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19/05/2022 | FRANCE | N°20/02762

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 19 mai 2022, 20/02762


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2022



N° 2022/ 217













Rôle N° RG 20/02762 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUOG







SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE





C/



[X] [V]

[S] [V]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Jacques BISTAGNE







Me Makram RIAHI de

la SCP HAMCHACHE-RIAHI















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018F01596.





APPELANTE



SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demeurant 1 Cours Antoine Guichard - 42008 SAINT ETIENNE



rep...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2022

N° 2022/ 217

Rôle N° RG 20/02762 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUOG

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

C/

[X] [V]

[S] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jacques BISTAGNE

Me Makram RIAHI de la SCP HAMCHACHE-RIAHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018F01596.

APPELANTE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE, demeurant 1 Cours Antoine Guichard - 42008 SAINT ETIENNE

représentée par Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Madame [X] [V]

née le 03 Février 1971 à LYON, demeurant 141 Avenue Saint Menet - Domaine de la Reynarde - Bât.F2 - 13011 MARSEILLE/FRANCE

représentée par Me Makram RIAHI de la SCP HAMCHACHE-RIAHI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Marine ALBRAND, avocat au barreau de MARSEILLE,

assistée de Me Chloe FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

Monsieur [S] [V]

né le 05 Juillet 1966 à PARIS, demeurant 13 B avenue Jean Campadieu - 13012 MARSEILLE/FRANCE

représenté par Me Makram RIAHI de la SCP HAMCHACHE-RIAHI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Marine ALBRAND, avocat au barreau de MARSEILLE,

assisté de Me Chloe FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2022

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 03 septembre 2012, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a consenti à Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] née [F] un mandat de co-gérance non salarié afin d'assurer la gestion et l'exploitation d'un magasin de vente au détail. Ce mandat se réfère à l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés 'gérants mandataires non salariés' du 18 juillet 1963 modifié.

La rémunération des cogérants consiste en une commission fixe sur le chiffre d'affaires réalisé par le magasin.

Les époux [V] ont accepté la gestion de la supérette 'Casino' sise 4 route des trois lucs à Marseille.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 09 novembre 2015, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a indiqué aux époux [V] envisager la résiliation du contrat de cogérance.

Le 26 novembre 2015, les époux [V] se sont vus notifier la résiliation de leur contrat de cogérance par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au motif d'un manquant de marchandises ou d'espèce, d'un excédent d'emballages et d'un résultat d'inventaire déficitaire à hauteur de 35.360, 39 euros au 28 septembre 2015.

Un inventaire a été effectué le même jour sous le contrôle d'un huissier de justice.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2016, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a mis en demeure les époux [V] à lui verser la somme de 46.211,68 euros au titre du solde débiteur de leur compte général de dépôt.

Par acte d'huissier du 23 février 2017, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a fait assigner les époux [V] aux fins de les voir condamner solidairement à lui verser la somme de 46.211, 68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2016.

Parallèlement à cette procédure, les époux [V] ont saisi le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins principalement de voir requalifier le contrat de cogérance mandataire non salarié en un contrat de travail.

Par jugements des 09 mai 2018, le conseil des Prud'hommes de Marseille a débouté Monsieur et Madame [V] de leurs prétentions. Ces décisions ont été confirmées par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 mai 2021. Un pourvoi a été interjeté par les époux [V].

Par jugement contradictoire du 28 janvier 2020, le tribunal de commerce de Marseille a statué de la manière suivante :

'Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

Condamne solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à payer à la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE S.A.S. la somme de 33.227,85 € (trente-trois mille deux cent vingt-sept euros quatre-vingt-cinq Centimes) en principal avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2016, date de présentation de la lettre de mise en demeure ;

Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal ;

Condamne conjointement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à payer à la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE S.A.S. la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile,

Condamne conjointement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de Procédure Civile ;

Ordonne pour le tout, l'exécution provisoire ;

Rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions

du présent jugement'

Les premiers juges ont rejeté la demande de sursis à statuer en l'attente de la décision de la chambre sociale de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; ils ont noté que le conseil des Prud'hommes avait rejeté la qualification de contrat de travail de façon claire et motivée et que la majorité des jugements définitifs des conseils des prud'hommes ne requalifiait pas les contrats de gérance non salariés conclus avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

Ils ont rejeté la demande d'expertise formée par les époux [V].

