La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2022 | FRANCE | N°18/19442

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 27 mai 2022, 18/19442


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 27 MAI 2022



N° 2022/209



Rôle N° RG 18/19442 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOZJ







SAS ONYX MEDITERRANEE





C/





[O] [W]











Copie exécutoire délivrée

le :



27 MAI 2022



à :



Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Johan DADOUN

, avocat au barreau de MARSEILLE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01200.
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 27 MAI 2022

N° 2022/209

Rôle N° RG 18/19442 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOZJ

SAS ONYX MEDITERRANEE

C/

[O] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

27 MAI 2022

à :

Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01200.

APPELANTE

SAS ONYX MEDITERRANEE, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice , demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Emmanuelle SAPENE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laetitia GARCIA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [O] [W], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [O] [W] a été engagée par la société ISS Environnement suivant contrat de travail à durée indéterminée du 28 février 2006, à effet du 1er août suivant et avec une reprise d'ancienneté au 1er mai 2006, en qualité d'employée administrative.

Le contrat de travail de Madame [W] a été transféré au sein de la SAS ONYX MEDITERRANEE à compter du 1er septembre 2010. Par avenant du 19 décembre 2011, Madame [W] a été promue au poste d'aide-comptable, niveau III, position 3, coefficient 125, de la convention collective des activités du déchet.

Par courrier remis en main propre le 14 janvier 2016, Madame [W] a été convoquée à un entretien préalable, fixé le 2 février 2016, et par courrier du 22 février 2016, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, pour les motifs suivants :

« En date du 18 décembre 2015, nous avons été informés que vous auriez à l'encontre de votre collègue de travail, [Z] [A], un comportement au travail inacceptable. En effet, nous avons été informés que M. [Z] [A] subissait quotidiennement de votre part des remarques blessantes, des insultes qui sont venues lui causer de réelles souffrances et dégrader sa santé mentale et physique. Bien que vous occupiez un bureau à trois salariés, il semblait apparaître que vous attendiez le départ du troisième pour vous en prendre à M. [Z] [A].

Compte tenu de ces accusations, nous avons saisi notre comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de cette situation afin qu'il puisse intervenir dans l'accompagnement des salariés impliqués.

Alertés par les salariés du service d'une altercation violente que vous avez eu contre M. [Z] [A] le 12 janvier 2016, nous l'avons fait changer de bureau afin de l'éloigner physiquement de vous, le temps nécessaire pour mieux appréhender la situation. Nous vous informions avoir saisi le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail par courrier remis en mains propres le 14 janvier 2016.

Lors de la réunion du 25 janvier 2016, les membres du comité ont décidé de procéder à une enquête pour faire la lumière sur les accusations qui étaient formulées à votre encontre. Le comité a choisi de procéder sans tarder à une audition de l'ensemble du service de la comptabilité.

L'enquête eut lieu dès le jeudi 28 janvier 2016.

A l'issue de ces entretiens, les membres du CHSCT ont constaté que M. [Z] [A] ressentait une vraie souffrance qu'il avait cachée à sa hiérarchie par pudeur mais également par peur de votre attitude à son encontre. En effet, le comité a conclu que cette souffrance était causée par votre comportement au travail à son égard et à vos nombreuses provocations ou insultes.

Il est apparu au cours de l'enquête que les faits ont perduré pendant de nombreux mois, depuis le mois de juillet 2015, au cours desquels M. [Z] [A] a souffert en silence, pensant qu'il était responsable de vos provocations et que ce n'était qu'après une prise de conscience due à la volonté de son médecin traitant de lui prescrire un arrêt de travail, que Monsieur [Z] [A] a pu trouver l'énergie pour informer son responsable qu'il faisait constamment l'objet d'insultes de votre part, le traitant régulièrement de « con », de « faux cul » , de « lèche botte », brisant son estime personnelle.

Votre comportement a perturbé le bon fonctionnement du service car il est apparu que la majorité des membres de la comptabilité avait eu un conflit avec vous et la tension qui caractérisait votre relation avec M. [Z] [A] était suffisamment stressante pour que votre collègue préfère quitter le bureau collectif lorsqu'elle ressentait votre agressivité à l'encontre de M. [Z] [A], et perdre du temps dans les couloirs plutôt que de rester dans cette ambiance au travail.

Concomitamment à ces faits, nous avons été informés de vos relations difficiles avec des collaborateurs de notre établissement de la Millière.

En effet, le 11 janvier 2016, votre responsable recevait un mail d'un chef de service de l'établissement pour l'alerter sur votre comportement et lui narrer que le ton était monté entre vous et une attachée administrative de logistique concernant des erreurs dans des bons de commande. Ce comportement agressif avec vos collègues de travail vous a isolé sur votre poste et certains de vos collègues ne souhaitent plus avoir affaire avec vous.

