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02/06/2022 | FRANCE | N°20/08384

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 02 juin 2022, 20/08384


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022



N° 2022/ 238













Rôle N° RG 20/08384 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHII







[F] [S] épouse [K]

[E] [K]





C/



S.A. CREDIT LYONNAIS





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BERTRAND ET ASSOCIES







Me Karine DABOT RAMBOURG

de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIES







Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE LES BAINS en date du 20 Mai 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00734.





APPELANTS



Madame [F] [S] épouse [K]

née le 30 Mars 1970 à DIEPPE (76)...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022

N° 2022/ 238

Rôle N° RG 20/08384 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHII

[F] [S] épouse [K]

[E] [K]

C/

S.A. CREDIT LYONNAIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BERTRAND ET ASSOCIES

Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de DIGNE LES BAINS en date du 20 Mai 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00734.

APPELANTS

Madame [F] [S] épouse [K]

née le 30 Mars 1970 à DIEPPE (76), demeurant Caserne Novellini 13 rue Maldonnat - 04000 DIGNE LES BAINS

représentée par Me Nathalie BERTRAND de la SCP BERTRAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

assistée de Me Océanne AUFFRET DE PEYRELONGUE de la SELARL AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [E] [K]

né le 02 Août 1969 à BAGNERES DE BIGORRE (65), demeurant Caserne Novellini 13 rue Maldonnat - 04000 DIGNE LES BAINS

représenté par Me Nathalie BERTRAND de la SCP BERTRAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

assisté de Me Océanne AUFFRET DE PEYRELONGUE de la SELARL AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE

S.A. CREDIT LYONNAIS, Société anonyme au capital de 11.104.022.158 F ayant son siège social à LYON (Rhône) 18 rue de la République, immatriculée au registre du commerce de Lyon sous le N° B 954 509 741 et son siège central à PARIS 19 Bld des Italiens 75002, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège, demeurant 18 rue de la République - 69000 LYON

représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Charlotte MIQUEL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offres du 18 février 2011 et acceptées le 8 mars 2011, la SA CREDIT LYONNAIS a octroyé à M. [E] [K] et Mme [F] [S] épouse [K] un crédit immobilier d'un montant global de 154100 euros se décomposant en un crédit de 83100 euros et un autre de 71000 euros, destiné à l'achat de deux appartements à usage locatif situés à Marseille.

L'offre de prêt n° 40026321Z6WT11AH de 83100 euros prévoit un taux d'intérêt fixe de 3,30% et un taux effectif global (TEG) mensuel de 0,31%, soit un TEG de 3,74% l'an, pour une durée de 180 mois.

L'offre de prêt n° 4002632AZNS911AH de 71000 euros prévoit un taux d'intérêt fixe de 3,30%, un TEG mensuel de 0,28%, soit un TEG annuel de 3,34%, pour une durée de 180 mois.

Les deux contrats stipulent une garantie décès-incapacité personnelle par l'organisme de caution mutuelle FMGM.

Par acte du 11 juin 2018, les époux [K] ont fait citer la SA CREDIT LYONNAIS aux fins de voir constater que le prêteur n'a pas calculé les intérêts sur une base de 365 jours dans les deux offres de prêt et dire que les clauses d'intérêts conventionnels sont irrégulières, constater que le TEG est erroné en ce que les frais d'assurance ADI ont été omis,

- pour le prêt 40026321Z6WT11AH de 83 100 euros :

* prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel et la substitution du taux dans l'année du prêt soit 0,38% en 2011 aux taux d'intérêt conventionnel de 3,30% jusqu'à la fin du prêt,

* condamner la défenderesse à leur payer la somme de 15 654 euros au titre du trop-perçu provisoirement arrêté au 31 décembre 2018,

* enjoindre à celle-ci de fournir un nouveau tableau d'amortissement avec application du taux d'intérêt légal depuis la mise à disposition des fonds, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

