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19/05/2022 | FRANCE | N°20/04870

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 19 mai 2022, 20/04870


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2022



N° 2022/ 233













Rôle N° RG 20/04870 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF2TH







S.A. 3F SUD (VENANT AUX DROITS DE LA SA LOGEO MEDITERRA NEE)





C/



[U] [G] épouse [Y]























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IM

PERATORE





Me Jennifer GABELLE-CONGIO

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 16 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-18-0848.





APPELANTE



S.A. 3F SUD (VENANT AUX DROITS DE LA SA LOGEO M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2022

N° 2022/ 233

Rôle N° RG 20/04870 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF2TH

S.A. 3F SUD (VENANT AUX DROITS DE LA SA LOGEO MEDITERRA NEE)

C/

[U] [G] épouse [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Me Jennifer GABELLE-CONGIO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 16 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-18-0848.

APPELANTE

S.A. 3F SUD (VENANT AUX DROITS DE LA SA LOGEO MEDITERRA NEE) Société Anonyme d'Habitations à Loyer Modéré, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant 72 Avenue de Toulon - 13006 MARSEILLE

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Michel PEZET de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MICHEL PEZET ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Alban RICHEBOEUF, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

Madame [U] [G] épouse [Y]

née le 06 Avril 1969 à MARSEILLE (13), demeurant 173 rue séguret - 84530 VILLELAURE

représentée par Me Jennifer GABELLE-CONGIO de l'AARPI O.G.C, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 28 novembre 2005, la société HLM SUD HABITAT a donné à bail à Mme [U] [G] un logement situé Les Genêts, Bâtiment A, appartement 002, 13240 Septème les Vallons, moyennant un loyer mensuel initial révisable de 595 euros, outre 121,47 euros de provisions sur charges, moyennant un dépôt de garantie de 595 euros.

Par acte sous seing privé de la même date, la société HLM SUD HABITAT également a donné à bail à Mme [U] [G] un garage n°30 moyennant un loyer mensuel initial révisable de 21,62 euros.

Un avenant a été signé le 1er septembre 2012 suite au mariage de Mme [G] avec M. [M] [Y].

En octobre 2012, Mme [Y] née [G] a signalé au bailleur des désordres présentés par son logement et a également effectué une déclaration de sinistre le 27 octobre 2012 auprès de la MACIF, son assureur.

A compter de cette période, la locataire a fait réaliser deux constats d'huissier faisant notamment état de nombreuses traces d'infiltrations et d'humidité, le 25 juillet 2013 et le 26 novembre 2014.

A la demande de la SA SUD HABITAT, par décision contradictoire du 3 mars 2015, le juge des référés du Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a ordonné une expertise et désigner M. [F] pour y procéder, afin notamment d'examiner et décrire les désordres dénoncés par la locataire, d'en rechercher les causes, l'origine et d'en donner la nature ainsi que de donner un avis sur les préjudice subis.

La consignation de 1000 euros à titre d'avance sur les frais d'expertise judiciaire n'a pas été consignée dans le délai fixé par la SA SUD HABITAT.

Le 27 août 2015, Mme [Y] née [G] a subi un nouveau dégât des eaux, déclaré auprès de la MATMUT.

Par ordonnance contradictoire du 9 juin 2015, le juge des référés de la même juridiction a ordonné la suspension du paiement des loyers d'un montant de 692,70 euros dus par Mme [Y] et ce jusqu'à la réalisation des travaux permettant la remise aux normes du logement ainsi que la consignation de ces sommes sur le compte CARPA du conseil de la requérante, a condamné le bailleur à la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais des constats d'huissier des 25 juillet 2013 et 26 novembre 2014.

Les travaux ont été réalisés pendant les mois de février, mars et mai 2017 par la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT.

L'état des lieux de sortie a été établi contradictoirement entre les parties le 6 février 2017.

Le rapport d'expertise a été déposé le 6 janvier 2018.

Par acte du 16 mai 2018, Mme [Y] a saisi le Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence aux fins de voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société LOGEO MEDITERRANNE, venant aux droits de la SA SUD HABITAT, aux sommes de 37605 euros au titre de son préjudice de jouissance, 6893,80 euros au titre de son préjudice matériel, 15000 euros au titre de son préjudice moral, 10000 euros au titre de la résistance abusive ainsi qu'à la somme de 2000 euros de frais irrépétibles.

Ayant saisi parallèlement le Tribunal d'instance en référé, par acte du 17 septembre 2018, ce dernier, par ordonnance contradictoire du 8 janvier 2019, a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'une partie des demandes de la requérante soulévée par la société LOGEO MEDITERRANEE,

- accordé à la requérante la somme provisionnelle de 8000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et son préjudice moral,

- condamné la défenderesse à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens du référé.

Par jugement contradictoire du 16 décembre 2019, le Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a statué en ces termes :

- CONDAMNE la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT à payer à Mme [U] [Y] la somme de 37 500 euros à titre de préjudice de jouissance,

- DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

- CONDAMNE la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT à payer à Mme [U] [Y] la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- CONDAMNE la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT à payer à Mme [U] [Y] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT aux entiers dépens,

- ORDONNE la déconsignation des loyers sur le compte CARPA et AUTORISE Mme [U]

[Y] à prélever ces sommes en règlement des condamnations mises à la charge de la

SOCIETE LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT,

- DEBOUTE les parties de tout autre demande plus ample ou contraire,

- ORDONNE 1'exécution provisoire du présent jugement.

Ledit jugement se fonde sur l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 et le décret du 30 janvier 2002 et sur le rapport d'expertise qui confirme les désordres apparus dans le logement loué déjà identifiés lors des déclarations de sinistre des 27 octobre 2012 et 27 avril 2015, et constatés selon trois constats d'huissier des 25 juillet 2013, 9 août 2013 et 26 novembre 2014.

Il relève que l'apparition des désordres remonte au dernier trimestre 2007 et l'existence de désordres relatifs à des infiltrations d'eau constitue bien un préjudice de jouissance réel et intolérable, selon les termes de l'expert judicaire ; que la société bailleresse a reconnu l'existence de désordres qui ont existé de fin 2007 au 3 février 2017, jour du départ de la locataire, reconnaissance qui fait échec à la prescription.

Il évalue le préjudice de jouissance de cette dernière à 50% du loyer mensuel sur cette période et rejette les demandes faites au titre des préjudices matériels, la requérante n'établissant pas le lien direct entre le sinistre et les dommages invoqués.

Le bailleur social a fait preuve d'inaction dont s'est plaint l'expert judiciaire et alors que Mme [Y] est handicapée et a trois jeunes enfants à charge.

Par déclaration du 19 mai 2020, la SA 3F SUD venant aux droits de la SA LOGEO MEDITERRANNEE a relevé appel de cette décision en toutes ses condamnations.

Selon ordonnance du 23 février 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré sans objet la demande de la SA 3F tendant à voir débouter Mme [Y] de sa demande de radiation et rejeté la demande de Mme [Y] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2021, la SA 3F SUD venant aux droits de la société LOGEO MEDITERRANEE demande de voir :

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [Y] de sa demande de condamnation au titre du préjudice matériel et de sa demande de condamnation au titre du préjudice moral ;

- REFORMER le jugement entrepris pour le surplus ;

- Et, statuant à nouveau :

DEBOUTER Madame [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et manquement contractuel ;

- RAMENER à de plus justes proportions la demande formée au titre du préjudice de jouissance initialement évaluée à la somme de 13.162,86 euros par Madame [Y] au mois de janvier 2018 ;

- DEBOUTER Madame [Y] de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- PARTAGER les dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Pierre-Yves IMPERATORE, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

Selon ses dernières conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société 3F SUD soutient que sans contester le principe du préjudice de jouissance, l'intimée a augmenté considérablement ses demandes indemnitaires, les ayant précédemment fixées à la somme des loyers consignées soit 13162,86 euros, et ce alors qu'elle a quitté les lieux depuis le 3 février 2017 ; que les désordres relatifs à des infiltrations d'eau sont très localisés dans l'appartement ne le rendant nullement inhabitable ; qu'ils n'ont pas débuté en janvier 2008 mais leur apparition ne peut être fixée avant le constat d'huissier du 25 juillet 2013 et qu'ils sont également très circonscrits en terme de durée (période de chauffe pour l'installation de chauffage et période de pluie pour l'étanchéité).

Elle fait valoir que n'est pas justifiée la demande de voir fixer l'indemnisation du préjudice de jouissance à 50% des loyers ; qu'il en est de même de sa prétendue résistance abusive et des préjudices matériels invoquées par l'intimée et que ses demandes sont en partie prescrites du fait de la prescription quiquennale.

Elle prétend que de même le préjudice moral invoquée par Mme [Y] n'est pas démontré.

Selon ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 16 février 2022, Mme [Y] demande de voir :

- CONFIRMER LE jugement en date du 16 décembre 2019 en ce qu'il a :

*CHIFFRÉ le préjudice de jouissance de Madame [Y] à la somme de 37.500 euros,

*CHIFFRÉ l'indemnité due au titre de la résistance abusive à la somme de 4.000 euros

- REFORMER lé décision pour le surplus, et STATUANT à nouveau

- ACCUEILLIR MADAME [Y] EN SES DEMANDES :

- CONDAMNER la société 3F SUD venant aux droits de la société LOGEO MEDITERRANEE au paiement de :

- 37.500 € en réparation du préjudice de jouissance

- 1.604,19 € en remboursement du matériel racheté

- 1.144,30 € en indemnisation de la perte de matériel électroménager

- 2.094,94 € en remboursement des travaux d'embellissements réalisé en pure perte

- 156,69 € en remboursement des frais de déménagement

- 1.078,61 € en solde des sommes dues par LOGEO à Madame [Y]

- 93,81 € en restitution d'un trop perçu de loyer et de charges pour le mois de février 2017

- 309,67 € + 85 € + 496,17 € en remboursement des frais avancés par Madame [Y]

- 15.000 € au titre du préjudice moral

- 4.000 € au titre de la résistance abusive

- LA CONDAMNER au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- DEBOUTER la société 3F SUD de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [Y] soutient que l'expert a informé le tribunal de l'inertie de la société bailleresse par lettre du 8 décembre 2016, qui a fait preuve de résistance abusive.

Elle fait valoir qu'elle n'a pu jouir paisiblement des lieux loués depuis septembre 2007, date de sa première déclaration de sinistre, la société bailleresse étant nécessairement informée dès cette époque alors qu'elle n'a effectué les travaux qu'en février, mars et mai 2017.

Elle soutient que l'appartement en son entier subissait des infiltrations et présentait de nombreuses fissures ; que son électroménager a été détérioré ; qu'il existait des risques pour les personnes ; qu'elle ne disposait pas des ressources lui permettant d'accéder au parc locatif privé. Elle estime que son indemnisation ne saurait être inférieure à une remise de 50 % des loyers payés.

Concernant ses préjudices matériels, elle invoque avoir perdu plusieurs appareils électroménagers, sans compter la perte d'autres biens meubles et la réfection de peintures à deux reprises ; qu'elle a payé un trop perçu de charges, que le dépôt de garantie ne lui a jamais été restitué, qu'elle a dû engager des frais d'huissier.

Quant à son préjudice moral, elle n'a reçu aucun soutien pendant ces dix années de trouble de jouissance alors qu'elle était dans l'impossibilité matérielle de se reloger ; qu'elle a subi des troubles comme le stress ou un rententissement psychologique.

La procédure a été clôturée le 23 février 2022.

MOTIVATION :

Sur le préjudice de jouissance de la locataire :

L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...).

Il est obligé d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations autres que locatives nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des lieux loués.

Le décret du 30 janvier 2002, auquel fait référence l'article 6 précité, précise que les caractéristiques du logement décent sont les suivantes :

- 'Le logement doit satisfaire aux condtions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des lcoataires :

1. Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protége les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. (...)

En l'espèce, si le principe de l'existence d'un préjudice de jouissance invoqué par la locataire n'est pas contesté par le bailleur, il en discute le quantum.

Aussi pour indemniser à sa juste valeur le préjudice subi par Mme [Y] née [G], il convient d'évaluer la durée, l'étendue et la gravité du trouble de jouissance supportée par cette dernière du fait du manquement de la société 3FSUD, venant aux droits de la SA LOGEO MEDIETRRANEE, à ses obligations contractuelles.

Il résulte des pièces versées aux débats que si en octobre 2012, Mme [Y] a déclaré un sinistre auprès de son assureur de l'époque, la MACIF, elle avait déjà fait la même démarche dès le 5 septembre 2007, puis le 14 janvier 2008 et le 9 janvier 2009 en déclarant à chaque fois un dégât des eaux.

Or, par lettre manuscrite du 23 mars 2018, Mme [W] [N] indique qu'en sa qualité de présidente de l'amicale des locataires des Genêts, elle a constaté à plusieurs reprises des infiltrations aux plafonds dans l'appartement de l'intimée en particulier en janvier 2008, dues à la négligence des voisins du dessus. Elle précise que son bailleur a été tenu au courant dès la première infiltration de janvier 2008.