Le 15 janvier 2016, le responsable comptable de l'un de nos fournisseurs écrivait à votre hiérarchie pour expliquer les difficultés qu'il avait rencontrées avec vous : défaut de réponses de votre part après de nombreuses relances sur des factures en retard de paiement ou comportement irrespectueux à leur encontre allant jusqu'à raccrocher au nez de ce responsable lorsque ce dernier vous avait demandé à parler à votre responsable hiérarchique.

En plus des problèmes liés à votre comportement, nous avons relevé un certain nombre d'erreurs techniques récurrentes dans l'exercice de vos fonctions. Or il s'agit d'erreurs inacceptables par leur fréquence et leurs conséquences pour une professionnelle telle que vous qui connaissez parfaitement les tâches qui vous reviennent.

La profession d'aide- comptable exige une rigueur et un traitement méticuleux des dossiers qui vous sont confiés. Or, nous avons pu constater que vous commettiez des erreurs récurrentes de saisie faussant la comptabilité de nos sociétés.

C'est ainsi que nous avons constaté que vous commettiez des erreurs de saisie notamment sur:

- Le numéro de facture du fournisseur, comme par exemple en date du 20 novembre 2015 pour le fournisseur « Carlson Wagonllt » ;

- Le numéro de compte fournisseur en enregistrant la facture sous le code d'un autre fournisseur, comme le 9 décembre 2015 où vous avez enregistré une facture de la société SlUM sous le code du fournisseur BRONZO ;

- un compte qui n'était plus à utiliser alors que la simple lecture du message du système d'information faisait apparaître à l'écran cette consigne, comme le 10 décembre pour le fournisseur Proman Manosque sur le compte tiers fermé PROM004.

- Les centres analytiques, comme le 21 décembre 2015, avec le fournisseur Loc Lt Compacteurs. - Le numéro de compte comptable, comme le 30 décembre 2015, pour les fournisseurs Contenur ou Michelin où les annulations n'ont pas été faites sur les bons comptes comptables.

- Une annulation d'avoir de facture, comme le 22 janvier 2016, avec le fournisseur S-TRAIT BROYAGE passée au crédit au lieu de la passer au débit, entraînant une erreur de 58 476,24€ pour l'entreprise.

Ces erreurs ont nécessité que le travail soit repris par vous ou certains de vos collègues, entraînant retard ou même mécontentement des fournisseurs lorsque ces erreurs généraient des conséquences dans leur propre comptabilité.

Vous commettez également des erreurs aux conséquences plus graves encore, en générant des paiements indus de facture, obligeant alors l'entreprise à revenir vers les fournisseurs pour leur demander le rappel des sommes payées à tort.

Cela s'est notamment réalisé le 13 janvier 2016 alors que vous avez effectué un virement au fournisseur GT Ascensio alors que les factures sont en paiement direct par la collectivité, ce que vous ne pouviez ignorer. Nous n'avons toujours pas récupéré le remboursement de ce double paiement de 14 687,06 euros.

Lors de l'entretien préalable,vous n'avez pas reconnu les faits qui vous sont reprochés à l'exception d'un manque de contrôle de vos actions avant les campagnes de paiement.

Compte tenu des faits graves qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Votre licenciement prend donc effet à la date d'envoi du présent courrier.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis d'une durée de deux mois qui vous sera réglé aux échéances de paie ».

Contestant son licenciement, Madame [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, lequel, par jugement de départage du 14 novembre 2018, a :

- dit le licenciement de Madame [W] sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS ONYX MEDITERRANEE à payer à Madame [W] les sommes suivantes :

* 32.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 436,46 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamné la SAS ONYX MEDITERRANEE à rembourser à l'organisme PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage perçues par Madame [W] à hauteur de 6 mois,

- condamné la SAS ONYX MEDITERRANEE :

* à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure,

* à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux,

- précisé que les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, toutes les condamnations bénéficieront de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

- condamné la SAS ONYX MEDITERRANEE à payer à Madame [W] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'huissier,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la SAS ONYX MEDITERRANEE aux dépens.

La SAS ONYX MEDITERRANEE a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 24 juin 2019, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SAS ONYX MEDITERRANEE.

- déclarer mal fondé l'appel incident formé par Madame [W].

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 14 novembre 2018 en toutes ses dispositions.

Par conséquent, statuant à nouveau :

- débouter Madame [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- condamner Madame [W] à payer à la SAS ONYX MEDITERRANEE la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Madame [W] en tous les dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2019, Madame [W] demande à la cour de :

- constater que la procédure de licenciement de Madame [W] a été initiée concomitamment à la prétendue procédure d'enquête du CHSCT.

- constater que l'ensemble des griefs invoqués à l'encontre de Madame [W] n'est pas constitué.

