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27/05/2022 | FRANCE | N°18/05647

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 27 mai 2022, 18/05647


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 27 MAI 2022



N° 2022/ 118



RG 18/05647

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCGQW

Jonction du dossier RG 22/1337





[T] [R]





C/



SAS DEVRED

























Copie exécutoire délivrée le 27 mai 2022 à :



-Me Vanessa BISMUTH-

MARCIANO, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Romain CHERFILS, av

ocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00411.





APPELANT



Monsieur [T] [R],...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 27 MAI 2022

N° 2022/ 118

RG 18/05647

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCGQW

Jonction du dossier RG 22/1337

[T] [R]

C/

SAS DEVRED

Copie exécutoire délivrée le 27 mai 2022 à :

-Me Vanessa BISMUTH-

MARCIANO, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00411.

APPELANT

Monsieur [T] [R], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Vanessa BISMUTH-MARCIANO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS DEVRED, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marine ADAM, avocat au barreau de BREST

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 18 avril 2011, M. [T] [R] a été embauché à temps partiel, en qualité de vendeur par la société Devred, spécialisée dans la vente de prêt à porter masculin.

Par avenant du 1er mars 2013, le salarié a bénéficié d'un temps complet.

Par lettre recommandée du 20 août 2013, M. [R] a reçu un avertissement pour des retards et un non respect des horaires de travail.

Après avoir été convoqué le 10 juin à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 juin 2015, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 2 juillet 2015.

Saisi le 1er mars 2016 par M. [R] d'une contestation de ce licenciement, le conseil de prud'hommes de Marseille a selon jugement du 8 mars 2018, a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil de M. [R] a interjeté appel par déclaration du 29 mars 2018.

A l'audience du 7 décembre 2021 à laquelle l'affaire a été appelée, la cour a soulevé d'office le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel, renvoyant les parties à conclure sur ce seul point selon un calendrier de procédure, pour une audience des débats du 22 mars 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 30 janvier 2022, M. [R] demande à la cour de :

«A titre liminaire, CONSIDERER que l'effet dévolutif de la déclaration d'appel est opérant.

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille en date du 9 mars 2018.

CONSTATER que le licenciement de Monsieur [R] est sans cause réelle et sérieuse.

EN CONSEQUENCE

CONDAMNER la société DEVRED à verser la somme de 25.000,00 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ORDONNER à la société DEVRED, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, la remise des documents suivants rectifiés :

- Attestation POLE EMPLOI ;

- Reçu pour solde de tout compte ;

- Certificat de travail.

CONDAMNER la DEVRED à verser au requérant la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 25 février 2022, la société Devred demande à la cour de :

«Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE rendu le 9 mars 2018 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [T] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions »,

- condamné Monsieur [T] [R] aux entiers dépens .

En conséquence :

Dire et juger que le licenciement de Monsieur [T] [R] est justifié par une cause réelle et sérieuse;

Débouter Monsieur [T] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner Monsieur [T] [R] à verser à la société DEVRED la somme de 3 500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'effet dévolutif de l'appel

M. [R] rappelle avoir conclu dans les délais qui lui étaient impartis et que ses conclusions critiquaient la décision entreprise.

Il indique que si la nullité ne fait pas de doute en application de l'article 901 du code de procédure civile, il s'agit d'une nullité de forme ne faisant pas grief.

Il précise avoir régularisé un appel faisant état des chefs de jugement critiqués, dans le délai de l'article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile.

La société intimée fait valoir qu'en opérant un «appel total» M. [R] n'a pas précisé le champ de l'appel qu'il entendait voir réformer et que les conclusions d'appelant ne sont pas plus précises, en concluant que le jugement sera nécessairement confirmé.

Elle ajoute que la déclaration d'appel régularisée en janvier 2022 est tardive et inopérante à régulariser la portée de l'appel.

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas et que les conclusions au fond ne peuvent régulariser.

En l'espèce, la déclaration d'appel initiale se borne à mentionner en objet que l'appel était «total»; elle a cependant été rectifiée par une nouvelle déclaration d'appel du 30 janvier 2022, dans le délai imparti pour conclure après rabat de l'ordonnance de clôture.

Dès lors que cette nouvelle déclaration d'appel qui comporte les chefs de jugement critiqués a été accompagnée de conclusions régulièrement notifiées par voie électronique, la cour se déclare saisie.

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu de l'article L.1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, en formant sa conviction sur les éléments produits par les parties.

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée ainsi :

« Faisant suite à l'entretien préalable du 23 Juin 2015, que vous avez eu avec Mr [D] [S], votre Directeur Régional, nous vous informons que nous sommes au regret de vous licencier pour cause réelle et sérieuse, au vu des griefs qui ont été évoqués au cours de ce dernier, à savoir :

- Non- respect de vos obligations contractuelles en termes de respect de vos horaires de travail et de présence physique à votre poste.

- Nombreux manquements professionnels dans l'exercice de votre mission de vendeur portant préjudice au bon fonctionnement du magasin

Nous avons appris, le 22 Mai 2015, qu'en l'absence de votre Directeur de Magasin, il vous arrive fréquemment de ne pas respecter vos horaires de travail. Pour preuve, entre autres, le mardi 12 Mai, le jeudi 14 Mai et le samedi 17 Mai 2015, vous avez repris votre poste avec dix minutes de retards. Le 04 Mai 2015, vous avez repris votre poste avec cinquante minutes de retard ! Sans apporter d'explications à vos collègues de travail.

