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06/05/2022 | FRANCE | N°18/17049

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 06 mai 2022, 18/17049


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022



N° 2022/178



Rôle N° RG 18/17049 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDIB4







[P] [N]





C/





ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE (EFS)







Copie exécutoire délivrée le :



06 MAI 2022



à :



Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01676.





APPELANT



Monsieur [P] [N]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2022

N° 2022/178

Rôle N° RG 18/17049 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDIB4

[P] [N]

C/

ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE (EFS)

Copie exécutoire délivrée le :

06 MAI 2022

à :

Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01676.

APPELANT

Monsieur [P] [N], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE (EFS), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle CORIATT, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Février 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022 et prorogé au 06 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2022,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [P] [N] a été embauché en qualité de médecin de collecte, statut cadre, position 8 MA, le 6 décembre 2000 par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE (EFS). Il était affecté sur le site de [Localité 6].

Il a effectué, à sa demande, un temps partiel à partir du 31 octobre 2011, exécutant 121.34 heures mensuelles de travail (28 heures hebdomadaires - ne travaillant pas le mercredi).

Il était membre du CHSCT jusqu'au 29 septembre 2014. Il a été désigné représentant syndical FO à compter du 10 novembre 2014 au CHSCT.

Il lui a été notifié un avertissement le 13 avril 2016.

Monsieur [N] a saisi la juridiction prud'homale par requête du 6 juillet 2016 d'une demande en annulation de l'avertissement du 13 avril 2016 et d'une demande en indemnisation pour discrimination syndicale.

Par jugement du 4 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté Monsieur [N] de toutes ses demandes, a débouté l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [N] aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Monsieur [P] [N] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives et en réplique n° 2 notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, de :

INFIRMER le jugement dont appel rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 4 octobre 2018, et ce avec toutes ses conséquences de droit, et en ce qu'il a débouté le salarié Monsieur [P] [N] de l'ensemble de ses demandes,

ORDONNER l'annulation de l'avertissement du 13 avril 2016, et ce avec toutes ses conséquences de droit.

STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNER l'employeur Etablissement Français du Sang - Alpes-Méditerranée (EFS) à régler au salarié Monsieur [P] [N] au titre des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et pour préjudice moral, soit la somme de ................................................................................................ 20 000 euros

CONDAMNER l'employeur Etablissement Français du Sang - Alpes-Méditerranée (EFS) aux intérêts au taux légal sur l'ensemble des condamnations à intervenir, à compter de la demande en justice ;

CONDAMNER l'employeur Etablissement Français du Sang - Alpes-Méditerranée (EFS) aux entiers dépens et à payer au salarié Monsieur [P] [N] les frais irrépétibles au titre de l'article 700 du code de procédure civile................................................................................................................... 4000 euros

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2022, de :

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 4 octobre 2018 ;

JUGER que l'avertissement du 13 avril 2016 notifié à Monsieur [N] était parfaitement justifié ;

JUGER que Monsieur [N] n'a jamais été victime de discrimination syndicale ni au regard des réunions CHSCT ni au regard de son évolution de carrière ;

DÉBOUTER en conséquence Monsieur [N] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 13 avril 2016 ;

DÉBOUTER Monsieur [N] de sa demande de 20 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

LE DÉBOUTER de sa demande de 4000 euros au titre de l'article 700 CPC ;

A TITRE RECONVENTIONNEL, LE CONDAMNER à verser 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 13 janvier 2022.

SUR CE :

Sur l'avertissement du 13 avril 2016 :

Monsieur [P] [N] s'est vu notifier un avertissement par courrier recommandé du 13 avril 2016 en ces termes :

« Je vous ai convoqué par courrier du 3 mars 2016 à un entretien préalable le jeudi 17 mars 2016 en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire. Nous avons reçu le 18/03 un courrier de votre part accompagné de l'avis de votre médecin pour nous informer que pour des raisons médicales vous ne pouviez pas venir à cette convocation et que vous demandiez un report de rendez-vous. Je vous ai donc convoqué par courrier du 30 mars à un entretien le lundi 11 avril 2016 sur le site de [Localité 7].

Cet entretien a eu lieu le 11 avril 2016 en présence du Dr [I] [K], Responsable du site de [Localité 6] et Mme [IJ] [U], DRH Adjointe.

Lors de cet entretien, Mme [U] vous a exposé les faits qui vous sont reprochés et a écouté vos explications.

Suite à la collecte de [Localité 3] du 12/01/2016, nous avons reçu le 15/02/2016 quatre réclamations donneurs qui faisaient état d'un mécontentement lors de leur don.

Ces quatre réclamations concernent l'entretien pré-don que vous avez fait. Ils relatent tous les quatre avoir été gênés lors de la conduite de l'entretien par une musique très forte qui n'a pas été baissée alors même que la demande vous a été faite plusieurs fois.

Vous n'avez pas été par cette attitude à l'écoute des donneurs allant jusqu'à avoir un comportement « désagréable », « peu coopérant », « pas à l'écoute ».

Ces entretiens ont été mal vécus par les donneurs qui ont souhaité en faire part en remplissant une réclamation donneurs pour retracer les faits et nous informer de leur mécontentement.

C'est pourquoi nous vous notifions par ce courrier un avertissement pour motif disciplinaire comme le prévoit le règlement intérieur de l'Etablissement Français du Sang Alpes-Méditerranée.

Cette sanction disciplinaire est motivée par votre attitude inadaptée et irrespectueuse le 12/01/2016 vis-à-vis de nos donneurs, attitude qui ne contribue pas à la fidélisation des donneurs et à l'image de notre établissement.

Nous souhaitons que de tels incidents ne se renouvellent pas et que le nécessaire soit fait rapidement et durablement ».