- constater que la la SAS ONYX MEDITERRANEE est encore redevable d'un solde au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- constater que Madame [W] n'a jamais bénéficié d'examen particulier de l'évolution de sa carrière alors même qu'elle aurait dû en bénéficier tous les 2 ans.

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé la mesure de licenciement prononcée à l'encontre de Madame [W] dépourvue de toute cause réelle et sérieuse.

- dire et juger la mesure de licenciement prononcée à l'encontre de Madame [W] dépourvue de toute cause réelle et sérieuse.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS ONYX MEDITERRANEE au paiement de la somme de 32.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la SAS ONYX MEDITERRANEE à la somme de 436,46 € au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [W] de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution fautive de son contrat de travail.

- condamner la SAS ONYX MEDITERRANEE au paiement des sommes suivantes :

* solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement : 749,06 €

* dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail (manquement à l'article 3.2.4.de la CCN) : 10.000 €

- assortir des intérêts de droit ces condamnations à compter du jugement de première instance.

- ordonner la capitalisation des intérêts.

- dire que dans l'hypothèse ou, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96-1080 (tarif des huissiers) devront être supportées par le débiteur en sus.

- condamner la SAS ONYX MEDITERRANEE au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la SAS ONYX MEDITERRANEE aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La SAS ONYX MEDITERRANEE soutient que, par mail du 16 décembre 2015, Monsieur [A] a alerté son supérieur hiérarchique direct, Monsieur [T] [V], responsable du service comptabilité, du harcèlement moral dont il était victime depuis plusieurs mois de la part de Madame [W]; que par mail du 18 décembre 2015, Monsieur [V] a rapporté les faits à sa Direction ; que le 12 janvier 2016, elle a été informée d'une altercation entre Monsieur [A] et Madame [W], celle-ci s'en étant prise violemment à son collègue de travail ; que compte tenu de la gravité des accusations et de la situation, elle a immédiatement pris les mesures nécessaires et Monsieur [A] a déménagé dans un autre bureau lui garantissant un éloignement physique suffisant par rapport à Madame [W]; qu'elle a saisi le CHSCT, ce dont Madame [W] a été informée le 14 janvier 2016 ; que concomitamment, Madame [W] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 2 février 2016 par courrier remis en main propre le 14 janvier 2016 ; qu'à l'issue de la réunion du 25 janvier 2016, les membres du CHSCT ont décidé d'ouvrir une enquête approfondie sur les faits prétendus de harcèlement moral et d'auditionner l'ensemble du personnel du service de comptabilité ; que les auditions ont eu lieu le 28 janvier 2016 ; que la commission d'enquête a conclu à l'existence d'un comportement inacceptable de la part de Madame [W] ayant entraîné une réelle souffrance au travail pour Monsieur [A] que celui-ci avait cachée à sa hiérarchie pendant plusieurs mois, craignant des représailles de sa collègue ; que l'existence d'un harcèlement moral est ainsi caractérisée ; qu'il ne peut lui être valablement reproché d'avoir, de manière concomitante, convoqué Madame [W] à un entretien préalable et saisi le CHSCT alors que celui-ci a mené son enquête et rendu ses conclusions avant la tenue de l'entretien préalable de la salariée fixé au 2 février 2016 ; que rien ne lui interdisait de convoquer en parallèle la salariée visée par ces accusations à un entretien préalable, étant rappelé que, selon les dispositions de l'article L.1232-4 du code du travail, l'engagement des poursuites disciplinaires doit avoir lieu dans un délai de 2 mois suivant la connaissance des faits fautifs par l'employeur et il ne pouvait ainsi pas prendre le risque de se retrouver hors délai si l'enquête interne menée par le CHSCT s'était révélée trop longue ; que Madame [W] tente, en vain, de relever des incohérences dans la procédure de licenciement alors que les actions menées par la société ont, au contraire, démontré sa capacité à agir rapidement face à des accusations graves et intolérables ; que Madame [O] [W] ne peut pas non plus lui reprocher de ne pas l'avoir mise à pied à titre conservatoire pendant le temps de la procédure alors que Monsieur [A] a dû changer de bureau pour s'éloigner d'elle ; que les deux SMS échangés avec Monsieur [A], produits par Madame [W], ne portent que sur des considérations purement professionnelles, ne laissent préjuger aucun lien d'amitié entre les deux collègues et ont été échangés en février et en avril 2015 si bien qu'ils ne présentent aucun intérêt puisque Monsieur [A] n'a subi des agissements de harcèlement moral de la part de Madame [W] qu'à partir du mois de juillet 2015, comme il est précisé aux termes du courrier de licenciement ; que les attestations établies par Mesdames [N] [R] et [S] [I], anciennes salariées de la société, et produites par Madame [W], sont rédigées de façon dactylographiée, dans des termes strictement identiques, ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne sont nullement probantes car établies par pure complaisance, voire sous la dictée de Madame [W] et seront écartées des débats ; que Madame [W] était en conflit avec la majorité de ses collègues de travail et elle entretenait des relations difficiles avec les salariés de l'établissement de la Millière et avec certains fournisseurs ; qu'elle ne pouvait tolérer plus longtemps un tel comportement nuisible au bon fonctionnement du service comptable et à son image; que Madame [W] a commis également des manquements dans l'exercice de ses fonctions (erreurs, retards).

