refusé d'augmenter le nombre d'appels journaliers traités par vos soins, alors que ce surcroît d'appel dont nous vous demandions le traitement aurait pu être fait dans votre durée normal de travail, sans même avoir recours à des heures supplémentaires.
De même, nous avons constaté que vous ne respectiez pas l'horaire collectif de travail applicable dans l'entreprise, et preniez des pauses déjeuner d'1 heure 30 les mardis et jeudis, au lieu d'une heure (par exemple : 13/01, 15/01, 21/01, cette liste n'étant pas exhaustive).
Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons maintenir plus longtemps le lien contractuel qui nous unissait jusqu'à présent.
Aussi, par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave (...) ».
Le 8 juillet 2015, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de contester son licenciement.
Le 19 octobre 2018, le conseil de prud'hommes a rendu son jugement en ces termes :
Dit que le licenciement de Mme [O] est sans cause réelle et sérieuse
Fixe le salaire brut mensuel à 2 567,51 euros ;
Condamne la société BBA REMAN à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
- 5 135,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 513,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 1 283,72 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation le 29 septembre 2015
Condamne la société BBA REMAN, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
- 15 405,06 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5 135,02 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct ;
- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à partir de la date du présent jugement
Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts
Déboute Mme [O] du surplus de ses demandes
Ordonne le remboursement par la société BBA REMAN aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois et dit qu'une copie certifiée du présent jugement sera adressée par le Greffe aux dits organismes
Condamne la société BBA REMAN aux entiers dépens.
Selon déclaration du 13 novembre 2018, le conseil de la société BBA Reman a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 juillet 2019, la société BBA Reman demande à la cour de :
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille en date du 19 octobre 2018, en ce qu'il a :
Dit que le licenciement de Mme [O] était sans cause réelle et sérieuse
Fixé le salaire mensuel brut à la somme de 2 567,51€
Condamné la société BBA Reman à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
5 135,02€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
513,50€ au titre des congés payés sur préavis
1 283,72€ au titre de l'indemnité légale de licenciement
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation le 29 septembre 2015
Condamné la société BBA Reman à verser à mme [O] les sommes suivantes :
15 405,06 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
5 135,02 euros pour préjudice distinct ;
2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné le remboursement par la société BBA Reman aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois et dit qu'une copie certifiée du présent jugement sera adressée par le Greffe aux dits organismes
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à partir de la date du présent jugement
En conséquence : infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 19 octobre 2018 et :
Statuant à nouveau :
- Dire et juger que le licenciement de Mme [O] repose sur une faute grave
En conséquence :
- Débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes
- Condamner Mme [O] au paiement d'une somme de 1 000,00€.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 mars 2021, Mme [O] demande à la cour de :
«Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE, en toutes ses dispositions, à l'exception du :
- montant alloué à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
La Cour devra reformer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a alloué la somme de 15 405,06 euros et condamner la société BBA REMAN à la somme de 46 215,18 euros ;
- montant alloué à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat et conditions vexatoires et brutales de la rupture du contrat de travail : La Cour devra réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a alloué la somme de 5135.02 € et condamner la société BBA REMAN à la somme de 15 000€
Fixer au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SARL BBA REMAN au profit de Madame [O] les sommes suivantes :
- 5.135,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 513,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 1.283,72 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- 46.215,18 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct ;
- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à LA SELAS JFAJ, prise en la personne de Me [H] [S] ès qualités d'Administrateur judiciaire de la Société, à La SAS LES MANDATAIRES prise en la Personne de Me [D] [J] ès qualités de Mandataire judiciaire de la société et à l'AGS - CGEA de MARSEILLE ;
Dire que l'AGS CGEA de MARSEILLE sera tenue à garantie pour les sommes précitées dans les limites et plafonds en vigueur, en l'absence de fonds disponibles
DEBOUTER la Société BBA REMAN de l'intégralité de ses demandes.
CONDAMNER la Société BBA REMAN aux entiers dépens de l'instance en ce y compris l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.»
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la procédure
Par jugement du 17 février 2021, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société appelante et désigné notamment :
- la SELAS JFAJ en la personne de Me [H] [S] en qualité d'administrateur judiciaire pour représenter la société pour tous les actes de gestion,
- la SAS LES MANDATAIRES en la personne de Me [D] [J], en qualité de mandataire judiciaire.
Par actes d'huissier du 22 mars 2021, Mme [O] a dénoncé à la société, l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ainsi qu'à l'Unedic délégation AGS CGEA de Marseille, l'ensemble des actes de la procédure : jugement, déclaration d'appel, acte de constitution, conclusions prises au nom de la société ainsi que ses dernières conclusions et pièces communiquées soit 167 pages, leur demandant d'intervenir à l'instance pendante devant la cour.
Ces actes ont été reçus chacun par une personne habilitée.
La cour constate que par message du 22 mars 2022, le conseil constitué initialement pour la société, indique ne pas avoir de mandat pour représenter les organes de la procédure collective.
La cour relève d'office que dans le délai de trois mois des actes dénoncés aux fins d'intervention forcée, aucune conclusion n'a été réceptionnée au greffe.
En conséquence, par application combinée des articles 910 alinéa 2 et 954 du code de procédure civile, il y a lieu de dire que les organes de la procédure collective n'ayant pas conclu dans le délai sus-visé, ils se sont appropriés les motifs du jugement.
Sur l'appel incident
La salariée, en cause d'appel, ne justifie pas d'un préjudice plus ample, tant au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse que du préjudice distinct, lesquels ont fait l'objet d'une juste appréciation par les premiers juges.
En conséquence, il convient de confirmer les sommes allouées sauf à les fixer au passif de la société et dire que l'Unedic délégation AGS CGEA de Marseille doit sa garantie dans les conditions prévues au code du travail.
Sur les autres demandes
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF à fixer les sommes au passif de la société,
Statuant à nouveau et Y ajoutant,
Fixe la créance de Mme [K] [O] au passif de la société BBA Reman représentée par la SELAS JFAJ en la personne de Me [H] [S] en qualité d'administrateur judiciaire et la SAS LES MANDATAIRES en la personne de Me [D] [J], en qualité de mandataire judiciaire, aux sommes suivantes :
- 5 135,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 513,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 1 283,72 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- 15 405,06 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 5 135,02 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct ;
- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective du 17 février 2021 a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-8 du code de commerce ;
Déclare l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Marseille tenue à garantie pour ces sommes sauf celle relative à l'article 700 du code de procédure civile, dans les termes des articles L.3253-6 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;
Condamne la société BBA Reman à payer à Mme [O] la somme supplémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BBA Reman aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT