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11/05/2022 | FRANCE | N°19/06621

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 11 mai 2022, 19/06621


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2022



N° 2022/ 232







N° RG 19/06621



N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEYT







[V] [R]





C/



SAS APPART' CITY















































Copie exécutoire délivrée

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Me Laurent GIMALAC<

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Me Lou GODARD





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de CANNES en date du 29 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 1116000015.





APPELANTE



Madame [V] [R]

née le 27 Juin 1961 à DENAIN (59), demeurant Résidence PANORAMER, 40 Boulevard Saint Hubert, Villa C13 - 06590 THEOULE SUR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2022

N° 2022/ 232

N° RG 19/06621

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEEYT

[V] [R]

C/

SAS APPART' CITY

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurent GIMALAC

Me Lou GODARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de CANNES en date du 29 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 1116000015.

APPELANTE

Madame [V] [R]

née le 27 Juin 1961 à DENAIN (59), demeurant Résidence PANORAMER, 40 Boulevard Saint Hubert, Villa C13 - 06590 THEOULE SUR MER

représentée et plaidant par Me Laurent GIMALAC, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Marjorie BONZI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS APPART' CITY

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis 125 rue Gilles Martinet 34070 MONTPELLIER

représentée et plaidant par Me Lou GODARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Laetitia CORBIN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Répondant à une annonce parue sur le site internet 'Le Bon Coin', Madame [V] [R] a conclu avec la société PARK & SUITES un contrat de location d'une villa meublée de type 2 dépendant d'une résidence de tourisme située 161 rue Yves Brayer à Mandelieu-La-Napoule (06210) pour la période du 16 octobre au 4 décembre 2011, moyennant un loyer mensuel de 690 euros.

Trois autres conventions du même type ont ensuite été successivement conclues entre les parties, couvrant la période du 4 décembre 2011 au 1er juillet 2012.

Le 20 juin 2012, Madame [R] a sollicité auprès de la direction de la résidence la possibilité de demeurer dans les lieux durant l'été aux mêmes conditions tarifaires, en dépit de la politique de l'établissement consistant à louer 'à la nuitée' en juillet et en août.

Elle a ensuite demandé à bénéficier d'un bail écrit d'une année renouvelable par tacite reconduction à compter du mois de septembre.

La direction lui a opposé un refus, mais a néanmoins poursuivi la location jusqu'au 29 septembre 2015, date à laquelle Madame [R] s'est vue signifier par un huissier de justice une sommation de quitter les lieux.

Le 4 octobre 2015, l'intéressée a été contrainte de quitter la résidence en raison des inondations ayant frappé le territoire de la commune, ayant été relogée provisoirement chez des amis, puis par la municipalité.

Elle n'a jamais réintégré son logement par la suite.

Par acte du 10 décembre 2015, Madame [R] a assigné la société APPART CITY, venant aux droits de PARK & SUITES, à comparaître devant le tribunal d'instance de Cannes, afin d'entendre requalifier le contrat de location de tourisme en bail d'habitation meublée à usage de résidence principale, et obtenir paiement d'une somme de 15.000 euros en réparation de ses divers préjudices d'ordre moral et financier, ses prétentions financières ayant été majorées en cours de procédure.

La société APPART CITY s'est opposée à ces demandes et a fait valoir qu'un état des lieux de sortie avait été établi contradictoirement entre les parties le 14 avril 2016. Elle a réclamé reconventionnellement paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par jugement rendu le 29 mars 2019, le tribunal a :

- débouté Madame [R] de sa demande de requalification du contrat,

- condamné la société APPART CITY à lui payer la somme de 482,67 euros en remboursement de factures de réparation du logement incombant au propriétaire,

- débouté Madame [R] du surplus de ses demandes indemnitaires,

- débouté la société APPART CITY de sa demande reconventionnelle,

- et condamné la requérante aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [R] a relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 17 avril 2019 au greffe de la cour.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 15 avril 2021, auxquelles il y a lieu de se reporter pour l'exposé complet de ses moyens, Madame [V] [R] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de requalifier le contrat de location en bail d'habitation meublée régi par la loi du 6 juillet 1989, et de condamner la société APPART CITY à lui payer les sommes suivantes :

- 5.175 euros pour 'non délivrance d'un bail conforme à la destination des lieux',

- 3.450 euros pour défaut de remise des diagnostics techniques du logement et défaut d'information 'sur les précédents sinistres',

- 3.450 euros pour troubles de jouissance,

- 100 euros au titre du remplacement de plusieurs tuiles du toit,

- 460,07 euros au titre de la réparation du chauffe-eau,

- 31,80 euros au titre de ses frais de relogement en hôtel,

- 302 euros au titre de ses frais de repas,

- 169,85 euros en remboursement du prorata de son assurance d'habitation,

- 50 euros au titre de ses frais de médecin légiste,

- 300 euros au titre du coût d'un constat d'huissier du 15 juillet 2013,

- 1.000 euros en réparation de l'inexécution par le bailleur de son obligation d'entretien de la chose louée,

- 2.000 euros en réparation de l'inexécution par le bailleur de son obligation de garantir une jouissance paisible au locataire,

- 4.000 euros en réparation du défaut de délivrance d'un congé réglementaire,

- 2.000 euros pour résistance abusive,

- 300 euros en réparation de l'incapacité temporaire totale de travail de 5 jours qui lui a été prescrite,

- et 2.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Dans ses écritures notifiées le 10 octobre 2019, auxquelles il convient également de se reporter pour l'exposé des moyens, la société APPART CITY conclut pour sa part à la confirmation du jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions, et au rejet de toutes prétentions plus amples formulées par l'appelante.