Pour étayer ses griefs, la SAS ONYX MEDITERRANEE produit :

- le mail de Monsieur [A] du 16 décembre 2015, adressé à Monsieur [V], qui indique :

'Je tiens à vous faire part d'une situation conflictuelle dans laquelle je vis depuis quelques mois et qui, progressivement, empoisonne ma vie personnelle et professionnelle. En effet, il ne se passe pas un jour sans que je fasse l'objet d'insultes de la part de ma collègue de travail, Madame [O] [W], me traitant de con, de faux cul, de lèche botte'

Cet état de fait devient au quotidien un harcèlement dont on ignore l'origine.

Dans un premier temps, j'ai essayé de comprendre d'où venaient ces tensions.

Il ressort qu'à ses yeux, je suis son rival, son concurrent par le simple fait que je m'empresse à achever mes tâches. Elle manifeste de la paranoïa pensant que tous mes gestes et faits sont à son encontre; même tourner la tête en sa direction constitue une source de tension : je l'épie. Je ne peux pas à travers cette lettre énumérer toutes les situations conflictuelles.

Dans un deuxième temps, il m'a semblé que la plus juste des façons de faire face à ses hostilités était de l'ignorer mais elle ne manque de moyens de m'injurier, de m'humilier, de me rabaisser.

Pour finir, je vous avoue que la tension est à son paroxysme.

Ainsi, je m'en remets à vous afin de trouver une solution me permettant de retrouver des conditions de travail satisfaisantes.

J'ose espérer que suite à ma requête, vous prendrez les dispositions nécessaires pour m'épargner du malaise et de l'angoisse que je porte tous les jours en venant au travail'.

- une attestation de Monsieur [A] qui indique : 'atteste que mon message électronique en date du 16 décembre 2015 adressé à Mr [V], responsable comptable, correspond à la stricte réalité sur mon état de santé en fin d'année 2015".

- le mail de Monsieur [V] du 18 décembre 2015, adressé à la direction de la société, qui indique:

« [U], Mercredi en fin de journée, [Z] est venu me voir pour me parler de son mal-être au bureau, j'ai d'abord pensé que c'était lié à Agora, mais pas du tout.

Il s'est plaint de sa collègue de travail, qui selon lui l'insulte, et l'humilie. Cette situation dure apparemment depuis quelques mois, mais il ne voulait pas m'en parler pour ne pas faire d'histoire.

Aujourd'hui la situation est telle qu'il vient travailler avec la boule au ventre.

II m'a demandé de le changer de bureau.

Ce n'est pas la première fois que j'ai des problèmes par rapport au comportement d'[O]. En effet dès qu'une personne progresse dans son travail, ou effectue les même tâches plus rapidement, celle-ci devient une menace pour elle. Ça a été le cas avec [J], quand celle-ci a pris des fonctions plus importantes du fait de son travail. [J] est venue à l'époque se plaindre du comportement d'[O] et j'ai du la changer de bureau.

Aujourd'hui c'est [Z].

[O] est une personne qui se sent persécutée, en effet elle manque de rigueur et de concentration dans son travail, ce qui engendre un certains nombres d'erreurs de sa part, plus ou moins graves. Erreurs qu'elle ne reconnaît pas. Au contraire je la persécute.

En l'état actuel des choses, j'ai demandé à [Z] de me faire un mail, mail que tu trouveras ci-dessous.

La solution rapide est de le changer de bureau, et de prendre les mesures qu'il convient pour [O].

PS, [Z] est actuellement sous antidépresseur.Cdt ».

- l'attestation de Monsieur [V] qui 'atteste sur l'honneur que Mr [A] est venu m'informer qu'il subissait des remarques blessantes et a même prononcé le mot de «harcèlement » de la part de sa collègue de travail Madame [O] [W] et que cette situation avait des conséquences sur sa santé et son travail.

De plus, certains collaborateurs d'autres services ainsi que des fournisseurs se sont plaints de son comportement.

J'atteste aussi qu'à plusieurs reprises j'ai demandé à Madame [O] [W] d'être plus rigoureuse dans son travail vu les nombreuses erreurs qu'elle commettait : Paiement d'un fournisseur alors que celui-ci était en paiement direct par le client ; erreur de compte comptable ; erreur sur le numéro de facture ; comptabilisation à l'envers d'une facture d'avoir ...etc.

Ces erreurs auraient pu être évitées par plus de vigilance et de contrôle de sa part'.

- les auditions de Madame [W], Monsieur [A], Monsieur [V], Madame [L], Monsieur [M], Madame [G], Madame [X], Madame [F], menées par la commission d'enquête.

- le procès-verbal de réunion du CHSCT du 25 février 2016 qui indique : 'présentation des conclusions de la commission d'enquête sur la dénonciation de harcèlement.

- Oui sur une réelle souffrance de Monsieur [Z] [A]

- OUI sur les faits qui étaient connus et anciens

- Oui sur le comportement non acceptable de Madame [O] [W]

Des démarches ont été mises en place pour améliorer la situation :

- séparation des deux personnes

- convocation du CHSCT

- enquête

La direction a pris une décision sur la sanction, non- communiquée en réunion CHSCT'.

- l'attestation de Monsieur [C] (président du CHSCT) qui atteste que le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 25 février 2016 est conforme à la tenue des débats et l'attestation de Madame [Y] qui indique avoir assisté à la commission d'enquête sur la dénonciation de harcèlement moral sur la personne de Monsieur [A] ainsi qu'à la réunion du 25 février 2016 au cours de laquelle les résultats de l'enquête ont été exposés.

- l'attestation de Madame [X] qui indique : 'lorsque je travaillais à [Localité 3] pour ONYX Méditerranée groupe Véolia dans le même bureau que Mr [Z] [A] et Mme [O] [W], je certifie sur l'honneur que lorsque ces 2 personnes nommées ci-dessus avaient des conflits je sortais du bureau pour ne pas m'en mêler'.

- un mail de Madame [P] du 11 janvier 2016, adressé à Monsieur [V] qui indique : 'apparemment le ton est monté lors d'une conversation téléphonique entre [H] [K] et [O] [W]. [O] a appelé [H] pour lui dire que des erreurs dans les bons de commande apparaissent pour deux fournisseurs ; CS2E et Michelin. Peux-tu regarder la problématique d'[O] pour que je puisse l'expliquer à [H] ''.

- un mail de Monsieur [D] du 15 janvier 2016, adressé à Monsieur [V] qui indique : (sic) 'Après plusieurs relances de la part de ma collègue de travail auprès de Mme [O] [W], n'ayant pas de réponses concrètes concernant les factures en retard de paiement je suis donc intervenu.

N'arrivant pas moi même à avoir des réponses, voyant que ça n'avancer pas j'ai demandé à parler à son responsable et Mme [O] [W] m'a raccroché au nez.

Cette situation s'est passée il y a un mois ou deux environ. J'eu l'occasion d'avoir Mme [O] [W] de nouveau au téléphone. tout s'est bien passé. Cordialement'.

- un tableau récapitulatif des erreurs comptables de Madame [W], un mail de Madame [W] du 29 janvier 2016 adressé à Monsieur [V] dans lequel elle reconnaît et explique une erreur concernant le client BERRE SALON, un mail de Madame [W] du 23 novembre 2015 adressé à Monsieur [V] dans lequel elle indique que 'concernant le double règlement effectué par notre client Agglopole Provence d'un montant de 45445,60 € (...) Nous vous confirmons notre demande de remboursement du trop perçu', l'édition des lignes comptables pour la sous-traitance broyage indiquant la passation d'une écriture au crédit alors que la SAS ONYX MEDITERRANEE indique qu'elle devait l'être au débit.

- un mail de Monsieur [V] du 13 mars 2015 adressé à Monsieur [FD] qui fait état d'un entretien avec Madame [W] du 10 mars 2016 suite à plusieurs erreurs de la salariée pour manque de contrôle et de rigueur dans son travail et un mail de Monsieur [V] du 1er octobre 2013, adressé à Madame [W], dans lequel il fait part à cette dernière de son mécontentement suite aux tâches qui lui avaient été confiées du fait de la réitération des mêmes erreurs lors de la correction et lui demande d'être plus rigoureuse et concentrée.