Les premier juges, qui se sont appuyés sur l'accord collectif du 18 juillet 1963 modifié, ont relevé que les époux [V] étaient novices dans la gestion d'un commerce d'alimentation. Ils ont estimé que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE (DCF) ne justifiait pas avoir effectué ses obligations contractuelles d'inventaire lors du commencement d'activités des co-gérants. Ils ont noté que la société DCF ne produisait au débat qu'à compter du mois d'août 2014 des éléments comptables permettant aux gérants de contrôler leur stock, recettes et compte. Ils ont indiqué que l'inventaire du 03 juillet 2014 n'avait fait l'objet d'aucune fiche ou attestation d'inventaire justifiant du stock de marchandises et d'emballages présents dans la supérette à cette date. Ils ont relevé que l'arrêté de compte reprenant l'inventaire non justifié du 03 juillet 2014 tout comme le compte général de dépôt n'avaient été portés à la connaissance des époux [V] que le 12 septembre 2014, soit postérieurement aux délais prévus par l'article 21 A de l'accord collectif du 18 juillet 1963. Ils en ont conclu que la signature de cet arrêté de compte du 12 septembre 2014 par les époux [V] n'avait dès lors aucune valeur probante. Ils ont estimé que le déficit de 12.983, 83 euros relevé le 03 juillet 2014 ne pouvait être retenu.

Ils ont indiqué que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne démontrait pas avoir remis les inventaires dans le délai d'un mois, comme le veut l'accord collectif modifié mais que cette irrégularité n'emportait pas irrégularités des comptes.

Ils se sont appuyés sur des fiches d'inventaires des 29 juin 2015, 22 juillet 2015 et 28 septembre 2015, signés par les époux [V] ; ils ont relevé que les époux [V] ne rapportaient pas la preuve de l'existence d'un stock final supérieur à ceux des inventaires de 2015 et ne produisaient aucun élément permettant de contester les faits rapportés. Les premiers juges ont estimé que les époux [V] n'établissaient aucune ingérence de leur co-contractant dans le système informatique ni l'absence de fiabilité des outils de gestion au sein de leur supérette. Ils ont ainsi condamnés les époux [V] au versement de la somme de 33.227, 85 euros qui résultait du compte général de dépôt du 21 juillet 2016 minorée de la somme de 12.983, 83 euros estimée non justifiée.

Ils ont rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en relevant qu'elle ne justifiait pas d'un abus de procédure.

Le 21 février 2020, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a condamné les époux [V] à lui verser la somme de 33.227,85 euros.

Monsieur et Madame [V] ont constitué avocat et formé un appel incident.

Par conclusions notifiées le 25 janvier 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la cour de statuer en ces termes :

'IN LIMINE LITIS

Dire qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision devant être rendue par la Cour de Cassation suite au pourvoi formé par les époux [V] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'Appel d'Aix en Provence du 28 mai 2021.

Débouter Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] de la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de Cassation.

SUR LE FOND.

Constater qu'en l'état de leur qualité de cogérants mandataires non salariés, Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] étaient responsables des marchandises qui leur ont été confiées, à titre de dépôt, par DISTRIBUTION CASINO France.

Constater que, devant les représenter à chaque inventaire, soit en stock, soit en espèces provenant du produit de leur vente, Monsieur [S] [V] et Madame

[X] [V] étaient ainsi contractuellement tenus de couvrir le solde débiteur de

leur compte général de dépôt.

Reconnaître les opérations d'inventaire comme contradictoires et opposables aux parties.

Constater que les cogérants ont signé et approuvé le compte général de dépôt établi à la date du 3 juillet 2014.

Constater qu'en approuvant le compte général de dépôt établi à la date du 3 juillet 2014, les cogérants ont ainsi approuvé les comptes établis entre les parties à cette date, et par là même les comptes antérieurs.

Débouter Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] de la demande subsidiaire tendant à limiter la créance de DISTRIBUTION CASINO France à la somme de 33.227,85 €.

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déduit de la créance de DISTRIBUTION CASINO France la somme de 12.983,83 €, solde débiteur du compte général de dépôt au 12 septembre 2014.

Constater que, le solde débiteur du compte général de dépôt des époux [V] s'élève à la somme de 46.211,68 €.

Condamner solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à payer à DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 46.211,68 €, outre intérêts de droit à compter du 25 juillet 2016, date de présentation de la lettre de mise en demeure.

