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01/06/2022 | FRANCE | N°19/11138

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 01 juin 2022, 19/11138


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2022



N° 2022/ 265









N° RG 19/11138



N° Portalis DBVB-V-B7D-BESP5







[L] [Z] [Y]





C/



[C] [B]













































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Anabelen IGL

ESIAS



Me Marie SUZAN















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Départemental des Pensions Militaires de brignoles en date du 05 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/000099.





APPELANT



Monsieur [L] [Z] [Y]

demeurant Rue Vaucanson 83470 SAINT MAXIMIN LA SAINTE BAUME



représenté par Me Anabelen IG...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2022

N° 2022/ 265

N° RG 19/11138

N° Portalis DBVB-V-B7D-BESP5

[L] [Z] [Y]

C/

[C] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Anabelen IGLESIAS

Me Marie SUZAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Départemental des Pensions Militaires de brignoles en date du 05 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/000099.

APPELANT

Monsieur [L] [Z] [Y]

demeurant Rue Vaucanson 83470 SAINT MAXIMIN LA SAINTE BAUME

représenté par Me Anabelen IGLESIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [C] [B]

demeurant 80 Traverse Cocordano 13400 AUBAGNE

représentée et plaidant par Me Marie SUZAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat sous signature privée, Madame [C] [M] épouse [B] a donné à bail à MM. [L] [Z] [Y] et [J] [U] un appartement meublé de type 1 destiné à l'habitation principale en rez-de-chaussée d'une maison située 9 rue Vaucresson à Saint-Maximin-La-Sainte-Beaume (83470), pour une durée d'un an commençant à courir le 23 mars 2017 et renouvelable par tacite reconduction, moyennant un loyer mensuel de 420 euros révisable annuellement en fonction de la variation de l'indice de référence, outre une provision pour charges de 80 euros.

Par courrier en date du 22 janvier 2018, M. [L] [Z] [Y] s'est plaint auprès de la bailleresse de l'apparition de signes importants d'humidité.

Après une visite des lieux loués la CAF du Var a conclu à leur insalubrité, et suspendu en conséquence le versement de l'allocation logement à compter du mois de juillet 2018, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité.

De son côté le locataire a réduit ses versements au titre du loyer à la somme de 250 euros par mois à compter de cette même date.

La non-conformité du logement aux critères de décence a encore été confirmée par un rapport du cabinet TEXA, mandaté par l'assureur de protection juridique du locataire, ainsi que par un diagnostic de l'agence SOLIHA, conduisant le maire de la commune à demander au propriétaire de prendre les mesures nécessaires afin de respecter les prescriptions du règlement sanitaire départemental.

Le locataire a également fait procéder à un constat d'huissier le 5 décembre 2018.

Par acte d'huissier du 14 février 2019, M. [L] [Z] [Y] a fait assigner Madame [C] [B] à comparaître devant le tribunal d'instance de Brignoles afin d'entendre prononcer la résiliation judiciaire du bail en raison de l'inexécution de ses obligations, lui réclamer la répétition des loyers indûment versés, et obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

La défenderesse a conclu au rejet de l'ensemble de ces prétentions et demandé reconventionnellement la résiliation du bail aux torts exclusifs du locataire pour défaut de paiement du loyer et refus de l'accès au logement afin de permettre la réalisation des travaux, réclamant en outre l'intégralité de l'arriéré locatif ainsi que des dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 5 avril 2019, le tribunal a débouté en premier lieu M. [Z] [Y] de son action en résiliation du bail au motif qu'il ne justifiait pas d'un congé donné dans les formes prévues par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, et rejeté en conséquence sa demande en répétition des loyers.

Considérant toutefois que l'indécence du logement était caractérisée, le premier juge lui a alloué une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

Le tribunal a également débouté Madame [B] de sa demande reconventionnelle en résiliation du bail aux torts du locataire, en retenant d'une part que l'assignation n'avait pas été notifiée au représentant de l'Etat en application de l'article 24 de ladite loi, et que d'autre part il n'était pas démontré que M. [Z] [Y] avait fait obstacle à l'exécution des travaux.

