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11/05/2022 | FRANCE | N°19/06699

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 11 mai 2022, 19/06699


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2022



N° 2022/233







N° RG 19/06699



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFAD







[F] [U]





C/



SA LOGIS MEDITERRANEE







































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Adeline POURCIN



Me Martine

DESOMBRE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 09 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 1118003992.





APPELANTE



Madame [F] [U]

née le 13 Avril 1970 à FIRMINY (42), demeurant Les terrasses de la Cabucelle Bâtiment C7 - 40 boulevard Marie Jo...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2022

N° 2022/233

N° RG 19/06699

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEFAD

[F] [U]

C/

SA LOGIS MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Adeline POURCIN

Me Martine DESOMBRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 09 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 1118003992.

APPELANTE

Madame [F] [U]

née le 13 Avril 1970 à FIRMINY (42), demeurant Les terrasses de la Cabucelle Bâtiment C7 - 40 boulevard Marie Joseph 13015 MARSEILLE

représentée par Me Adeline POURCIN de la SARL ADELINE POURCIN AVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA LOGIS MEDITERRANEE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis Résidence Hyde Park 180 Avenue Jules Cantini 13008 MARSEILLE

représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP DESOMBRE M & J, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat conclu sous seing privé, la société d'HLM LOGIREM a donné à bail d'habitation à Monsieur [B] [P] et Madame [F] [U] à compter du 30 août 2006 un appartement de type 3 au sein de la résidence 'La Cabucelle' située 40 boulevard Marie Joseph à Marseille (13015), moyennant un loyer mensuel conventionné de 439,84 euros révisable selon la réglementation en vigueur.

La société LOGIS MÉDITERRANÉE a succédé aux droits de la société LOGIREM par l'effet d'un acte de vente en date du 28 novembre 2014.

Le 7 février 2017, Madame [U] a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur en raison d'un dégât des eaux.

L'expert mandaté par la MACIF a constaté l'existence de moisissures dans les deux chambres et la salle de bains, ainsi qu'une défectuosité du système de ventilation mécanique (VMC). Il a conclu qu'un pont thermique était à l'origine d'un phénomène de condensation, aggravé par une mauvaise aération des pièces et une mauvaise isolation.

Par courriers en dates des 18 avril et 31 mai 2017, la compagnie SOGESSUR, assureur de protection juridique des locataires, a mis le bailleur en demeure de procéder aux travaux de remise en état.

Devant la persistance des désordres, en dépit des engagements pris par la société LOGIS MÉDITERRANÉE, Madame [U] a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 11 janvier 2018.

L'expert M. [K] [H] a établi le 2 mars 2018 un pré-rapport confirmant l'existence des désordres et prescrivant la réalisation de travaux portant sur le système de VMC, puis sur le traitement des moisissures par une entreprise qualifiée. Il demandait qu'à l'issue le bailleur procède aux mesures des débits d'air et que les résultats lui soient communiqués. Il prescrivait également d'attendre par la suite un délai minimum de six mois pour vérifier si le problème avait pu être définitivement solutionné.

L'expert a cependant rédigé son rapport définitif le 14 août 2018 sans disposer d'informations supplémentaires de la part des parties, le juge chargé du contrôle des expertises n'ayant pas répondu à sa demande quant à la conduite à tenir pour terminer sa mission.

Par acte du 26 octobre 2018, Madame [F] [U] a fait assigner la société LOGIS MÉDITERRANÉE à comparaître devant le tribunal d'instance de Marseille pour l'entendre condamner sous astreinte à réaliser les travaux préconisés par l'expert, sur le fondement de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 relative à l'obligation de délivrance d'un logement décent, et être autorisée à consigner le montant du loyer jusqu'à leur bonne fin en application de l'article 20-1 de cette même loi.

Elle réclamait également paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi par les occupants, faisant notamment valoir que l'insalubrité du logement avait des répercussions sur l'état de santé de son enfant mineur.

La société LOGIS MÉDITERRANÉE s'est opposée à l'ensemble de ces demandes, faisant notamment valoir que les travaux avaient été réalisés dès avant le dépôt du rapport d'expertise.

Par jugement rendu le 20 juin 2019, le tribunal a retenu cet argument, en se fondant sur une facture du 12 avril 2018 de la société DEPANNAGE GAZ concernant l'intervention sur la VMC, et une autre facture du 2 janvier 2019 de la société NETTOYAGE 2000 concernant le traitement des moisissures.

Il a également considéré que Madame [U] avait tardé à permettre aux entreprises d'accéder à son appartement, et que la pathologie respiratoire développée par sa fille préexistait à l'apparition des désordres.

En conséquence le premier juge a :

- condamné le bailleur au paiement d'une somme de 500 euros en réparation du préjudice de jouissance subi par les locataires,

- débouté Madame [U] de ses autres demandes,

- et partagé par moitié la charge des dépens.

Madame [U] a relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 18 avril 2019 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives notifiées le 17 septembre 2020, Madame [F] [U] soutient que le bailleur n'a effectué qu'une partie des travaux prescrits par l'expert, et qu'il reste à réaliser :

- l'installation d'une entrée d'air dans la salle à manger,

- la suppression d'une entrée d'air dans la salle de bains,

- et les mesures des débits sur la totalité des bouches d'aération, ainsi que la vérification de leur conformité aux normes.