Monsieur [P] [N] fait valoir qu'il a immédiatement contesté les faits par courrier du 24 avril 2016, qu'il a souligné le problème de confidentialité de l'entretien médical ("ne disposant pas de salle dédiée à un entretien médical avec toute la confidentialité requise et indispensable dans les rapports entre le médecin et son patient, ici dans l'acte du don du sang, nous sommes contraints de trouver la solution d'une couverture phonique indispensable"), que les clichés photographiques produits mettent en évidence le fait que les médecins reçoivent leurs patients séparés par des paravents amovibles qui ne garantissent pas la confidentialité, que cette obligation d'une "confidentialité de l'entretien pré-don" a été rappelée dans un courrier de l'EFS du 29 avril 2013 (pièce 3), que l'employeur n'a jamais mis en place d'autres solutions que précisément celle d'une radio et/ou d'une musique, que Monsieur [N] était au contraire à l'écoute des patients, ayant reçu plus de 4000 donneurs par an pendant plus de 18 ans et évalué plus de 40 questions médicales en moins de quatre minutes (questions médicales rappelées dans le "Document de préparation à l'entretien préalable au don de sang" - pièce 49), sans incident au cours de toutes ces années, que son taux de refus médicaux (rejet des candidatures au don du sang) est tout à fait dans la norme régionale (pièce 45), que l'enquête effectuée par l'employeur lui-même auprès des donneurs établit que ceux-ci apprécient l'ambiance festive (pièces 24 et 25 - enquête concernant spécifiquement la Journée mondiale des donneurs de sang lors de laquelle "l'EFS a souhaité instaurer une ambiance festive pour recruter et remercier les donneurs") et que l'employeur ne communique pas de pièces probantes, de nature à justifier l'avertissement.

Monsieur [N] réplique également sur l'accusation de l'employeur du refus de coopérer en ce qu'il refuserait toute négociation dans la sélection des patients, une telle négociation étant impossible car contraire à la déontologie médicale et dangereuse.

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE soutient que, contrairement à ce qui est prétendu par l'appelant, ce n'est pas l'acoustique défaillante qui serait à l'origine des plaintes des donneurs, mais l'attitude du médecin désagréable, méprisant, que les plaintes sont versées aux débats et que la sanction disciplinaire est parfaitement justifiée.

L'EFS ALPES-MEDITERRANEE invoque d'autres comportements du salarié à l'occasion de collectes au Pradet et du Var, son manque de coopération inter équipes, ses difficultés à travailler en équipe relevées dans les entretiens annuels d'évaluation de 2012 à 2016, les faits ainsi relatés par l'employeur n'étant toutefois pas l'objet de l'avertissement du 13 avril 2016.

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE produit les fiches établies par quatre donneurs, lors de la collecte de sang à [Localité 3] le 12 janvier 2016 :

-une première fiche rédigée et signée par Monsieur [V] [GA] (indiquant son adresse) :

« Ça fait déjà quelques fois que je parre chez un médecin (après m'avoir informé que son nom serait [P] M.) qui ne me plait pas du tout. II a une aire supérieure sur lui, il est complètement désintéressé de ce qu'on lui dit, je ne le comprenait pas à cause d'un problème d'oreille, il jouait de la musique très forte, il refusait de baisser le volume, il est complètement désagréable, il signe le questionnaire à I'envers avec une geste, puis il me jettait les papiers. II n'écoute pas ce que les gens lui racontent. (je lui ai répondu quelque chose qui n'avait rien à voir avec sa question et il n'a pas remarqué). Pour moi c'est pas un médecin mais un grand con. Excusez pour le mot, mais je dis toujours mon opinion. La prochaine fois si c'est lui je refuse de donner mon sang, je dis au revoir à toutes les autres personnes gentilles, je rentre chez moi » ;

-une deuxième fiche rédigée par Monsieur [C] [H] (indiquant son adresse) :

« Ma réclamation porterait sur le docteur [P] M Premièrement la musique me dérrangeait, trop forte. Deuxièmement manque de profffessionalisme et désagréable. Tout s'est bien passé sauf l'entretien avec le Dr [P] M » ;

-une troisième fiche rédigée par Madame [M] [UR] (indiquant son adresse) :

« Le Dr [N] est toujours sur l'ordinateur ou sur son portable - trop d'attente.

- La radio très forte » ;

-une quatrième fiche rédigée par Madame [WC] [X] (indiquant son adresse) :

« Entretien avec le Médecin EFS [P] [N] Musique trop forte pas trop coopérant le reste du personnel rien à dire ».

L'EFS verse le "formulaire de suivi du retour client" du 14 mars 2013 (pièce 27), correspondant à l'analyse des réclamations selon le protocole afférent à la gestion du retour client (pièce 22), mentionnant un "mauvais accueil médecin" et un niveau de gravité "8 (Recevable avec impact significatif sur l'activité ou la fidélisation du client)", ainsi que les actions curatives mises en place : "courriers de réponse envoyés aux donneurs.. et convocation du médecin par les Ressources Humaines".

Quelque soit la difficulté liée à la confidentialité de l'entretien pré-don, identique pour tous les médecins de collecte qui se succèdent sur [Localité 3] (feuilles de collecte versées par l'employeur sur la période de janvier 2016 à mai 2017), il n'est pas prétendu par l'appelant que d'autres médecins de collecte auraient fait l'objet de remarques en lien notamment avec la radio ou la musique "très forte", en sorte qu'il ne peut être arguer que cette musique "très forte" serait destinée à assurer la confidentialité de l'entretien.

Au vu des fiches rédigées par quatre patients, il est établi que Monsieur [P] [N] a eu un comportement "désagréable" et "irrespectueux" à l'égard de ces donneurs de sang, refusant de baisser le volume de la radio, jetant les papiers, signant le questionnaire à l'envers, faisant attendre les patients alors qu'il était sur son portable.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a dit que l'avertissement du 13 avril 2016 était fondé et a débouté Monsieur [N] de sa demande d'annulation dudit avertissement.

