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02/06/2022 | FRANCE | N°18/12480

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 02 juin 2022, 18/12480


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022



N° 2022/336













Rôle N° RG 18/12480 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC24D







Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENC E - COTE D'AZUR





C/



SARL FUNFREJUS

SCP [X]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Rena

ud ESSNER

Me Sandra JUSTON































Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS en date du 16 Juillet 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017006550.





APPELANTE



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRIC...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUIN 2022

N° 2022/336

Rôle N° RG 18/12480 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC24D

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENC E - COTE D'AZUR

C/

SARL FUNFREJUS

SCP [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Renaud ESSNER

Me Sandra JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS en date du 16 Juillet 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 2017006550.

APPELANTE

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE - COTE D'AZUR

Société Coopérative à capital et personnel variables régie par le Code Monétaire et Financier immatriculée au RCS de DRAGUIGNAN sous le n° D 415 176 072

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SARL FUNFREJUS

immatriculée au RCS de Frejus sous le n° 531 841 849 00023 dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SCP PELLIER

représenté par Maître [F] [X], mandataire judiciaire désignée ès qualités par jugement d'ouverture de redressement judiciaire rendu par le tribunal de commerce de Frejus en date du 13 février 2017 et désormais en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL [Adresse 3] par jugement du 9 Avril 2018

dont le siège social est sis Mandataires Judiciaires - [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès VADROT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller rapporteur

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2022

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte en date du 20 mai 2011, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR a consenti à la SARL FUNFREJUS, représentée par Monsieur [E] [B], un prêt professionnel d'un montant de 920 000€, destiné à l'acquisition de matériel à usage professionnel, d'une durée de 120 mensualités au taux d'intérêts annuels fixe de 3,9500%.

Par jugement en date du 13 février 2017, le tribunal de commerce de FREJUS a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL FUNFREJUS et a désigné Maître [T] [X] en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier en date du 7 mars 2017, le CREDIT AGRICOLE a déclaré sa créance soit:

-526 998,93€ outre intérêts de retard selon contrat à titre à échoir de nature privilégiée au titre du prêt

-276,53€ à titre échu, de nature chirographaire, au titre du solde débiteur du compte chèque n°43626245626

Un avis d'admission a été adressé au CREDIT AGRICOLE pour la créance chirographaire.

En revanche, une contestation a été émise s'agissant de la créance déclarée à titre privilégiée au motif que prises cumulativement, la majoration du taux d'intérêts contractuel et l'indemnité de recouvrement s'analysaient en une clause pénale manifestement excessive.

Par ordonnance en date du 16 juillet 2018, le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS a fixé la créance du Crédit Agricole Provence Côte d'Azur à la somme de 492 513,02€ à échoir outre intérêts au taux de 3,95% à titre privilégié.

Le juge commissaire a relevé:

-qu'à l'ouverture du redressement judiciaire la société FUNFREJUS n'avait aucune échéance impayée

-que la suspension du remboursement des échéances du prêt à compter à compter du jugement du 13 février 2017 résultait de l'interdiction de paiement des dettes antérieures et non d'une défaillance de la société

-que dans l'hypothèse de l'adoption d'un plan, l'allongement des délais de remboursement ne constituerait pas une inexécution contractuelle mais résulterait d'une décision de justice

- que l'application d'une pénalité de 17% viendrait à sanctionner la société, ce qui est manifestement excessif.

