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12/05/2022 | FRANCE | N°21/07427

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 12 mai 2022, 21/07427


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022



N° 2022/307













Rôle N° RG 21/07427 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHPER







[T] [P]





C/



S.C.P. [E]

PROCUREUR GENERAL





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me James TURNER

Me Florent LADOUCE

PG








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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 10 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020000520.





APPELANT



Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 1]



Représenté par Me James TURNE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022

N° 2022/307

Rôle N° RG 21/07427 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHPER

[T] [P]

C/

S.C.P. [E]

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me James TURNER

Me Florent LADOUCE

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 10 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2020000520.

APPELANT

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me James TURNER, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMES

S.C.P. PELLIER

Prise en la personne de Maître [Z] [E], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MILVINS

Dont le siège social est sis [Adresse 3]

Représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Me Fabrice FRANCOIS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

Madame la PROCUREURE GENERALE

Demeurant Cour d'Appel - [Adresse 4]

Défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Février 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement en date du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS MILVINS ayant une activité de bar à vins, restauration, achat, vente et importation de vins et produits dérivés.

La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 06 décembre 2018.

Par jugement en date du 10 mai 2021, le tribunal de commerce de Fréjus, saisi par Maître [E], liquidateur judiciaire, a relevé à l'encontre de Monsieur [P], président de la SAS MILVINS, des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et l'a condamné au paiement entre les mains de Maître [E] de la somme de 124 755€.

Le tribunal de commerce a retenu :

- la poursuite d'une activité déficitaire ne pouvant que conduire à l'état de cessation des paiements

- la soustraction du stock de marchandises à la procédure collective

- la tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière

Par déclaration en date du 18 mai 2021, Monsieur [T] [P] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par RPVA en date du 15 juillet 2021, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, il demande à la Cour de:

-Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

-Dire et juger que Monsieur [P] n'a commis aucune faute de gestion et qu'il ne pourrait s'agir au mieux que de fautes de gestion

-Dire et juger que les fautes de gestion alléguées n'ont pas contribué à l'insuffisance d'actif

-Débouter la SCP [E] de l'intégralité de ses demandes visant Monsieur [T] [P] comme irrecevables et infondées

Subsidiairement

-Limiter l'éventuelle condamnation à intervenir à la somme de 20 000€

En toute hypothèse,

-Débouter la SCP [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

-Condamner la SCP [E] à payer à Monsieur [T] [P] la somme de 3000€ par application de l'article 700 du CPC, outre entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître James TURNER, Avocat, sur son affirmation de droits par application de l'article 699 du CPC.

Sur l'insuffisance d'actif:

Monsieur [P] expose que l'intégralité du passif admis s'élève à la somme de 175 384€, somme qui intègre notamment:

- les créances du CGEA AGS pour la somme de 9894,46€ laquelle ne peut être prise en compte pour évaluer l'insuffisance d'actif susceptible d'être mis à sa charge dès lors qu'il s'agit d'une créance postérieure,

- deux créances de la Société Lyonnaise de Banque pour 32 998,70€ et 31 884,91€

- une créance au profit de la SMC au titre de laquelle il fait actuellement l'objet d'une assignation en paiement pendante devant le tribunal de commerce de Fréjus pour un montant de 19 860,55€ et qui a été admise à hauteur de 18 819,15€.

Il en déduit que seule peut être prise en considération la somme de 81 786,78€ afin d'apprécier le montant de l'insuffisance d'actifs susceptible d'être mis à sa charge.

Il relève qu'il a été condamné à payer la somme de 124 755€, soit au-delà du montant du passif restant dû aux créanciers admis; qu'il est cependant constant que le représentant légal d'une société faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ne peut être condamné au delà du montant de l'insuffisance d'actif. Il ajoute que le principe de proportionnalité exclut également qu'il puisse être condamné à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif.

Sur les fautes de gestion:

Monsieur [P] fait valoir que les fautes de gestion retenues à son encontre ne sont pas caractérisées:

-Sur la question du poste « offerts » correspondant à la somme de 59 818€ HT entre 2016 et 2019: il fait valoir qu'il est courant dans le cadre d'une activité de bar à vins que des « offerts » aient lieu; que par ailleurs il convient de relever que lorsque le chiffre d'affaire s'est révélé être plus faible, aucun « offert » n'est intervenu.