Les désordres ont persisté puisque un peu moins de 4 ans après ce premier sinistre, le bailleur a

adressé en date du 18 octobre 2012 une lettre à Mme [Y] indiquant notamment que 'M. [L] se rendra chez vous accompagné d'un prestataire de service, afin de constater les désordres et prendre les mesures qui s'imposent'.

Il a, de plus, été réalisé un constat d'huissier le 9 août 2013 à la demande du bailleur chez M et Mme [Y] faisant état de traces d'infiltrations dans l'angle gauche du plafond à l'entrée avec une peinture écaillée de manière importante (avec le béton apparent), dans une chambre, il existe une trace d'infiltration jaunâtre et la peinture se décroûte, s'écaille, qu'il en est de même dans la salle de bains. Il est également noté que dans la chambre d'enfant, sont présentes des traces de coulure d'eau sur le pan du mur droit, une fissuration au niveau de l'angle sud ouest de la salle à manger.

Or, des constatations similaires ont déjà étaient faites selon procès-verbal d'huissier du 25 juillet 2013 et confirmé pour partie par un autre constat du 26 novembre 2014, touts deux établis à la requête de la locataire.

Il résulte de ces constatations que les traces d'humidité et de moissures ainsi que les infiltrations d'eau ou encore les fissurations et décollements du plâtre et tapisserie sont présentes dans la quasi-totalité des pièces de l'appartement et sont donc généralisées à l'ensemble des lieux loués, au contraire des allégations du bailleur.

De même, les constats susvisés ont été effectués à des périodes différentes de l'année, aussi bien en été qu'en hiver, et ne sont pas circonscrits dans leur durée en fonction des saisons comme l'affirme la société SA 3 F SUD.

Or ces constats sont confirmés par le rapport d'expertise judiciaire déposé le 6 janvier 2018, suite à deux accédits des 7 octobre 2015 et 22 juin 2016.

L'expert indique clairement : 'que compte tenu des infiltrations répétées à partir de la terrasse des locataires du dessus (consorts [K]) ainsi que de leur installation de chauffage et de leur jardinière, dont les stigmates ont été constatés dans l'appartement des époux [Y] et compte tenu de la durée de la présence de ces infiltrations dans le temps, sans qu'aucune mesure de réparation ne soit engagée pour les faire cesser, jusqu'au mois de décembre 2016, date de la signature des bons de travaux, nous pouvons conclure que ces derniers ont subi un préjudice de jouissance'.

En effet, s'il résulte des débats que les premiers désordres peuvent être fixés en janvier 2008, les travaux de reprise et de remise en état n'ont été réalisés qu'après le départ de la locataire début février 2017, soit 9 années après l'apparition des premiers désordres.

Il est à relever que si dans les motifs de ses conclusions d'appel, la SA 3F SUD évoque la question de la prescription, il ne soulève pas comme fin de non-recevoir dans le dispositif des ses écritures.

En outre, par deux lettres adressées aussi en copie au Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence en octobre et décembre 2016, l'expert judiciaire a dû rappeler à la SA SUD HABITAT la nécessité de procéder aux travaux proposés par elle dès l'accédit du 7 octobre 2015 alors que Mme [Y] se plaignait toujours d'infiltrations d'eau dans son appartement en octobre 2016.

Dans sa lettre du 8 décembre 2016, l'expert écrit d'ailleurs expressément au bailleur que 'les préjudices de jouissance dont sont victimes Mme et M. [Y] sont réels et intolérables'.

D'ailleurs, il est à souligner que la résistance dont le bailleur a fait preuve dans la réalisation des travaux, dont il ne conteste pas la nécessité, n'a pu que contribuer à l'augmentation de la demande d'indemnisation de Mme [Y] souhaitant voir réparer son entier préjudice qui s'est poursuivi dans la durée.

Ainsi, il est incontestable que le trouble de jouissance subi par Mme [Y] pendant 9 années est important dans sa durée, dans son nature et son étendue.

En effet, l'humidité permanente de la très grande majorité des pièces du logement et les dégâts des eaux récurrents sont sources d'atteinte à la santé et à la sécurité des occupants et dégradent inévitablement leurs conditions de vie.

Sans rendre les lieux inhabitables, ces désordres ont nettement diminué la jouissance normale que la locataire était raisonnablement en droit d'attendre de la location d'un logement de cette nature.

Ainsi, l'appréciation faite par le premier juge pour évaluer le préjudice de jouissance à 50 % des loyers mensuels dus pendant 9 années devra être confirmée.

