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09/06/2022 | FRANCE | N°18/01514

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 09 juin 2022, 18/01514


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022



N° 2022/ 96













N° RG 18/01514 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB3AV







SCI 15 SOLEAU

Société SCCA SOLEAU REALISATIONS





C/



[S] [U]

[N] [G]

SELARL GAUTHIER SOHM

SA SAM STE DE CONSTRUCTION MONEGASQUE

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



M

e Paule ABOUDARAM



Me Joseph MAGNAN













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 06 Décembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 09/00431.





APPELANTES



SCI 15 SOLEAU, demeurant 15 Boulevard Robert Soleau - 06...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

N° 2022/ 96

N° RG 18/01514 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB3AV

SCI 15 SOLEAU

Société SCCA SOLEAU REALISATIONS

C/

[S] [U]

[N] [G]

SELARL GAUTHIER SOHM

SA SAM STE DE CONSTRUCTION MONEGASQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Paule ABOUDARAM

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 06 Décembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 09/00431.

APPELANTES

SCI 15 SOLEAU, demeurant 15 Boulevard Robert Soleau - 06600 ANTIBES

représentée par Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Laurence GARNIER de la SELAS SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Société SCCA SOLEAU REALISATIONS, demeurant 15 avenue Robert Soleau - 06000 ANTIBES

représentée par Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Laurence GARNIER de la SELAS SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [S] [U], né le 25 Mars 1958 à NICE, demeurant 49 Rue de la Buffa - 06000 NICE

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Benjamin DERSY de la SARL CINERSY, avocat au barreau de NICE substituée par Me Geoffrey DUMONT, avocat au barreau de NICE

Monsieur [N] [G]

né le 12 Juin 1654 à MARSEILLE, demeurant 107 avenue Pierrefeu - 06560 VALBONNE

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Benjamin DERSY de la SARL CINERSY, avocat au barreau de NICE substituée par Me Geoffrey DUMONT, avocat au barreau de NICE

SELARL GAUTHIER SOHM, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL G&G, demeurant 80 Route des Lucioles - 06560 VALBONNE

défaillante

SAM STE DE CONSTRUCTION MONEGASQUE, demeurant 16 Rue RP Louis FROLLA - 98000 MONACO

représentée par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Rose Marie PLAKSINE, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier BRUE, Président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre et Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

I. FAITS. PROCÉDURE.PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Les consorts [C] sont propriétaires des lots des volumes IV, V et VI , dépendant d'un ensemble immobilier sis 15 avenue Robert Soleau et 5 avenue Gambetta à Antibes. La SCI le Palais est propriétaire des lots des volume I, II et III,

Par acte authentique du 21 octobre 2005, les consorts [C] ont cédé à la SCI 15 Soleau les lots des volumes IV, V et VI. Par acte du 11 avril 2008, la société 15 Soleau a cédé à la société Soleau réalisations ses droits de construire en surélévation des biens immobiliers du lot de volume VI.

Afin d'y réaliser des travaux de surélévation des volumes acquis, la SCI 15, boulevard Soleau a le 20 mars 2006, signé un contrat d'architecte avec Monsieur [S] [U] architecte, et Monsieur [N] [G] ingénieur, pour la réalisation de la totalité des missions de maîtrise d''uvre. Le même jour, a été signé un contrat de maîtrise d''uvre d'exécution, d'économie et d'ordonnancement, pilotage et coordination, pour la réalisation d'une surélévation d'un immeuble existant en R+2 en un immeuble R+5, la création d'une superficie d'environ 900 m² de SHON de surfaces tertiaires.

La société de Construction monégasque (SCM) est intervenue pour le gros oeuvre, et la société G&G a été chargée des études de structure.

A la suite de la plainte d'un riverain, la ville d'Antibes a dressé un procès-verbal le 29 juillet 2008, constatant des infractions aux dispositions du code de l'urbanisme (démolition du plancher haut premier étage du bâtiment existant et reconstruction de celui-ci en béton armé, démolition de la façade ouest du bâtiment existant à partir du plancher bas du premier étage, modification du volume et de l'aspect extérieur du bâtiment existant, création d'un mur porteur vertical d'une épaisseur avoisinant les 0,50 m accolés au rez-de-chaussée conservé de la façade ouest, le décroché existant à conserver au rez-de-chaussée se trouvant noyé dans l'alignement des murs verticaux de la façade transformée, la restructuration impliquant une modification de l'emprise et de l'implantation du bâtiment sur la façade arrière de la construction).

