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06/05/2022 | FRANCE | N°18/17721

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 06 mai 2022, 18/17721


COUR D'APPEL D'[Localité 3]

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 06 MAI 2022



N° 2022/ 106



RG 18/17721

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJ72







[M] [I] épouse [W]





C/



SARL 3S SATELLITE

























Copie exécutoire délivrée le 6 mai 2022 à :



-Me Stéphanie RIOU-SARKIS, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de M

ARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02872.





APPELANTE



Madame [M] [I] épouse [W]

(bénéfic...

COUR D'APPEL D'[Localité 3]

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N° 2022/ 106

RG 18/17721

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJ72

[M] [I] épouse [W]

C/

SARL 3S SATELLITE

Copie exécutoire délivrée le 6 mai 2022 à :

-Me Stéphanie RIOU-SARKIS, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02872.

APPELANTE

Madame [M] [I] épouse [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 21/5092 RECOURSBAJ du 28/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 3]), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie RIOU-SARKIS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Pauline CHAMPEAU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL 3S SATELLITE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 juillet 2016, Mme [M] [I] épouse [W] a été engagée par la société 3S Satellite en qualité d'assistante administrative par contrat à durée déterminée de 6 mois, devant prendre fin le 18 janvier 2017.

La convention collective nationale applicable à la relation de travail était celle des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 (ETAM) PACA.

Le 21 septembre 2016, la salariée a adressé à son employeur un courrier intitulé 'Démission de mon poste' pour un départ effectif le 7 octobre 2016 en raison de l'acceptation d'un autre emploi en contrat à durée indéterminée.

Le 21 octobre 2016, Mme [W] a été placée en arrêt maladie jusqu'au 20 novembre 2016.

Soutenant avoir continué de travailler pour la société au delà du 7 octobre 2016 et sollicitant le bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée, la salariée a, le 3 février 2017, saisi le conseil de prud'hommes de Marseille.

Le 8 octobre 2018, le conseil de prud'hommes a:

'Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à la somme de 1 310,95€€

Dit et juge que le contrat de travail de Mme [W] est à durée déterminée

Dit et juge que la fin du contrat de travail en CDD a été interrompu par Mme [W] à la date du 7 octobre 2016

Condamne la SARL 3S Satellite à verser à Mme [W] la somme de 300€ au titre de préjudice pour utilisation de sa signature électronique

Condamne la SARL 3S Satellite à verser à Mme [W] la somme de 200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit qu'à défaut de règlement spontané de la présente ordonnance et en cas d'exécution judiciaire les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties'.

Le 10 novembre 2018, Mme [W] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2019, elle demande à la cour de :

'DIRE Madame [M] [I] bien fondé en son action,

REFORMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le contrat de travail de Mme [I] [M] épouse [W] est à durée déterminée.

REFORMER le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la fin du contrat de travail en CDD a été interrompu par Mme [I] [M] épouse [W] à la date du 07 octobre 2016.

REFORMER le jugement en ce qu'il a dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaires s'élève à la somme de 1310,95€ (mille trois cent dix euros et quatre-vingt quinze centimes.

FIXER le montant du salaire au montant contractuel soit 1810,95 heures bruts pour 39 heures par semaine,

DIRE ET JUGER que Madame [M] [I] est titulaire d'un contrat à durée indéterminée à compter du 08 octobre 2016,

DIRE ET JUGER que la SARL 3 S SATELLITE a commis des manquements graves dans l'exécution du contrat de travail à l'égard de Madame [I] justifiant la prise d'acte de rupture à l'initiative de la salariée,

REQUALIFIER la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Madame [I] en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 888,34 euros au titre du rappel de salaire du 07 au 20 octobre 2016,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 197,20 euros au titre du rappel de congés payés du 07 au 20 octobre 2016,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 724,38 euros au titre de la prime de précarité,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 151 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 1810,95 euros au titre de l'indemnité de préavis,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 209 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 14.487,60 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral,

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE à verser à Madame [M] [I] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

ORDONNER la remise, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision, des bulletins de salaires des mois d'octobre 2016 à janvier 2017, de l'attestation employeur et de tous les autres documents sociaux rectifiés de Madame [I],

ORDONNER le paiement des intérêts de droit avec anatocisme à compter du jour de la saisine du Conseil.