Par déclaration en date du 24 juillet 2018, le CREDIT AGRICOLE a fait appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 7 septembre 2021, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE-COTE D'AZUR demande à la cour de:

Vu l'article L622-28 du code de commerce

Vu l'article 1231-5 du code civil

Vu l'article R312-3 du code de la consommation

REFORMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle n'a admis sa créance qu'à hauteur de la somme minorée de 492 513,02€ à échoir outre intérêts au taux de 3,95% à titre privilégié

Statuant à nouveau

ADMETTRE sa créance au passif de la SARL FUNFREJUS au titre du prêt MT FIXE N°00600561108 pour la somme de 526 998,93€ à la date du jugement d'ouverture outre intérêts contractuels au taux de 5,95% à échoir et à titre privilégié

DEBOUTER Maître [Z] [X] es qualité de ses fins et contestations

LA CONDAMNER aux entiers dépens

DIRE les dépens frais privilégiés de la procédure collective

sur l'indemnité de recouvrement et la majoration au taux contractuel

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE-COTE D'AZUR indique que l'indemnité de recouvrement correspond au montant stipulé au contrat de prêt et équivaut à 7% des sommes exigibles et non à 17% comme retenu par erreur par le juge commissaire.

Elle ne conteste pas qu'il s'agit d'une clause pénale et rappelle que, le contrat faisant la loi des parties, elle s'applique du seul fait de l'inexécution quand bien même celle-ci serait la conséquence de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Elle fait valoir que le juge commissaire n'est pas compétent en vertu de la jurisprudence constante pour connaître de la contestation relative à l'exécution d'un contrat et que la clause pénale ne peut être soumise à la révision judiciaire que lorsqu'elle est manifestement excessive ou dérisoire; qu'en l'espèce, elle n'a pas failli à ses obligations et que la clause du prêt est tout à fait habituelle et raisonnable en son montant.

Elle relève que l'ordonnance du juge n'est pas motivée quant au caractère « manifestement excessif de l'indemnité » et qu'elle anéantit purement et simplement l'indemnité forfaitaire dont l'article 1231-5 du code civil prévoit la seule minoration.

Elle soutient qu'il est constant que le taux de 7% n'est pas manifestement excessif compte tenu du coup qu'elle supporte sur le marché financier pour emprunter les sommes qu'elle même prête à ses clients dans le cadre de son activité de fournisseur de crédit.

Sur le calcul des intérêts de retard

Le CREDIT AGRICOLE rappelle qu'il résulte de l'article L622-28 du code de commerce que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous les intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus; que selon ce texte le créancier peut solliciter dans le cadre de l'admission de sa créance les intérêts contractuellement dus.

Elle expose que l'exception légale à l'arrêt du cours des intérêts, applicable au contrats d'une durée supérieure à un an - ce qui est le cas en l'espèce ' vise tous les intérêts même ceux résultant d'un taux majoré en exécution d'une clause pénale.

Elle conteste les modalités de calculs retenues par Maître [X] rappelant que le calcul des intérêts se fait selon la règle suivante en redressement judiciaire: taux de retard X montant de l'échéance X nombre de jours/365 et non sur le principal.

Elle indique que la somme déclarée est due outre intérêts postérieurs contractuels au taux de 3,95% et de retard au taux de 5,95%.

Elle soutient que sa demande est parfaitement recevable, les indemnités litigieuses assurant l'équilibre économique du contrat sans revêtir un quelconque caractère abusif ou comminatoire, lequel n'est par ailleurs pas démontré.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 22 janvier 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SARL FUNFREJUS et la SCP [X], es qualité, demandent à la cour de :

DECLARER la SARL FUNFREJUS recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions

En conséquence,

CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par Monsieur le Juge commissaire en date du 16 juillet 2018

A titre subsidiaire,

CONSTATER que la clause pénale est manifestement excessive

REJETER la capitalisation des intérêts

FIXER la créance du CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR à la somme de 512 513,02€ outre intérêts au taux de 3,95%

STATUER ce que de droit sur les dépens

La SARL FUNFREJUS et la SCP [X], es qualité, contestent le caractère excessif d'une part de la clause prévoyant une indemnité de 7% ainsi que la majoration de deux points du taux contractuel fixé à 5,95% faisant valoir que leur application cumulative équivaudrait à une pénalité de 17%.

