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09/05/2022 | FRANCE | N°22/00038

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 09 mai 2022, 22/00038


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 09 Mai 2022



N° 2022/ 233





Rôle N° RG 22/00038 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIY4W







[B] [N]

[F] [Y] épouse [U]





C/



SARL SOCA [Localité 5]





























Copie exécutoire délivrée





le :





à :



- Me Michèle PA

RRACONE



- Me Roselyne SIMON-THIBAUD





Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 25 Janvier 2022.





DEMANDERESSES



Madame [B] [N], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Michèle PARRACONE de la SELARL PARRACONE AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE



Madame [F] [Y] épouse [U] Es-qualit...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 09 Mai 2022

N° 2022/ 233

Rôle N° RG 22/00038 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIY4W

[B] [N]

[F] [Y] épouse [U]

C/

SARL SOCA [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Michèle PARRACONE

- Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 25 Janvier 2022.

DEMANDERESSES

Madame [B] [N], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michèle PARRACONE de la SELARL PARRACONE AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

Madame [F] [Y] épouse [U] Es-qualité de tutrice de Madame [B] [N] Veuve [P], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Michèle PARRACONE de la SELARL PARRACONE AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE

DEFENDERESSE

SARL SOCA [Localité 5] Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de NICE substitué par Me Isabelle PIGNARD, avocat au barreau de NICE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2022 en audience publique devant

Véronique NOCLAIN, Président,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Manon BOURDARIAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2022.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2022.

Signée par Véronique NOCLAIN, Président et Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

La SARL SOCA [Localité 5] et Mme [B] [N] veuve [P] sont liées par un bail commercial renouvelé le 29 mai 2015 portant sur un immeuble comportant trois niveaux dont une terrasse à usage de parking, situé [Adresse 4], et de réparation de véhicules automobiles.

Soutenant que les locaux loués n'étaient pas entretenus par la bailleresse, la société SOCA [Localité 5] a obtenu, par ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Grasse en date du 9 avril 2020, la désignation de M. [D] comme expert judiciaire ; ce dernier a établi son rapport d'expertise le 27 janvier 2021.

Par acte d'huissier en date du 30 décembre 2020, Mme [B] [N] veuve [P], assistée de Mme [Y] épouse [U] [F] en qualité de curatrice, s'étant opposée au renouvellement du bail, a assigné la SARL SOCA [Localité 5] en référé devant le tribunal judiciaire de Grasse à l'effet de voir désigner un expert avec mission de déterminer la valeur du bien et le montant du loyer eu égard au prix du marché, de donner une valeur libre et une valeur occupée et de rechercher tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction due à la locataire.

La société SOCA [Localité 5] a par ailleurs sollicité en défense, au visa des articles 835, 1719 et 1720 du code civil, le rejet des prétentions de la bailleresse, sa condamnation à exécuter ou faire exécuter sous astreinte les travaux de remise en état tels que décrits par M. [D] dans son rapport d'expertise du 27 janvier 2021 relatifs aux infiltrations et à la solidité de l'immeuble ainsi que les mesures décrites visant à éviter une dégradation supplémentaire des lieux.

Par ordonnance en date du 22 juillet 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a ordonné une expertise judiciaire visant à déterminer la valeur du bien ainsi que sa valeur locative et à rechercher l'ensemble des éléments permettant de déterminer l'indemnité d'éviction dans le cas d'une perte du fonds ou de la possibilité de transfert du fonds ainsi que l'indemnité d'occupation due par le preneur à compter de la date d'effet du congé et jusqu'à leur libération effective, a condamné Mme [B] [P], assistée de sa curatrice Mme [F] [U], à exécuter ou faire exécuter les travaux de remise en état tels que décrits par l'expert [D] en page 61 de son rapport du 27 janvier 2021 relativement aux infiltrations et à la solidité de l'immeuble dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai, et à payer à la société SOCA [Localité 5] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [B] [N] veuve [P], assistée de sa tutrice Mme [F] [U], a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 18 août 2021, contestant que les travaux de remise en état de l'immeuble soient mis à sa charge.

Par acte d'huissier en date du 25 janvier 2022, enregistré au greffe le 31 janvier 2022, Mme [B] [N] veuve [P], assistée de sa tutrice Mme [F] [U], a fait assigner la société SOCA [Localité 5] devant le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence au visa des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision déférée et de condamnation de la société SOCA [Localité 5] au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Le demanderesse a soutenu oralement ses prétentions et moyens lors des débats du 21 mars 2022.

