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01/06/2022 | FRANCE | N°19/11450

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 01 juin 2022, 19/11450


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 1er JUIN 2022



N° 2022/ 267









N° RG 19/11450



N° Portalis DBVB-V-B7D-BETMS







[F] [T]





C/



[L] [M]











































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Frédéric PASCAL


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Me Philippe DELANGLADE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 07 Juin 2019 .





APPELANT



Madame [F] [T]

née le 11 juin 1973 à Labiad Sidi Cheikh Bayadh (Algérie), demeurant 11 impasse Chappe 13014 MARSEILLE



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/001035 du 07/02...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 1er JUIN 2022

N° 2022/ 267

N° RG 19/11450

N° Portalis DBVB-V-B7D-BETMS

[F] [T]

C/

[L] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric PASCAL

Me Philippe DELANGLADE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 07 Juin 2019 .

APPELANT

Madame [F] [T]

née le 11 juin 1973 à Labiad Sidi Cheikh Bayadh (Algérie), demeurant 11 impasse Chappe 13014 MARSEILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/001035 du 07/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [L] [M]

demeurant 14 impasse Jean CHAPE 13014 MARSEILLE

représenté par Me Philippe DELANGLADE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

A compter du 14 janvier 2017, Madame [F] [T] s'est installée avec son fils mineur dans un appartement situé 11 impasse Jean Chappe à Marseille, appartenant à Monsieur [L] [M], sans qu'il ait été établi de bail écrit.

Ce dernier lui a adressé le 30 janvier 2018 un courrier recommandé lui demandant de libérer les lieux dans un délai de deux mois, expliquant qu'il désirait reprendre l'appartement pour y loger sa fille.

Puis, le 4 avril 2018, il lui a fait signifier un commandement de payer la somme de 5.850 euros au titre des loyers restant dus depuis le mois d'avril 2017, et de justifier de la souscription d'une assurance des risques locatifs.

Par acte du 3 juillet 2018, Monsieur [M] a fait assigner Madame [T] à comparaître devant le tribunal d'instance de Marseille pour voir prononcer la résiliation du bail verbal en raison de l'inexécution de ses obligations et entendre prononcer son expulsion.

La défenderesse a conclu au rejet de cette action, en soutenant avoir réglé les loyers en espèces jusqu'à la date de l'assignation et satisfait à son obligation d'assurance.

Par jugement rendu le 7 juin 2019 le tribunal, considérant que le loyer mensuel s'élevait à 450 euros, et non pas à 350 euros comme il était soutenu par la locataire, et que celle-ci ne justifiait pas en outre des paiements allégués, a :

- prononcé la résiliation judiciaire du bail en application de l'article 1224 du code civil,

- ordonné l'expulsion de Madame [T],

- condamné celle-ci à payer à Monsieur [M] la somme de 9.900 euros au titre du montant de la dette locative arrêtée au 11 janvier 2019, outre une indemnité mensuelle d'occupation de 450 euros pour toute la période postérieure jusqu'à la libération effective des lieux,

- débouté Madame [T] de sa demande d'octroi de délais de paiement,

- et condamné la défenderesse aux dépens, comprenant les frais du commandement.

Madame [T], qui a reçu signification de cette décision le 27 juin 2019, en a relevé appel par déclaration adressée le 15 juillet 2019 au greffe de la cour.

Elle a cependant quitté le logement et restitué les clés le 6 septembre 2019, un procès-verbal de reprise ayant été dressé par l'huissier mandaté par le bailleur.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 24 mars 2021, Madame [F] [T] fait valoir :

- que le loyer convenu était bien de 350 euros par mois, charges comprises,

- que le paiement s'effectuait de la main à la main, sans que le bailleur ne lui délivre de quittances,

- que le courrier aux fins de reprise du logement qui lui a été adressé le 30 janvier 2018 confirme néanmoins qu'elle était à jour de ses obligations,

- et qu'elle a en revanche cessé de régler son loyer à compter de la réception de l'assignation, en raison de la mauvaise foi du bailleur.

Elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire et juger qu'elle est uniquement redevable d'une somme de 4.200 euros correspondant aux loyers demeurés impayés entre les mois de juillet 2018 et juillet 2019, et de lui accorder un échéancier de paiement en 36 mensualités.

Par conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 18 juin 2021, Monsieur [L] [M] soutient pour sa part :

- qu'il avait été convenu à l'origine que l'intéressée n'occuperait l'appartement que pour un mois, le temps de pourvoir à son relogement,

- qu'elle s'est ensuite maintenue dans les lieux sans acquitter aucun loyer, celui-ci ayant été fixé par accord verbal à 450 euros par mois,

- et qu'il a été placé de ce fait dans une situation financière difficile en raison de la modicité de ses ressources, devant par ailleurs acquitter toutes les charges du logement.