Sur la discrimination salariale :

Monsieur [P] [N], représentant syndical élu au CHSCT depuis 2008 jusqu'au 29 septembre 2014 puis représentant syndical désigné par FO à partir du 10 novembre 2014, invoque avoir subi des agissements de discrimination syndicale de la part de l'employeur, à savoir :

1- une entrave à l'exercice des fonctions syndicales : il n'était pas régulièrement convoqué aux réunions du CHSCT ; il a fait l'objet d'une procédure disciplinaire en vue d'un licenciement initiée le 12 juillet 2019, avec le rejet de la demande d'autorisation de licenciement par la DIRECCTE, décision confirmée par le Ministre du travail et recours de l'employeur, toujours pendant devant le tribunal administratif de Toulon ; le salarié a été contraint au vu de cet acharnement à la fois procédural et disciplinaire de l'employeur de saisir le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

2- la stagnation professionnelle et la disparité salariale du salarié discriminé : le salaire de Monsieur [N] n'a jamais été augmenté comme ses pairs, contrairement à la moyenne nationale ; il ressort des documents de suivi annuel des compétences que l'employeur a diminué la note relative aux compétences du salarié, diminution qui coïncide temporellement avec l'entrée du Docteur [N] au syndicat Force Ouvrière et avec son premier mandat comme délégué du personnel de [Localité 6] ;

3- l'absence de formation : l'employeur n'a jamais formé le salarié ; une formation qui lui avait été accordée (pièce 28) lui a ensuite été retirée ;

4- l'attitude hostile de l'employeur, résultant des attestations produites ;

Il sollicite en réparation de son préjudice moral la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Monsieur [P] [N] produit les pièces suivantes :

1- Au titre de l'entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales :

-un courrier du 29 juin 2015 de convocation à un entretien informel le 3 juillet 2015 ;

-un avis d'arrêt de travail initial du 30 juin 2015 jusqu'au 28 juillet 2015 pour "syndrome anxio-dépressif réactionnel" ;

-un courrier du 20 juillet 2015 de Monsieur [P] [N] adressé à son employeur au sujet d'une convocation le 28 juillet 2015 "en vue d'une sanction disciplinaire pour des faits liés à l'entretien pré don de [J] [KT] qui opérait ce jour-là à la collecte du 26 juin 2015 au [Localité 4]", relativement au refus du salarié d'exercer les fonctions d'encadrant des infirmières EPDI pour des motifs longuement exposés (défaut de formation, de validation de l'aptitude à la fonction d'encadrant) ;

Dans ce courrier, Monsieur [N] expose in fine : « Je tiens à vous informer d'autre part de l'attitude vis-à-vis de moi de ma chef de service, déjà évoquée à de nombreuses reprises par le passé lorsque j'étais représentant syndical FO au CE et élu au CHSCT qui consistait à m'affecter à des collectes les jours en lieu et place des réunions, qui a repris depuis tandis que je suis représentant FO au CHSCT.

Ainsi malgré ma demande insistante auprès de Mme [K], réitérée verbalement lors de la collecte du jeudi 28 mai, il m'a été à nouveau refusé d'assister au dernier CHSCT. En outre mes heures de délégation de la journée du vendredi 27 mars 2015 ont été unilatéralement supprimées dans leur totalité afin de m'affecter à une collecte.

Mon organisation syndicale se réserve le droit d'entamer une procédure pour entrave syndicale' » ;

-le planning de la semaine du 23 au 29 mars 2015, sur lequel [P] [N] est mentionné en délégation le vendredi 27 mars 2015 et le tableau récapitulatif de la même semaine sur lequel [P] [N] est mentionné en activité et non plus en délégation ;

-le courrier du 17 août 2015 du Directeur EFS Alpes-Méditerranée en réponse à Monsieur [P] [N] et suite à l'entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire du 28 juillet 2015, dans lequel Monsieur [T] rappelle que « le dispositif d'entretien pré-don réalisé par des infirmiers (nommé EPDI) répond à un protocole expérimental qui a été instauré par le décret n° 2014-1042 du 12/09/2014 publié au JO du 14/09/2014. C'est une organisation de travail parfaitement réglementaire qui a été mise en application dans tous les Etablissements régionaux de l'Etablissement Français du sang progressivement depuis mars 2015, à laquelle tous les salariés doivent se soumettre'

Même s'il est vrai que vous n'avez pas participé au séminaire de médecins organisé à l'automne 2014, vous avez bénéficié d'une information écrite, orale et accessible via intranet EFS'

Cependant, je souhaite que le protocole expérimental EPDI ne soit pas entaché d'incompréhension sur le rôle du médecin référent de collecte, encadrant une IDE.

Dans ce cadre, j'ai demandé que soit organisée une nouvelle réunion des médecins qui n'auraient pas assisté aux séminaires organisés à l'automne 2014, afin que ces derniers bénéficient de toutes les informations liées au protocole EPDI, et puissent recevoir les réponses à toutes leurs interrogations.

Suite à cette réunion, à laquelle vous devez impérativement participer, j'exigerai votre totale application du dispositif EPDI tout comme celle de tout médecin de prélèvement » ;

-le calendrier prévisionnel des Relations Sociales à l'EFS de 2015 et calendrier 2016, ainsi qu'un courriel du 16 novembre 2015 de [E] [S] adressé à [I] [K], pour lui indiquer que [P] [N] avait appelé pour préciser que la réunion du CHSCT avait lieu le 26 novembre et non le 19 novembre comme indiqué sur le planning et qu'il serait nécessaire de faire les modifications utiles pour lui permettre d'y participer ; le courriel en réponse du 20 novembre 2015 d'[I] [K] : « Le planning a été réalisé en tenant compte de la date du 19/11 pour le CHSCT. Il ne m'est pas possible de modifier le planning afin de libérer [P] [N] pour lui permettre d'être présent à la réunion décalée au 26/11. Je tiens compte du tableau joint des réunions, mais lorsque l'information de la modification est aussi tardive, il m'est impossible de libérer ainsi les personnes concernées ! » ;

-le courrier du 30 mai 2016 de [TT] [AI], Délégué Syndical Régional Force Ouvrière, adressé à l'inspection du travail en ces termes : « Je vous informe que mon Représentant Syndical Force Ouvrière au Comité d'Hygiène Sécurité et Condition de Travail de l'E.F.S.A.M, M. [N] [P], est régulièrement mis dans l'impossibilité d'assister aux réunions bimestrielles de cette instance.