Elles soutiennent par ailleurs que la demande du CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR tendant à la capitalisation des intérêts non échus ou à tout le moins depuis moins d'un an constitue une violation des dispositions de l'article 1154 du code civil.

Elles rappellent qu'aucune échéance n'était impayée à la date d'ouverture de la procédure collective et qu'il serait inopportun de voir la situation économique de la société aggravée par l'augmentation de certaines créances du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire d'autant qu'elle a été admise au bénéfice de son plan de redressement par voie de continuation.

Elles relèvent également que la caisse de CREDIT AGRICOLE, dont la créance va faire l'objet d'un remboursement dans le cadre du plan de redressement, a déjà actionné les cautions en inscrivant une hypothèque sur le bien immobilier de l'un des associés et en sollicitant judiciairement le remboursement de ladite créance pour sa totalité, majorée de la clause pénale des intérêts majorés.

Elles demandent donc que la créance soit fixée à sa juste valeur soit à la somme de 492 513,02€ correspondant au capital et aux intérêts normaux.

A titre subsidiaire, elles sollicitent l'admission de la créance à la somme de 512 513,02€ à échoir, outre intérêts au taux de 3,95% à titre privilégié, en écartant la clause pénale et la capitalisation d'intérêts reconnues comme abusives par plusieurs décisions de la cour de cassation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 1134 ancien du code civil, applicable aux faits de l'espèce, pose pour principe que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il résulte des pièces versées au dossier que par contrat signé le 20 mai 2011, le CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR a consenti à la SARL FUNFREJUS un prêt d'un montant de 920 000€ d'une durée de 120 mois au taux d'intérêt annuel fixe de 3,9500%, le montant des échéances constantes étant précisé en capital et intérêts (9292,71€).

Le contrat précise que toute somme non payée à son échéance ou à sa date d'exigibilité donnera lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable au paiement d'intérêts de retard dont le taux sera égal au taux du prêt majoré de 2,000 points et que les intérêts de retard sont exigibles à tout instant et si, par suite de leur retard de paiement, ils sont dus pour une année entière, ils produiront eux mêmes des intérêts au taux majoré et ce conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil relatif à la capitalisation des intérêts.

Le contrat stipule en outre, sous la rubrique « Indemnité de recouvrement due si le prêt n'est pas soumis au code de la consommation » que si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit un ordre l'emprunteur s'oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7% calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant maximum de 2000€.

Il n'est pas contesté que ces stipulations constituent une clause pénale puisque il a été prévu dès la signature du contrat de prêt, une évaluation forfaitaire du futur préjudice du créancier en cas d'inexécution par l'emprunteur de ses obligations.

L'article 1152 ancien du code civil, applicable aux faits de l'espèce, pose pour principe que le juge ( y compris le juge-commissaire) peut toujours, même d'office, augmenter ou modérer le montant de la clause pénale si elle est manifestement dérisoire ou excessive.

Il n'est pas contesté que la société FUNFREJUS n'était pas défaillante à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, toutes les échéances ayant été honorées jusqu'à cette date, et que le remboursement des échéances du prêt s'est trouvé suspendu du fait de l'interdiction de paiement des dettes antérieures posé par l'article L622-7 du code de commerce.

Il s'en déduit que l'application des clauses prévoyant une indemnité de recouvrement de 7% ainsi qu'une majoration contractuelle de 2 points résulte de l'ouverture de la procédure collective.

Ces clauses, qui aggravent les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en redressement judiciaire, sont manifestement abusives. C'est donc à juste titre que le juge commissaire les a écartées .

L'ordonnance querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a admis la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE PROVENCE COTE D'AZUR à la somme de 492 513,02€ à échoir outre intérêts au taux de 3,95% à titre privilégié.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe

CONFIRME l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS en date du 16 juillet 2018.

ORDONNE l'emploi des dépens de la procédure d'appel en frais privilégiés de la procédure collective de la société FUNFREJUS.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/12480
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;18.12480 ?
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