Madame [W] conteste le griefs qui lui sont reprochés. Elle relève les incohérences de la procédure de licenciement en faisant valoir que la procédure de licenciement et la procédure dite d'enquête des institutions représentatives du personnel ont été initiées - étonnamment - concomitamment alors même que ces deux procédures auraient dû être successives, seulement si la procédure d'enquête avait conclu à une responsabilité de sa part dans les faits dénoncés par Monsieur [A] ; qu'elle a été convoquée tardivement à une commission d'enquête le 27 janvier 2016 ; qu'aucune mesure de mise à pied conservatoire n'a été prononcée à son encontre ni aucune faute grave ne lui a été notifiée ; que les SMS qu'elle a échangés avec Monsieur [A] démontrent l'amitié entre eux et l'absence de tout harcèlement moral ; qu'elle produit les attestations de Madame [R] et de Madame [I] qui démontrent également l'absence de harcèlement moral ; que ces attestations sont valables puisque l'article 202 du code de procédure civile ne prescrit pas la forme manuscrite et n'ont pas été contestées au travers d'une procédure pénale ; que Madame [I], membre et secrétaire du CHSCT, atteste également qu'au cours de l'enquête la décision de licenciement avait déjà été actée en son principe ; que le procès-verbal de la réunion du CHSCT produit au débat par la SAS ONYX MEDITERRANEE ne comporte aucune signature, ce qui conforme l'attestation de Madame [I] qui indique que le CHSCT n'a pas connu de débats sur un prétendu harcèlement moral dont elle serait l'auteur ; que l'employeur ne produit pas davantage le procès-verbal signé à hauteur d'appel ; que toutes les prétendues auditions ne comportent ni date ni signature ce qui permet de douter de leur sincérité ; qu'elle conteste les erreurs qui lui sont imputées et produit un mail de la société GT ASCENSIO qui confirme qu'il n'a jamais existé de double règlement ; que le fait de réaliser des erreurs ne constitue pas forcément une insuffisance professionnelle; que les pièces produites ne démontrent pas cette insuffisance professionnelle, visent des faits remontant à plusieurs mois avant le licenciement ou ont été constituées après la mise en oeuvre de la procédure de licenciement alors qu'elle était à l'époque très perturbée par la procédure en cours à son encontre ; que le véritable motif de son licenciement est la réorganisation des effectifs de la société qui a été annoncée à l'ensemble du personnel administratif et comptable pour le mois de janvier 2017 et relève donc d'un motif économique.

Madame [W] produit :

- un procès-verbal de Maître [B] huissier de justice du 19 avril 2017 qui retranscrit des messages échangés entre Madame [W] et Monsieur [A] les 19 février 2015 et 19 avril 2015.

- l'attestation de Madame [R] qui indique : 'C'est donc début 2012 que j'ai fait la connaissance d'[O] [W] et de [Z] [A]. J'ai travaillé au sein du même service avec ces personnes pendant 4 ans.

C'est avec un grand étonnement que j'ai appris les accusations que M.[Z] [A] avait portées à l'encontre de sa collègue de bureau.

Personnellement, je n'ai jamais été témoin de disputes ni de harcèlement moral de la part d'[O], je la connais comme une personne agréable et pleine d'attention. Elle était surtout malheureuse de se sentir exclue, mal aimée, elle se sentait persécutée.

De plus, j'ai refusé de participer à l'enquête menée par le CHSCT car je pensais qu' elle n'avait pas lieu d'être, je reste convaincue que c'était un coup monté pour se débarrasser de Mme[W].

En effet, notre service étant à l' époque en pleine restructuration car nos postes étaient déplacés sur des plate-forme à Rilleu La Pape , et nous salariés ne voulant pas une mutation si loin de nos domicile, Veolia a donc du trouver des solutions pour se débarrasser de certaines personnes. Et je pense sincèrement qu'en échange d'un poste au sein de la Direction Régionale M.[Z] [A] a apporté un faux témoignage au sujet de Mme [W]'.

- l'attestation de Madame [I] qui indique : 'C'est donc début 2012 que j'ai fait la connaissance d'[O] [W]. J'ai travaillé au sein du même service avec cette personne pendant 4 ans et demi.

Au début les relations dans le service étaient conviviales, nous étions une dizaine de personnes nous allions déjeuner ensemble au restaurant, et puis l'ambiance s 'est dégradée petit à petit [O] [W] et [Z] [A] ont été mis à 1'écart par certaines personnes du groupe que nous formions, et ils en ont été très affectés. Il se sentaient tous le deux exclus sans en connaître la raison.

[O] et [Z] venaient me voir et parfois se confiaient à moi. [Z] ne s'est jamais plaint d'[O].

C'est donc avec un grand étonnement que j'ai appris les accusations qu'il avait portées à l'encontre de sa collègue de bureau.

Personnel1ement, je n'ai jamais était témoin de dispute ni de harcèlement de la part d'[O], je la connais comme une personne agréable et pleine d'attention. Elle était surtout malheureuse de se sentir exclue, mal aimée, elle se sentait persécutée'.

- un mail que Madame [I] a adressé le 26 février 2017 à Madame [W] et qui indique :

'De mon point de vue il est clair que les accusations de harcèlement contre [O] [W] ne sont fondées sur aucune preuve, bien au contraire. Peut-être y a t'il eu une chamaille entre ces deux personnes, mais sans plus, et il a été fortement suggéré à [Z] [A] de faire un mail en accusant sa collègue de harcèlement.