CONDAMNER la SARL 3 S SATELLITE aux entiers dépens de l'instance.'

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 mai 2019, la SARL 3S Satellite demande à la cour de :

'CONSTATER que Madame [W] exerçait son activité dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée

CONSTATER que Madame [W] a valablement démissionné de ce contrat de travail à durée déterminée avec effet au 7 octobre 2016

DIRE ET JUGER qu'aucune activité salariée de Madame [W] au sein de la Société 3 S Satellite n'est démontrée postérieurement au 7 octobre 2016

En conséquence,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il débouté Madame [W] de sa demande de

reconnaissance de l'existence d'un CDI à compter du 7 octobre 2016 en constatant que le CDD avait été interrompu par la démission de Madame [W]

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [W] de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail et rappel de salaire.

L'INFIRMER pour le surplus,

Statuant à nouveau

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société 3S SATELLITES à verser à Madame [W] les sommes suivantes :

300€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'utilisation de sa signature électronique

200€ au titre de l'article 700 du CPC

En conséquence,

DEBOUTER Madame [W] de l'ensemble de ses prétentions à ce titre

CONDAMNER Madame [W] au paiement d'une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

I. Sur l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée

La salariée soutient qu'elle bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée avec la société 3 S Satellite à compter du 8 octobre 2016 dans la mesure où, en accord avec l'employeur, elle a finalement continué de travailler après avoir donné sa démission.

Elle considère qu'un nouveau contrat de travail a existé qui ne peut qu'être à durée indéterminée en l'absence de contrat écrit.

Pour s'opposer à la demande, l'employeur soutient que la salariée a envoyé un courrier de démission pour le 7 octobre 2016 et qu'elle n'a pas travaillé au delà de cette date, de sorte que la démission doit produire tous ses effets.

Il indique en tout état de cause, que même dans l'hypothèse d'une continuité de son activité salariée au sein de l'entreprise après le 7 octobre 2016, ce ne serait que la poursuite de son contrat de travail à durée déterminée initial jusqu'à son terme et non l'existence d'un nouveau contrat.

En application des dispositions de l'article L.1243-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le contrat de travail à durée déterminée, en dehors de l'accord des parties, ne peut être rompu de manière anticipée qu'en raison d'une faute grave, dans un cas de force majeure, en cas d'embauche extérieure du salariée pour un durée indéterminée ou dans l'hypothèse d'une inaptitude du salariée déclarée par le médecin du travail.

Si le salarié ne peut en principe pas revenir sur une démission, il en va autrement en cas d'accord de l'employeur. Cet accord n'est soumis à aucun formalisme, pas plus que pour une rétractation du salarié dans le cas d'une démission pour laquelle la reprise du travail suffit à la manifester.

La cour relève, après analyse des pièces versées, que la rupture anticipée du contrat de travail, bien qu'improprement nommée démission, l'a été à l'initiative de la salarié et pour l'un des cas prévus par la loi (embauche extérieure en contrat à durée indéterminée). Elle est donc régulière.

Pour établir la réalité de la poursuite de son travail dans l'entreprise après le 7 octobre 2016, l'appelante produit notamment :

- un ensemble de mails qu'elle affirme avoir écrit dans le cadre de son activité au sein de la société, datés du mois de septembre (avant démission) au 13 octobre 2016 rédigés depuis l'adresse mail professionnelle 'Solange' mais portant son nom et sa fonction (Mme [W]) en bas de page,

- l'attestation d'une salariée selon laquelle elle était bien présente dans la société jusqu'au 20 octobre 2016 faisant état d'une réunion le 7 octobre dans l'après-midi en présence de Mme [I],

- la photographie d'un SMS qu'elle attribue à son employeur daté du 21 octobre 2016, jour de son arrêt de travail, rédigé comme suit: 'Bonjour [M], c'est Raphael 3S, Pouvez vous nous dire si vous allez venir travailler. Merci'.

De son côté, l'employeur produit notamment :

- des attestations de salariés de l'entreprise sur l'absence de travail de l'appelante au delà du 7 octobre 2016 à midi,

- un ensemble de mails provenant de l'adresse 'Solange' émanant de divers salariés de la société et rédigés aussi bien avant le 7 octobre qu'après cette date mais surtout postérieurement au 20 octobre 2016, date à laquelle l'appelante indique avoir été en arrêt maladie et ne plus être revenue dans l'entreprise,

- l'attestation de l'assistante administrative de la société qui indique avoir été l'auteur d'un mail du 7 octobre et du 26 octobre portant sur un chantier dont il ressort que Mme [I] dit s'être occupée.

