COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 19 MAI 2022
N° 2022/ 223
Rôle N° RG 20/07653 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGE52
[T] [V]
C/
[J] [I]
[X] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-Philippe PAZZANO
Me André BAYOL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de menton en date du 21 Juillet 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1120-4.
APPELANT
Monsieur [T] [V]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020-10424 du 29/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le 20 Juin 1989 à TOULOUSE (31), demeurant 3 Chemin SORGENTINO - 06300 Nice
représenté par Me Jean-Philippe PAZZANO, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [J] [I]
né le 12 Octobre 1965 à DESERTINES (03), demeurant GENDARMERIE DE MENTON - 1 Montée du Lutetia - 06500 MENTON
représenté par Me André BAYOL, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [X] [H]
né le 14 Juillet 1965 à SALLANCHES (74), demeurant 420 Route de Grenoble - 06200 NICE
représenté par Me André BAYOL, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022,
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte d'huissier des 10 et 11 décembre 2019, M. [T] [V] a fait citer M. [J] [I] et M. [X] [H] aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer les sommes de 500 euros pour la contravention intervenue dans des conditions manifestement illégales et 4 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec exécution provisoire.
Par jugement contradictoire du 21 juillet 2020, le Tribunal de proximité de Menton a statué ainsi:
- DEBOUTE Monsieur [J] [I] et Monsieur [X] [H] de l'exception de
nullité soulevée ;
- DIT que l'assignation délivrée les 10 et 11 décembre 2019 n'est pas affectée par la nullité ;
- DEBOUTE Monsieur [T] [V] de l'ensemble de ses demandes ;
- DEBOUTE Monsieur [J] [I] et Monsieur [X] [H] de leur demande
d'indemnisation pour procédure abusive ;
- DIT n'y avoir lieu en l'état à amende civile ;
- CONDAMNE Monsieur [T] [V] à payer à Monsieur [J] [I] la
somme de 900 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE Monsieur [T] [V] à payer à Monsieur [J] [X] [H] la somme de 900 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes contraires à la présente décision ;
- CONDAMNE Monsieur [T] [V] aux dépens ;
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Ledit jugement motive ainsi sa décision :
- l'assignation du requérant est fondée en droit et, compte tenu de sa date, respecte l'article 56 du code de procédure civile alors en vigueur et ce alors que les défendeurs ne font la preuve d'aucun grief.
- le requérant a été condamné définitivement à une peine d'amende de 500 euros pour une conduite sans permis dans le cadre d'une composition pénale dont il a accepté tant le principe de la culpabilité que de la sanction ; qu'il n'a alors pas soulevé de nullité pour vice de procédure, ce qui lui aurait permis de faire valoir ses revendications devant le Tribunal de police.
Ce dernier ne prouve pas l'abus de droit commis par des gendarmes qui ont agi de toute évidence dans le cadre de leurs prérogatives de police routière, à savoir en procédant au contrôle du permis de conduire de l'intéressé et en lui enjoigant de les suivre pour investiguer plus au fond dans leurs locaux.
Selon déclaration du 12 août 2020, M. [V] a relevé appel de cette décision en demandant la réformation entière de cette dernière.
Il est ainsi mentionné expressément que 'la décision contestée fait une mauvaise interprétation des articles 78-2 et 78-6 du code de procédure pénale, l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, 223-1 du code pénal et l'article L. 325-1 du code de la route avec pour résultat l'exclusion au plus grand détriment de M. [V] de la responsabilité délictuelle pourtant parfaitement engagée des défendeurs, tous deux gendarmes de profession ayant outrepassé leur fonction (commission par eux d'infractions pénales). Le montant des demandes indemnitaires en appel sera augmenté et porté à une somme non inférieure à 10000 euros. L'appelant pourra contester l'absence incompréhensible de reconnaissance de la responsabilité délictuelle pourtant parfaitement engagée de MM. [I] et [H]. Il ne pourra qu'être qu'en violation des dispositions du code pénal sur la mise en danger de la vie d'autrui les gendarmes précité ont exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Leur responsabilité extracontractuelle ou délictuelle est parfaitement engagée'.
Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2020, M. [V] demande de voir :
- DIRE ET JUGER, que Monsieur [V] est parfaitement recevable à présenter le présent recours fondé quand à la recevabilité tant sur la forme que sur le fond.
- REFORMER EN SA TOTALITE le jugement attaqué en ce que la juridiction de première instance en ce que Monsieur [V] a dans le cadre d'une procédure dont il ne comprenait alors pas la portée juridique et alors qu'i1 contestait l'existence de l'infraction réglé une contravention d'un montant de 500 euros dans le cadre d'agissements illégaux commis par les gendarmes Messieurs [I] et [H].
- DE DIRE ET JUGER, que les gendarmes Messieurs [J] [I] et [X] [H] ont ainsi engagé leur responsabilité personnelle (faute détachable du service) à 1'occasion de l'interpellation du 12 décembre 2014 à Menton en cormmettant des infractions pénales poursuivies dans le cadre d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par Monsieur [V].
- CONSTATER que les gendarmes Messieurs [I] et [H] ont engagé ce faisant leur responsabilité délictuelle en causant un dommage à Monsieur [V].
- JUGER que cette situation est pour Messieurs [I] et [H] constitutive d'une
faute délictuelle qui engage leur responsabilite délictuelle et en conséquence condamner solidairement Messieurs [I] et [H] à verser à Monsieur [V] la somme de
6 200 euros au titre du préjudice moral par lui subi.
- DIRE ET JUGER EN CONSEQUENCE que le préjudice moral parfaitement indemnisable subi par Monsieur [V] est certain et qu'il est en lien direct avec les faits exposés ;
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT Messieurs [J] [I] et [X] [H] à verser à Monsieur [V] [T] la somme de 500 euros pour la contravention intervenue dans ces conditions manifestement illégales.
- CONDAMNER SOLIDAIREMENT Messieurs [J] [I] et [X] [H] à verser à Monsieur [V] [T] la somme de 6 200 euros au titre du préjudice moral par lui subi.
- CONDAMNER Messieurs [J] [I] et [X] [H] aux entiers dépens.
Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [V] soutient que le 12 décembre 2014, il a été interpellé suite à la dénonciation malveillante de M. [P] par deux gendarmes de la brigade motorisée de Menton et il leur a présenté son permis de conduire centrafricain alors qu'aucune autre pièce d'identité ne lui a été demandée.
Il fait valoir que le procès-verbal d'immobilisation du véhicule est illégal car le lieu d'interpellation et celui de l'immobilisation sont différents ; qu'il a été contraint de suivre les gendarmes alors qu'il n'avait pas de permis valable ; qu'il a déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction près le Tribunal de grande instance de Nice le 8 janvier 2019 pour mise en danger d'autrui, faux en écriture publique.
Il prétend que son assignation est valable et qu'il est recevable à agir ayant payé l'amende le 4 décembre 2015 ; que la procédure relative à la contravention infligée est nulle et que l'immobilisation de son véhicule ne pouvait pas intervenir pour défaut de permis de conduire.
Selon leurs conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2021, M. [I] et M. [H] demandent de voir :
- CONFIRMER en toutes ces dispositions le jugement dont appel du 21 juillet 2020 rendu par le Tribunal de proximité de MENTON.
- DEBOUTER Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes et conclusions.
- CONDAMNER Monsieur [V] à verser 1500 euros à Monsieur [I] et 1500 euros à Monsieur [H] sur la base de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [I] et M. [H] soutiennent qu'ils ne commettent aucune faute en demandant à une personne de les suivre jusqu'au bureau de l'unité et ce sous escorte, même si elle n'a pas de permis de conduire valable.
Ils prétendent que l'appelant ne procède réellement à aucune critique du jugement attaqué ; qu'il tient des propos calomnieux ; que ce dernier aurait dû contester la procédure devant le tribunal alors qu'il a reconnu l'infraction et accepté la composition pénale.