Le 21 août 2008, la SCI 15 Soleau a demandé à la SCM d'interrompre immédiatement les travaux de surélévation, indiquant assumer le coût de ce report qui n'est pas de son fait.

Une expertise a été ordonnée en référé le 3 décembre 2008.

Sur demande de la SCI le Palais selon laquelle les travaux avaient repris, le juge des référés a par ordonnance du 24 décembre 2008, constaté que le mur béton du bâtiment en cours de construction obstruait totalement la fenêtre du quatrième étage et que la construction du mur menaçait d'obstruer la baie du cinquième étage dans les mêmes conditions, le mur étant bâti à environ 10 cm des baies vitrées, et ordonné l'arrêt des travaux de construction en cours sur son immeuble sous astreinte.

Par suite, des opérations de démolition-reconstruction ont été entrepris par les maîtres de l'ouvrage avec modification de l'implantation de l'emprise de la construction et des permis de construire modificatifs ont été déposés.

Par actes d'huissier des 31 octobre, 4 novembre et 18 novembre 2008, les sociétés 15 Soleau et Soleau réalisations ont assigné Messieurs [U] et [G] et la société G&G, puis par acte du 19 novembre 2009, la société Gauthier-Sohm en qualité de mandataire judiciaire de la société G&G.

Les affaires ont été jointes. Une expertise judiciaire a été ordonnée.

Par acte d'huissier du 4 mai 2011, Messieurs [U] et [G] ont assigné la SCM.

L'expert a déposé son rapport le 20 janvier 2015.

Par ordonnance du 20 septembre 2012, le juge de la mise en état a rendu communes et opposables les opérations d'expertise à la SCM et rejeté la demande de complément d'expertise formulée par les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations.

Par jugement réputé contradictoire du 6 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Grasse a :

-Rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la Société de Construction Monégasque (SCM) ;

-Rejeté la demande de mesure d'instruction formée par les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations ;

-Débouté les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations de l'intégralité de leurs demandes ;

-Rejeté toute prétention plus ample ou contraire ;

-Condamné in solidum les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations aux entiers dépens de l'espèce ainsi qu'à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civite;

-Dit n`y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 28 janvier 2018, les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations ont interjeté appel de cette décision critiquant l'ensemble des chefs du jugement précités.

Par acte du 30 mars 2018, les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations ont fait assigner la SELARL Gauthier&Sohm devenu SELARL JSA en qualité de mandataire judiciaire de la société G&G. Elle n'a pas comparu.

~*~

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations (conclusions du 12 mars 2020) sollicitent au visa des articles 145, 239, 245 et 246 du code de procédure civile et des articles 544, 1134 et 1147 du code civil, ainsi que subsidiairement des articles 1231-1 et 1382 du code civil :

' L'infirmation du jugement et sa réformation, Messieurs [U] et [G], la société G&G Ingénierie en qualité de bureau d'études structures et la Société de construction monégasque chargée du lot gros-'uvre, étant leur responsables sur le fondement contractuel mais aussi délictuel,

Elles demandent en conséquence :

' Leurcondamnation solidaire et à défaut in solidum àpayer à la société 15 Soleau, en réparation de ses coûts et préjudices, les sommes suivantes en principal, provisoirement arrêtées du fait de l'ancienneté du litige et à parfaire dans le cadre de l'expertise par ailleurs sollicitée :

- 427.942,06 euros TTC au titre des surcoûts liés aux travaux illicites et non conformités ;

- 68.058,94 euros TTC au titre des coûts supplémentaires de confortement de l'immeuble ;

- 61.740,24 euros TTC au titre de la suspension et des retards des travaux ;

- 41.930 euros TTC au titre des coûts subis du fait des arrêts de paiement de la banque ;

- 311.000 euros au titre des préjudices des voisins qu'elles ont indemnisés ;

- 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais d'expertise,

'La condamnation in solidum de Monsieur [N] [G] et de Monsieur [S] [U] à verser à la SCI 15 Soleau les sommes de :

-12.144,06 euros TTC en réparation du préjudice lié aux erreurs de facturation et à la surfacturation, à parfaire par l'expertise ;

-82.459,77 euros TTC au titre des dépassements d'honoraires perçus par Monsieur [G] et non prévus contractuellement, à parfaire par l'expertise ;

'Ce outre intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance, ceux-ci capitalisés en vertu de l'article 1154 du code civil,

' La fixation de la créance de la SELARL Gauthier-Sohm es-qualités de mandataire liquidateur de la société G&G ingénierie, l'inscription à son passif, et l'opposabilité de l'arrêt.