Le premier juge a estimé par ailleurs que le locataire n'était pas en droit de suspendre le versement du loyer dans la mesure où le logement n'était pas inhabitable, et l'a condamné au paiement d'une somme de 1.620 euros au titre de l'arriéré.

Enfin Madame [B] a été condamnée aux dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [L] [Z] [Y] a relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 10 juillet 2019 au greffe de la cour.

Le 21 avril 2021, un rapport du cabinet IXI, mandaté par l'assureur de protection juridique de Madame [B], a précisé les travaux nécessaires à une mise en conformité du logement et évalué leur coût à 7.500 euros TTC.

Un rapport de visite a également été établi par l'agence régionale de santé, au vu duquel le préfet du Var a pris le 31 mai 2021 un arrêté portant traitement de l'insalubrité du logement, impartissant au propriétaire un délai de six mois pour réaliser les travaux, et emportant interdiction temporaire d'habiter.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 24 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Monsieur [L] [Z] [Y] ne poursuit plus la résiliation judiciaire du bail, mais la condamnation de la partie adverse à réaliser l'ensemble des travaux énoncés dans un devis en date du 5 juillet 2019 qu'il a lui-même sollicité auprès d'un artisan et dont le montant s'élève à 31.443,85 euros TTC, sur le fondement de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 obligeant le bailleur à délivrer un logement décent.

Il conteste fermement avoir fait obstacle jusqu'à présent à l'exécution des travaux.

Il demande également à la cour de suspendre l'exigibilité du loyer jusqu'à leur bonne fin, et poursuit la répétition des loyers versés depuis le mois de décembre 2017, représentant une somme de 5.000 euros arrêtée au mois de juillet 2019, à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt.

Il réclame d'autre part paiement d'une somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, et 3.000 euros au titre de son préjudice moral.

Il sollicite enfin la condamnation de l'intimée aux entiers dépens, ainsi qu'à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 22 février 2022, auxquelles il convient également de se reporter pour le détail de l'argumentation, Madame [C] [B] oppose en premier lieu une fin de non recevoir de la demande tendant à sa condamnation à l'exécution de travaux sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'une prétention nouvelle en cause d'appel.

Elle stigmatise l'attitude incompréhensible du locataire, qui aurait neutralisé le système de ventilation existant et refusé dès l'origine du litige l'intervention des artisans à son domicile, en violation de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, contribuant ainsi à l'aggravation des désordres et engageant sa propre responsabilité.

Elle soutient que cette stratégie d'obstruction persiste encore à ce jour, l'empêchant de réaliser les travaux imposés par l'arrêté préfectoral.

Elle réitère d'autre part les demandes reconventionnelles formées devant le premier juge.

Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer partiellement le jugement et :

- de débouter M. [Z] [Y] de l'ensemble de ses prétentions,

- de prononcer la résiliation du bail pour manquements du locataire à ses obligations, et d'ordonner son expulsion sans délai,

- de le condamner au paiement d'une somme de 6.300 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 juin 2021, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, ainsi que d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer,

- de le condamner en outre au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- et de mettre à sa charge les entiers dépens, outre une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur l'obligation de délivrance incombant au bailleur :

En vertu de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé des occupants, et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Les caractéristiques d'un logement décent sont définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, qui prévoit notamment en son article 2 : 'Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des éléments d'équipement'.

En l'espèce il résulte amplement de l'ensemble des éléments produits aux débats (rapports des cabinets TEXA et IXI, diagnostics de l'agence SOLIHA et de l'agence régionale de santé, constats d'huissier dressés les 5 décembre 2018 et 18 novembre 2020) que l'appartement dont s'agit est insuffisamment ventilé et isolé, et que l'humidité ambiante génère un phénomène de condensation et des 'ponts thermiques' favorisant le développement de moisissures sur les plafonds, les murs et les boiseries, ainsi que des remontées capillaires en partie basse des murs.

Tous les intervenants extérieurs s'accordent à conclure à l'insalubrité du logement, de nature à entraîner des risques pour la santé des occupants.

En revanche il n'est pas établi que le locataire aurait manqué à son obligation d'entretien, ni que l'absence d'utilisation de la VMC existante aurait eu un rôle causal dans l'apparition des désordres, dans la mesure où celle-ci est située dans la cave et ne peut assurer une ventilation correcte des locaux d'habitation, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise du cabinet IXI précité en date du 21 avril 2021.