Il demande à la cour :

- avant dire droit, d'enjoindre à l'appelante de produire tous justificatifs de sa situation professionnelle actuelle, et notamment les coordonnées de son employeur,

- de confirmer le jugement entrepris, sauf à fixer le montant définitif de la dette locative à la somme de 13.140 euros, outre les intérêts, compte tenu de la libération des lieux intervenue le 6 septembre 2019,

- de condamner en outre Madame [T] à lui payer une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- et de condamner enfin l'appelante aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur l'identité de l'appelante :

Sur la foi de la copie de son passeport produite au dossier, il y a lieu de corriger l'erreur matérielle affectant le jugement rendu en première instance quant à l'identité de la défenderesse, et de dire que l'intéressée ne se nomme pas [F] [T], mais [F] [T], née le 11 juin 1973 à Labiad Sidi Cheikh Bayadh (Algérie).

Sur la demande avant dire droit :

La demande de l'intimé tendant à ce qu'il soit enjoint à l'appelante de produire tous justificatifs de sa situation professionnelle actuelle, et notamment les coordonnées de son employeur, aurait dû être soumise en temps utile au conseiller de la mise en état en application de l'article 943 du code de procédure civile, et doit être déclarée irrecevable devant la cour.

Sur le fond :

Les circonstances dans lesquelles Madame [T] a été amenée à emménager dans l'appartement de Monsieur [M] sont indifférentes à la solution du litige, dès lors que les parties s'accordent finalement à reconnaître qu'elles ont conclu un bail d'habitation verbal, lequel se trouve de plein droit régi par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989.

En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, tandis que réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce Monsieur [M] ne produit aucun commencement de preuve par écrit qui tendrait à établir que le loyer convenu entre les parties s'élevait à 450 euros par mois.

En motivant sa décision en faveur du bailleur par le fait que Madame [T] ne démontrait pas que la valeur locative du logement était inférieure à ce montant, le premier juge a inversé la charge de la preuve, et il convient de juger au contraire que le loyer était fixé à 350 euros, comme le soutient la locataire.

D'autre part, en application des articles 1358 et 1382 du même code, la preuve d'un paiement, qui constitue un simple fait juridique, peut être rapportée par tout moyen, y compris par présomption judiciaire. A cet égard les juges peuvent former leur conviction sur un élément unique si celui-ci leur paraît de nature à établir la preuve nécessaire.

En l'espèce, avant que de lui délivrer un commandement de payer le 4 avril 2018, Monsieur [M] avait adressé à sa locataire le 30 janvier 2018 une lettre recommandée pour lui demander de libérer les lieux dans un délai de deux mois, expliquant qu'il désirait reprendre l'appartement pour y loger sa fille.

Dans ce courrier le bailleur ne faisait état d'aucune dette locative, mais écrivait au contraire : 'Je vous demande de bien vouloir régler le loyer par la poste, ainsi vous aurez un reçu, car je ne peux pas vous donner une quittance'.

Contrairement à l'opinion du tribunal, il apparaît à la cour que le contenu de ce courrier n'est pas susceptible d'une double interprétation. Il permet d'établir que le bailleur ne poursuivait pas la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer, mais dans le cadre de l'exercice de son droit de reprise (dans des conditions de forme et de délais au demeurant non conformes à la loi du 6 juillet 1989), et qu'il refusait de délivrer des quittances à sa locataire à la suite de règlements effectués en espèces, un tel refus trouvant vraisemblablement son explication dans le fait que Madame [T] était à l'époque dépourvue de titre de séjour en France.

En outre M. [M] soutient dans ses conclusions avoir personnellement réglé les consommations d'eau et d'électricité de sa locataire, alors que celle-ci justifie par les pièces produites aux débats qu'elle avait souscrit les abonnements à son nom.

Il convient en conséquence de juger que la preuve du paiement du loyer est suffisamment établie par présomption judiciaire, du moins jusqu'au mois de mai 2018, à partir duquel Madame [T] a reconnu avoir cessé tout versement lors de l'enquête sociale diligentée dans le cadre du dispositif de prévention des expulsions.

La dette de l'appelante doit être par conséquent ramenée à la somme de 5.690 euros, correspondant aux loyers et indemnités d'occupation échues entre le 1er mai 2018 et le 9 septembre 2019, sur une base de 350 euros par mois.

Compte tenu de l'ancienneté de cette dette, Madame [T] doit être déboutée de sa demande d'octroi de délais de paiement, d'autant qu'elle ne produit aucun document de nature à justifier de sa situation financière actuelle, plaçant la juridiction dans l'impossibilité d'apprécier ses facultés contributives.

Enfin, au regard des motifs qui précèdent, la demande nouvelle en paiement de dommages-intérêts formée en cause d'appel par M. [M] doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par jugement contradictoire,

Déclare irrecevable la demande de production forcée de pièces,

Rectifie l'erreur matérielle affectant le jugement, en ce que la défenderesse ne se nomme pas [F] [T] mais [F] [T], née le 11 juin 1973 à Labiad Sidi Cheikh Bayadh (Algérie),

Réforme le jugement en ce qui concerne le montant de la dette locative, et statuant à nouveau de ce chef condamne Madame [F] [T] à payer à Monsieur [L] [M] la somme de 5.690 euros correspondant aux loyers et indemnités d'occupation échues entre le 1er mai 2018 et le 9 septembre 2019, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à l'octroi de délais de paiement,

Y ajoutant, déboute Monsieur [M] de sa demande en dommages-intérêts,

Condamne Madame [T] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux règles régissant l'aide juridictionnelle dont elle est bénéficiaire,

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/11450
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.11450 ?
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