La procédure a été clôturée le 2 mars 2022.
MOTIVATION :
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En vertu de l'article 901-4° du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit mentionner les chefs du jugement expressément critiqués, auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; dès lors, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de celui-ci qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (Cass. Civ. 2è, 30 janvier 2020, n° 18-22-528 P).
Aussi, en l'absence d'énoncé exprès des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel, celle-ci n'étant ni caduque, ni nulle mais privée d'effet dévolutif, la cour d'appel reste susceptible d'être saisie des demandes formées par l'intimé dans le cadre d'un appel incident si celui-ci a été formé dans le délai de l'appel principal.
En l'espèce, M. [V] a interjeté appel du jugement du 21 juillet 2020 rendu par le Tribunal de proximité de Menton, par déclaration du 12 août 2020.
Sa déclaration d'appel est ainsi libellée : 'la décision contestée fait une mauvaise interprétation des articles 78-2 et 78-6 du code de procédure pénale, l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, 223-1 du code pénal et l'article L. 325-1 du code de la route avec pour résultat l'exclusion au plus grand détriment de M. [V] de la responsabilité délictuelle pourtant parfaitement engagée des défendeurs, tous deux gendarmes de profession ayant outrepassé leur fonction (commission par eux d'infractions pénales). Le montant des demandes indemnitaires en appel sera augmenté et porté à une somme non inférieure à 10000 euros. L'appelant pourra contester l'absence incompréhensible de reconnaissance de la responsabilité délictuelle pourtant parfaitement engagée de MM. [I] et [H]. Il ne pourra qu'être qu'en violation des dispositions du code pénal sur la mise en danger de la vie d'autrui les gendarmes précité ont exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Leur responsabilité extracontractuelle ou délictuelle est parfaitement engagée. La décision de première instance doit être entièrement réformée'.
Ainsi, dans son acte d'appel, l'appelant ne précise pas expressément les chefs du jugement qu'il entend critiquer en se référant textuellement au dispositif de cette décision, que ce soit sur la question du rejet de l'annulation de son assignation, sur le débouté de sa demande indemnitaire à hauteur de la somme de 6200 euros ou sur celle de sa condamnation aux frais irrépétibles, à la demande des intimés.
Il se livre, en réalité, au sein de sa déclaration d'appel, à une critique générale du jugement déféré en faisant état de moyens qui n'auraient leur place que dans les motifs de conclusions d'appel et non dans un acte d'appel, dont le seul objet est de délimiter la saisine de la Cour en listant, avec précision, les critiques des chefs du jugement déféré afin d'opérer dévolution de celles-ci.
Des considérations fondées sur des prétendues violations de textes de nature pénale n'ont pas leur place dans une déclaration d'appel formée à l'encontre d'un jugement rendu par une juridiction civile et fondé sur des dispositions purement civiles.
Ainsi, la déclaration d'appel de M. [V] en date du 12 août 2020 n'étant pas conforme aux articles 562 et 901-4° précités et n'ayant pas été complétée par une seconde déclaration d'appel conforme, il convient de constater que son appel n'a pas régulièrement saisi la Cour de ses prétentions.
Par conséquent, il convient de considérer comme définitif le jugement déféré en toutes ses dispositions à défaut d'être saisi par un appel incident dans les délais de l'appel principal, les intimés n'ayant pas formé d'appel incident dans leurs conclusions notifiées par le RPVA le 26 janvier 2021.
Dans ce cas, i ne saurait donc être examiné la demande faite par les intimés au titre des frais irrépétibles d'appel.
L'appelant sera néanmoins condamné aux dépens de la présente procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :
CONSTATE que la déclaration d'appel de M. [T] [V] est dépourvue de tout effet dévolutif et ne saisit pas valablement la Cour ;
En conséquence, RAPPELLE que le jugement déféré est définitif en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE M. [T] [V] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,