-Sur la location d'un appartement pour 18 998€HT sur deux exercices: il explique que l'activité de bar à vin étant génératrice de nuisances notamment sonores et conséquemment de difficultés avec le voisinage, la SAS MILVINS avait fait le choix de prendre à bail le local d'habitation surplombant le local commercial qu'elle exploitait; qu'il s'agit donc d'une action entreprise dans l'intérêt de la société

-Sur l'absence de stock lors de la déclaration de cessation des paiements: il fait valoir que le fait qu'aucun stock ne soit valorisé à la fin de l'exercice 2018 traduit simplement le fait que l'état du stock n'a pas été transmis à l'expert comptable en fin d'exercice 2018 et ce en raison de la déclaration de cessation de paiements effectuée le 6 décembre 2018 pour une liquidation judiciaire prononcée le 7 janvier 2019. Il explique qu'à compter de cette date, il n'a plus eu accès au local commercial et donc à la caisse enregistreuse qui contenait l'ensemble des informations nécessaires à la communication à l'expert comptable. Il ajoute que l'huissier chargé d'effectuer l'inventaire au lendemain de l'ouverture de la liquidation a pu constater la présence d'un stock de vins et sodas.

-Sur la transmission des brouillards de caisse à l'expert comptable: il fait valoir que les brouillards de caisse ne constituent pas un élément obligatoire des comptes annuels d'une entreprise; qu'en tout état de cause, si ceux-ci n'ont pas été remis c'est parce qu'il n'avait plus accès à la caisse enregistreuse, les clés du local ayant été remises au mandataire dès l'ouverture de la liquidation judiciaire.

-Sur l'absence de justificatifs: Monsieur [P] soutient que le fait que certains justificatifs n'aient pas pu être transmis ne peut être constitutif d'une faute de gestion; que le fait ne pourrait l'être que dans l'hypothèse d'une insincérité de la comptabilité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce la lecture des bilans de la SAS MILVINS ne permettant pas de démontrer une apparence trompeuse de solvabilité

Monsieur [P] expose qu'au regard de ces explications et donc de l'absence de fautes de gestion caractérisées, le jugement attaqué devra être réformé

Sur l'absence de justification de ce que les fautes de gestion imputées à tort à Monsieur [P] ont contribué à l'insuffisance d'actif:

Monsieur [P] relève qu'aucune explication n'est donnée par le tribunal de commerce, qui se borne à procéder par voie d'affirmations péremptoires, concernant la mesure dans laquelle les fautes alléguées auraient contribué à l'insuffisance d'actif.

Sur l'absence de démonstration de ce que les fautes alléguées ne sont pas constitutives d'une simple négligence

Monsieur [P] rappelle que selon l'article L651-2 du code de commerce, la responsabilité du dirigeant social pour insuffisance d'actif ne peut être engagée en cas de simple négligence; qu'en l'espèce la nature des fautes qui lui sont imputées, à les supposer avérées, démontre qu'il ne s'agit que de simples négligences. Il précise à cet égard qu'avant de devenir président de la SAS MILVINS il n'avait jamais été que salarié et n'avait jamais exercé le moindre mandat social.

Sur le montant de la condamnation

Monsieur [P] relève qu'aucune explication n'est donnée quant à la détermination du montant de la condamnation prononcée lequel excède le montant des sommes dues aux créanciers admis. Il fait valoir que le principe de proportionnalité exclut que l'intégralité du passif restant dû puisse être mis à sa charge. Il rappelle en outre qu'il n'était pas le seul à être à la tête de la SAS MILVINS.

Il demande, si des fautes de gestion susceptibles de conduire à une condamnation étaient retenues, que le montant ne puisse excéder 20 000€.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 16 Août 2021, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Maître [E] es qualité de liquidateur de la société MILVINS demande à la Cour de:

DEBOUTER Monsieur [T] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions

CONFIRMER le jugement entrepris en toute ses dispositions

Y AJOUTANT

CONDAMNER Monsieur [T] [P] à payer la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens

Sur l'insuffisance d'actif

Maître [E] es qualité rappelle que le passif a été définitivement fixé à 175 384,84€ somme de laquelle il convenait de déduire 32 998,70€ correspondant au montant réglé par Monsieur [P] en sa qualité de caution de la créance du CIC; que déduction faite de ce paiement le passif s'élève donc à la somme de 142 386,14€.

Il indique que la réalisation des actifs s'élevant à 2 178,04€, le montant de l'insuffisance d'actif s'élève donc à 140 208,10€, précisant que Monsieur [P] ne justifie pas du paiement des sommes qui viendraient selon lui en déduction de ce montant.