- Que soit ordonnée une expertise complémentaire ou une seconde expertise.

La SAM Société de construction monégasque (conclusions du 28 mai 2018) conclut au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil, à :

' La confirmation du jugement,

' La condamnation des SCI Soleau et Soleau réalisation, de la SELARL Gauthier, de Monsieur [U] et Monsieur [G] au paiement de la somme de 15 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Subsidiairement, à la garantie de la SELARL Gauthier, de Monsieur [U] et Monsieur [G] de toute condamnation y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Monsieur [U] et Monsieur [G] (conclusions du 2 février 2022), sollicitent au visa des articles 9 et 57 du code de procédure civile et des articles 1134 et suivants anciens du code civil :

' La confirmation du jugement,

' Le rejet pur et simple des réclamations des appelantes, au vu du rapport d'expertise de Monsieur [D], et constatant la carence des appelantes dans l'administration de la preuve de leurs prétentions et constatant l'absence de responsabilité des concluants,

' Le rejet des prétentions de la société SCM,

' La condamnation in solidum au paiement de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par acte du 4 février 2022, les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations ont assigné en intervention forcée la SARL [U] Architectes pour l'audience du 8 mars 2022. Par conclusions du 7 février 2022, elles ont sollicité la jonction de l'affaire enrôlée suite à l'assignation en intervention forcée avec l'instance pendante devant la cour d'appel.

La clôture est intervenue par ordonnance de conseiller de la mise en état du 8 février 2022.

~*~

Par conclusions du 8 février 2022, la SAM Société de construction monégasque a conclu, reprenant ses demandes figurant dans ses conclusions précédentes. Par conclusions successives du même jour et du 9 février 2022, elle a repris lesdites demandes et sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture afin de répliquer aux écritures des architectes et des demanderesses du 7 février 2022, sollicitant qu'à défaut, ces écritures soient rejetées au titre du principe du contradictoire.

Par conclusions du 10 février 2022, Monsieur [N] [G] et Monsieur [S] [U] ont repris leurs conclusions, en y ajoutant le rejet des prétentions nouvelles de la SCM.

Par conclusions du 14 février 2022, les sociétés 15 Soleau et Soleau Réalisations ont conclu à titre liminaire à la révocation de l'ordonnance de clôture du 8 février 2022 et à la jonction de l'instance avec celle engagée par voie d'assignation en intervention forcée à l'encontre de la SARL [U] architectes, et au fond, ajouté à leurs demandes formées avant l'ordonnance de clôture, la condamnation de la SARL [U] solidairement ou in solidum au paiement des sommes réclamées à Messieurs [G] et [U], ce au bénéfice également de la SCCA Soleau réalisations.

II. MOTIVATION

A. La révocation de l'ordonnance de clôture du 8 février 2022.

Les appelantes expliquent que par contrat d'apport du 19 décembre 2017, Monsieur [U] a apporté à la SARL [U] architectes l'ensemble des éléments corporels et incorporels de son fonds libéral d'architecte, qu'elles ont assigné à l'intervention forcée celle-ci le 4 février 2022, ce pour l'audience du 8 mars 2022.

Alors que la déclaration d'appel est intervenue le 28 janvier 2018, soit plus de quatre ans avant la clôture de la présente procédure, les parties sollicitent la révocation de l'ordonnance de clôture du 8 février 2022 sans invoquer une cause grave ni justifier qu'elles n'auraient pas pu dans le cours de la présente procédure être informées de la cession invoquée. Il n'y a pas lieu d'y faire droit et l'ensemble des conclusions, notifiées après le 8 février à 11h34, doivent être déclarées irrecevables, hormis sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, laquelle est recevable mais rejetée.

B. L'expertise.

Les appelantes ne sauraient demander la nullité du rapport d'expertise, laquelle ne peut être prononcée sur la base d'un défaut de prorogation du délai consenti par le juge chargé du contrôle des expertises.

Sur la demande de complément d'expertise, elles font valoir que l'expert a déposé son rapport en l'état, hors délais, sans prendre connaissance de leur dire et des pièces complémentaires produites et que les défendeurs étaient d'accord pour une expertise complémentaire.