M. [N] a été nommé comme Représentant Syndical au CHSCT en septembre 2014. Depuis cette date, il n'a assisté que 3 fois sur les 10 réunions plénières (7 en 2014/2015 et 3 à ce jour en 2016) programmées à l'année. Seule une absence l'a été pour cause de maladie.

Compte tenu de l'enjeu stratégique de l'EFS et la fragilité des stocks de sang, il a accepté et a fait l'effort, de par sa qualité de médecin de collecte, d'être planifié en collecte sur certaines réunions prévues. Cela devait être à titre exceptionnel et non régulier.

J'ai par 3 fois exprimé mon désaccord concernant l'absence de mon représentant syndical lors des réunions du CHSCT suite au refus de la responsable de site de le libérer.

Nous considérons malgré l'alerte auprès de la direction, qu'il y a entrave aux mandats de notre représentant.

Lors de la dernière mandature 2012/2014, M. [N] a connu les mêmes déconvenues en tant qu'élu du CHSCT et représentant syndical au Comité d'Entreprise. La direction en avait été alertée à cette époque par courrier' » ;

-l'attestation du 20 septembre 2016 de Monsieur [TT] [AI], chauffeur à l'Etablissement Français du sang, qui déclare : « En tant que délégué syndical régional FO de l'E.F.S A-M j'ai désigné Monsieur [P] [N] représentant syndical au CHSCT de notre établissement depuis 2013, auparavant il était élu de cette instance et représentant régional syndical au C.E.

C'est dès ses prises de fonctions que j'ai constaté souvent l'absence de Monsieur [N] aux réunions plénières et extraordinaires des instances représentatives.

J'ai fait part à ma direction de cet état de fait notamment pour celles du CHSCT.

En effet depuis 2015 et particulièrement au mois de mars alors que le syndicat avait besoin de lui, il s'est vu refuser la prise de ses heures de délégations par sa hiérarchie directe. C'était pour l'avoir noté le vendredi 27 mars.

La direction suite à nos interventions nous a exprimé son regret et fera tout pour laisser Monsieur [N] de venir aux réunions du CHSCT tout en faisant la remarque des difficultés d'approvisionnement de stocks sanguins et du manque de personnel pour en partie expliquer cette situation. Ce à quoi notre syndicat conscient des enjeux et exceptionnellement peut comprendre.

Malgré cela en 2016 alors que les dates des réunions sont anticipées et connues ainsi que planifiées, Monsieur [N] n'a pas été autorisé à assister à celle du mois de juin par un Refus hiérarchique aux motifs que la date de la réunion rendait impossible la modification du planning.

Le refus s'est déjà produit en novembre 2015 avec les mêmes causes et effets.

Notre syndicat F.O a d'ailleurs envoyé un courrier à l'inspection du pour que ces manquements aux droits du travail soient respectés.

Lors de ses précédents mandats en tant qu'élu au CHSCT et représentant syndical au CE Monsieur [N] rencontrait des difficultés mais pas aussi importantes que ces dernières années. Nous avons accompagné celui-ci à un entretien en vue d'une sanction disciplinaire le 28 juillet 2015 qui sera contestée par la suite.

Même si ce n'est pas lié avec les situations décrites avant nous nous ne pouvons que nous poser la question s'il n'existe pas un soupçon d'acharnement » ;

-des extraits des procès-verbaux du Comité d'entreprise de février et de mars 2008, dans lesquels est mentionnée l'intervention de Monsieur [AI] : « Je vous interpelle en tant que représentant F.O. et je m'élève contre un fait dont ce n'est pas la première fois qu'il se produit. En effet, notre collègue [P] [N] a été retenu pour « raison de service ». La réunion du CE étant programmée suffisamment à l'avance (1 mois) le coordonnateur de site peut prendre les dispositions nécessaires afin de le faire remplacer. En cas de nécessité, on peut comprendre que la priorité est aux prélèvements. Ce n'est pas le cas aujourd'hui car la situation est assez pérenne. Pour étayer ma réclamation, je vous enverrai un courrier pour vous faire part de ce souci, courrier que j'adresserai également à la DRH, au coordonnateur de site de [Localité 6] ainsi qu'à Mme [O] », ainsi que la réponse de Monsieur [T] (directeur de l'EPS) : « En effet, faites-moi un courrier, pour que je puisse prendre la décision qui s'impose, j'informerai le coordonnateur de site de votre reproche et lui ferait remarquer de ne pas faire entrave aux réunions du CE, en précisant que sauf cas de force majeure, elle devra laisser les représentants syndicaux se rendre aux réunions du CE » ;

-le procès-verbal du comité d'établissement de l'EFS Alpes-Méditerranée du 31 mars 2008, dans lequel est mentionné au sujet de la « Réponse de la Direction suite au courrier du syndicat FO sur la disponibilité des élus du CE et des représentants syndicaux lors des réunions » que « Mme [R] a répondu au courrier qui lui a été adressé et en a fait part au coordinateur de site. On peut constater que M [N] est présent aujourd'hui » ;