Sur les fautes de gestion:

Maitre [E] soutient que Monsieur [P] a commis des fautes de gestion se distinguant de simples négligences.

Elle soutient tout d'abord que ce dernier a poursuivi une activité déficitaire ne pouvant conduire qu'à l'état de cessation des paiements. Elle explique que la lecture des bilans comptables laisse apparaître une situation financière difficile depuis le début de l'activité, la perte d'exploitation ayant été multiplié par 7 et le déficit par plus de 5 en l'espace de 2 exercices. Elle indique qu'au 31 décembre 2017, il existait déjà pour la société qui avait été créée en mars 2015, une insuffisance d'actif d'un montant de 12 159€. Elle était de 85 656€ au 31 décembre 2018.

Maître [E] ajoute que les déclarations de créances viennent confirmer les difficultés financières révélées par les bilans comptables; qu'en effet, les difficultés de paiement des cotisations fiscales et sociales sont apparues dès l'exercice 2016 et ont perduré lors des exercices suivants:

exercice 2016 AG2R créance de 6 282,61€

exercice 2017 KLESIA créance de 8 577,43€

exercice 2018 URSSAF 40 337,66€

Elle relève que l'état des inscriptions confirme l'impossibilité pour la SAS MILVINS de faire face à son passif dès le premier semestre 2017.

Maître [E] relève que la conduite de Monsieur [P] est d'autant plus blâmable qu'il n'a rien tenté pour faire cesser l'hémorragie; qu'en réalité, il s'est efforcé de remédier à une exploitation structurellement déficitaire par un recours massif à l'endettement; que malgré une exploitation déficitaire, il a eu une gestion hasardeuse comme en témoigne le poste « offert » qui représente sur 3 exercices la somme de 59 818€ HT; que de la même manière la somme de 18 998€ HT correspondant à des charges de location sur 2 exercices correspond à une dépense disproportionnée au regard des résultats de la société. Maître [E] relève enfin une politique salariale déconnectée des résultats réalisés.

Maître [E] expose en second lieu que Monsieur [P] a commis une faute de gestion en soustrayant le stock de marchandises de la société à la procédure collective. Il relève l'existence de d'une variation importante du stock lors des 4 exercices avec un stock nul à la veille du dépôt de la demande d'ouverture, ce qui est confirmé par l'expert comptable et par l'inventaire dressé par huissier de justice.

Enfin Maître [E] relève une dernière faute de gestion tenant à la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière ayant justifié une mise en garde la part du cabinet comptable.

Maître [E] conclut que ces fautes de gestion ont un lien direct avec l'insuffisance d'actif constaté, celle-ci ayant augmenté de plus de 70 000€ entre les exercices 2016 et 2017. Elle rappelle que les dépenses injustifiées constituées par le poste « offert » et la location de l'appartement ont généré à elles seules des charges de 78 816€ HT sur trois exercices, auxquelles il faut ajouter la disparition des stocks soit un actif valorisé de 49 939€ HT. Le montant cumulé de ces fautes de gestion dépasse l'insuffisance d'actif.

Maître [E] précise que la simple négligence ne peut être invoquée en l'état de la comptabilité qui établit le caractère disproportionné de certaines charges, outre les rappels systématiques effectués par l'expert comptable.

Par avis en date du 24 janvier 2022, le ministère public conclut à la confirmation de la décision attaquée pour un montant qui ne saurait être inférieur à 45 539€, montant des stocks distraits de l'actif de l'entreprise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l'insuffisance d'actif d'une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d'une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif.

En application du texte susvisé, pour que l'action initiée par Maître [E] es qualité puisse prospérer il faut que soit établi:

-une insuffisance d'actif

-une ou plusieurs fautes de gestion imputables à Monsieur [P]

-un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif

Sur l'insuffisance d'actif:

L'insuffisance d'actif s'établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d'ouverture et le montant de l'actif de la personne morale débitrice.

Elle doit exister à la date à laquelle le dirigeant a cessé ses fonctions.

Il résulte des pièces produites que le montant du passif antérieur au jugement d'ouverture déclaré dans la procédure de liquidation a été définitivement admis à hauteur de 175 384,84€, somme ramenée à 142 386,14€ après déduction de la créance du CIC de 32 998,70€ réglée par Monsieur [P] en sa qualité de caution.

Il n'est pas justifié du paiement par Monsieur [P] d'autres créances.