* subsidairement, prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels,

- pour le prêt 4002632AZN911AH de 71 000 euros :

* prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel et la substitution du taux dans l'année du prêt soit 0,38% en 2011 aux taux d'intérêt conventionnel de 3,30% jusqu'à la fin du prêt,

* condamner la défenderesse à leur payer la somme de 12 618 euros au titre du trop-perçu provisoirement arrêté au 31 décembre 2018,

* enjoindre à celle-ci de fournir un nouveau tableau d'amortissement avec application du taux d'intérêt légal depuis la mise à disposition des fonds, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- outre 5000 euros de frais de justice.

Par jugement contradictoire du 20 mai 2020, le Tribunal judiciaire de Dignes Les Bains a statué ainsi :

- Déclare prescrites toutes les actions en nullité des stipulations d'intérêts et TEG et en déchéance des intérêts des deux offres souscrites et dit irrecevables les demandes ;

- Rejette l'intégralité des demandes des époux [K] ;

- Condamne in solidum les époux [K] à payer à la SA CREDIT LYONNAIS la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum les époux [K] à supporter les entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de Me MIELLE conformément aux offres de droit ;

- Ordonne l'exécution provisoire de la décision ;

Ledit jugement se fonde sur l'application de la prescription quinquennale à l'action en nullité de la stipulation d'intérêt et à l'action en déchéance du droit aux intérêts ; que l'article 2 des conditions générales de chaque offre de prêt contenait une stipulation parfaitement explicite sur les intérêts courus entre deux échéances, calculés sur la base de 360 jours, chaque mois comptant pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an ; que cette stipulation dite d'année lombarde était assortie de la précision que le TEG était indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an, stipulation différentielle qui soulignait le caractère particulier du décompte calendaire lombard et qu'il était également précisé l'ajustement de la première échéance calculée en jours exacts avec un montant différent des autres mensualités.

Les premiers juges estiment qu'ainsi les emprunteurs étaient parfaitement informés du caractère spécifique du calcul d'intérêts conventionnels sur 360 jours et sa différence d'avec le TEG calculé sur 365 jours ; qu'alors il convient de fixer le point de départ de la prescription à la date de souscription des prêts.

Concernant le calcul du TEG, les emprunteurs pouvaient lire dans le libellé du coût total des deux offres une ligne Frais Assurances incluses dans les échéances mention 0,00 de quoi il résulte que le coût total du prêt n'inclut pas les frais d'assurance ; que les emprunteurs avaient souhaité faire garantir leur emprunt par une assurance invalidité décès AID indépendante du Crédit Lyonnais; qu'ainsi à la date des emprunts, les requérants ont connu ou auraient dû connaître le caractère incomplet du TEG en raison du libellé 0,00 et ne pouvaient le méconnaître, étant directement responsables des causes de cette comptabilisation incomplète.

Ils en déduisent que les actions en justice étaient prescrites le 9 mars 2016.

Selon déclaration du 1er septembre 2020, M et Mme [K] ont relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Selon leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 mars 2022, M et Mme [K] demandent de voir :

- Dire et juger recevables et bien fondés Monsieur [E] [K] et Madame [F]

[S] épouse [K] en leur appel ;

- Infirmer le jugement de première instance et statuant à nouveau en faits et en droit :

* S'agissant du prêt de 83.100 euros :

- Prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt n°40026321Z6WT11AH ;

- Prononcer la substitution du taux légal de l'année du prêt soit 0,38 % en 2011 au taux d'intérêt conventionnel (3,30%) dans le prêt litigieux ab initio jusqu'à la fin du prêt;

- Condamner le LCL CREDIT LYONNAIS à verser aux emprunteurs la somme de 15.654,51

euros au titre des intérêts trop perçus [(intérêts conventionnels ab initio ' intérêts au taux légal] provisoirement arrêté au 31 décembre 2018 ;

- Enjoindre au LCL CREDIT LYONNAIS :