-les différents éléments concernant une procédure de licenciement engagée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE à l'encontre de Monsieur [P] [N] : la demande du 26 juillet 2019 de l'EFS ALPES MEDITERRANEE adressée à la DIRECCTE d'autoriser le licenciement de [P] [N] ; la décision du 23 septembre 2019 de l'inspecteur du travail refusant la demande d'autorisation de licenciement ; le recours hiérarchique formé par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE le 12 novembre 2019 à l'encontre de la décision du 23 septembre 2019 de l'inspection du travail ; la décision du Ministre du travail du 27 mai 2020 annulant la décision de l'inspectrice du travail en date du 23 septembre 2019 et refusant le licenciement de [P] [N] ; les mémoires des parties devant le tribunal administratif de Toulon (pièce 55) suite au recours formé par l'EFS en annulation de la décision du 27 mai 2020 du ministre du travail, étant précisé par l'appelant que cette procédure devant le tribunal administratif est toujours en cours ;

-le récépissé de la requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes par Monsieur [P] [N] en date du 20 décembre 2021 (audience fixée le 27 janvier 2022), l'appelant précisant avoir sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de manquements graves et répétés de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles, de discrimination à caractère syndical et de harcèlement moral ;

2- Au titre de la disparité salariale et de la stagnation professionnelle :

-son contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2000 et son bulletin de paie de mars 2016 (à noter que, dans le bordereau de ses pièces, M. [N] cite les "bulletins de paie" mais n'est versé que le seul le bulletin de mars 2016) ; Monsieur [N] a perçu un salaire brut total de 3070,76 euros en mars 2016 pour un temps de travail de 121.34 heures (déduction d'un jour d'absence non payé pour un montant de 110,79 euros) ;

-un courrier du 8 novembre 2010 de l'employeur annonçant à Monsieur [N] qu'il bénéficie d'une augmentation individuelle de salaire de 11 points (passage de 756 points à 767 points annuels bruts, à effet rétroactif au 1er avril 2010) et un courrier du 10 février 2011 de régularisation de l'augmentation individuelle 2010 : « Une erreur d'arrondis s'est glissée dans le fichier des augmentations individuelles de salaire, et les points qui vous ont été attribués représentent moins de 1,5 % des points de votre salaire de base. Afin d'être conforme à la Convention Collective de l'ESF, qui précise que toute augmentation individuelle salariale doit être supérieure ou égale à 1,5 % du salaire de base, nous vous avons rajouté un point de salaire. Cette rectification apparaîtra sur le bulletin de salaire de février 2011. Nous vous prions de nous excuser pour cette erreur » ;

-un courrier du 12 novembre 2012 de l'employeur annonçant à Monsieur [P] [N] qu'il bénéficie d'une augmentation individuelle de salaire de 42 points (passage de 768 à 810 points annuels bruts, à effet rétroactif au 1er janvier 2012) ;

-un tableau intitulé "Salaire moyen des médecins de prélèvement par ETS-Janvier 2010", la "moyenne de salaire de base + PE + CPE + CPE 4&5. Temps plein mensuel" étant de 4135 euros sur l'établissement des Alpes-Méditerranée ;

-un document d'analyse du comité d'établissement du 31 janvier 2011 sur les "évolutions individuelles 2010", évolutions salariales du personnel de l'EFS Alpes-Méditerranée ;

-une "fiche de suivi annuel des compétences pratiques : Médecin et EPDI de collecte SF et/ou EM" du 31 mai 2016 (se terminant par un encadré "Maintien de l'habilitation"), une "fiche de suivi des compétences professionnelles "médecin de prélèvement" " du 28 juin 2016 et la "fiche de suivi annuel des compétences pratiques : Médecin et EPDI de collecte SF et/ou EM" du 31 juillet 2017 de Monsieur [N] : sur la fiche du 28 juin 2016, Monsieur [N] bénéficie de l'évaluation "MA" (Maîtrise Avancée : sait faire, y compris en situation difficile ou inhabituelle), étant précisé qu'il bénéficie également de cette évaluation MA sur l'année N-1 ; sur la fiche d'évaluation du 31 mai 2016, Monsieur [N] bénéficie de la note M : Maîtrise : sait faire en situation habituelle, de même que sur la fiche du 31 juillet 2017 ;

À noter que les deux fiches du 31 mai 2016 et du 28 juin 2016 n'évaluent pas les mêmes compétences (médecin de collecte pour la première, médecin de prélèvement pour la deuxième) ;

3- Au titre de l'absence de formation :

-un dossier du CE-CHSCT de l'EFS des 28 octobre et 3 novembre 2014 sur le projet EPDI, dans lequel il est indiqué que « après habilitation des infirmiers EPDI, les médecins « titulaires du diplôme réglementaire de médecine du don ou équivalent » seront amenés à encadrer les infirmières EPDI après validation de leur aptitude à la fonction d'encadrant » ;

Monsieur [N] indique qu'il n'a pas été formé ni évalué sur son aptitude à encadrer une EPDI et que son attitude consistant à ne pas prendre part au projet EPDI est totalement justifiée [convocation en vue d'une sanction disciplinaire le 28 juillet 2015, courrier du 20 juillet 2015 de M. [N] et courrier en réponse du 17 août 2015 du Directeur EFS Alpes-Méditerranée, cités ci-dessus] ;

-un courrier du 21 décembre 2012 de Madame [FC] [R], Directrice des ressources humaines de l'EFS, informant Monsieur [P] [N] des décisions prises concernant ses demandes de formation par le plan de formation 2013 (2 formations retenues : AFGSU-recyclage niveau 2 et Séance éducationnelles + Congrès SFTS) ; Monsieur [N] indique qu'une des formations a ensuite été retirée ;

-les plans de formation prévisionnels 2013 ;

4- Au titre de l'attitude hostile de l'employeur :