Au regard des écritures communiquées, les réalisations d'actifs s'élèvent à 2 178,04€ soit la somme de 1067,38€ correspondant au solde créditeur Lyonnaise de banque et la somme de 1 110,66€ correspondant à la vente de mobilier.

Il est donc établi une insuffisante d'actif d'un montant de 140 208,10€.

Sur les fautes de gestion reprochées à M. [P] :

Sur la poursuite d'une activité déficitaire ne pouvant conduire qu'à l'état de cessation des paiements

Il résulte des données comptables produites et correspondant aux exercices 2016, 2017 et 2018 que la SAS MILVINS, créée en 2015, a rapidement rencontré des difficultés financières:

-l'excédent brut d'exploitation qui s'élevait en 2016 à 6908€ était de ' 75 909€ en 2018

-le résultat d'exploitation est passé de ' 16 036€ à ' 112 615€ sur la même période

-le résultat net qui a toujours été négatif depuis le début de l'activité s'élevant à -21 582€ en 2016 atteignait ' 115 297€ à la fin de l'exercice 2018

-l'insuffisance d'actif existait dès l'exercice 2017

-les difficultés de paiement des cotisations sociales et fiscales sont apparues dès 2016

Ces éléments démontrent le caractère structurellement déficitaire de l'activité de la société, que Monsieur [P] en sa qualité de dirigeant ne pouvait ignorer mais qu'il a néanmoins poursuivie notamment en maintenant un niveau d'endettement élevé auprès des établissements bancaires, en augmentant les dettes fournisseurs ainsi que les dettes fiscales et sociales et enfin en ayant recours au financement par comptes courants d'associés.

Il a par ailleurs été relevé, en dépit de la situation ci-dessus décrite, que « les postes offerts » représentaient 59 818€ HT sur les trois exercices et que la société avait du supporter la charge de la location d'un appartement soit la somme de 18 998€ HT sur deux exercices et ce afin d'éviter les réclamations du locataire au regard des nuisances générées par l'activité du commerce.

Il est ainsi établi que Monsieur [P] a maintenu une activité déficitaire sans avoir recours à des mesures de prévention des entreprises en difficultés et en adoptant de surcroît une gestion hasardeuse.

C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce de FREJUS a jugé que sa persistance constituait une faute de gestion au sens de l'article L651-2 du code de commerce.

Sur la tenue d'une comptabilité incomplète

Le tribunal de commerce de FREJUS a retenu à l'encontre de Monsieur [P] une faute tenant à la tenue d'une comptabilité incomplète après avoir notamment relevé qu'il n'avait pas transmis à l'expert comptable « les brouillards de caisse » ni les « relevés concernant les produits offerts ».

Ces éléments sont insuffisants pour caractériser l'existence d'une comptabilité incomplète au regard des dispositions de l'article L123-12 du code de commerce qui met à la charge de toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant l'établissement de comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire, lesquels comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe qui forment un tout indissociable.

Cette faute ne sera donc pas retenue.

Sur la soustraction des stocks avant l'ouverture de la procédure collective

Il ne peut se déduire du seul fait que l'huissier de justice a relevé l'existence d'un stock de 500€ alors que celui-ci était valorisé à 45 939€ lors de l'exercice 2017, que Monsieur [P] a soustrait le stock avant l'ouverture de la procédure collective.

Cette faute ne sera donc pas retenue.

Sur le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif:

Il convient de rappeler que le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n'est qu'une des causes de l'insuffisance d'actif et qu'il en est de même si la faute n'est à l'origine que de l'une des parties des dettes de la société.

En poursuivant une activité, dont les pièces comptables démontrent qu'elle était structurellement déficitaire, par les moyens précédemment décrits en augmentant l'endettement et en diminuant l'actif par une gestion inappropriée, Monsieur [P] a contribué à l'insuffisance d'actifs.

Au regard du principe de proportionnalité, Monsieur [P] sera à ce titre condamné au paiement d'une somme de 50 000€.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'appelant qui succombe sera condamné aux dépens.

Il se trouve ainsi infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable inéquitable de laisser supporter à Maître [E] es qualité, l'intégralité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Monsieur [P] sera condamné à lui payer la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de Monsieur [T] [P]

Statuant à nouveau

CONDAMNE Monsieur [T] [P] à payer à entre les mains de Maître [E], es qualité, la somme de 50 000€ en application de l'article L651-2 du code de commerce

CONDAMNE Monsieur [T] [P] à payer à Maître [E], es qualité, la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Monsieur [T] [P] aux dépens

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 21/07427
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.07427 ?
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