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01/06/2022 | FRANCE | N°19/11316

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 01 juin 2022, 19/11316


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 1er JUIN 2022



N° 2022/ 266









N° RG 19/11316



N° Portalis DBVB-V-B7D-BETBD







[R] [B]



[A] [L]





C/



[V] [D]



[T] [D]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me C

éline SAMAT



Me Séverine TARTANSON













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MANOSQUE en date du 24 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 1118000197.





APPELANTS



Madame [R] [B]

née le 15 Avril 1970 à YAOUNDE, demeurant Rue des Fontaines 04230 LARDIERS



(bénéficie d'une aide juridictionnel...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 1er JUIN 2022

N° 2022/ 266

N° RG 19/11316

N° Portalis DBVB-V-B7D-BETBD

[R] [B]

[A] [L]

C/

[V] [D]

[T] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Céline SAMAT

Me Séverine TARTANSON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MANOSQUE en date du 24 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 1118000197.

APPELANTS

Madame [R] [B]

née le 15 Avril 1970 à YAOUNDE, demeurant Rue des Fontaines 04230 LARDIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/14648 du 17/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

Monsieur [A] [L]

né le 09 Octobre 1974 à NIMES (30), demeurant Rue des Fontaines 04230 LARDIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/013689 du 10/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Céline SAMAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [V] [D]

né le 16 Août 1948 à ALLAUCH (13), demeurant 131 Rue Abbé de l'épée 13005 MARSEILLE

Madame [T] [D]

née le 17 Août 1945 à L'HOSPITALET (04), demeurant 131 Rue Abbé de l'épée 13005 MARSEILLE

représentés par Me Séverine TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat conclu sous seing privé, les époux [V] et [T] [D] ont donné à bail d'habitation à Monsieur [A] [L] et Madame [R] [B] une maison d'habitation de sept pièces située rue des Fontaines à Lardiers (04230), pour une durée de trois ans commençant à courir le 10 janvier 2018, moyennant un loyer mensuel de 630 euros révisable annuellement en fonction de la variation de l'indice de référence et une provision sur charges de 20 euros.

Dès leur entrée dans les lieux, les locataires se sont plaints de l'impossibilité de chauffer correctement le logement, et ont mis en demeure les bailleurs d'y remédier dans les meilleurs délais.

Les époux [D] ont fait augmenter la puissance de l'installation électrique alimentant les convecteurs équipant chacune des pièces, et ont fait installer un poële à bois dans la pièce principale.

En dédommagement du préjudice subi par les locataires, ils leur ont accordé une remise totale des loyers de février et mars 2018.

Il était également convenu que les bailleurs étudieraient la possibilité d'équiper à terme le logement d'un système de chauffage central.

Les locataires n'ayant pas repris le paiement du loyer à compter du mois d'avril, les époux [D] leur ont fait signifier le 22 juin 2018 un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au contrat.

Puis ils les ont assigné à comparaître devant le tribunal d'instance de Manosque par acte du 24 septembre 2018, afin de voir constater l'acquisition de ladite clause et entendre ordonner leur expulsion.

Monsieur [L] et Madame [B] ont opposé à cette action l'exception d'inexécution des obligations du bailleur en raison du caractère indécent du logement.

Ils ont réclamé avant dire droit l'organisation d'une expertise des désordres, et à défaut une réfaction du loyer ainsi que le paiement de dommages-intérêts, sur la foi d'un constat d'huissier établi le 26 février 2019.

Subsidiairement, ils ont conclu à la suspension des effets de la clause résolutoire et à l'octroi de délais de paiement.

Aux termes du dispositif du jugement rendu le 24 juin 2019, le tribunal a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 22 août 2018,

- ordonné l'expulsion des occupants,

- condamné solidairement M. [L] et Madame [B] au paiement d'une somme de 5.900 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation échus au 9 mai 2019, outre une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges à compter du 10 mai 2019 jusqu'à la libération effective des locaux et la restitution des clés,

- condamné in solidum les défendeurs aux dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de sa décision.

Les défendeurs, qui ont reçu signification du jugement le 8 juillet 2019, en ont relevé appel par déclaration adressée le 12 juillet au greffe de la cour.

Etant demeurés dans les lieux, ils se sont plaints courant novembre 2020 d'un nouveau désordre consistant dans un affaissement du plancher de l'étage supérieur par suite de la rupture d'une poutre porteuse, conduisant le maire de la commune à faire usage de ses pouvoirs de police en mettant en demeure les propriétaires de procéder aux réparation nécessaires, suivant arrêtés pris les 8 février et 19 mars 2021.

Un arrêté ultérieur en date du 19 mai 2021 a pris acte de la réalisation des travaux prescrits et mis fin à la procédure de péril.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 25 février 2022, Monsieur [A] [L] et Madame [R] [B] font tout d'abord grief au premier juge d'avoir omis de se prononcer sur leurs demandes reconventionnelles dans le dispositif de sa décision.

Ils soutiennent que le logement ne répond pas aux critères de décence définis par l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et le décret du 30 janvier 2002 pris pour son application, en raison de l'insuffisance de chauffage, de la vétusté de l'installation électrique et d'infiltrations en toiture, tous désordres qui préexistaient à la date de prise d'effet du bail, et auxquels s'est ensuite ajoutée la rupture d'une poutre porteuse soutenant le plancher de l'étage.

Sur ce dernier point ils contestent l'arrêté de mainlevée du péril, au motif que la bonne exécution des travaux n'a pas été contrôlée par l'expert qui les avait prescrits.