Par conséquent, la demande de Mme [Y] à hauteur de la somme de 37 500 euros au titre de son préjudice de jouissance est bien-fondée et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société SUD HABITAT à lui payer la somme de 37500 euros ce titre, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.

Il convient de préciser que la la somme de 37500 euros inclut la provision de 8000 euros décidée par l'ordonnance de référé du Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence le 8 janvier 2019.

Sur le préjudice moral :

Au soutien de sa demande indemnitaire de 15 000 euros à titre de préjudice moral, Mme [Y] invoque avoir dû vivre avec des tracas quasi-quotidiens alors qu'elle est invalide et élevait ses trois enfants.

Elle invoque également le fait de vivre dans un appartement délabré avec angoisse alors qu'elle était dans l'impossibité matérielle de se reloger compte tenu de ses faibles ressources.

Cependant, au contraire de ce qu'elle prétend, les dommages invoqués à ce titre sont déjà indemnisés par le préjudice de jouissance qui consiste également en un préjudice moral et le principe de la réparation intégrale interdit d'indemniser deux fois le même poste de préjudice.

En outre, elle n'apporte aucun élement permettant d'établir un état de stress particulier et des troubles psychologiques spécifiques occasionnés par l'indécence de son logement vécue pendant 9 années.

Par conséquent, Mme [Y] sera déboutée de ce chef de demande.

Il convient ainsi de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les préjudices matériels :

En vertu de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

La locataire invoque avoir effectué des travaux d'embellissement en pure perte compte tenu des dégâts des eaux qui sont intervenus après dans le logement et en demande le remboursement.

Cependant, les seuls éléments produits au soutien de cette prétention consiste en un devis établi par la société RELIEF 3 le 20 octobre 2014 pour des travaux qui auraient été réalisés en 2006 par l'intimée.

Or, ce document établi près de huit années après la prétendu réalisation des travaux n'est pas une facture et ne permet donc pas de s'assurer que Mme [Y] a effectivement dépensé la somme de 2049,94 euros pour effectuer lesdits travaux.

Sa demande étant insuffisamment fondée, elle sera rejetée.

Concernant le remplacement d'appareils ménagers, il ne saurait être fait droit à des demandes indemnitaires qui ne reposent que sur des devis sans preuve que le bien été commandé et payé.

En outre, si Mme [N] écrit le 14 octobre 2015 que suite à des dégâts des eaux en juillet 2013, elle a pu constater que le lave vaisselle et la gazinière avec four étaient hors d'usage.

Cependant, l'intimée n'établit pas avoir été victime de dégâts des eaux en juillet 2013 et la facture de l'achat du téléviseur est datée du 18 juin 2015, soit deux années après.

En outre, il n'est pas établi que les infiltrations d'eau sont bien la seule cause de la panne de son téléviseur qui avait été prétendument acheté environ dix ans auparavant, le 7 décembre 2005.

Quant au lave-vaisselle endommagé, il résulte du constat d'huissier établi le 9 août 2013 que l'officier ministériel a reçu les explications de la locataire quant à la panne présentée par son appareil électroménager suite à la vidange de l'eau de la piscine du locataire du dessus dans les conduits des eaux usées.

Ses simples constatations ne sont pas corroborées par des vérifications techniques faites par un homme de l'art et ne sauraient rapporter la preuve des dires de Mme [Y], étant précisé que le lave-vaisselle présentait lui aussi une certaine ancienneté pour avoir été acheté sept années auparavant.

De même, les pièces produites aux débats par l'intimée ne suffisent pas à établir les motifs du remplacement de la mini-chaîne, la Nintendo, le disc SAMSUNG, l'XBOX et son casque.

Ainsi, l'intimée sera déboutée de sa demande en paiement des sommes de 1604,19 euros et de 1144,30 euros.

Il en sera de même pour la somme de 156,69 euros au titre des frais de démanagement qui sont au nom de M. [M] [Y], qui n'est pas partie à la présente procédure.

Concernant le remboursement des sommes qui auraient été perçues en trop par la SA HABITAT, il convient de préciser que si l'état des lieux de sortie contradictoire du 6 février 2017 est versé aux débats, la lettre de congé, datée du 13 novembre 2016, est produite sans preuve de son envoi ou de sa réception et ne permet pas de savoir la date exacte de remise des clés, qui permet dans ce cas de matérialiser la libération effective des lieux et donc la fin du paiement des loyers et charges.

