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10/05/2022 | FRANCE | N°22/00445

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 10 mai 2022, 22/00445


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 10 MAI 2022



N° 2022/0445











N° RG 22/00445 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJLWX



























Copie conforme

délivrée le 10 Mai 2022 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier



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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 08 mai 2022 à 13h10.







APPELANT



Monsieur [W] [E]

né le 09 juin 1997 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité algérienne

comparant en personne...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 10 MAI 2022

N° 2022/0445

N° RG 22/00445 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJLWX

Copie conforme

délivrée le 10 Mai 2022 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 08 mai 2022 à 13h10.

APPELANT

Monsieur [W] [E]

né le 09 juin 1997 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité algérienne

comparant en personne,

assisté de Me Yann CHARAMNAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat commis d'office et de M. [T] [G] (Interprète en langue arabe) en vertu d'un pouvoir spécial, non inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ayant préalablement prêté serment.

INTIME

Monsieur le préfet du [Localité 1]

non comparant et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 10 mai 2022 devant Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022 à 16h45

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant l'obligation de quitter le territoire national pris le 02 mars 2022 par le préfet du [Localité 1], notifié le même jour ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 06 mai 2022 par le préfet du [Localité 1] notifiée le même jour à 17h50 ;

Vu l'ordonnance du 08 mai 2022 à 11h05 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant la prolongation de la rétention de Monsieur [W] [E] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 09 mai 2022 par Monsieur [W] [E] ;

Monsieur [W] [E] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'je suis venu en France pour faire le ramadan et j'avais l'intention de retourner chez mon père en Italie. Mon père me demande de revenir en Italie, j'ai une OQTF. Mon père travaille en Italie'.

Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l'acte d'appel, il soutient que la procédure est irrégulière en ce qu'il n'est pas justifié que l'agent, qui a consulté effectivement le FAED, soit habilité ni que l'interprète intervenu dans la procédure initiale, ait prêté serment conformément aux dispositions de l'article D 594-16 du code de procédure pénale et que par ailleurs les droits en garde à vue ont été notifiés seulement à 18h50 après la venue de l'interprète sans qu'aucun formulaire énonçant ses droits soit remis préalablement à M. [E].

Il sollicite en conséquence la mise en liberté de M. [E].

MOTIFS DE LA DECISION

Il ressort de l'examen de la procédure que, dans le cadre de la garde à vue dont M. [E] a fait l'objet, une consultation du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) a été effectuée le 6 mai 2022 à 15h30 par Mme [J] [N] ainsi que cela résulte de la fiche de consultation alors que le procès-verbal de police établi le 6 mai 2022 à 15h30 fait état de la seule habilitation à cette fin de M. [M], OPJ.

L'article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale.

Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret n°o 87-249 du 8 avril 1987. Il est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte notamment l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L'accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

La CEDH juge 'que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée' (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ' S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d'autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l'article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; Bouchacourt c/ France, requête no 5335/06, § 61).

Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

Par arrêt en date du 14 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que, s'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses intérêts.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'absence de mention permettant de constater que l'agent ayant consulté le FAED était expressément habilité à cet effet, entache la procédure d'une nullité d'ordre public sans qu'un grief ait à être démontré.

En l'occurrence, il ne ressort pas du dossier de la procédure, aucun procès-verbal n'ayant été établi en ce sens, que l'agent ayant effectivement consulté le fichier FAED dans le cadre de l'interpellation de M. [E], était habilité à cet effet.

Au vu de ces éléments, il convient , sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés, de constater que la procédure est irrégulière, d'infirmer la décision du premier juge et de mettre fin à la rétention de M. [E].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 08 mai 2022 et statuant à nouveau,

METTONS fin à la rétention de M. [W] [E] ;

LUI RAPPELONS son obligation de quitter le Territoire et les dispositions de l'article L.624-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, sera puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 22/00445
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;22.00445 ?
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