Cependant, le juge a à bon droit retenu que l'expert judiciaire a demandé au maître de l'ouvrage à plusieurs reprises mais sans succès, de produire des éléments manquants (facture définitive de la SCM, des entreprises, plan, notes d'honoraires du maître d''uvre, justificatifs des règlements, état récapitulatif des travaux engagés sur l'opération par corps d'état). Or, l'expertise a débuté en fin d'année 2011, et la SCI 15 Soleau ,se devait de faire diligence pour produire l'ensemble de pièces auprès de l'expert. Elle a néanmoins attendu plus de trois ans, et adressé à l'expert uncourrier du 8 janvier 2015, des pièces toutes datées au plus tard du mois de mai 2010. Il ne peut être reproché à l'expert n'avoir pas tenu compte de ces pièces, parvenues tardivement sept jours avant le dépôt du rapport d'expertise.

Il importe peu que le délai imposé à l'expert, n'ait pas été respecté et qu'il n'ait pas été demandé de prorogation, ce à défaut d'observation faite par le juge chargé du contrôle des expertises. De même, il importe peu que les défendeurs aient été d'accord pour un complément d'expertise.

Au terme de ces observations, il convient de rejeter la demande de complément d'expertise, sollicitée par les demanderesses pour pallier à leur propre carence pendant les opérations d'expertise.

C. La responsabilité des constructeurs.

1) Les maîtres d'oeuvre Messieurs [U] et [G].

L'expert a constaté l'empiètement sur la propriété voisine du mur construit, celui-ci étant destiné à asseoir la surélévation du bâtiment ancien existant sur des fondations indépendantes et permettant de ne pas déstabiliser les murs porteurs et les fondations de l'existant. Il n'est pas contesté en effet, que les demanderesses ne sont pas propriétaires des volumes II et III, sur lesquels empiétaient le mur.

Les parties s'opposent en revanche sur l'obligation qui incombait aux maîtres d''uvre.

Les demanderesses considérent que les architectes ont été imprévoyants dans la définition du projet et des études afférantes, qu'ils ont procédé à une modification des travaux selon décision prise en cours de chantier (plan d'exécution du 11 juin 2008), laquelle n'a pas été prévue ni autorisée par le permis de construire, que la mission complète confiée leur donnait pour obligation d'obtenir le permis de construire et toutes les autorisations liées aux modifications en cours de chantier, que les services de l'urbanisme n'ont pas agréé cette modification.

Les maîtres d''uvre opposent que la ville a refusé de délivrer un permis considérant que les limites présentées par le maître de l'ouvrage étaient inexactes, et délivré un permis de construire le 16 février 2007 au visa des limites parcellaires et non pas des volumes, que la propriété en volumes ne leur a été signalée par le notaire qu'après le dépôt du permis.

Cette affirmation est inexacte car lors du dépôt du permis de construire obtenu le 16 février 2007, les maîtres d''uvre étaient nécessairement informés de l'existence des volumes. Ils expliquent en effet que le dossier du permis de construire comprenait une note du cabinet Stemmer, décrivant la division en volumes des bâtiments. Cette note datée du 20 juillet 2006, venant compléter la demande de permis de construire référence PC n° 06 004 06A0043, mentionne précisément d'une part, que la propriété constituée par les parcelles BL 103 et BA 478 a fait l'objet d'un état de division en 6 volumes et d'autre part, que la SCI 15 Soleau est propriétaire des volumes V et VI. Les maîtres d''uvre, qui se déclarent rassurés par cette note, n'ignoraient donc pas que les autres volumes n'étaient pas la propriété du maître de l'ouvrage et qu'une attention particulière de leur part était nécessaire sur ce point. Ils ne justifient pas avoir eu un agrément des services administratifs pour procéder à la construction du mur en dehors des limites de propriété. Il incombait aux maîtres d'oeuvre en revanche, une mission d'assistance à la mise au point technique du programme comprenant l'établissement du plan de masse avec vérification sur les lieux de la bonne implantation de l'ouvrage à construire,et de la conformité des plans et documents établis par les entreprises aux dispositions du projet (point 2.5).