La cour constate que, postérieurement à la date de l'arrêt maladie de l'appelante (21 octobre) et à ses revendications quant aux modalités de reprise de son travail, les relations avec l'employeur sont devenues conflictuelles tels que cela ressort de leurs échanges de courriers. Dans ce contexte, les attestations de salariés produites de part et d'autre, proposant des versions totalement opposées des faits, ne permettent pas d'en retenir une plutôt qu'une autre.

En revanche, après analyse des pièces du dossier, la cour relève que les mails professionnels produits par la salariée permettent de considérer qu'elle a effectivement continué de travailler dans l'entreprise de façon effective jusqu'au 20 octobre 2016, date de son arrêt de travail. Le fait qu'elle utilise une adresse mail qui n'est pas à son nom, n'est pas un obstacle à les lui attribuer dès lors qu'avant le 7 octobre 2016, elle utilisait déjà cette adresse alors qu'il n'y avait aucun doute sur la réalité de son emploi, et que cette adresse sert à d'autres collaborateurs de l'entreprise, notamment pour certains dossiers.

Il convient par conséquent de rechercher dans quel cadre juridique est intervenue cette activité.

L'employeur soutient, dans cette hypothèse, que c'est le contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi en invoquant notamment un courrier du 29 octobre 2016 aux termes duquel la salariée indique elle-même que ce contrat n'est pas rompu.

Curieusement, la salariée se prévaut à la fois de l'existence d'un accord verbal avec son employeur intervenu le 7 octobre 2016 pour qu'elle poursuive le contrat de travail initial (aux mêmes horaires, même emploi) faute d'avoir été embauchée par ailleurs, et de l'existence d'un nouveau contrat de travail lié à la rupture du premier et à la poursuite du travail, sans en justifier le fondement.

En cet état, la cour observe que dans un courrier du 29 octobre 2016 adressé à la société, Mme [I] s'est dite surprise d'être qualifiée de démissionnaire depuis le 7 octobre 2016 puisque 'suite à mon entretien avec M. [H], gérant de la société, en date du 7 octobre 2016, nous avons décidé d'un commun accord et dans l'intérêt de la société de ne pas rompre ce contrat. C'est pourquoi j'ai continué à travailler tous les jours et selon les horaires de mon contrat du 7 octobre 2016 au 20 octobre 2016. (...) Je suis donc aujourd'hui toujours salariée chez vous selon mon contrat initial jusqu'au 18 janvier 2017"; quelques jours après, aux termes d'un courrier du 9 novembre 2016, elle réitérait cette position : 'c'est cet après-midi là (7 octobre 2016) que nous avons décidé ensemble et d'un commun accord de ne pas rompre mon contrat de travail. (...) J'ai continué à travailler pour vous tous les jours ouvrés et selon les horaires de mon contrat de travail du 7 octobre 2016 au 20 octobre 2016. (...). je vous rappelle que je suis toujours aujourd'hui salariée chez vous selon mon contrat initial jusqu'au 18 janvier 2016 et en arrêt de travail couvert par mon contrat jusqu'au 20 novembre 2016. Je reprendrai donc, selon mon contrat, mes fonctions dès la fin de mon arrêt le 21 novembre 2016.' ; dans ses conclusions, elle maintenait que l'employeur lui avait indiqué qu'elle pourrait rester à son poste.

La cour retient encore que pendant la période de poursuite du travail de la salariée, soit du 7 au 20 octobre 2016, veille de son arrêt de travail, aucun élément n'est produit par l'employeur établissant qu'il se soit opposé à cette poursuite d'activité. Les premiers courriers évoquant le solde de tout compte et sollicitant la salariée pour qu'elle vienne en prendre possession datent du 26 octobre 2016, qui marquent le début de leur différend.

Ces éléments, couplés à la poursuite du travail, suffisent à établir l'existence d'un accord entre la salariée et l'employeur pour revenir sur la rupture du contrat de travail initial qui n'a pas produit ses effets. Il y a eu une rétractation du fait de la disparition du motif de rupture (embauche extérieure).

