COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2022
N° 2022/323
Rôle N° RG 18/04000 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCB43
SARL INTER FRANCE
C/
[X] [C]
SARL EQUINOX
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Florence ADAGAS-CAOU
Me Caroline DUBUIS-TALAYRACH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 23 Janvier 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2016/7679.
APPELANTE
SARL INTER FRANCE
dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEES
Madame [X] [C]
née le 08 Décembre 1951 à [Localité 3] (ITALIE), demeurant [Adresse 4] (ITALIE) commerçante, ès qualité de liquidatrice amiable de la SARL EQUINOX, élisant domicile au siège social de la SARL EQUINOX, [Adresse 1],
représentée par Me Caroline DUBUIS-TALAYRACH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
SARL EQUINOX
dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son liquidateur amiable
représentée par Me Caroline DUBUIS-TALAYRACH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
Madame Agnès VADROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2022,
Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SARL EQUINOX était propriétaire d'un bien immobilier situé sur la commune de [Localité 2] qu'elle exploitait en gite.
En avril 2016, les associés de la société, Madame [C] et son époux, ont souhaité vendre l'immeuble ainsi que le fonds de commerce. Ils ont pour ce faire consenti plusieurs mandats de vente non exclusifs à des agences immobilières dont la SARL INTER FRANCE.
Ils ont réalisé la vente quelques mois plus tard sans l'intermédiaire de la SARL INTER FRANCE.
Par acte en date du 2 décembre 2016, la SARL INTER FRANCE a assigné la SARL EQUINOX et Madame [C] devant le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN aux fins de voir constater leur défaillance dans l'exécution de l'obligation qu'elles avaient contractée et de les voir condamnées au paiement d'une somme de 82 500€ à titre de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 23 janvier 2018, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a débouté la SARL INTER FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en retenant que n'ayant pas trouvé d'acquéreur au bien dont la vente lui avait été confiée par la société EQUINOX en vertu d'un mandat non exclusif, elle ne pouvait prétendre à aucun règlement. La juridiction de première instance l'a en outre condamnée à payer à la société EQUINOXE et à Madame [C] une somme de 2500€ chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par déclaration en date du 02 mars 2018, la SARL INTER FRANCE a interjeté appel de cette décision,
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 1er juin 2018, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SARL INTER FRANCE demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, de :
La DECLARER recevable en son appel
Et y faisant droit
INFIRMER en tous points le jugement entrepris
CONSTATER l'accord intervenu entre les parties
CONSTATER la mauvaise foi de la SARL EQUINOX
DIRE la SARL EQUINOX défaillante dans l'exécution de l'obligation par elle régulièrement contractée
CONDAMNER en conséquence solidairement la SARL EQUINOX et Madame [C], es qualité, au paiement de la somme de 82 500€ à titre de dommages et intérêts au profit de la SARL INTER FRANCE
DIRE que la somme de 82 500€ produira intérêt, au taux légal, à compter du 18 octobre 2016 et jusqu'à parfait paiement
CONDAMNER encore solidairement la SARL EQUINOX et Madame [C], es qualité, au paiement de la somme de 5000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, en ce compris ceux de première instance
La SARL FRANFINANCE expose que la SARL EQUINOX lui a confié dans le cadre d'un mandat signé le 1er avril 2016, la vente de l'immeuble et du fonds de commerce dont elle était propriétaire; que cette dernière a sollicité, au regard de la nature du bien, des prestations spécifiques, lesquelles n'entraient plus dans la mission habituelle d'un agent immobilier mais correspondait à un travail particulier exécuté par une société au profit d'une autre société et se trouvant par conséquent hors du champ d'application de la loi HOGUET.
Elle fait valoir que le 29 avril 2016, [X] et [N] [C] ont adressé, à partir de l'adresse mail de la société EQUINOX, un courriel indiquant vous pouvez nous faire confiance que nous vous dirigeons toutes les personnes qui nous contactent directement.
L'appelante en déduit, qu'à compter de cette date, sont nées de nouvelles obligations contractuelles réciproques, la SARL INTER FRANCE s'engageant à un travail spécifique outrepassant sa mission classique d'agent immobilier et la SARL EQUINOX s'engageant à diriger vers elle tout acquéreur potentiel la contactant directement.
Elle soutient, sur le fondement de l'article 1271 du code civil, qu'il y a eu novation dans la relation contractuelle liant les parties dont les obligations respectives ont été modifiées au fil du temps.
A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'une nouvelle relation commerciale est née entre les deux sociétés.
Elle considère qu'en écartant finalement la SARL INTER FRANCE de la conclusion de la vente du bien immobilier lui appartenant, la SARL EQUINOX a violé l'accord conclu et doit dès lors en application de l'article 1142 ancien du Code Civil lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice qu'elle évalue à la somme de 82 500€ augmentée des intérêts légaux.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 20 décembre 2021, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SARL EQUINOX et Madame [C] demandent à la cour, au visa de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, du décret n°72-678 du 20 juillet 1972, des articles 1134 et 1382 du code civil, de:
CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a débouté INTER FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions et l'a condamné aux dépens de première instance
DIRE ET JUGER qu' INTER FRANCE ne peut prétendre à aucune somme à quelque titre que ce soit
REFORMER le jugement de première instance en ce qu'il n'a que partiellement fait droit aux demandes des intimés de dommages et intérêts et de paiement des intérêts sur lesdites sommes
CONDAMNER INTER FRANCE à payer la somme complémentaire de:
-7000€ à titre de dommages et intérêts outre les intérêts à compter du prononcé de l'arrêt à Madame [X] [C]
-11 000€ à titre de dommages et intérêts outre les intérêts à compter du prononcé de l'arrêt à la SARL AQUINOX
-5 000€ à chacun des intimés au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-CONDAMNER INTER FRANCE aux entiers dépens d'appel
Les intimés relèvent à titre liminaire que les conventions passées entre un agent immobilier et son client sont exclusivement réglementée par la loi HOGUET; qu'il s'agit de dispositions d'ordre public auxquelles il ne peut être dérogé.
Elles font valoir qu'il résulte clairement du mandat qu'elles ont signé avec la SARL INTER FRANCE, lequel est conforme aux dispositions de l'article 6 de ladite loi, que les honoraires ne sont dues à INTER FRANCE que dans l'hypothèse où il trouve acquéreur pour le bien.
Elles contestent le fondement juridique de la demande formée par la SARL INTER FRANCE disant réclamer la simple application du mandat et de la loi, en rappelant au visa de l'article 6 de la loi Hoguet que seul un mandat ouvre droit à une rémunération sur le fondement contractuel et que selon l'article 73 al 1 du décret dit HOGUET un agent immobilier ne peut demander d'autre rémunération ou commission que celle dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat.
Elles ajoutent que pour prétendre à cette rémunération l'intervention de l'agent immobilier doit être déterminante c'est à dire correspondre à une entremise se caractérisant par le fait de trouver l'acquéreur et de mener à bien les négociations, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La SARL EQUINOX et Madame [C] contestent toute faute qui leur serait imputable dans le cadre de l'exécution du mandat.
Elles contestent également l'existence d'une novation rappelant sur le fondement de l'article 1273 du code civil ancien, que celle-ci ne se présume pas. Elles indiquent qu'outre le fait qu'elles n'aient jamais demandé de prestations spécifiques à INTER FRANCE à qui il appartenait de mettre en oeuvre les moyens qu'elle estimait adaptés pour vendre le bien, que le mail du 29 avril 2016 dont il est argué n'est que l'application du mandat d'origine, l'inverse revenant à considérer qu'elle consentait à INTER FINANCE une exclusivité.
Les intimées soulèvent, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'elle avait donné une telle exclusivité, que le mail du 29 avril 2016 ne remplit pas les conditions de forme de l'article 6 de la loi HOGUET ouvrant droit à une rémunération ou une indemnisation sur le fondement contractuel.