Il résulte du procès-verbal du 29 juillet 2008 constatant une restructuration avec modification de l'emprise de l'implantation du bâtiment sur la façade arrière de la construction, un non-respect des dispositions du permis de construire du 16 février 2007 et de celles du code de l'urbanisme. Les maîtres d''uvre affirment que la SCI aurait pu contester la pertinence du procès-verbal et maintenir ses ouvrages qui étaient sa propriété. Cependant, nonobstant la note du cabinet Stemmer du 18 novembre 2008, le maître d'ouvrage promoteur, légitime à éviter toute difficulté de nature à compromettre la pérennité de la construction, était fondé à prendre en considération le procès-verbal du 29 juillet 2008. Les défendeurs ne sauraient lui reprocher d'avoir mis la construction en conformité avec les dispositions du permis de construire du 16 février 2007 et de celles du code de l'urbanisme.

En outre, la dérogation accordée et concernant l'implantation du bâtiment non conforme à l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme (différence d'altitude entre le bâtiment en façade Est et le coté opposé de l'avenue Robert Soleau atteint 13.88 m, alors que la distance entre ces deux points devrait être de 18.77 m) est non seulement bien antérieure au permis de construire délivré le 16 février 2007 car datant du 1er décembre 2006 mais par ailleurs sans relation avec les constatations du 29 juillet 2008 (hauteur des immeubles donnant sur la rue Soleau).

Le 25 novembre 2008, la ville d'Antibes a constaté que les murs porteurs verticaux accolés au rez-de-chaussée de la façade ouest existante conservés du bâtiment ont été démolis et que le volume a retrouvé son emprise et son implantation initiale.

L'implantation initiale de la construction était non conforme au droit de propriété de la SCI. Cette non-conformité résulte de la faute des défendeurs qui devaient y veiller, et ceux-ci doivent en conséquence être déclarés responsables des préjudices qui en ont résulté.

En premier lieu sur la démolition et la reconstruction du mur à l'arrière de l'immeuble, Messieurs [G] et [U] ne peuvent contester la nécessité de ces travaux en l'état du procès-verbal du 29 juillet 2008. Ils doivent être condamnés in solidum à payer la SCI 15 Soleau la somme de 427 942,06 euros TTC, correspondant aux travaux modificatifs de mise en conformité de la façade arrière avec le permis de construire (démolition du mur initial extérieur et construction d'un mur intérieur).

En second lieu, la société de construction monégasque a facturé les frais d'arrêt de chantier du 21 août au 3 octobre 2008, le montant étant de 56 107,54 euros HT, soit 61 740,24 euros TTC. Cette somme est due à la SCI Soleau.

En troisième lieu, la situation engendrée par la construction du mur extérieur sur la propriété voisine a généré des difficultés avec le Crédit agricole, banque finançant l'opération et qui a arrêté pendant quelque temps le déblocage des fonds. Elle a repris le versement du financement au mois d'octobre 2009, après que le conseil des intéressées lui ait remis copie du protocole d'accord avec les voisins, la SCI le Palais. Les demanderesses sollicitent le remboursement des frais de Monsieur [L] [V] avocat, intervenu dans le cadre du contentieux les opposant à leurs voisins. Il est communiqué une demande d'honoraires de 5930 euros TTC avec proposition d'honoraires de résultat de 30 000 euros HT, proposition dont il n'est pas certain qu'elle ait été acceptée. Dès lors, à titre d'indemnisation des difficultés rencontrées avec la banque, il doit être alloué à la SCI Soleau une somme de 10 000 euros TTC.

En revanche en quatrième lieu, les travaux de démolition du plancher haut du R+1 étaient dès l'origine nécessaires afin de garantir les appuis de la partie neuve. Ces travaux devaient en tout état de cause être exposés par le maître de l'ouvrage et la demande de ce dernier doit en conséquence être rejetée.

En cinquième lieu, surfacturation reprochée à la société Azur-plac ne saurait être justifiée par l'envoi d'une mise en demeure à cette dernière le 10 février 2010, aucun élément n'ayant été fourni à l'expert pour en justifier. Cette demande doit être écartée.

En sixième lieu, les appelantes indiquent avoir été contraintes de consentir des concessions aux voisins, consistant dans l'octroi de ventes de certains lots à un prix moindre, et entraînant une réduction de la valeur vénale sur le prix de cession. Elles produisent le protocole d'accord signé le 24 septembre 2009, par lequel la SCI 15 Soleau s'est engagée à vendre au prix préférentiel de 2200 euros HT le mètre carré, à Maître Ferreb'uf, un lot de 115 m² environ, outre une partie initialement destinée à être partie commune, à verser à Monsieur [F] la somme de 140 000 euros, à remettre à la disposition locative une cave située en sous-sol de l'immeuble occupé antérieurement à titre de locataire, à la SCP Jean Leplat et associés et à remettre la courette située entre les bâtiments de la SCI 15 Soleau et de la SCI le palais, avec rétablissement de l'évacuation des eaux pluviales, réparation des désordres apportés par le chantier en façade est, à faire une déclaration de sinistre auprès de son assureur ou de faire procéder à une déclaration de sinistre par les entreprises, pour les dommages qui ont pu être occasionnés à l'immeuble de la SCI le Palais, et à prendre en charge les frais de procédure engagée par cette dernière à hauteur de 10 000 euros.