- De fournir aux emprunteurs un nouveau tableau d'amortissement avec application du taux d'intérêt légal de 0,38% depuis la mise à disposition des fonds ;

- Assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la date de signification de la décision et ce pendant un délai de trois mois passé lequel il devra être procédé à la liquidation d'une astreinte définitive ;

- Subsidiairement, prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels ;

* S'agissant du prêt de 71.000 euros :

- Prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt n°4002632AZN911AH ;

- Prononcer la substitution du taux légal de l'année du prêt soit 0,38 % en 2011 au taux d'intérêt conventionnel (3,30%) dans le prêt litigieux ab initio jusqu'à la fin du prêt ;

- Condamner le LCL CREDIT LYONNAIS à verser aux emprunteurs la somme de 12.618,19 euros au titre des intérêts trop perçus [(intérêts conventionnels ab initio ' intérêts au taux légal] provisoirement arrêté au 31 décembre 2018 ;

- Enjoindre au LCL :

- De fournir aux emprunteurs un nouveau tableau d'amortissement avec application du taux d'intérêt légal de 0,38% depuis la mise à disposition des fonds ;

- Assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la date de signification de la décision et ce pendant un délai de trois mois passé lequel il devra être procédé à la liquidation d'une astreinte définitive ;

- Subsidiairement, prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels ;

- En tout état de cause,

- Débouter le LCL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner le LCL à payer à chacun des concluants la somme de 2.500 euros sur le

fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner le même aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux [K] font valoir que s'agissant d'un prêt immobilier consenti à un consommateur, le point de départ de la prescription est la date du contrat lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur ; qu'en l'espèce les anomalies techniques n'ont été découvertes qu'à réception de l'analyse actuarielle soit le 12 décembre 2016.

Ils s'appuient sur le contenu d'une consultation des professeurs de droit, MM [D] et [T] selon lesquels, la date à laquelle l'emprunteur a pu se rendre compte de l'erreur alléguée doit être appréciée in concreto selon les compétences et expériences de cet emprunteur, conformément à la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne, et doit être appréciée en faveur de l'emprunteur consommateur, qui bénéficie d'une présomption d'ignorance.

Ils soutiennent qu'en cas de calcul de l'intérêt conventionnel par référence à l'année lombarde, il convient d'annuler la stipulation contractuelle des intérêts ainsi calculés et d'y substituer l'intérêt au taux légal.

Concernant l'absence d'intégration des frais d'assurance ADI dans le calcul du TEG, la banque n'aurait pas respecté l'article L. 313-1 du code de la consommation et qu'ainsi le TEG s'élève en réalité à 3,8% pour le prmier prêts et non à 3,7% tel qu'indiqué alors qu'ils font valoir que le coût de l'assurance était déterminable par la banque en en faisant la demande aux emprunteurs.

Ils demandent donc l'annulation de la clause de stipulation des intérêts conventionnels dans les deux prêts souscrits.

Selon conclusions notifiées par le RPVA le 9 février 2021, la SA CREDIT LYONNAIS demande de voir :

- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes des époux [K], soit par adoption de motifs en jugeant l'action prescrite, soit par substitution de motifs en la jugeant mal fondée ;

- Confirmer aussi le jugement attaqué quant à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et à la condamnation aux dépens ;

- Débouter les époux [K] de toutes autres demandes ;

- Les condamner à payer au Crédit Lyonnais 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens avec application de l'article 699 du même code au bénéfice de Maître Dabot, avocat ;

- Subsidiairement, limiter la restitution d'intérêts mise à la charge du Crédit Lyonnais à 6,97 euros ou à une somme forfaitaire symbolique ;

- Plus subsidiairement, dire que le taux d'intérêt légal substitué au taux conventionnel est sujet aux variations que la loi lui apporte.

Dan ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétention et moyens, la SA CREDIT LYONNAIS soutient que la date de départ du délai de prescription est celle de l'offre de prêt lorsque le mode de calcul des intérêts conventionnels est exposé dans ladite offre, selon la jurisprudence de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; que la clause contractuelle contenue dans les offres de prêt litigieuse n'est pas ambiguë.

Elle fait valoir qu'il est jugé par un grand nombre de cours d'appel que le calcul des intérêts mensuels effectué en appliquant au taux annuel de l'intérêt le rapport de 30,41666 (soit un mois normalisé : 365/12 selon l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation ), ou 1/12 ou 30/360 aboutit à un résultat équivalent de sorte que les intérêts ont été calculés selon les precriptions légales.

En outre, la banque cite la jurisprudence de la première chambre civile de la cour de cassation qui refuse d'annuler une stipulation d'intérêts lorsqu'il n'est pas prouvé que la prétendue erreur excède 0,1%.

Concernant le calcul du TEG et les frais d'assurance, l'intimée estime que les emprunteurs ne prouvent pas qu'il existe une inexactitude du TEG excédant la décimale ; que la sanction ne peut être que la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge, à l'exclusion de la nullité de la stipulation d'intérêts.

La procédure a été clôturée le 9 mars 2022.

MOTIVATION :

Sur la prescription de l'action :

L'article L. 110-4 I du code de commerce, applicable au présent litige, dispose que les obligations nées à l'occasion de leurs commerces entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se precrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions sépciales plus courtes.

L'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, selon offres du 18 février 2011 et acceptées le 8 mars 2011, la SA CREDIT LYONNAIS a octroyé à M. [E] [K] et Mme [F] [S] épouse [K] un crédit immobilier d'un montant global de 154100 euros se décomposant en un crédit de 83100 euros et un autre de 71000 euros, destiné à l'achat de deux appartements à usage locatif situés à Marseille.

L'offre de prêt n° 40026321Z6WT11AHde 83100 euros prévoit un taux d'intérêt fixe de 3,30% et un taux effectif global (TEG) mensuel de 0,31%, soit un TEG de 3,74% l'an, pour une durée de 180 mois.

L'offre de prêt n° 4002632AZNS911AH de 71000 euros prévoit un taux d'intérêt fixe de 3,30%, un TEG mensuel de 0,28%, soit un TEG annuel de 3,34%, pour une durée de 180 mois.

Il est indiqué dans les conditions particulières dans la case du tableau de l'article 1.4 : 'frais assurances incluses dans les échéances : 0,00" alors que les emprunteurs ont souscrit une assurance invalidité décès AID indépendamment de la banque LCL.

Les conditions générales de ces contrats stipulent dans l'article 2 que 'les intérêts courus entre deux échéances seront calculées sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. En cas de remboursement anticipé, les intérêts courus depuis la dernière échéance seront caculés sur la base du nombre exact entre la période écoulée, rapportés à 360 jours l'an. Nous vous précisions que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an(...).

Pour solliciter la nullité de la stipulation ddu TEG des deux prêts, les époux [K] invoquent le caractère erroné du calcul du TEG, dont ils ont eu connaissance suite à une analyse mathématique de leurs prêts qu'ils ont fait effectuer par la société 2 CLM SASU en date du 12 décembre 2016.

Cette analyse mathématique révèle que pour les deux crédits immobiliers, que ce soit pour les premières échéances de chacun des prêts que pour les intérêts courant pendant la vie des prêts, ils ont été effectivement calculés par la banque sur une année de 360 jours et non de 365 jours, ce qui est plus favorable pour celle-ci.

En effet, au vu de l'analyse faite, le montant des intérêts dus par les emprunteurs, tel qu'issu des tableaux d'amortissement définitifs, est plus élevé en cas de calcul sur une année de 360 jours, dite année lombarde, que sur l'année civile de 365 jours.