-l'attestation du 16 novembre 2017 de Madame [D] [OA], infirmière intérimaire à l'EFS, qui déclare : « nous nous rendons dans la ville de [Localité 3] le 01.08.2017 pour une collecte de sang. A la fin de cette dernière, nous nous installons à table pour manger en compagnie de l'amicale. Sont à mes côtés [L] [F] ainsi que le Docteur [NC] [A]. C'est alors que la présidente de l'amicale, je ne connais que son prénom, [Z], s'exclame être contente que le médecin présent ne soit pas Monsieur [P] [N]. Elle précise qu'il n'est pas apprécié du tout et que, s'il était présent, l'EFS lui a demandé à ce qu'un courrier soit établi pour détailler ses faits et gestes en vue de monter un dossier à son encontre » ;

-l'attestation du 12 avril 2016 de Monsieur [Y] [B], chargé de promotion du don au site de [Localité 6] de l'an 2000 jusqu'au 31 décembre 2015, qui « déclare avoir été en lien direct avec les partenaires associatifs dans l'organisation des collectes de sang. Mes fonctions en lien continu avec les adsb m'ont permis d'être témoin des déclarations de la part d'associations ainsi que de courriers adressés par les adsb concernant les personnels EFS. Notamment, dès la première collecte réalisée par le Dr [P] [N] à [Localité 3], la présidente avait demandé que ce médecin ne soit plus affecté à cette commune. Elle a poursuivi dans ce sens depuis. Malgré cette situation, le Dr [N] a continué à être affecté à cette collecte par la responsable du site qui gère les plannings ».

Monsieur [P] [N] verse également le certificat médical du 6 décembre 2021 du Docteur [CT] [W], médecin psychiatre, qui « certifie que Mr [P] [N] présente un état dépressif sévère chronique en relation directe avec des conditions de travail très mal vécues. A noter également des allégations de harcèlement émanant de sa hiérarchie et une pression morale qualifiée d'insoutenable. Il persiste : une humeur dépressive, une douleur morale, un ressenti d'humiliation, une entrave à son avenir professionnel, un syndrome anxieux sévère, des crises d'angoisses, des troubles du sommeil, des plaintes somatiques ».

Monsieur [P] [N] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de son appartenance et de ses activités syndicales.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE fait valoir que :

-l'attestation de Madame [OA] produite par l'appelant corrobore le fait que Monsieur [N] est notoirement désagréable, au point que la présidente de l'ADSB ne veut plus être confrontée à son attitude désobligeante ;

-Monsieur [B] n'était plus présent dans l'entreprise au moment de la collecte de [Localité 3] du 12 janvier 2016 (départ à la retraite au 31 décembre 2015 - pièces 92) et n'a jamais été présent sur les collectes de [Localité 3] ni en 2015, ni en 2014, comme en attestent les feuilles de collectes sur [Localité 3] (pièces 93 à 96) et Monsieur [N] a été présent 2 fois en 2 ans ;

-quel que soit son mandat (membre élu ou délégué syndical au CHSCT), Monsieur [N] a été convoqué à toutes les réunions du CHSCT et a participé à la quasi-totalité des réunions, sauf lorsqu'il était en maladie, en congés payés, en récupération ou qu'il ne travaillait pas ce jour-là ;

Le conseil de prud'hommes, qui a examiné les éléments portés à sa connaissance, a relevé que les réunions CHSCT se tenaient tous les deux mois, qu'entre 2014 et 2017, sur 23 réunions CHSCT, Monsieur [N] avait participé à 11,5 réunions (dont une le matin et pas l'après-midi) et sur 5,5 réunions, il était absent en congés payés, maladie, récupérations, et que pour 4 réunions, il ne s'était pas déplacé mais n'était pas pour autant en collecte (notamment il ne travaille pas le mercredi), le Conseil ayant noté que tous ces éléments étaient confirmés par les procès verbaux de réunion ;

En tout et pour tout, l'EFS souligne que Monsieur [N] n'a pas pu participer à 2 réunions en 3 ans parce qu'il était en effet en collecte, dont une parce que la date de CHSCT avait été modifiée au dernier moment et alors que sur la date initiale, il n'était pas planifié pour travailler (réunion initialement planifiée pour le jeudi 19 novembre 2015, réunion exceptionnellement repoussée), cette situation étant demeurée exceptionnelle et liée à des contraintes organisationnelles - la deuxième réunion à laquelle Monsieur [N] était absent et en collecte était celle du 18 décembre 2014 ;

Pièces 30 à 77 dont les convocations CHSCT, comptes-rendus et procès verbaux de réunions du CHSCT de 2012 à 2017, fiches présence de Monsieur [N] (en maladie ou en congés payés) et plannings de collectes, ainsi que la réponse de l'EFS à l'inspection du travail en date du 15 juin 2016 en ces termes :

« Nous avons pris connaissance du courrier qui vous a été adressé par Monsieur [AI] au sujet de la participation de Monsieur [P] [N] aux réunions du CHSCT.

En aucun cas nous n'entravons l'exercice du mandat des représentants du personnel, qu'ils soient élus ou syndicaux, et ce pour Monsieur [N] comme pour les autres salariés titulaires d'un mandat. C'est un principe que la direction rappelle régulièrement aux Responsables hiérarchiques de ces personnels et auquel nous sommes très attentifs.

Je souhaite mentionner par rapport au décompte des jours où Monsieur [N] n'a pas participé à une réunion du CHSCT qu'il se trouvait pour 2 réunions en congés payés (28/10/2014 et 18/02/2016) et pour 2 autres réunions en arrêt maladie (arrêt du 30/06 au 28/07/2015 - réunion le 22/07/2015 - et arrêt du 11/03 au 14/05/2016 - réunion le 21/04/2016), ce qui explique pour partie son absence aux réunions.