Elle conteste d'autre part avoir fait obstacle à l'intervention des entreprises, et soutient que le défaut de ventilation du logement a aggravé la pathologie de sa fille.

Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et :

- de condamner le bailleur à réaliser les travaux susvisés sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner le séquestre des loyers et provisions sur charges à venir sur un compte CARPA jusqu'à leur bonne fin,

- de condamner la société LOGIS MÉDITERRANÉE à lui payer une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi par les occupants du logement,

- et de condamner enfin l'intimée aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 3 septembre 2019, la société LOGIS MÉDITERRANÉE soutient pour sa part :

- que l'intégralité des travaux prescrits par l'expert a bien été réalisée,

- que le logement n'a jamais été impropre à sa destination,

- et qu'il n'existe aucun lien de causalité direct entre les désordres et la maladie développée par l'enfant de Madame [U].

Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner l'appelante à lui verser une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur les demandes de réalisation des travaux et de séquestre des loyers :

En vertu de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé des occupants, et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation, les caractéristiques correspondantes étant définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.

Ce règlement précise notamment en son article 2 que le logement doit permettre une aération suffisante, un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale.

L'article 20-1 de cette même loi prévoit que pour le cas où le bailleur ne satisferait pas à son obligation, le locataire peut demander la mise en conformité du logement, sans qu'il soit porté atteinte à la validité du bail en cours. A défaut d'accord amiable le juge détermine le cas échéant la nature des travaux à réaliser et leur délai d'exécution. Il peut également suspendre le paiement du loyer, avec ou sans consignation, jusqu'à leur bonne exécution.

En l'espèce il résulte du rapport d'expertise de M. [K] [H] que le système de VMC équipant l'appartement ne fonctionnait pas correctement, ce qui peut être la cause du développement des moisissures, présentant un risque pour la santé des occupants.

L'expert préconisait dans son pré-rapport déposé le 2 mars 2018 la réalisation d'une série de travaux, précisément listés, et demandait qu'à l'issue il soit procédé à des mesures de débit de la totalité des bouches d'aération afin de s'assurer de leur conformité aux normes, les résultats devant lui être transmis.

Or il a établi son rapport définitif le 14 août 2018 sans connaître les suites données à ces préconisations, cette carence étant imputable au bailleur.

Il apparaît d'autre part que la facture de la société DEPANNAGE GAZ en date du 12 avril 2018 ne fait pas la preuve de l'exécution de l'ensemble des travaux prescrits. En effet ce document ne mentionne pas l'installation d'une entrée d'air dans la salle à manger, ni la suppression d'une entrée d'air dans la salle de bains, ni encore la réalisation des mesures sus-énoncées.

Il convient en conséquence de considérer que la société LOGIS MÉDITERRANÉE n'a pas entièrement satisfait à ses obligations, et, infirmant le jugement entrepris, de la condamner à réaliser les travaux susdits sous peine d'astreinte.

Il y a lieu également d'autoriser la locataire à consigner le montant des loyers à venir, à l'exclusion toutefois des provisions sur charges, jusqu'à leur bonne exécution.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts :

Madame [U] produit aux débats un certificat du docteur [E] [V], médecin pédiatre, daté du 20 février 2017, attestant que l'état de santé respiratoire de sa fille mineure [Y], née le 25 août 2007, est aggravé par un environnement riche en allergènes, et particulièrement par les moisissures et acariens auxquelles elle présente une allergie documentée. Un assainissement de son environnement est indispensable afin de stabiliser son état et de préserver sa capacité respiratoire au cours de sa croissance.

Le lien de causalité direct entre la faute et le préjudice se trouve ainsi suffisamment établi, même si les premières manifestations de cette pathologie sont apparues antérieurement à la déclaration du sinistre.

Il n'est pas justifié d'autre part que la requérante ait fait obstacle à l'intervention des entreprises mandatées par le bailleur pour remédier aux désordres, mais il est en revanche indéniable que ce dernier a anormalement tardé à intervenir en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées depuis le mois de mars 2017.

La décision du premier juge doit donc être également infirmée quant au montant des dommages-intérêts accordés en réparation du préjudice de jouissance subi par les locataires, qui seront portés à la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

Condamne la société LOGIS MÉDITERRANÉE à :

- installer une entrée d'air dans la salle à manger,

- supprimer l'entrée d'air dans la salle de bains,

- et réaliser des mesures des débits de la totalité des bouches d'aération du logement afin de vérifier leur conformité aux normes réglementaires en vigueur,

Dit que faute d'exécuter ces travaux dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, la société LOGIS MÉDITERRANÉE sera redevable d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard,

Dit n'y avoir lieu pour la cour de se réserver la liquidation de l'astreinte,

Autorise Madame [F] [U] à consigner les loyers à venir (à l'exclusion des provisions sur charges) sur un compte séquestre ouvert auprès de la CARPA du barreau des avocats de Marseille, jusqu'à la parfaite exécution des travaux susvisés,

Condamne la société LOGIS MÉDITERRANÉE à payer à Madame [U] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance,

Condamne en outre l'intimée aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l'appelante.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/06699
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;19.06699 ?
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