Il convient en conséquence de juger que Madame [C] [B] a manqué à son obligation de délivrer au locataire un logement décent.

Sur la demande de condamnation à effectuer des travaux :

En vertu de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le logement loué ne satisfait pas aux critères de décence, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité. Le juge, saisi par l'une ou l'autre des parties, détermine le cas échéant la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution.

Toutefois, comme le fait justement valoir l'intimée, cette demande se heurte en l'espèce aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, suivant lesquelles les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions. En effet M. [Z] [Y] poursuivait en première instance la résiliation du bail, et non pas la réalisation de travaux de mise en conformité.

Il sera néanmoins relevé que le propriétaire reste tenu d'exécuter les travaux mis à sa charge par l'arrêté préfectoral du 31 mai 2021, sous les sanctions prévues par le code de la construction et de l'habitation.

Sur l'obligation de paiement du loyer :

En vertu de l'article 20-1 précité, le juge peut aussi réduire le montant du loyer ou suspendre son paiement, avec ou sans consignation, jusqu'à l'exécution des travaux de mise en conformité.

En l'espèce, contrairement à l'opinion du premier juge, il apparaît que l'insalubrité de l'appartement le rend impropre à l'habitation, ce qui justifie de suspendre le paiement du loyer rétroactivement à compter du 1er juillet 2018, date à laquelle la CAF a suspendu le versement de l'allocation logement.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné le locataire au paiement d'un arriéré, et de dire que les sommes versées postérieurement à cette date devront lui être restituées, les pièces produites aux débats ne permettant pas à la cour d'en calculer le montant.

En application de l'article L 521-2 du code de la construction et de l'habitation, le loyer cesse également d'être dû de plein droit à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi l'envoi de la notification de l'arrêté portant déclaration d'insalubrité, soit le 1er juillet 2021.

Sur les demandes principales en paiement de dommages-intérêts :

Compte tenu de l'ampleur des désordres affectant le logement et de la situation de particulière vulnérabilité de M. [Z] [Y], invalide de catégorie 2 et atteint d'une pathologie asthmatique avec une composante allergique, il convient de lui allouer une somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, incluant les répercussions morales.

Sur la demande reconventionnelle en résiliation du bail :

C'est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable la demande en résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer au motif que l'assignation n'avait pas été notifiée au représentant de l'Etat en application de l'article 24 IV de la loi du 6 juillet 1989, et la cour observe que cette fin de non recevoir n'a pas été régularisée en cause d'appel.

S'agissant du second motif de résiliation fondé sur une violation de l'article 7 de cette même loi, imposant au locataire de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et la réalisation des travaux nécessaires, notamment ceux de mise en conformité, il convient de relever que Madame [B] ne justifie pas avoir elle-même respecté les conditions de forme édictées par ce texte, prévoyant une notification écrite préalable remise en main propre au locataire ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et l'informant de la nature des travaux envisagés ainsi que de leurs modalités d'exécution. Dans ces conditions le refus imputé à M. [Z] [Y] n'apparaît pas suffisamment caractérisé.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la bailleresse de sa demande en résiliation du contrat.

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts :

Pour les motifs énoncés plus avant, il ne peut être reproché au locataire d'avoir fait obstacle à la réalisation des travaux et d'avoir ainsi contribué à l'aggravation des désordres, de sorte que la demande en dommages-intérêts formée par la bailleresse doit être également rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [C] [B] de ses demandes en résiliation du bail et en paiement de dommages-intérêts, et l'a condamnée aux dépens de l'instance ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Suspend l'exigibilité du loyer à compter du 1er juillet 2018,

Déboute Madame [B] de sa demande en paiement d'un arriéré de loyer,

La condamne à restituer à Monsieur [Z] [Y] les sommes perçues à titre de loyer postérieurement au 1er juillet 2018,

Condamne en outre Madame [B] à payer à Monsieur [Z] [Y] une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [Z] [Y] tendant à la condamnation de Madame [B] à effectuer les travaux de mise en conformité du logement,

Condamne Madame [B] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Monsieur [Z] [Y] une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/11138
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.11138 ?
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