Ordonner la capitalisation des intérêts de retard par années entières selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les cogérants de la demande d'expertise judiciaire.

Débouter Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] de la demande de désignation d'un expert judiciaire, comme sans fondement.

Très subsidiairement, si cette désignation devait être ordonnée, dire que les frais d'expertise judiciaire seront mis à la charge des cogérants.

Condamner solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à payer à DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Condamner solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à payer à DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile distraits au profit de Maître Jacques BISTAGNE, Avocat qui y a pourvu sous

son affirmation de droit'.

Elle s'oppose à la demande de sursis à statuer au motif du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a confirmé les jugements des conseils des prud'hommes de Nice. Elle estime cette demande dilatoire. Elle soutient que les époux [V] ne bénéficiaient pas d'un contrat de travail. Elle souligne que le litige porte sur les modalités d'exploitation commerciale de la supérette et sur le solde débiteur du compte général de dépôt des cogérants.

Elle s'oppose à toute expertise.

Elle soutient justifier de sa créance.

Elle rappelle que les cogérants mandataires sont responsables des marchandises qui leur ont été confiées. Elle note qu'ils doivent les représenter à chaque inventaire, soit en stock, soit en espèces provenant du produit de leur vente. Elle précise ainsi que les gérants non salariés doivent assurer la charge de tout déficit d'inventaire.

Elle relève que les époux [V] pouvaient bénéficier d'une assistance s'ils l'avaient souhaité.

Elle soutient que les gérants recevaient chaque mois un relevé de compte. Elle note que les époux [V] n'ont jamais contesté ces derniers, ce qui vaut approbation des comptes.

Elle ajoute qu'ils n'ont jamais contesté les inventaires effectués contradictoirement.

Elle affirme qu'ils ont signé et approuvé les fiches et attestations d'inventaire et notamment l'inventaire de reprise du 03 juillet 2014. Elle note que le compte général de dépôt du 12 septembre 2014, laissant apparaître un solde débiteur de 12.983, 83 euros, approuvé par les époux [V], ne peut être écarté.

Elle déclare que les époux [V] n'apportent aucun élément comptable probant à l'appui de leurs contestations. Elle précise qu'il leur appartient de prouver que le déficit d'inventaire n'existait pas, dès lors qu'ils ont approuvé les inventaires. Elle souligne qu'ils disposaient de l'intégralité des documents de gestion depuis le début du contrat.

Elle chiffre sa créance en indiquant que c'est à tort que les premiers juges ont estimé devoir minorer la somme de 12.983, 83 euros.

Elle sollicite des dommages et intérêts pour résistance abusive des époux [V] au versement des sommes dont ils sont redevables.

Par conclusions notifiées le 03 février 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Monsieur et Madame [V] demandent à la cour de statuer en ce sens :

'Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 28 Janvier 2020 dans son intégralité.

IN LIMINE LITIS

A TITRE PRINCIPAL, ORDONNER un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la Cour de Cassation suite au pourvoi formé par les époux [V] à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE du 28 Mai 2021.

A TITRE SUBSIDIAIRE, DESIGNER tel expert qu'il plaira à la Cour, aux frais avancés de la société

DISTRIBUTION CASINO FRANCE, avec notamment pour mission :

- De se faire communiquer par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, tous documents, titre et conventions utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment les bandes d'inventaires sur lesquelles est indiqué le détail des marchandises inventoriées, la liste des marchandises et des emballages relevés comme manquants, les bordereaux de livraisons de marchandises (lettres de voitures), ainsi que tous supports ayant servi à l'élaboration des inventaires, des arrêtés de comptes et comptes généraux de dépôts pendant la durée de la relation contractuelle ;

- D'apprécier la manière comptable dont est valorisé le stock réel par la société DISTRIBUTION CASINO France ;

- D'examiner et analyser la comptabilité versée au débat par la société DISTRIBUTION CASINO France ;

- De dire si les pièces comptables versées aux débats par la société DISTRIBUTION CASINO France permettent de fonder la créance alléguée.

- De déterminer le montant des manquants/excédents de marchandises et d'emballages.

- De déterminer de quel montant précis le compte général de dépôt est débiteur ou créditeur à la date de la cessation d'activité des co-gérants.

- D'une manière générale, de faire le compte entre les parties.