L'enquête qui a été menée par le CHSCT n'a aucune valeur, étant moi-même membre et secrétaire à cette époque, je peux certifier que la décision de rendre coupable [O] [W] n'a fait l'objet d'aucun débat, ni vote. Seul le RH monsieur [U] [FD] a décidé que [O] [W] était coupable.

J' ai même entendu une remarque « elle ne pourra pas ainsi nous accuser de racisme puisque la personne qui l'accuse est de même religion et de même couleur.

Cette histoire a pris pour moi des proportions inapropriées pour licencier d'une façon abusive [O] [W]'.

- un mail de Madame [E] du 16 février 2016 adressé à Madame [W] qui indique : 'je ne vois pas de double règlement dans le compte par contre vous me devez plusieurs factures (...)'.

***

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, lors de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, soit le 14 janvier 2016 par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, la SAS ONYX MEDITERRANEE disposait du mail du 16 décembre 2015 de Monsieur [A] qui dénonçait à son supérieur hiérarchique, Monsieur [V], des agissements de Madame [W], et le mail de Monsieur [V] du 18 décembre 2015 par lequel il informait sa propre hiérarchie des faits qui lui avaient été dénoncés par Monsieur [A]. Par ailleurs, il est fait mention d'une altercation entre Madame [W] et Monsieur [A] survenue le 12 janvier 2016, qui a provoqué le changement de bureau de Monsieur [A]. Ainsi, la SAS ONYX MEDITERRANEE disposait d'éléments lui permettant d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de Madame [W] et le fait d'avoir décidé concomitamment de saisir le CHSCT des faits dénoncés par Monsieur [A] et d'engager la procédure de licenciement, avant même les résultats de l'enquête, ne constitue pas une incohérence dans le déroulement de la procédure de licenciement d'autant que la SAS ONYX MEDITERRANEE était tenue au respect du délai de prescription de deux mois concernant l'invocation de la faute disciplinaire.

Dès lors que la salariée a été informée le 14 janvier 2016 de la saisine par l'employeur du CHSCT et qu'il est justifié qu'une réunion extraordinaire du comité s'est tenue le 25 janvier 2016, Madame [W], qui invoque une convocation tardive devant la commission d'enquête (soit le 27 janvier 2016 pour le lendemain) n'en tire aucune conséquence procédurale.

De même, Madame [W] a été licenciée pour une cause réelle et sérieuse et le fait de ne pas avoir fait l'objet au préalable d'une mise à pied conservatoire n'a pas de conséquence directe sur la procédure de licenciement et sur le licenciement de la salariée.

La lecture des deux échanges de sms produits par Madame [W] ne démontre absolument pas une quelconque relation amicale entre elle et Monsieur [A]. Il s'agit au contraire d'échanges cordiaux mais qui s'inscrivent dans le cadre professionnel et comportant un ton neutre, Monsieur [A] terminant son sms par 'cordialement'.

Les deux attestations de Madame [R] et de Madame [I] sont dactylographiées et ne respectent donc pas les énonciations de l'article 202 du code de procédure civile. Concernant la partie de ces attestations portant sur le harcèlement moral, la cour constate une stricte similitude rédactionnelle de sorte que leur sincérité est sujette à caution et leur valeur probante plus que limitée.

Par ailleurs, Madame [I] n'indique pas dans son attestation qu'elle n'a jamais participé à la commission d'enquête et ne remet pas en cause l'existence de cette commission. Madame [R] indique quant à elle qu'elle a refusé de participer à cette enquête. Le mail complémentaire de Madame [I] comporte uniquement des considérations personnelles de son auteur et son 'point de vue' au titre d'une analyse dénuée de toute valeur objective. C'est encore par une interprétation erronée des propos de Madame [I] que Madame [W] conclut que celle-ci atteste que 'le CHSCT n'a connu aucun débats sur le prétendu harcèlement moral commis par Madame [W]' alors que Madame [I] a uniquement écrit dans son mail que c'est 'la décision de rendre coupable [O] [W]' qui n'a fait l'objet d'aucun débat.

Monsieur BLAYE, président du CHSCT, et Madame [Y] indiquent clairement que le procès-verbal de la réunion du 25 février 2016 est conforme aux débats qui s'y sont tenus et qu'une commission d'enquête portant sur la dénonciation des faits de harcèlement moral sur la personne de Monsieur [A] a bien été diligentée.

Ainsi, les mails de Monsieur [A] et de Monsieur [V], confirmés par leurs attestations respectives ainsi que par l'attestation de Madame [X] et les auditions des salariés réalisées dans le cadre de l'enquête suffisent à établir la réalité du grief relatif au comportement harcelant de Madame [W] à l'égard de Monsieur [A], cause de la dégradation de sa santé mentale et physique, ainsi que du grief relatif aux relations difficiles de Madame [W] avec des collaborateurs de son service et des partenaires de la société (mails des 11 janvier 2016 et 15 janvier 2016).