Par écritures précédemment notifiées à la demanderesse dans des délais qui lui ont permis de répliquer et soutenues oralement lors des débats, la SARL SOCA [Localité 5] a demandé de déclarer irrecevables les demandes de Mme [B] [P], de la débouter de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens soutenus.

La SARL SOCA [Localité 5] a fait parvenir au greffe le 29 avril 2022 une note en délibéré produisant et commentant une pièce portant sur les revenus et charges de Mme [P] et son patrimoine immobilier, cette pièce ayant été communiquée dans le cadre d'une autre instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La note en délibéré produite par la société SOCA [Localité 5] après la clôture des débats et sans autorisation préalable du président de la juridiction, sera écartée des débats en application de l'article 445 du code de procédure civile.

En application de l'article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision, lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

La demande présentée par Mme [P] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire est recevable quand bien même cette mesure n'aurait pas été discutée devant le premier juge car la fin de non recevoir résultant de l'article L 514-3 al 2 du code de procédure civile ne trouve pas à s'appliquer en matière de référés, le juge des référés ne pouvant en tout état de cause, écarter l'exécution provisoire de droit s'attachant à sa décision (cf article L514-1 du code de procédure civile).

Il incombe donc à Mme [P] qui sollicite la suspension de l'exécution provisoire, de démontrer à la fois l'absence de moyens sérieux de réformation et le risque de conséquences manifestement excessives entraînées par cette exécution provisoire.

L'ordonnance en date du 22 juillet 2021 l'a condamnée sous astreinte à exécuter ou faire exécuter les travaux de remise en état décrits par l'expert [D] en page 61 de son rapport du 27 janvier 2021 au titre des infiltrations et de la solidité de l'immeuble dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, et portant sur :

- la réfection de l'étanchéité des terrasses de l'immeuble;

- le traitement des fissures et notamment de celles faisant office de joints de dilatation dans la hauteur du premier étage de la façade, y compris dans l'épaisseur du plancher;

- la protection des locaux situés au niveau 0, par la collecte des eaux à l'extérieur en étanchant les caniveaux du rez-de-jardin en pied de façade avec vérification de leur pente vers les exutoires et en évacuant loin des façades les eaux pluviales de la terrasse et du rez-de-jardin et par récupération des eaux à l'intérieur coté atelier par la dépose du bardage, le traitement des grosses infiltrations, l'agrandissement du caniveau existant avec prolongation en façade Est et l'évacuation des eaux dans le collecteur existant, et côté du hall d'exposition, par la réalisation d'un contre-mur en maçonnerie hydrophobe à 5 cm au moins de la façade existante, avec en pied , la réalisation d'un caniveau étanche à évacuer vers l'extérieur, la ventilation du vide d'air vers l'extérieur en façade Nord et sur le pignon Ouest et la reprise des pentes vers l'extérieur du dallage de la terrasse Ouest;

- le sondage de toutes les poutrelles du plafond de l'atelier de peinture et leur reprise avec traitement des aciers corrodés ;

- la réparation des hourdis cassés et le traitement de la corrosion des poteaux et poutres des plafonds ainsi que des structures métalliques des ateliers;

- l'enlèvement du tirant du pignon Est mis par le voisin et la réalisation d'un sondage géotechnique pour la reconnaissance du sol, la mise en place d'un écran anti-racines au droit de l'olivier et le confortement des fondations le cas échéant puis la reprise de la fissure horizontale,

l'ensemble de ces travaux constituant une réhabilitation lourde du bâtiment devant être effectuée avec l'intervention d'un maître d'oeuvre et nécessitant un budget à prévoir, en ce compris la maîtrise d'oeuvre, de 380000€ TTC.

L'expert relève l'existence de désordres existant dès la construction du bâtiment en raison d'une absence d'étanchéité en terrasse et d'un défaut de conception du mur partiellement enterré ainsi qu'une corrosion des aciers des planchers de la zone atelier susceptible d'entraîner leur effondrement en partie. Il conclut que l'absence d'éléments contribuant au clos et au couvert de l'immeuble ainsi que les problèmes de solidité de l'immeuble s'agissant des planchers et de la fondation du pignon Est sont de nature à engager la responsabilité du propriétaire, le bâtiment étant impropre à sa destination.

Mme [P] soutient que la réalisation des travaux préconisés par l'expert pour remédier aux infiltrations et au défaut de solidité de l'immeuble aurait des conséquences manifestement excessives pour elle.