C'est à tort que les premiers juges ont dit que le contrat de travail à durée déterminée a pris fin le 7 octobre 2016, le contrat s'étant poursuivi jusqu'à son terme fixé contractuellement au 18 janvier 2017.

En conséquence, la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 8 octobre 2016 est non fondée.

II. Sur le rappel de salaire

La cour ayant jugé que la salariée avait continué de travailler jusqu'au 20 octobre 2016, elle a droit à un rappel de salaire pour la période du 8 au 20 octobre 2016.

Au vu des trois derniers bulletins de salaire, le salaire brut mensuel moyen s'élève à 1 699,95 euros.

Par conséquent, la salariée a droit à un rappel de salaire de 736,58 euros pour la période susvisée, outre 73,65 euros au titre des congés payés afférents.

III. Sur la prime de précarité

Selon l'article L.1243-7 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsqu'à l'issue d'un contrat de travail à durée indéterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10% de la rémunération totale brute versée au salarié.

L'article L.1243-10 du code du travail édicte les cas dans lesquels l'indemnité n'est pas due au rang desquels la rupture anticipée du contrat à l'initiative du salarié;

En l'espèce, contrairement à ce qu'indique l'employeur, la rupture anticipée n'a pas produit ses effets par suite de l'accord des parties, de sorte le contrat de travail à durée déterminée a pris fin avant son terme en dehors des cas prévus par les dispositions susvisées.

La salariée a par conséquent droit à une indemnité de fin de contrat d'un montant de 468,60 euros.

IV. Sur le préjudice moral

Il ressort de ce qui précède que l'employeur a eu une attitude déloyale vis à vis de Mme [I] dans l'exécution du contrat de travail en refusant de la rémunérer pour son travail du mois d'octobre 2016 et de la réintégrer à son retour de congés maladie.

Celle-ci en a subi un préjudice qui n'est pas réparé par les seuls rappels de salaire du mois d'octobre.

Il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros.

V. Sur la signature électronique

Il convient d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes ayant condamné ultra petita la société à des dommages et intérêts pour utilisation de la signature électronique de la salariée.

Aucune demande n'était en ce sens et l'utilisation abusive ou frauduleuse n'est pas démontrée.

VI. Sur la rupture du contrat de travail

La salariée invoque sa prise d'acte de la rupture pour en solliciter une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités afférentes.

Elle produit son courrier du 23 janvier 2017 ayant pour objet la prise d'acte de la rupture du contrat de travail au motif du non paiement du salaire du mois d'octobre 2016, de la fausse déclaration de l'employeur s'apparentant à du travail dissimulé à compter du 7 octobre 2016 et du refus de la réintégrer après son arrêt de travail.

La société considère que cette prise d'acte ne vaut pas rupture du contrat qui avait déjà été rompu.

La cour dit qu'en l'état d'un contrat à durée déterminée ayant pour terme le 18 janvier 2017, la prise d'acte intervenant le 23 janvier 2017 n'a plus d'objet.

En vertu de l'article L.1243-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, en cas de rupture anticipée par l'employeur d'un contrat de travail à durée déterminée en dehors des cas énumérés par la loi, le salarié a droit à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L.1243-8.

L'appelante ne fondant pas ses demandes indemnitaires sur ces dispositions légales mais sur les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, jugé non fondé, elles ne peuvent prospérer et doivent être rejetées.

VII. Sur la remise des documents

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à la salariée le bulletin de salaire du mois d'octobre 2016 et des documents sociaux conformes à la présente décision, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'astreinte.

VIII. Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre de salaires portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 3 octobre 2018.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil

La société 3 S Satellite doit être condamnée à payer à la salariée la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Déboute Mme [M] [I] épouse [W] de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée,

Condamne la société 3 S Satellite à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

- 736,58 euros à titre de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2016,

- 73,65 euros à titre de congés payés afférents,

- 468,60 euros à titre d'indemnité de fin de contrat,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Dit que les sommes allouées à titre de salaires portent intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2018 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société 3 S Satellite de remettre à Mme [I] le bulletin de salaire du mois d'octobre 2016 et les documents sociaux conformes à la présente décision,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'astreinte,

Condamne la société 3S Satellite à verser à Mme [I] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société 3S Satellite aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/17721
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;18.17721 ?
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