Aussi, il conviendra de retenir comme date de sortie de la locataire la date du 6 février 2017 et il ne sera donc pas fait droit à sa demande de trop perçu faite à ce titre.

Quant au compte à faire entre les parties suite à la présente décision (restitution du dépôt de garantie, régularisation de charges...), il convient de préciser qu'il sera fait dans le cadre de l'exécution de la présente, la Cour n'étant pas en mesure de calculer les sommes dues de part et d'autre en l'absence de décompte précis et complet produit par le bailleur.

Les simples affirmations de Mme [Y] ainsi que ses annotations sur les documents provenant de l'appelante ne peuvent pas non plus servir à fonder ses réclamations en l'état.

En revanche, Mme [Y] a dû engager des frais d'huissier pour faire valoir ses droits; il convient donc qu'elle en obtienne le remboursemetn dans la mesure où ils ne sont pas inclus dans les dépens.

Tel est le cas des frais du constat d'huissier du 25 juillet 2013 pour un montant de 309,67 euros et celui du 26 novembre 2014 pour un coût de 368,98 euros, les frais d'assignation et de signification de décisions étant inclus dans les dépens.

Par conséquent, la SA 3F SUD sera condamnée à payer à Mme [Y] la somme totale de 678,65 euros au titre de ses frais d'huissier non inclus dans les dépens.

Sur la résistance abusive du bailleur :

Il résulte des débats que la SA LOGEO MEDITERRANEE a fait preuve de négligence et de résistance en mettant neuf années à exécuter les travaux nécessaires pour rémédier au trouble de jouissance de Mme [Y], qu'elle ne conteste pas dans son principe.

En effet, dès le mois d'octobre 2012, le bailleur promettait à sa locataire de constater les désordres avec un professionnel et de prendre les mesures qui s'imposent. Il a en outre requis un constat d'huissier le 9 août 2013 qui relève déjà des désordres présentés par le logement.

Du fait de l'inertie du bailleur et de son absence de volonté de concilier, Mme [Y] a été contrainte d'engager de nombreux frais dans de multiples procédures judiciaires et, encore ici en cause d'appel, alors que la société 3F SUD discute essentiellement du quantum du préjudice de jouissance, comme en première instance.

L'appelante s'est non seulement abstenue de consigner dans le délai d'un mois alors qu'elle était demanderesse à la mesure d'instruction judiciaire alors que des considérations de fonctionnement ou d'organisation interne sont ici sans emport mais elle n'a pas fait diligence aux demandes de l'expert, qui a dû la relancer à plusieurs reprises pour l'envoi de devis ou la réalisation de travaux qu'elle avait même proposés de faire.

La société bailleresse, bailleur social connu, ne peut valablement soutenir que les retards pris pendant de nombreuses années dans les remèdes à apporter à l'indécence du logement loué à Mme [Y] ne lui sont en rien imputables et s'expliqueraient uniquement par la défaillance ponctuelle d'entreprises chargées de réaliser les travaux.

Il ne peut être admis que la société LOGEO MEDITERRANEE, informée très tôt des désordres importants subis par sa locataire, personne fragile avec des enfants, n'ait remédié à ceux-ci qu'au bout de neuf années et ce soit après le départ de cette dernière.

La résistance abusive est en l'espèce suffisamment caractérisée pour condamner la société 3F SUD, venant aux droits de la société LOGEO MEDITERRANEE, à payer à Mme [Y] la somme de 4000 euros, comme l'a justement décidé le premier juge.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point et aussi en ce qu'il a ordonné la déconsignation des loyers sur le compte CARPA et autorisé Mme [U] [Y] à prélever ces sommes en règlement des condamnations mises à la charge de la SOCIETE LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de faire droit à la demande de Mme [U] [Y] née [G] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'appelante sera condamnée à lui payer la somme visée au dispositif de la présente décision.

L'appelante, partie succombante à titre principal, sera condamnée aux dépens d'appel.

Enfin, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT à payer à Mme [U] [Y] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société LOGEO MEDITERRANEE venant aux droits de la société HLM SUD HABITAT aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société SA 3F SUD venant aux droits de la SA LOGEO MEDITERRANEE à payer à Mme [U] [Y] née [G] la somme de 678,65 euros au titre de ses frais d'huissier non inclus dans les dépens.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société SA 3F SUD venant aux droits de la SA LOGEO MEDITERRANEE à payer à Mme [U] [Y] née [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SA 3F SUD venant aux droits de la SA LOGEO MEDITERRANEE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 20/04870
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;20.04870 ?
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