Je vous informe également que Monsieur [N] a participé à la dernière réunion du CHSCT, qui s'est tenue le 7 juin 2016' » (pièce 62) ;

-il est totalement hors de propos de débattre sur la légitimité de la demande d'autorisation de licenciement du salarié du 26 juillet 2019 et de la procédure qui a suivi ; les explications de Monsieur [N] sur ce point sont inopérantes ; le recours en annulation de la décision du ministre du travail n'est pas un motif de discrimination ;

Au sujet de ce recours contentieux administratif, sont versées des pièces identiques à celles déjà produites par l'appelant, outre l'ordonnance de clôture d'instruction du 5 février 2021 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulon à effet au 5 mars 2021 (pièce 98) ;

-il était bien prévu en 2013 une formation "Congrès SFTS et journées éducationnelles" mais au moment de l'établissement du plan de formation, les dates de formations n'étaient pas connues ; entre-temps, le 15 février 2013, une note du directeur de l'EFSAM était diffusée à tous les responsables de services afin qu'aucune formation ne soit planifiée, aucun congé posé, aucune réunion ou déplacement ne soit organisé durant la semaine de la journée mondiale du don de sang du 14 juin 2013 ; la formation de Monsieur [N] et de deux autres salariés était programmée du 10 au 13 juin 2013, en pleine semaine de la journée mondiale du don ; en conséquence, il fut décidé d'annuler la participation des personnes initialement prévues au congrès SFTS ; il n'y a donc eu aucune mesure de rétorsion dans le fait d'avoir annulé cette formation aux dates indiquées ; Monsieur [N] a bénéficié entre 2008 et 2017 de 15 formations d'adaptation et de maintien dans l'emploi ;

Outre les pièces déjà versées par l'appelant, l'EFS produit la note diffusée par mail le 15 février 2013 et relative "aux dispositions à mettre en 'uvre lors de la journée mondiale des donneurs de sang (semaine du 14 juin 2013)", soulignant le succès remporté lors de l'organisation de la journée mondiale des donneurs de sang du 14 juin 2012 et "dans le contexte actuel d'augmentation des besoins, il est impératif que nous capitalisions sur ce succès pour préparer dès maintenant cet événement incontournable pour notre approvisionnement en dons en 2013" et, afin de mobiliser les personnels, il est donné les consignes suivantes pour la semaine du 14 juin 2013 : ne pas planifier de formation, éviter de poser des journées de congés ou des déplacements très éloignés, éviter de planifier des réunions de travail (pièce 85) ;

L'EFS produit également un échange de courriels du 25 avril 2013 faisant suite à une communication téléphonique de Monsieur [N] avec le Responsable Formation, lequel indique qu'il a dû informer le salarié "des restrictions liées à la note de Mr [T]" et le courriel d'[I] [K] répondant être surprise de la démarche de [P] [N] "car cette information ainsi que la note a été distribuée et expliquée aux inscrits au congrès" (pièce 87) ;

Il est aussi produit le calendrier des formations suivies par Monsieur [P] [N] de 2008 à 2016 [5 journées de formation en 2008, 2 journées de formation en 2009, 6 journées de formation en 2010, 14 heures de formation en 2011, 1 journée de formation en 2012, 1 journée de formation en 2013 (la deuxième annulée), 1 journée de formation en 2014, 1 journée de formation en 2015, 2 journées de formation en 2016] (pièce 88) ;

-la rémunération des salariés est fixée dans la convention collective de l'EFS, elle correspond à un nombre de points du minimum conventionnel de la catégorie, plus des points supplémentaires liés à l'évolution individuelle après entretien annuel ;

Selon bulletins de salaire de Monsieur [N] de décembre 2016 et de septembre 2017 (pièces 89 et 90), celui-ci a bénéficié d'ores et déjà d'une augmentation annuelle entre 2016 et 2017 de 0,72 % qui sera complétée par une augmentation individuelle d'ici la fin de l'année 2017 ;

L'IFS verse une attestation établie par la Directrice des Ressources Humaines le 11 octobre 2017, à la demande du salarié, indiquant que « Monsieur [N] [P] devrait bénéficier en 2017 d'une augmentation de sa rémunération conformément à la garantie de progression salariale prévue dans la convention collective" (pièce 91) ;

Selon tableau des évolutions salariales des médecins de collecte EFS AM mai 2016 (pièce 79), l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE fait valoir que le salaire annuel de Monsieur [N] se situe dans la moyenne des salaires de sa catégorie professionnelle et de son poste et, selon tableau de l'évolution salariale de Monsieur [N] de 2012 à 2016, celui-ci a bénéficié depuis 2002 d'une évolution moyenne annuelle salariale de 2,89 % alors que l'évolution moyenne est de 2,17 % (pièces 80 et 81) ;

-l'évaluation des compétences de Monsieur [N] est constante puisqu'elles sont toujours évaluées au niveau « maîtrise de techniques de mission de prélèvement » ;

L'EFS produit les entretiens annuels d'évaluation de Monsieur [N] sur les années 2011 à 2015 (pièces 5 à 9) et souligne qu'il ressort de ces entretiens une bonne maîtrise du poste mais des lacunes en matière de savoir-être : difficultés à travailler en équipe ("difficultés selon la composition de l'équipe" en 2014), nécessité de respecter la ponctualité ("efforts sur la ponctualité à poursuivre" en 2011, "ponctualité encore imprécise parfois" en 2012, "amélioration de la ponctualité" en 2013 et 2014), de maintenir un climat plus apaisé ("climat plus apaisé avec les partenaires" en 2011 jusqu'en 2014, "Réclamations donneurs sur collecte. Climat pas toujours apaisé" en 2015 selon entretien du 31 mai 2016) et de "poursuivre les efforts mis en place" en 2015 ;

L'EFS produit également un courrier du 24 février 2016 de Monsieur [G], Trésorier DSB - Association des donneurs bénévoles de La Poste et d'ORANGE du VAR, qui rapporte le comportement non satisfaisant du Docteur [P] [N] lors de la précédente collecte du Pradet, "Entre autres, il s'est absenté à plusieurs reprises pour téléphoner alors que des donneurs attendaient de se faire inscrire' " et le courrier du 25 février 2016 de la Présidente de la même association de donneurs qui indique que "lors de la précédente collecte à la technopole de Var matin, le médecin responsable de l'équipe EFS en charge de l'accueil des volontaires au don a attiré particulièrement notre attention par son comportement quelque peu déplacé. Outre son refus de s'installer dans le local initialement utilisé lors de la précédente collecte au prétexte d'allergie à la poussière, cette personne ne s'est pas privé d'interrompre régulièrement ses entretiens, voire faire attendre les candidats au don pour se sustenter abondamment au buffet dressé et financé par nos soins pour les donneurs. Par ailleurs son refus de recevoir un dernier volontaire à 12H17 (heure de fin de collecte : 12H) alors que l'équipe médicale était prête à accueillir cette personne, nous a particulièrement déçus, sachant les difficultés que nous rencontrons, nous volontaires bénévoles, à recruter des candidats au don' ».