SUR LE FOND

A TITRE PRINCIPAL, DIRE ET JUGER que la société DISTRIBUTION CASINO France a violé les dispositions de l'article 3 de l'accord collectif national du 18 Juillet 1963 relatif aux obligations de formations initiale et complémentaire et d'assistance commerciale et professionnelle au cours de l'exécution du contrat.

DIRE ET JUGER que la société DISTRIBUTION CASINO France n'établit pas que le déficit de gestion dont elle demande le règlement soit imputable à la gestion de Monsieur et Madame [V].

DIRE ET JUGER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ne rapporte pas la preuve de ses prétentions.

DIRE ET JUGER que la comptabilité sur la base de laquelle la demanderesse fonde ses prétentions est erronée et dénuée de fiabilité.

DEBOUTER la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE de l'intégralité de ses demandes.

A TITRE SUBSIDIAIRE, limiter la créance de Monsieur et Madame [V] à la somme de 33.227,85 €.

DEBOUTER la société DISTRIBUTION CASINO France du surplus de ses demandes.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à régler à Monsieur [S] [V] la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à régler à Madame [X] [F] [B] épouse [V] la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société DISTRIBUTION CASINO France aux entiers dépens de première instance et d'appel'.

In limine litis, ils sollicitent un sursis à statuer en l'attente de l'arrêt de la cour de cassation saisie d'un pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 mai 2021. Ils estiment que le contrat doit être requalifié en un contrat de travail. Ils relèvent que la qualification du contrat a des conséquences sur les demandes faites par leur co-contractant s'agissant de leur responsabilité pécuniaire.

Subsidiairement, ils demandent une expertise pour, notamment, évaluer la manière comptable dont est valorisé le stock réel par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, analyser la comptabilité et dire si les pièces comptables versées au débat permettent de fonder la créance alléguée par l'appelante. Ils relèvent qu'aucune remarque ne leur avait été faite durant les trois premières années d'exercice. Ils soutiennent que les chiffres avancés par leur co-contractant sont très improbables et que le déficit allégué n'est pas réaliste. Ils en concluent que la comptabilité présentée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et erronée. Ils précisent avoir été mis à pied de façon brutale et n'avoir donc pu conserver les documents comptables qui étaient dans le magasin.

Très subsidiairement, ils contestent toute faute dans l'exécution de leur mandat. Ils soutiennent qu'en application de l'article 2000 du code civil, ils ne peuvent se voir imputer les pertes essuyées à l'occasion de leur gestion. Ils soutiennent que les pertes qui leur sont reprochées ont pour origine un élément d'exploitation dont la maîtrise a été conservée par le mandant.

Ils reprochent à leur mandant de ne les avoir pas formés, alors qu'il était contractuellement tenu de le faire, par le biais d'une formation complémentaire théorique et pratique.

Ils soutiennent que leur co-contractant a violé ses obligations de formation initiale et complémentaire si bien qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables des pertes essuyées à l'occasion de leur gestion.

Ils déclarent que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n'établit pas le déficit de gestion qu'elle allègue et dont elle leur demande le règlement. Ils estiment que la comptabilité sur la base de laquelle cette société fonde sa créance n'est pas fiable. Ils relèvent que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n'a respecté ses obligations contractuelles : elle n'a pas respecté la fréquence contractuelle de la réalisation des inventaires; elle n'a pas respecté les délais de remise des comptes après les inventaires. Ils notent qu'elle ne justifie pas leur avoir confié les marchandises qu'elle tient pour manquantes. Ils soutiennent que l'absence de contestation des arrêtés de compte ne vaut pas approbation des déficits. Ils notent qu'ils n'ont pas réellement participé aux opérations d'inventaires, qui sont effectuées par des 'inventoristes' dépêchés par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE. Ils indiquent n'être pas en mesure de vérifier l'exactitude des données saisies durant l'inventaire. Ils soutiennent ne s'être pas vus remettre une liste détaillée des marchandises constatées comme manquantes. Ils précisent que les inventaires des années 2012 et 2013 ne sont pas versés au débat. Ils indiquent que les bandes d'inventaires ne sont pas versés au débat et relèvent que leur co-contractant ne justifie pas les leur avoir remises à l'occasion des opérations d'inventaire.

Ils soulignent que la preuve du déficit d'inventaire n'est pas rapportée.

Ils font état de l'absence de fiabilité des inventaires et de la gestion comptable informatique (logiciel Gold) et relèvent que la presse nationale s'est intéressée à cette situation. Ils soulignent l'existence d'erreur de prix dont ils ne sont pas responsables.

Subsidiairement, ils demandent à ce que leur créance soit diminuée. Ils exposent que l'arrêté de compte reprenant l'inventaire du 03 juillet 2014 n'a fait l'objet d'aucune attestation d'inventaire. Ils ajoutent qu'il ne leur a pas été remis dans les délais requis. Ils en concluent qu'il est dépourvu de toute valeur probante.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 09 février 2022.

MOTIVATION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes visant à 'constater' qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne constituent que des rappels de moyens ou des arguments.

Sur le sursis à statuer

Le litige opposant les époux [V] et la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE porte sur un déficit d'inventaire, différend qui doit être traité par le tribunal de commerce.

Les époux [V] ont saisi le conseil des prud'hommes pour faire requalifier le contrat de co-gérance les liant à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en contrat de travail.

Le conseil des prud'hommes n'a pas faire droit à ces demandes et, le 28 mai 2021, la chambre sociale de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a confirmé les décisions de cette juridiction.

Cet arrêt confirmatif, particulièrement motivé, ne permet pas aux époux [V] d'estimer qu'il serait d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer en l'attente de l'arrêt de la cour de cassation, alors même que le contrat de co-gérance a été résilié le 26 novembre 2015.

La demande de sursis à statuer sera rejeté.

Sur la demande d'expertise

Selon l'article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.

L'article 146 du même code énonce qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Monsieur et Madame [V] ne produisent aucune pièce permettant de venir utilement contester la validité des pièces produites par l'appelante ; ils ne versent aucun élément pouvant laisser suspecter des discordances qu'une expertise permettrait de rétablir le cas échéant ; bien au contraire, ils ne justifient pas avoir émis la moindre contestation concernant les bordereaux de livraison; ils n'établissent pas l'existence d'une éventuelle contrariété entre ce qu'ils ont enregistré et les fiches de caisse du magasin ; ils ont signé et approuvé un inventaire de reprise du 03 juillet 2014 (pièce 23 de l'appelante), sans mentionner de remarques particulières et sans contestation ultérieure; ils ont signé et approuvé (pièces 32 à 37) les attestations après inventaire des 08 octobre, 03 décembre 2012, des 14 janvier, 15 avril, 09 septembre et 16 décembre 2013; ils ont signé et approuvé l'arrêté de compte du 12 septembre 2014 établi après cet inventaire et n'ont, par la suite, adressé aucune lettre annexe de réclamation; ils ont signé et approuvé le compte général de dépôt du 12 septembre 2014 (pièce 26 de l'appelante) en écrivant "lu et approuvé bon pour arrêté de compte"; ils ont signé et approuvé la fiche d'inventaire du premier août 2014 (pièce 27 de l'appelante) et celle du 29 juin 2015 (pièce 28 de l'appelante). Ils ne contestent pas avoir signé et approuvé les attestations du 22 juillet 2015 (pièce 29) et du 28 septembre 2015 (pièce 30 de l'appelante) qui font état d'opérations d'inventaire contradictoires; ils ont signé ces attestations qui mentionnent qu'ils reconnaissent que toutes les marchandises et emballages existant dans le magasin, les dépôts, les annexes ont été inventoriés et déclarent n'avoir décelé aucune anomalie dans les opérations d'inventaire, le montant des marchandises et des emballages étant mentionnés. Ils ont signé et approuvé l'inventaire (pièce 8 de l'appelant) du 28 septembre 2015. Ils ne justifient pas avoir formé des observations relatives à la fiabilité des opérations et à la réalisation des inventaires avant l'audience devant le tribunal de commerce de Marseille (du 28 janvier 2020). Ils ne démontrent pas qu'il y aurait eu des marchandises facturées mais non livrées. Ils ne rapportent pas la preuve d'un manque de fiabilité du compte de dépôt ou des outils de gestion.

La seule attestation de Monsieur [D], délégué commercial du groupe Casino (pièce 33 des intimés), qui évoque l'existence d'opérations d'inventaire trop rapides ou mal faites, et de façon générale, contestables, lors de ses activités, opérations qui n'ont jamais portées sur le commerce tenu par les époux [V], ne peut valoir de preuve d'une défaillance dans les opérations effectuées dans le magasin Casino tenu par ces derniers.

En conséquence, ils seront déboutés de leur demande d'expertise. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le fond

Le contrat conclu entre les parties mentionne que les rapports de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et des époux [V] sont régis, outre par la convention signée entre eux, mais également par les dispositions des articles L 47322-1 et suivants du code du travail et par les clauses de l'accord collectif national des maisons d'alimentations à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires non salariés" du 18 juillet 1963 modifié et par ses avenants.

Selon l'article 3 du contrat liant les parties, les marchandises ne sont détenues par les co-gérants mandataires non salariés qu'à titre de dépôt avec mandat de les vendre.

L'article 5 leur fait obligation de contrôler à réception les marchandises qui leur sont livrées et signaler, dans les 48 heures, les erreurs éventuelles. Cet article mentionne que l'entrée des marchandises, sans observation, implique la reconnaissance de l'exactitude des bordereaux de livraison.

Selon l'article 7 du contrat, il sera procédé périodiquement à un inventaire de règlement dans les conditions prévues par l'accord collectif national du 18 juillet 1963 modifié; un inventaire des marchandises et du matériel détenu par les co-gérants mandataires non salariés pourra toujours être fait à la demande de l'un des contractants, sans que l'autre puisse s'y refuser.

L'article 8 du contrat dispose que les co-gérants sont tenus de couvrir immédiatement le manquant de marchandises ou d'espèces provenant des ventes qui sera constaté, dont le montant sera porté à leur débit; tout manquant non justifié entraîne la résiliation immédiate du contrat. Tout excédent justifié sera porté à leur crédit. Ces opérations seront passées sur un compte courant intitulé compte général de dépôt.

L'article 3 de l'accord collectif du 18 juillet 1963 précise les obligations de formation que les entreprises doivent dispenser aux gérants mandataires non salariés, avant la signature du contrat et après cette signature. Après la signature du contrat, les gérants mandataires non salariés doivent bénéficier lors de leur prise de gestion d'une formation complémentaire théorique et pratique de 1 semaine minimum portant, notamment, sur :

l'organisation personnelle ;

le suivi du stock et la passation des commandes ;

la tenue du livre de caisse ;

la vérification des comptes de la succursale ;

la législation et la réglementation applicables à leur activité.

La formation pratique sera axée principalement sur la gestion des produits frais (BOF, fruits et légumes...).

En outre, chaque entreprise mettra en place à l'intention des nouveaux gérants mandataires non salariés, afin de favoriser leurs chances de succès, une assistance commerciale et professionnelle particulière pendant le premier mois de gestion. Cette assistance sera poursuivie au plan administratif au moins jusqu'à l'arrêté de compte suivant le premier inventaire. A cette occasion, il sera procédé à l'évaluation de l'activité professionnelle depuis l'entrée en fonction.

Ce même article précise que les sociétés mandantes mettent à la disposition des gérants mandataires non salariés, pendant toute la durée du contrat et à leur demande, leur expérience, en leur faisant bénéficier, le cas échéant, d'un perfectionnement professionnel afin d'assurer leur adaptation à l'introduction de nouvelles technologies ou à la commercialisation de nouveaux produits.

L'article 21 de l'accord collectif du 18 juillet 1963 précise 'qu' arrêté de compte opposable aux deux parties est établi à la suite de chaque inventaire'.

Cet article mentionne que ' à la suite de chaque inventaire de prise de gestion, de cession temporaire ou de mutation, l'entreprise adresse aux gérants mandataires non salariés la situation d'inventaire dans un délai n'excédant pas 1 mois à compter du jour de l'inventaire. Le gérant mandataire non salarié dispose, à partir de la réception de ces documents, d'un délai de 15 jours pour les examiner et présenter, le cas échéant, ses observations.

Compte tenu des formalités qui précèdent, le compte personnel de gestion, établi après l'inventaire de prise de gestion, de cession temporaire ou de mutation, est arrêté au plus tard dans les 2 mois de la date de l'inventaire'

Cet article expose également que 'trois inventaires de règlement au minimum devront avoir lieu pendant la première année de gestion, le premier se situant au plus tard à l'expiration des 3 premiers mois de gestion.

Deux inventaires au minimum auront lieu pendant la deuxième année de gestion.

Par la suite, sauf demande expresse des intéressés, au minimum un inventaire sera effectué au cours de chaque période de 12 mois.

Chaque partie pourra réclamer un nouvel inventaire, à charge pour elle d'en supporter le coût s'il se révèle injustifié (...)