Votre comportement est contraire à vos obligations contractuelles et à notre règlement intérieur qui précise que « tout salarié est tenu de se conformer au règlement d'horaire en vigueur ». De manière générale, il est question aussi du respect de vos collègues de travail, qui doivent pallier vos retards.

Par ailleurs, nous avons été stupéfaits d'apprendre que vous quittez la surface de vente pendant vos heures de travail. Par exemple, le 02 Mai 2015, vous avez discuté avec un de vos amis pendant 20 minutes sur la surface de vente, puis vous avez quitté le magasin durant 30 minutes. De même, à de nombreuses reprises, vous avez profité de devoir remplir une tâche extérieure (dépôt du courrier) pour effectuer vos courses personnelles. Vous quittez alors la surface de vente durant « trente minutes voir quarante-cinq minutes », selon les témoignages que nous avons recueillis, en laissant vos collègues gérer le magasin.

Vous êtes contractuellement tenu d'effectuer vos missions durant vos heures de travail. En aucun cas vous ne pouvez quitter votre poste pour vaquer à vos occupations personnelles. Il est question du bon fonctionnement du magasin, de l'exercice professionnel de votre mission, mais aussi du respect de vos collègues de travail.

Le lundi 11 Mai 2015, vous avez discuté en réserve avec une personne extérieure à l'entreprise. Or, conformément à notre règlement intérieur vous ne pouvez pas recevoir dans les locaux privés de l'entreprise des personnes extérieures, ce d'autant sans avoir prévenu votre Directeur de Magasin.

De surcroît, lorsque votre supérieur hiérarchique est en repos, vous utilisez tout au long de votre journée de travail votre téléphone portable personnel (sms, appels téléphoniques, réseaux sociaux) pour des raisons purement personnelles et non légitimes. Le samedi 02 Mai 2015, vous avez même quitté la surface de vente pour discuter par téléphone. Or, l'usage du téléphone portable est limité aux cas d'urgence.

Votre manque de professionnalisme pénalise les résultats du magasin.

De plus, vos collègues de travail doivent pallier à vos absences répétées de la surface de vente, ce qui est d'autant plus inacceptable dans notre métier et face à l'affluence de la clientèle.

Vous vous êtes également permis de visionner un match de foot durant vos heures de travail, par le biais de votre tablette ! Ce comportement est inacceptable. Votre attitude est contraire à vos obligations professionnelles et porte atteinte à l'image de l'enseigne. Votre mission de vendeur doit au contraire vous conduire à vous rendre disponible vis-à-vis de la clientèle.

L'ensemble de votre comportement démontre votre manque de professionnalisme dans l'exercice de vos missions. Une telle attitude explique la faiblesse de vos résultats.

Lors de l'entretien avec Mr [D] [S], de même que lors de votre entrevue du 22 Mai 2015 avec votre Directeur de Magasin, vous avez reconnu les faits que nous vous reprochons. Par conséquent, nous sommes au regret de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. La première présentation de cette lettre à votre domicile marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de 2 mois, que nous vous dispensons d'effectuer. Celui-ci vous sera rémunéré aux échéances habituelles(') ».

Le salarié soutient qu'il a toujours donné satisfaction à sa hiérarchie et reproche à l'employeur de ne pas produire les enregistrements de la vidéo-surveillance, considérant que les attestations sont dénuées d'objectivité ; il conteste les conditions dans lesquelles il a dû signer le compte-rendu d'entretien du 22 mai 2015.

Ainsi que l'a relevé à juste titre le conseil de prud'hommes, les faits reprochés - qui ne sont pas disciplinaires - sont précis et datés; ils sont corroborés par le témoignage de deux salariées dont aucun élément ne permet de douter de leur probité et donc de la force probante de leurs attestations.

En outre, lors de l'entretien avec le directeur du magasin, M. [R] a reconnu l'intégralité des faits à savoir la prise de temps de pause plus importants que ceux autorisés, le fait d'utiliser fréquemment son téléphone portable pour envoyer des messages ou y répondre pendant ses heures de travail, le fait d'utiliser une tablette quand il est à la caisse et enfin d'être sorti du magasin pour discuter avec une connaissance, soit autant d'infractions au règlement intérieur en ses articles 5, 6 et 10 notamment.

Il a signé ce document sans réserve et n'apporte aux débats aucun élément permettant de considérer qu'il a été soumis à une contrainte.

Les attestations produites par l'appelant émanent de personnes non présentes au magasin les jours cités et principalement de clients, et ne sont pas de nature à contredire les éléments sus-visés.

La cour constate que malgré un avertissement - non contesté - intervenu en août 2013 pour un non respect des horaires de travail, une lettre du 22 avril 2015 alertant le salarié sur sa moindre productivité et lui demandant d'améliorer la situation, M. [R] ne s'est pas amendé et n'a adopté manifestement aucune attitude corrective.

Dès lors, les éléments recueillis par l'employeur - sans qu'il soit nécessaire de solliciter la viédo-surveillance - étaient suffisants pour justifier une sanction aggravée, notamment un licenciement reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement qui a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [R] de ses demandes financières subséquentes.

Sur les frais et dépens

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Ordonne la jonction des procédures N° 22/01337 et 18/05647 sous ce seul dernier numéro,

Se déclare saisie,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [T] [R] à payer à la société Devred la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens d'appel à la charge de M. [R].

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/05647
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;18.05647 ?
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