Elle réclame paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre ses dépens.

DISCUSSION

A compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, et jusqu'à celle de la loi dite ALUR du 24 mars 2014, les locations de logements meublés à usage de résidence principale étaient régies par les dispositions des articles L 632-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Le bail devait être conclu pour une durée d'un an, tacitement reconductible. Le locataire pouvait donner congé à tout moment en respectant un préavis d'un mois, tandis que le bailleur ne pouvait s'opposer au renouvellement du contrat qu'en délivrant, trois mois au moins avant le terme du bail, un congé motivé par sa décision de reprendre le logement ou de le vendre, ou reposant sur un motif légitime et sérieux.

Ces contrats devaient être distingués des locations de meublés de tourisme, définis par l'article D 324-1 du code du tourisme comme des logements offerts à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, et effectuant un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.

En l'espèce Madame [R], qui était à la recherche d'un logement à la suite de la séparation d'avec son mari, le couple ayant en outre mis en vente leur maison située à Nice, avait répondu à une offre de location publiée par la société PARK & SUITES sur le site internet 'Le bon coin' proposant une formule 'longue durée'.

Elle avait questionné sur ce point le gestionnaire de la résidence M. [S] [U], qui lui avait répondu dans un courriel daté du 12 octobre 2011 : 'Je vous informe que cette location est disponible pour un mois ou plusieurs années'.

Il lui avait été demandé par la suite de constituer un dossier comparable à une location de droit commun, comprenant notamment ses trois dernières fiches de paie et une attestation d'assurance habitation.

Le caractère de longue durée de la location lui avait encore été confirmé dans un courrier daté du 19 octobre 2011.

La société APPART CITY, venant aux droits de la société PARK & SUITES, ne saurait dès lors valablement soutenir dans ses conclusions qu'elle ignorait que Madame [R] envisageait d'établir sa résidence principale dans le logement loué.

Il apparaît au contraire que la commune intention des parties était bien de convenir dès l'origine d'une location de longue durée et à titre de résidence principale, par nature incompatible avec le régime des meublés de tourisme, la conclusion successive de quatre conventions dites de 'prestation d'hébergement avec service para-hôtelier' entre le 16 octobre 2011 et le 1er juillet 2012 n'ayant eu manifestement pour objet que d'éluder l'application des dispositions d'ordre public des textes précités.

En outre, et bien que le bailleur se soit refusé à régulariser par la suite de nouvelles conventions écrites, il est constant que la mise à disposition du bien s'est encore poursuivie jusqu'au 29 septembre 2015, date à laquelle il a fait signifier à sa locataire une sommation de quitter les lieux.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de requalification du bail formulée par l'appelante, sauf à préciser que le contrat n'était pas régi par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989, alors inapplicables aux locations meublées, mais par les articles L 632-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Il en résulte que le bailleur a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi la convention, en plaçant Madame [R] dans une situation précaire durant près de quatre années.

Il n'a pas respecté en outre les règles relatives à la délivrance du congé, profitant des inondations ayant touché la commune de Mandelieu au début du mois d'octobre 2015 pour expulser de fait sa locataire, ainsi qu'il est établi par les attestations de M. [L] [F] et de Madame [V] [W], alors qu'il était tenu de la reloger en application de l'article L 521-1 du code de la construction et de l'habitation.

Il apparaît également que jusqu'à cette date le bailleur avait effectué des pressions sur sa locataire pour la contraindre à quitter les lieux ou à accepter une augmentation importante du loyer, notamment en lui adressant des lettres comminatoires, en faisant obstacle à la distribution de son courrier, et en lui réclament paiement de frais ou de majorations indus.

Les préjudices immatériels subis de ce fait par Madame [R] sont indéniables et ont même eu des répercussions sur son état de santé physique et psychique, ainsi que l'attestent son médecin psychiatre le docteur [J] [M] et le docteur [T] [A], médecin légiste assermenté auprès des tribunaux. Il convient de lui accorder réparation à hauteur de la somme de 10.000 euros, cette indemnité prenant tout à la fois en compte les réclamations formulées au titre du préjudice moral stricto sensu, de la non délivrance d'un bail conforme à la destination des lieux, de ses troubles de jouissance, de la résistance abusive du bailleur, et du défaut de délivrance d'un congé.

Son préjudice financier doit être également indemnisé à concurrence des sommes suivantes :

- 482,67 euros en remboursement des factures de réparation du logement incombant au propriétaire (somme retenue par le jugement de première instance),

- 31,80 euros au titre de ses frais de relogement en hôtel,

- 302 euros au titre de ses frais de repas,

- 169,85 euros en remboursement du prorata de son assurance d'habitation,

- 50 euros au titre de ses frais de médecin légiste,

- 300 euros au titre du coût d'un constat d'huissier du 15 juillet 2013,

Soit au total la somme de 1.336,32 euros.

Le surplus de ses prétentions sera en revanche rejeté dans la mesure où l'existence de préjudices distincts de ceux qui viennent d'être évoqués n'est pas suffisamment démontrée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Requalifie le contrat de location de tourisme conclu entre les parties en bail d'habitation meublée à usage de résidence principale,

Condamne la société APPART CITY à payer à Madame [V] [R] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices immatériels, et celle de 1.336,32 euros en réparation de son préjudice financier,

Déboute Madame [R] du surplus de ses prétentions,

Condamne la société APPART CITY aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Déboute la société APPART CITY de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/06621
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;19.06621 ?
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