Il est incontestable que Madame [W] reconnaît, dans son mail adressé le 29 janvier 2016 à Madame [E], avoir commis une erreur. La SAS ONYX MEDITERRANEE justifie, par l'attestation de Monsieur [V] que cette erreur est une réitération de précédentes erreurs pour lesquelles Madame [W] a été alertée.

Ainsi les éléments produits par les parties permettent d'établir la réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement et le fait qu'ils sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure de licenciement.

Les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que la cause réelle du licenciement de Madame [W] serait de nature économique et notamment pas le courrier de son conseil du 31 mars 2016 qui se contente d'affirmer ce fait.

Madame [W] sera donc déboutée de sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

*

Madame [W] réclame un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement au motif, qu'au jour de la rupture du contrat de travail, elle bénéficiait d'une ancienneté de 10 ans et 3 mois, ce qui lui ouvre droit à une indemnité calculée sur la base de 1/3 de salaire mensuel moyen de 2.250,73 €. Elle explique que depuis le mois de septembre 2005, elle a travaillé au sein de la société ISS ENVIRONNEMENT dans le cadre d'un contrat de travail temporaire.

La SAS ONYX MEDITERRANEE soutient que l'ancienneté de Madame [W] est de 9 ans, 11 mois et 22 jours, que son salaire moyen de référence est de 2.084,11 € et qu'ainsi la salariée a été remplie de ses droits.

Il ressort du contrat de travail à durée indéterminée que si celui-ci est daté du 28 février 2006, la prise d'effet du contrat est stipulée au 1er août 2006. Conformément aux dispositions de l'article L.1251-38 du code du travail, la période de trois mois travaillée dans le cadre d'un contrat d'intérim précédant le recrutement de la salariée doit être prise en compte dans le calcul de son ancienneté soit à compter du 1er mai 2006, date mentionnée sur les bulletins de salaire.

Pour le calcul du montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté se calcule jusqu'à la fin de la période de préavis, de sorte que Madame [W] disposait d'une ancienneté de 9 ans, 11 mois et 22 jours.

Le salaire moyen de référence est de 2.084,11 € auquel s'ajoute la prime annuelle versée en 2015, soit 1.999,35 €, soit au total 2.250,73 €.

Ainsi, en application des dispositions de l'article 2.22 de la convention collective des activités du déchet, il convient d'accorder à Madame [W] un rappel à hauteur de 426,31 € (4.491,31 €- 4.065 €).

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Madame [W] invoque les dispositions de l'article 3.2.4 de la convention collective qui prévoient que l'employeur est tenu de procéder à un examen particulier de l'évolution de carrière des salariés dans la limite des besoins et des possibilités de l'entreprise, au plus tard 5 ans après leur entrée dans l'entreprise puis selon une périodicité de biennale. Elle soutient que malgré ses demandes en ce sens, elle n'a jamais bénéficié de cet examen et ainsi que son évolution de carrière a été bloquée, notamment entre 2012 et 2016, période où elle est restée aide-comptable. Elle demande 10.000 € de dommages-intérêts à ce titre.

La SAS ONYX MEDITERRANEE rappelle que Madame [W] a été promue en 2012 au poste d'aide comptable et ne peut donc prétendre que sa carrière a été bloquée ; que Madame [W] ne justifie pas des demandes qu'elle aurait formulées à ce titre; qu'elle ne produit pas d'élément attestant du blocage dans l'évolution de sa carrière et de l'existence d'un préjudice.

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

S'il n'est pas démontré que Madame [W] aurait bénéficié des dispositions l'article 3.2.4 de la convention collective, omission non strictement contestée par la SAS ONYX MEDITERRANEE, la preuve d'un préjudice résultant directement pour la salariée de ce manquement n'est pas rapportée, alors même qu'elle a bénéficié d'une promotion en 2012 en accédant au poste d'aide-comptable.

La demande de dommages-intérêts présentée doit donc être rejetée.

Sur les intérêts, l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux intérêts, aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées, y compris celles relatives au recouvrement des frais d'huissier, et il est équitable de condamner la SAS ONYX MEDITERRANEE à payer à Madame [W] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de la SAS ONYX MEDITERRANEE, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

En cas d'exécution forcée, le droit proportionnel à la charge du créancier ne peut être perçu quand le recouvrement ou l'encaissement de sommes par un huissier mandaté est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail, par application des dispositions des articles R444-53 et R444-55 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ayant accordé des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en sa disposition relative au montant du rappel de l'indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que le licenciement de Madame [O] [W] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Madame [O] [W] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS ONYX MEDITERRANEE à payer à Madame [O] [W] la somme de 426,31 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

Y ajoutant,

Condamne la SAS ONYX MEDITERRANEE à payer à Madame [O] [W] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SAS ONYX MEDITERRANEE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/19442
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;18.19442 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award