Cependant, les demanderesses ont pleinement respecté les droits de leurs voisins en procédant à la démolition du mur litigieux et en le reconstruisant conformément aux volumes leur appartenant. Elle n'explicitent pas le préjudice que le protocole d'accord est venu indemniser. Le préjudice qu'elles-mêmes auraient subi n'est dès lors pas caractérisé. La demande sera rejetée.

En dernier lieu, la SCI Soleau réclame la condamnation des maître d''uvre au paiement de la somme de 82.459,77 euros TTC au titre des dépassements d'honoraires perçus par Monsieur [G] et non prévus contractuellement, à parfaire par l'expertise. Elle n'explique aucunement le principe et le montant de cette demande, qui ne peut qu'être rejetée.

2) Le bureau de structures.

Les demanderesses exposent que si les limites d'emprise avaient été respectées à l'origine et si les calculs et dimensionnement des structures avaient été correctement effectués, seul le contre mur intérieur aurait été réalisé à l'instar de ce qu'avait prévu le bureau G&G. Elle ne caractérise aucun manquement à la charge de celui-ci, reconnaissant au contraire que le bureau d'études structure avait attiré l'attention des professionnels dès l'origine sur le fait qu'il convenait pour les équipes de maîtrises d''uvre de reconnaître précisément les existants. Le bureau d'études G&G ingénierie doit être mis hors de cause.

3) L'entreprise.

Les appelantes reprochent à la SCM de n'avoir pas formulé de réserves alors qu'elle surélevait les bâtiments et que ces métrés auraient dû révéler la non-conformité des ouvrages avant d'atteindre des niveaux élevés, d'avoir exécuté les travaux modificatifs et les démolitions sans se poser de questions (étant payée en supplément).

Cependant, elle ne justifie pas de l'obligation et de la compétence qu'aurait eues l'entreprise pour apprécier les limites de l'emplacement de la propriété du maître de l'ouvrage. En l'absence de justification d'une obligation, aucun manquement ne saurait être relevé. La SCM doit être mise hors de cause. Les appels en garantie formée par cette dernière doivent être déclarés sans objet.

~*~

Au terme de ces observations, il convient de condamner in solidum Monsieur [N] [G] et Monsieur [S] [U] à verser à la SCI 15 Soleau les sommes de :

- 427 942,06 euros TTC au titre des surcoûts liés aux travaux de démolition et reconstruction;

- 61.740,24 euros TTC au titre de la suspension et des retards des travaux ;

- 10 000 euros TTC au titre des coûts subis du fait des arrêts de paiement de la banque ;

L'ensemble de ces sommes devront porter intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2017, date du jugement, avec capitalisation en vertu de l'article 1154 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt de défaut mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE recevable la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

LA REJETTE ;

DECLARE irrecevables les conclusions notifiées après l'ordonnance de clôture ;

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la SCI 15 Soleau au titre des surcoûts liés aux travaux de démolition et reconstruction, de la suspension et des retards des travaux et des coûts subis du fait des arrêts de paiement de la banque ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT ;

REJETTE les demandes de nullité du rapport d'expertise et de complément d'expertise ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [N] [G] et Monsieur [S] [U] à verser à la SCI 15 Soleau les sommes de :

- 427 942,06 euros TTC au titre des surcoûts liés aux travaux de démolition et reconstruction;

- 61.740,24 euros TTC au titre de la suspension et des retards des travaux ;

- 10 000 euros TTC au titre des coûts subis du fait des arrêts de paiement de la banque ;

Ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2017, date du jugement, avec capitalisation en vertu de l'article 1154 du code civil ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [N] [G] et Monsieur [S] [U] à verser à la SCI 15 Soleau la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SCI 15 Soleau et la SCI Soleau réalisation à payer à la société de construction monégasque la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

REJETTE le surplus des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [N] [G] et Monsieur [S] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, et le tout avec distraction au profit des avocats qui en auront fait la demande.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/01514
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.01514 ?
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