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25/05/2022 | FRANCE | N°19/07542

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 25 mai 2022, 19/07542


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2022



N° 2022/ 250







N° RG 19/07542



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHSC







SARL VU D'ICI OPTICIEN





C/



[Z] [C] épouse [X]



[K] [G] veuve [R]









































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Sandra JUSTON



Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR



Me Silvia SAPPA





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 28 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/06541.





APPELANTE



SARL VU D'ICI OPTICIEN

dont le siège social est sis 46- Rue du Verdun 83120 S...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2022

N° 2022/ 250

N° RG 19/07542

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHSC

SARL VU D'ICI OPTICIEN

C/

[Z] [C] épouse [X]

[K] [G] veuve [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR

Me Silvia SAPPA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 28 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/06541.

APPELANTE

SARL VU D'ICI OPTICIEN

dont le siège social est sis 46- Rue du Verdun 83120 SAINTE-MAXIME, prise en la personne de son représentant en exercice, domicilié ès qualité au siège sis 46 rue verdun 83120 SAINTE-MAXIME

représentée par Me Silvia SAPPA de la SELARL SC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Olivier COLLION, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMEES

Madame [Z] [C] épouse [X]

née le 05 Juin 1936 à VALENCIENNES (59), demeurant 17 boulevard des Chênes 83120 SAINTE-MAXIME

représentée par Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [K] [G] veuve [R]

née le 17 septembre 1953 à SAINT RAPHAËL (83), demeurant 101 Chemin des Virgiles 83120 SAINTE MAXIME

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Frédérique JOUHAUD

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant acte notarié reçu le 19 avril 2010, Madame [U] [G] veuve [V] a donné à bail commercial à la SARL 'VU D'ICI OPTICIEN' un local constituant le lot n° 16 d'un immeuble soumis au statut de la copropriété dénommé 'Le Suffren', situé à Sainte Maxime (83120), pour y exercer un commerce de lunetterie de détail.

Ledit bail stipule une clause de non-concurrence en vertu de laquelle : 'le bailleur s'interdit d'exploiter, directement ou indirectement, dans l'immeuble dont font partie les lieux loués, un commerce similaire à celui du preneur. Il s'interdit également de louer ou de mettre à disposition au profit de qui que ce soit tout ou partie du même immeuble pour l'exploitation d'un commerce identique à celui du preneur.'

Au décès de la bailleresse, la propriété de ce local a été transmise à Madame [Z] [C] épouse [X] en vertu d'un legs particulier.

En vertu d'une autre disposition testamentaire, la défunte a légué par ailleurs à Madame [K] [G] veuve [R] un autre local constituant le lot n° 19 de cette même copropriété, mais donnant sur une autre rue, qui était alors donné à bail commercial à Madame [F] [B] pour y exploiter un commerce de vente au détail de prêt à porter féminin.

Le 11 avril 2017, Madame [B] a cédé son droit au bail à la société OPTICAL DISCOUNT SAINTE MAXIME, avec laquelle Madame [R] a conclu un nouveau bail par acte du même jour.

Par exploits d'huissier délivrés les 22 août et 1er septembre 2017, la société VU D'ICI OPTICIEN a assigné Mesdames [Z] [X] et [K] [R] à comparaître devant le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN pour les entendre condamner solidairement à lui payer une somme principale de 77.748 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence susvisée.

Par jugement rendu le 28 mars 2019 le tribunal l'a déboutée de cette action, considérant d'une part que ladite clause n'était pas opposable à Madame [R], et que d'autre part Madame [X] n'avait pas le pouvoir de s'opposer à la conclusion d'un bail portant sur un local dont elle n'était pas propriétaire.

La requérante a été condamnée aux entiers dépens, ainsi qu'à payer à chacune des deux défenderesses la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société VU D'ICI OPTICIEN a relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 6 mai 2019 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 4 février 2020, la SARL VU D'ICI OPTICIEN fait valoir :

- que l'obligation de non-concurrence, dérivant de l'obligation de garantie, se transmet de plein droit à l'ayant-cause à titre particulier,

- que la clause litigieuse est opposable aux deux légataires, dans la mesure où elle trouve sa source dans la situation qui existait à l'époque de la signature du bail,

- que Madame [X] aurait dû intercéder auprès de Madame [R] afin de lui rappeler la portée de cette clause, tandis que cette dernière était nécessairement informée de son existence,

- que subsidiairement, pour le cas où les intimées devraient être considérées comme des tiers au contrat, l'article 1200 du code civil leur imposerait néanmoins de ne pas faire obstacle à son exécution, sous peine d'engager leur responsabilité délictuelle,