Ils invoquent en conséquence l'exception d'inexécution des obligations du bailleur pour justifier du défaut de paiement du loyer, soutenant qu'il existait une impossibilité totale, 'ou à tout le moins partielle', de jouir des locaux.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise, et de condamner dans cette attente les époux [D] à leur verser une provision de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice de jouissance,

- à défaut, de réduire le montant du loyer à 150 euros par mois, de condamner les bailleurs à leur payer une somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts, et de juger que la clause résolutoire n'a pu produire ses effets,

- subsidiairement, d'ordonner la suspension des effets de ladite clause et de leur accorder des délais de paiement sur 36 mois,

- plus subsidiairement encore, de réduire le montant de l'indemnité d'occupation à 150 euros par mois,

- et de condamner en tout état de cause les intimés aux dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 9 février 2022, les époux [D] soutiennent pour leur part qu'ils ont toujours satisfait à leurs obligations, mais se sont heurtés à la mauvaise foi et à l'obstruction de leurs locataires. Ils contestent l'importance ou l'imputabilité des désordres invoqués.

Ils demandent à la cour de débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions et de confirmer le jugement entrepris, sauf à réactualiser le montant de leur dette à la somme de 23.324,88 euros.

Ils précisent à cet égard que M. [L] et Madame [B] semblent avoir déménagé dans le courant du mois de juin 2021 mais qu'ils n'ont toujours pas restitué les clés, de sorte qu'ils demeurent débiteurs de l'indemnité d'occupation.

Ils réclament en outre paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de leurs entiers dépens.

DISCUSSION

En vertu de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé des occupants, et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation, les caractéristiques correspondantes étant définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.

L'article 20-1 de cette même loi prévoit que pour le cas où cette obligation ne serait pas respectée, le locataire peut demander au propriétaire de mettre le logement en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du bail en cours. A défaut d'accord amiable le juge, saisi à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, détermine le cas échéant la nature des travaux à réaliser et leur délai d'exécution. Il peut également réduire le montant du loyer ou suspendre son exigibilité jusqu'à leur achèvement.

En l'espèce le premier juge a justement considéré que les éléments qui lui étaient produits ne démontraient pas le caractère indécent du logement à la date de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, et ne justifiaient pas l'organisation d'une mesure d'expertise.

Certes les bailleurs avaient accepté à l'origine d'exonérer leurs locataires du paiement des premiers loyers en compensation de l'insuffisance de chauffage. Toutefois il est constant qu'ils avaient fait augmenter par la suite la puissance de l'installation électrique alimentant les convecteurs équipant le logement, et installé un poële à bois dans la pièce principale.

Dans un courriel en date du 3 juin 2018, M. [L] et Madame [B] n'invoquaient d'ailleurs plus l'indécence du logement, mais assuraient au contraire les époux [D] de leur volonté d'honorer leurs obligations, précisant avoir sollicité une aide financière pour la prise en charge du loyer.

Il résulte également de l'enquête diligentée en octobre 2018 dans le cadre du dispositif réglementaire de prévention des expulsions que les causes de la dette locative ne résidaient pas dans un litige avec les propriétaires mais dans une baisse de revenus des locataires, leur foyer ne disposant alors que d'une allocation mensuelle de 900 euros pour faire face à des charges estimées à 1.255 euros.

Le constat d'huissier établi le 26 février 2019, qui reprenait les doléances des locataires, notamment quant à l'insuffisance du système de chauffage, apparaît ainsi avoir été commandé pour les besoins de la cause, alors que le délai imparti par le commandement de payer était déjà largement accompli.

Dans le même temps M. [L] et Madame [B] avaient fait paradoxalement obstruction à une inspection de la toiture afin de vérifier l'existence d'infiltrations, ainsi qu'à la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique (cf les attestations de MM. [Y] [N] et [C] [S]).

En tout état de cause l'inexécution des obligations du bailleur, même à la supposer établie, ne revêtait pas une gravité telle que les locataires pouvaient s'exonérer du paiement du loyer sans y avoir été préalablement autorisés par une décision de justice, leur demande en ce sens n'ayant été formulée que postérieurement à la saisine du tribunal aux fins de constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail.

C'est donc à bon droit que le premier juge, faisant application de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, a considéré que le bail était résilié de plein droit pour défaut de paiement du loyer ayant persisté plus de deux mois après la délivrance du commandement, et débouté les locataires de leur demande aux fins de suspension des effets de la clause résolutoire et d'octroi de délais de grâce en retenant qu'ils n'étaient manifestement pas en situation de régler leur dette.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, sauf à réactualiser le montant de la dette locative à la somme de 23.324,88 euros compte tenu des indemnités d'occupation ayant couru jusqu'au mois de février 2022 inclus.

Pour les motifs sus-énoncés, il y a lieu également de débouter les appelants de leurs demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts et en réfaction du montant du loyer, le tribunal ayant omis de statuer sur ces chefs.

Enfin, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le nouveau désordre apparu en novembre 2020 tenant dans un affaissement du plancher de l'étage supérieur par suite de la rupture d'une poutre porteuse, dès lors que le bail était d'ores et déjà résilié à cette date.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, sauf quant au montant de la dette locative,

Statuant à nouveau de ce chef, condamne solidairement Monsieur [A] [L] et Madame [R] [B] à payer aux époux [D] la somme de 23.324,88 euros suivant décompte actualisé au 9 février 2022,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [L] et Madame [B] de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts et en réduction du montant du loyer ou de l'indemnité d'occupation,

Les condamne aux dépens de la procédure d'appel, ainsi qu'à payer aux époux [D] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/11316
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.11316 ?
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