Cependant, elle ne justifie pas en premier lieu du montant des travaux qu'elle allègue à hauteur de 450000 € , à défaut de produire un devis chiffré en ce sens ; en effet, le courrier de M. [S], comprenant une proposition du coût de la maîtrise d'oeuvre, ne contient aucune évaluation des travaux, si ce n'est une référence à un coût de 380000 € HT qui n'est nullement explicité.

Par ailleurs, Mme [P] allègue devoir assumer, parallèlement au coût des travaux, le paiement d'une indemnité d'éviction; toutefois, cela suppose que le contrat de bail ne soit pas renouvelé, ce à quoi la SARL SOCA [Localité 5] s'oppose, quand bien même elle n'aurait pas saisi à ce jour le juge du fond d'une contestation du refus de renouvellement lui ayant été signifié le 30 juin 2021 alors qu'elle dispose d'un délai de deux années pour ce faire.

Il ne peut donc être tenu compte que du coût des travaux estimé par l'expert judiciaire [D] à 380000€.

Mme [P] fait valoir par ailleurs, que compte tenu de son âge et de son état de santé, elle expose des dépenses pour son maintien à domicile qui sont supérieures à ses revenus et que la réalisation des travaux préconisés pour un coût conséquent rendrait aléatoire la possibilité pour elle de modifier la destination du local commercial pour le proposer à un autre locataire ainsi que la possibilité de valoriser ces travaux en cas de vente du bien.

Si Mme [P] produit son avis d'imposition sur les revenus 2020 édité en 2021 faisant état d'un revenu annuel de 53249 € constitués pour les 4/5èmes de revenus fonciers et de charges d'emploi de salariés à domicile d'un montant de 40690 € et démontre avoir employé plusieurs salariés comme employés de maison durant le dernier trimestre 2021, elle ne justifie pas du montant de ses revenus pendant l'année 2021 et ne fournit aucune précision sur son épargne et son patrimoine mobilier.

Il apparaît par ailleurs qu'elle est propriétaire d'un patrimoine immobilier très important d'un montant total de 2678000 € dont 2300000 € correspondant à des immeubles autres que celui constituant sa résidence principale dont l'intéressée ne précise pas la nature.

Dès lors, la vente d'une partie au moins des biens de Mme [P] serait de nature à permettre le financement des travaux préconisés par l'expert, indispensable au surplus à la conservation de son patrimoine et donc, in fine, à sa préservation voire à sa valorisation. A cet égard, le fait qu'elle soit placée sous tutelle n'est pas de nature à rendre indisponible les biens de la majeure protégée mais soumet seulement leur gestion au contrôle du juge.

En conséquence, Mme [P] ne justifie pas que l'exécution provisoire de la décision déférée mettant à sa charge des travaux permettant d'assurer le clos et le couvert d'un immeuble lui appartenant, loué à la SARL SOCA [Localité 5], soit de nature à avoir des conséquences manifestement excessives pour elle.

Eu égard au caractère cumulatif des conditions fixées par l'article 514 -3 alinéa 1er du code de procédure civile, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner la condition tenant l'existence de moyens sérieux de réformation, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision déférée sera rejetée.

L'équité commande d'allouer la somme de 1500 € à la SARL SOCA [Localité 5] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée par Mme [P] assistée de sa tutrice Mme [F] [U] sur le même fondement.

Puisqu'elle succombe, Mme [P] assistée de sa tutrice Mme [F] [U] sera condamnée aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référés, après débats en audience publique, par décision contradictoire,

ECARTONS des débats la note en délibéré produite par la société SOCA [Localité 5] après la clôture des débats ;

DECLARONS RECEVABLE la demande de Mme [N] assistée de sa tutrice Mme [F] [U] en arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 22 juillet 2021 par le président du tribunal judiciaire de Grasse ;

DEBOUTONS Mme [B] [N] veuve [P] assistée de sa tutrice Mme [F] [U] de sa demande en arrêt de l'exécution provisoire ;

CONDAMNONS Mme [B] [N] veuve [P] assistée de sa tutrice Mme [F] [U] à payer à la SARL SOCA [Localité 5] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et REJETONS la demande formée par Mme [P] sur le même fondement ;

CONDAMNONS Mme [B] [N] veuve [P] assistée de sa tutrice Mme [F] [U] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 référés
Numéro d'arrêt : 22/00038
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;22.00038 ?
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