A la suite de chaque inventaire de règlement, l'entreprise adresse aux gérants mandataires non salariés la situation d'inventaire dans un délai n'excédant pas 1 mois à compter du jour de l'inventaire. Le gérant mandataire non salarié dispose, à partir de la réception de ces documents, d'un délai de 15 jours pour les examiner et présenter, le cas échéant, ses observations.

Compte tenu des formalités qui précèdent, le compte personnel de gestion, établi après l'inventaire de règlement, est arrêté au plus tard dans les 2 mois de la date de l'inventaire'.

Selon l'application combinée des articles 1932 et 1993 du code civil, il incombe aux co-gérants, en leur qualité de dépositaires et mandataires de rendre compte de leur gestion et de prouver l'exécution de leur obligation de conservation et de restitution.

Contrairement à ce qu'avancent les époux [V], il n'appartient pas à la société DCF de démontrer l'existence de faute commise dans l'exercice de leur mandat pour les voir condamner à payer les manquants. En effet, il est prévu contractuellement, dans l'article 8 de la convention, que les co-gérants mandataires non salariés seront tenus de couvrir immédiatement le manquant de marchandises ou d'espèces provenant des ventes qui sera constaté dont le montant sera porté à leur débit. Ils doivent donc assumer la charge de tout déficit d'inventaire et rapporter la preuve d'éventuelles irrégularités.

La société DCF produit au débat :

- les attestations d'inventaire des 08 octobre, 03 décembre 2012, des 14 janvier, 15 avril, 09 septembre et 16 décembre 2013 signés et approuvés par les époux [V]

- la fiche d'inventaire du 03 juillet 2014, lue et approuvée par les époux [V]

- l'arrêt de compte consécutif à l'inventaire du 03 juillet 2014, lu et approuvé par les époux [V] le 12 septembre 2014

- le compte général de dépôt, (équivalent au compte personnel de gestion), notifié aux époux [V] le 12 septembre 2014 qui l'ont signé et approuvé, qui fait suite à l'inventaire du 03 juillet 2014 et à l'arrêté de compte approuvé le 12 septembre 2014, qui fait état d'un solde débiteur pour un montant de 12.983, 83 euros

- une fiche d'inventaire du premier août 2014 lue et approuvée par les époux [V]

- une fiche d'inventaire du 29 juin 2015 lue et approuvée par les époux [V]

-un arrêté de compte du premier juillet 2015 après l'inventaire de reprise

- une attestation d'inventaire du 22 juillet 2015 lue et approuvée par les époux [V]

- une attestation d'inventaire du 28 septembre 2015 lue et approuvée par les époux [V].

Les époux [V] n'ont jamais contesté les comptes. Ils n'ont pas demandé d'explications, notamment après l'arrêté de compte du 12 septembre 2014 qui faisait état d'un déficit de 12.983, 83 euros. A cette époque, ils n'ont pas demandé à ce qu'un nouvel inventaire soit effectué, ils n'ont pas fait état de difficultés particulières dans la gestion de leur magasin ou dans le maniement des outils informatiques existant, ils n'ont pas sollicité de formations ni d'aide à leur mandant. Il leur était fait obligation (article 5 de la convention) de contrôler à réception les marchandises qui leur sont livrées et signaler les erreurs éventuelles; la convention mentionne que l'entrée des marchandises, sans observations, implique la reconnaissance de l'exactitude des bordereaux de livraison. Les époux [V] ne démontrent pas qu'il y aurait pu avoir des difficultés à ce sujet.

Ils se sont vus remettre en mains propres le 22 juillet 2015 (pièce 5), ce qu'ils ne contestent pas, l'arrêté de compte après inventaire du premier juillet 2015, compte qui faisait état d'un manquant de marchandises et/ou espèces de 36.811 euros et d'un excédent d'emballage de 1537, 09 euros (soit un débit de 35.174, 34 euros pour leur compte général de dépôt). Ils n'ont pas contesté ces chiffres ni demandé que soit effectué un nouvel inventaire ni formé d'observations.

Ils se sont vus remettre en mains propres le 16 octobre 2015 l'arrêté de compte après l'inventaire du 28 septembre 2015 (ils avaient signé et approuvé l'attestation d'inventaire effectué à cette date) ; ils ne justifient avoir formé des observations, ni sollicité un nouvel inventaire ni apporté des éléments permettant de contester les chiffres qui leur étaient fournis.