- que la clause de non-concurrence revêtait pour elle un caractère déterminant, et que sa violation affecte la valeur de son fonds de commerce,

- et qu'enfin, en tout état de cause, son action en justice n'a aucunement dégénéré en abus.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner solidairement Mesdames [Z] [X] et [K] [R] à lui payer la somme de 77.748 euros à titre de dommages-intérêts, outre les entiers dépens et une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 21 janvier 2021, Madame [Z] [C] épouse [X] soutient pour sa part :

- que le premier juge a justement considéré qu'en sa qualité de légataire à titre particulier, elle n'était tenue que des dettes et charges liées à la chose léguée,

- qu'il n'était pas en revanche en son pouvoir d'empêcher un autre légataire de donner à bail son propre bien,

- qu'au demeurant la clause de non-concurrence ne présentait pas pour la société VU D'ICI OPTICIEN un caractère déterminant, compte tenu de la concentration des commerces d'optique dans le même secteur dès avant son installation,

- et que l'inquiétude générée par la présente procédure lui cause un préjudice particulier compte tenu de son grand âge.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant de condamner l'appelante à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre les dépens et une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 4 février 2021, Madame [K] [G] veuve [R] fait valoir :

- qu'en vertu du principe de l'effet relatif des contrats désormais codifié à l'article 1199 du code civil, elle n'est pas tenue de respecter une clause de non-concurrence stipulée dans un bail auquel elle n'est pas partie,

- que le preneur ne peut exiger le respect de cette clause qu'envers son propre bailleur, et que ce dernier n'est tenu de la faire respecter que par ses propres locataires,

- que l'obligation de non-concurrence ne se transmet pas aux ayants-cause à titre particulier,

- qu'au demeurant la validité de la clause litigieuse apparaît contestable, et que le préjudice allégué n'est pas démontré.

Elle demande pareillement à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant de condamner l'appelante à lui payer une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre les dépens et une indemnité de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

DISCUSSION

Sur l'action dirigée contre Madame [X] :

Il est constant que le legs particulier reçu par Madame [Z] [X] porte sur la propriété du local constituant le lot n° 16 de l'immeuble dénommé 'Le Suffren', de sorte qu'elle a succédé à feue [U] [G] veuve [V] dans les droits et obligations du bail commercial conclu le 19 avril 2010 avec la société VU D'ICI OPTICIEN.

Toutefois, au contraire de son auteur qui était propriétaire de plusieurs lots au sein du même immeuble, elle ne peut être tenue par la clause de non-concurrence que dans l'exercice des droits qui lui ont été transmis.

Ainsi, comme l'a justement relevé le premier juge, elle ne disposait pas du pouvoir de s'opposer à la conclusion d'un bail commercial par la légataire du lot n° 19.

Il ne saurait en outre lui être fait grief de n'avoir pas 'intercédé' auprès de Madame [R] afin d'empêcher celle-ci de louer à un concurrent.

Aucune faute ne peut donc lui être imputée dans le cadre de l'exécution du contrat.

Sur l'action dirigée contre Madame [R] :

En vertu du principe de l'effet relatif des contrats édicté par l'article 1165 (ancien) du code civil, et repris à l'article 1199 nouveau du même code, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, et ne créent pas d'obligations à la charge des tiers.

C'est donc également à bon droit que le premier juge a considéré qu'en sa qualité de légataire particulier d'un autre lot que celui faisant l'objet du bail stipulant la clause de non-concurrence, Madame [R] n'était pas tenue de se conformer à celle-ci.

D'autre part, la disposition de l'article 1200 du code civil prévoyant que les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat ne saurait faire obstacle à l'exercice normal des prérogatives attachées au droit de propriété, de sorte que la conclusion par Madame [R] d'un bail avec la société OPTICAL DISCOUNT SAINTE MAXIME, sans aucune intention frauduleuse ni déloyale de sa part, ne peut constituer une faute engageant sa responsabilité délictuelle.

Sur les demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus susceptible d'entraîner une condamnation à des dommages-intérêts en application de l'article 32-1 du code de procédure civile que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi de la part de son auteur.

Tel n'est pas le cas en l'espèce de l'action introduite par la société VU D'ICI OPTICIEN, ni de l'exercice d'une voie ordinaire de recours, de sorte qu'il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a accueilli les demandes formées de ce chef par les parties adverses, et de rejeter celles formulées en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société VU D'ICI OPTICIEN à payer à chacune des deux défenderesses une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau de ce chef, déboute Mesdames [Z] [X] et [K] [R] de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société VU D'ICI OPTICIEN aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros à chacune des deux intimées au titre de leurs frais irrépétibles.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/07542
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;19.07542 ?
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