Les premiers juges ont estimé que lors de la date de conclusion des contrats de crédit, les époux [K] étaient parfaitement informés du caractère spécifique du calcul d'intérêts conventionnels sur 360 jours et sa différence d'avec le TEG calculé sur 365 jours.

Ils ont donc fixer le point de départ de la prescription à la date de souscription des prêts, soit le 8 mars 2011, et déclarer l'action des emprunteurs prescrites à la date de l'assignation, soit le 11 juin 2018.

Cependant, à la lecture de la clause litigieuse prévoyant le mode de calcul des intérêts, les emprunteurs, clients profanes de la banque SA CREDIT LYONNAIS ont pu légitimement être induit en erreur sur la durée de l'année prise en compte pour calculer le TEG des prêts.

En effet, s'il est stipulé que les intérêts courus entre deux échéances sont calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté sur 30 jours rapportés à 360 jour l'an, les emprunteurs ont pu croire que le montant des intérêts indiqué dans les tableaux d'amortissement définitifs était bien calculé sur la base d'une année civile de 365 jours, la banque indiquant que tel était le cas pour l'indication du TEG.

Une confusion était donc possible dans l'esprit des époux [K] entre ces deux stipulations apparemment contradictoires, la précision apportée sur l'ajustement de la première échéance des prêts calculée en jours exacts ne pouvant suffire à lever l'ambiguité du reste de l'article 2 des conditions générales.

Si nul n'est censé ignorer la loi, il ne peut être demandé à des emprunteurs profanes de connaître les subtilités financières du calcul du TEG et des intérêts sur une année de 360 jours, dite année lombarde pour les initiés.

Or, les époux [K] ont connu la réalité du calcul des intérêts grâce à l'analyse mathématique et technique, demandée par eux à une société spécialisée dans les analyses financières, soit le 12 décembre 2016.

En effet, la banque, professionnelle du crédit, ne démontre pas avoir respecté son obligation d'information sur le calcul concret des intérêts sur 360 jours ou année lombarde alors qu'elle faisait souscrire des contrats de prêts, non pour des besoins professionnels, à des clients non avertis.

Ainsi, en vertu de l'article 2224 du code civil, c'est donc la date du 12 décembre 2016 qui doit être retenue comme point de départ du délai quinquennal de la prescription, prévu par l'article L. 110-4 I du code de commerce précité.

D'ailleurs, s'il résulte de la lecture de la jurisprudence de la Cour de cassation que le point de départ de la prescription peut être celui de la date de souscription du prêt, c'est à condition que les juges du fond fassent ressortir qu'à la lecture de l'offre, les emprunteurs avaient pu se convaincre de l'erreur alléguée, justifiant ainsi légalement leur décision de fixer le point de départ du délai de prescription au jour de l'acceptation de l'offre (Cass. 1re civ., 9 décembre 2020, n° 18-25.895

Or, au vu de l'énoncé ambigu de l'article 2 des conditions générales des deux crédits souscrits le même jour, les époux [K] n'ont pas pu connaître, lors de la signature des prêts, l'erreur invoqué mais elle leur été révélée plus de cinq années plus tard après grâce aux explications données par un technicien.

Par conséquent, à la date de la citation du 11 juin 2018, moins deux années après, l'action des appelants n'est pas prescrite.

Ainsi, il convient de déclarer recevable leur action formée à l'encontre de la SA CREDIT LYONNAIS que ce soit sur le fondement de la nullité que sur celui de la déchéance du droit aux intérêts.

Alors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le calcul erroné du TEG opéré par la SA CREDIT LYONNAIS et ses conséquences :

En vertu de l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable, à la date de signature des offres de crédit litigieuses, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunération de toute nature, directs ou indirects, y compris caux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondant à des débours réels. (...)

L'article L. 313-2 du code de la consommation prévoit que le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section.

L'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable aux contrats litigieux, contient une annexe qui prévoit notamment que 'le résultat du calcul [du TEG] est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale'.