Enfin, un dernier inventaire était effectué, sous le contrôle d'un huissier de justice, le 26 novembre 2015, de 07h45 à 17h30. L'huissier mentionne que les époux [V] ont refusé de signer les documents relatifs à cet inventaire mais que Monsieur [V], qui a participé aux opérations de 'postitage' et de contrôle dans le magasin et le dépôt, n'a élevé aucune réclamation.

A la suite de cet inventaire, il est apparu un manquant de 14.307, 41 euros de marchandises et 88, 97 euros d'emballage. Le compte général définitif de dépôt (pièce 14) fait état d'un débit de 46.211, 68 euros (il reprend les déficits antérieurs évoqués précédemment et les prélèvements impayés).

Les époux [V] ne peuvent valablement soutenir que leur contestation ne pouvait être élevée puisqu'ils n'ont pu avoir accès à leur magasin à la suite de l'inventaire du 26 novembre 2015.

En effet, les difficultés sont apparues dès le mois de juillet 2014 et ils en ont été avisés clairement dès le mois de septembre 2014. Ils n'ont eux-mêmes sollicité aucun nouvel inventaire, n'ont jamais formulé d'observations, n'ont pas démontré avoir rencontré de difficultés éventuelles de gestion, ni de difficultés éventuelles avec le matériel qui leur était fourni.

Ils ont bénéficié d'une formation initiale et n'ont pas sollicité par la suite d'aide ou de demande de formation auprès de leur mandant.

Ils ne rapportent pas la preuve d'une défaillance informatique et les pièces qu'ils produisent ne concernent pas leur magasin.

Ils n'apportent aucune explication étayée sur le manquant qui leur est reproché.

Ils ne peuvent pas plus se retrancher derrière l'absence de production, par la société DCF, d'un inventaire à la prise de fonction. Il est en effet démontré que cette société a fait effectuer trois inventaires durant la première année de gestion (le 08 octobre 2012;le 03 décembre 2012; le 14 janvier 2013 et même le 15 avril 2013 et le 09 septembre 2013) , le premier se situant au plus tard à l'expiration des 3 premiers mois de gestion. Ces inventaires n'ont appelé aucune remarque particulière des époux [V].

S'il est exact que la société DCF ne rapporte pas la preuve d'avoir remis dans le délai d'un mois les situations d'inventaire conformément à l'article 21 de l'accord collectif du 18 juillet 1963, cette absence de remise dans les délais n'a pas pour conséquence de rendre inexact les comptes ou de les rendre inopposables aux époux [V]. Le délai prévu par cet accord collectif (dont l'inobservation n'est accompagnée d'aucune sanction) a essentiellement pour objectif de permettre aux co-gérants d'avoir rapidement un état de leur situation afin qu'ils puissent, le cas échéant, élever toutes observations utiles, solliciter un nouvel inventaire ou demander un nouveau contrôle si besoin en était.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a minoré le montant des sommes dues à hauteur de 12.983, 83 euros et de condamner solidairement Monsieur et Madame [V] à verser à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 46.211,68 euros, au titre des manquants, avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2016, date de la mise en demeure et capitalisation des intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société DCF au titre de la résistance abusive des époux [V]

La société DCF ne démontre pas l'existence d'un préjudice lié à l'absence de paiement par les époux [V] des sommes qu'elle réclame, qui ne serait pas déjà réparé par l'allocation des intérêts moratoires. En conséquence, elle sera déboutée de cette demande. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point, par substitution de motifs.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Les époux [V] sont essentiellement succombants. Ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel. Ils seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Pour des raisons tirées de la situation économique de ces derniers, la société DCF sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné les époux [V] à verser à la société DCF la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et confirmé en ce qu'il les a condamnés aux dépens et en ce qu'il a rejeté leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

DIT n'y avoir lieu à sursoir à statuer en l'attente de l'arrêt de la cour de cassation à la suite d'un pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 mai 2021

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à verser à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 33.227, 85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2016 et capitalisation des intérêts et en ce qu'il les a condamnés conjointement à verser à cette même société la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE solidairement Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] à verser à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 46.211,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2016 et capitalisation des intérêts,

CONDAMNE in solidum Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] aux dépens de la présente procédure qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et en appel,

REJETTE la demande de Monsieur [S] [V] et Madame [X] [V] au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 20/02762
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;20.02762 ?
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