*****

En premier lieu, il ne peut être tenu compte des éléments en lien avec la procédure de licenciement initiée en 2019 à l'encontre de [P] [N] eu égard au recours en annulation formée devant le tribunal administratif de Toulon, la Cour ne pouvant apprécier la régularité de ladite procédure en application du principe de séparation des pouvoirs.

Au vu des éléments versés par les parties, la Cour constate que :

-l'avertissement du 13 avril 2016 est justifié ;

-Monsieur [N] n'a pas connu une stagnation professionnelle compte tenu que sa note "M", dans le cadre de son évaluation annuelle des compétences pratiques de médecin de collecte, a été maintenue (la note "MA" correspondant à une évaluation différente des compétences pratiques de médecin de prélèvement) ;

-Monsieur [N] a bénéficié de formations régulières entre 2008 et 2017 et sa participations à la formation "Congrès SFTS et journées éducationnelles" prévue du 10 au 13 juin 2013 a été annulée, ainsi que pour deux autres salariés, pour une raison objective consistant en la nécessité de mobiliser tout le personnel durant la semaine de la journée mondiale du don.

Cependant, alors que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE reconnaît que Monsieur [N] percevait un salaire, reconstitué sur la base d'un temps plein, d'un montant brut de total de 4052,37 euros en décembre 2016, ce salaire est en dessous du salaire moyen des médecins de prélèvement de janvier 2010 (4135 euros sur l'ETS Alpes-Méditerranée - pièce 32 versée par l'appelant).

Selon le tableau versé en pièce 79 par l'EFS, Monsieur [N] aurait perçu un salaire annuel de 49.854,45 euros en 2016, très légèrement au dessus du salaire annuel moyen des médecins de prélèvement (49.455,03 euros) ; toutefois, sur la base du salaire brut reconstitué de 4052,37 euros, son salaire annuel est en réalité de 48 628,44 euros (4052,37 x 12). Ainsi, il n'est aucunement établi que le salarié perçoit une rémunération dans la moyenne des salaires annuels des médecins de prélèvement. Par ailleurs, jusqu'en 2012, Monsieur [N] a eu une rémunération bien inférieure à la moyenne du salaire des médecins de prélèvement ; il a connu une progression salariale de 6 % en 2012, le rapprochant ainsi de la moyenne, puis plus aucune évolution de son salaire brut de 2013 à 2017 (tel que cela ressort du tableau "Évolution salariale de M. [N] de 2012 à 2016").

Également, Monsieur [P] [N] a fait l'objet d'une procédure disciplinaire et a été convoqué à un entretien disciplinaire en date du 28 juillet 2015 pour son refus de participer au dispositif d'entretien pré-don réalisé par des infirmiers EPDI, alors que l'employeur a reconnu que le salarié n'avait pas suivi le séminaire organisé sur ce thème à l'automne 2014 et a demandé finalement l'organisation d'une nouvelle session de formation-information afin que "(les) médecins qui n'auraient pas assisté aux séminaires organisés à l'automne 2014... bénéficient de toutes les informations liées au protocole EPDI, et puissent recevoir les réponses à toutes leurs interrogations".

Il résulte également des pièces versées par les parties que Monsieur [N] a été affecté à une collecte et n'a pu assister à la réunion du CHSCT le 18 décembre 2014, le 28 mai 2015 (réunion du CHSCT de 10 à 12 heures à [Localité 5], le salarié étant affecté à une collecte sur [Localité 6] de 12h30 à 20h30) et le 26 novembre 2015 (modification de la réunion initialement fixée le 16 novembre 2015, sans qu'il soit démontré qu'il était effectivement impossible pour la responsable du site de [Localité 6] de modifier le planning dans un délai de 10 jours - courriel du 16 novembre 2015 de [E] [S] adressé à [I] [K]).

L'EFS n'apporte par ailleurs aucun justificatif quant à la suppression des heures de délégation de Monsieur [N] le 27 mars 2015, lequel s'est retrouvé affecté à une collecte sur ses heures de délégation précédemment accordées.

Enfin, si certains représentants d'associations de donneurs bénévoles de sang ont pu, en raison de l'attitude de Monsieur [P] [N], exprimer légitimement une opposition à la présence de celui-ci sur certains sites de collecte, cela ne pouvait justifier la réaction de l'EFS demandant, selon le témoignage de Madame [OA], à la présidente de l'amicale des donneurs de sang "à ce qu'un courrier soit établi pour détailler (les) faits et gestes (de M. [N]) en vue de monter un dossier à son encontre".

En conséquence, l'existence d'une discrimination exercée par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE à l'encontre de Monsieur [N] en raison de ses activités syndicales et de son mandat est établie.

Au vu du certificat médical du 6 décembre 2021 du Docteur [CT] [W], la Cour accorde à Monsieur [P] [N] la somme de 7000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que l'avertissement du 13 avril 2016 était justifié,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE à payer à Monsieur [P] [N] 7000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ALPES MEDITERRANEE aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [P] [N] 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/17049
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;18.17049 ?
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