L'article L. 341-48-1 alinéa 1er du code de la consommation, issu de l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019, prévoit qu'en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévu à l'article L. 314-5 (remplaçant l'ancien article L. 313-2), le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi pour l'emprunteur.

Par un arrêt du 10 juin 2020, la Cour de cassation décide que 'pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

Dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il apparaît justifié d'uniformiser le régime des sanctions et de juger qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.' (n° 18-24.287).

Ainsi, en l'espèce, les époux [K], qui prouvent par les deux analyses mathématiques produites, celle du 12 décembre 2016 et celle 30 octobre 2020, que les TEG stipulés ont été calculés sur la base de l'année lombarde et non sur celle de l'année civile de 365 jours, ne peuvent donc pas invoquer, même pour leurs contrats de prêts du 8 mars 2011, la nullité de la stipulation contractuelle portant sur le TEG et donc les conséquences qu'elle implique, à savoir l'application du taux d'intérêt légal et la restitution des intérêts payés en trop.

Il en est de même quand ils invoquent la nullité de la stipulation contractuelle du TEG pour incomplétude suite à la non prise en compte de leurs frais d'assurance conclus avec un tiers aux contrats de crédit.

Quant à la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il ne peut y être fait droit, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation prise en application des textes du code de la consommation dont l'article R. 313-1, que si l'erreur commise sur le TEG est supérieure à la décimale.

Concernant le prêt n° 40026321Z6WT11AH de 83100 euros, le TEG prévu est de 3,74% l'an.

Or, selon l'analyse mathématique du 30 octobre 2020, le TEG réel est de 3,80357692%, arrondi au dixième, soit 3,8 %, ce qui représente une erreur à la première décimale par rapport au taux stipulé de 3,74% (soit 3,7% arrondi au dixième) et non supérieure à la décimale comme alléguée par les emprunteurs.

Par conséquent, il ne sera pas fait droit à la demande des appelants en déchéance du droit aux intérêts concernant le prêt n° 40026321Z6WT11AH de 83100 euros.

Qannt au prêt n° 4002632AZNS911AH de 71000 euros, ces derniers ne produisent aucune pièce permettant de démontrer que le taux effectif global réel serait différént de plus d'une décimale avec la taux stipulé de 3,34 % et donc que l'intimée n'aurait pas respecté l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Par conséquent, les époux [K] seront également déboutés de leur demande aux fins d'obtenir la déchéance du droit aux intérêts concernant le prêt de 71000 euros.

Au vu des élements précédents, il convient donc de rejeter toutes les demandes formées par les appelants contre l'intimée comme étant infondées.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de faire droit à la demande de la SA CREDIT LYONNAIS fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Les appelants, qui seront déboutés de leur demande faite à ce titre, seront condamnés à payer à l'intimée la somme visée au dispositif de la présente décision.

Les appelants, qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel qui pouront être recouvrés directement par Maître Karine DABOT, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Enfin le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il condamne in solidum les époux [K] à payer à la SA CREDIT LYONNAIS la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Me MIELLE conformément aux offres de droit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrites toutes les actions en nullité des stipulations d'intérêts et TEG et en déchéance des intérêts des deux offres souscrites et dit irrecevables les demandes ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

DÉCLARE recevable l'action de M. [E] [K] et Mme [F] [S] épouse [K] à l'encontre de la SA CREDIT LYONNAIS, comme étant non prescrite ;

Au fond, DÉBOUTE M. [E] [K] et Mme [F] [S] épouse [K] de toutes leurs demandes formées à l'encontre de la SA CREDIT LYONNAIS ;

CONDAMNE in solidum M. [E] [K] et Mme [F] [S] épouse [K] à payer à la SA CREDIT LYONNAIS la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [E] [K] et Mme [F] [S] épouse [K] aux dépens d'appel, qui pouront être recouvrés directement par Maître Karine DABOT, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 20/08384
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.08384 ?
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