A titre infiniment subsidiaire, les intimées font valoir qu'aucune rémunération de quelque nature que ce soit n'est due si le mandant conclu entre les parties est entaché de nullité et que tel est le cas en l'espèce en ce que:
-il stipule une durée irrévocable de 24 mois et un préavis de 15 jours, l'article 78 du décret HOGUET prévoyant une irrévocabilité maximum de 3 lois et un préavis de 15 jours
-il n'y a pas autant d'originaux que de parties
-les conditions de détermination du prix ne sont pas précisées
La SARL EQUINOX et Madame [C] demandent la condamnation de la SARL INTERFRANCE à lui verser la somme de 7000€ en réparation du préjudice subi.
Elles sollicitent également sa condamnation au paiement d'une somme de 11 000 pour procédure abusive.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable à l'espèce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Il n'est pas contesté que la SARL EQUINOXE et la SARL INTER FRANCE ont signé un mandat non exclusif de vente enregistré sous le numéro V6476 et ainsi libellé:
«'le mandant confère au mandataire, qui accepte, mandat sans exclusivité de vendre les biens ci-après désigné aux prix charges et conditions du mandat'...
...en cas de réalisation de l'opération avec un acheteur présenté par le mandataire ou un mandataire substitué ou dirigé vers lui, le mandataire aura droit à une rémunération à la charge du mandat d'un montant de 5%TTC du prix de vente tel que fixé par la clause de prix'».
Il se déduit des termes de ce mandat, conforme à la réglementation issue de la loi Hoguet, que la rémunération du mandataire est conditionnée à la réalisation de l'opération de vente avec un acquéreur trouvé par ses soins.
Il n'est pas contesté que Monsieur [Z], acquéreur du bien objet du mandat, n'a pas été trouvé par la SARL INTER FRANCE, laquelle n'a donc pas eu une intervention déterminante dans la réalisation de l'opération.
Il n'est pas davantage contesté que le mandat susvisé ne donnait aucune exclusivité à la SARL INTER FRANCE.
Il en résulte que la SARL INTER FRANCE ne peut prétendre à aucune rémunération au titre du mandat de vente signé avec la SARL EQUINOXE.
Il ne peut être valablement soutenu l'existence d'une novation dans la relation contractuelle liant les parties dont les obligations respectives auraient été modifiées au fil du temps ou d'une nouvelle relation commerciale née entre les deux sociétés, au regard du caractère d'ordre public des règles régissant les relations entre un agent immobilier et son client lesquelles requièrent l'existence d'un mandat conforme. Il sera en outre relevé que la preuve de l'existence d'un nouvel accord entre les parties n'est aucunement rapportée.
C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce de DRAGUIGNN a débouté la SARL EQUINOXE de l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande de dommages et intérêts
Les intimés demandent à la cour de réformer le jugement de première instance en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs demandes de dommages et intérêts et sollicitent la condamnation de la SARL INTER FRANCE à payer les sommes supplémentaires de 7000€ à Madame [C] et de 11000€ à la SARL EQUINOXE à titre de dommages et intérêts outre les intérêts à compter du prononcé de l'arrêt.
C'est par une juste appréciation en fait et en droit que les premiers juges soulignant le caractère injustifiée de la procédure initiée par un professionnel de l'immobilier ont fixé à 2500€ le montant des dommages et intérêts à verser à chacune des intimés.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SARL INTER FRANCE qui succombe sera condamnée aux dépens.
Elle se trouve ainsi infondée en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à Madame [C] et à la SARL EQUINOX l'intégralité des frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
La SARL INTER FRANCE sera condamnée à leur verser à chacune la somme de 5 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN le 23 janvier 2018
DECLARE la SARL INTER FRANCE infondée en des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL INTER FRANCE à payer à Madame [X] [C] la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL INTER FRANCE à payer à la SARL EQUINOXE la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL INTER FRANCE aux dépens.
LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE,