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05/05/2022 | FRANCE | N°20/10284

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 05 mai 2022, 20/10284


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2022



N° 2022/ 182













Rôle N° RG 20/10284 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGN4E







SA ENEDIS





C/



[K] [R]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON



SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de Cannes en date du 05 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-0002.







APPELANTE





SA ENEDIS Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, deme...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2022

N° 2022/ 182

Rôle N° RG 20/10284 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGN4E

SA ENEDIS

C/

[K] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de Cannes en date du 05 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-0002.

APPELANTE

SA ENEDIS Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant Tour Enedis - 34 Place des Corolles - 92079 PARIS LA DEFENSE

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

asssitée de Me Robert BEAUGRAND, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Hedy MAKHLOUF, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIME

Monsieur [K] [R], demeurant 278 Avenue de la République - 06550 LA ROQUETTE SUR SIAGNE

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Fabienne MORIN, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Un câble souterrain à haute tension appartenant à la société ENEDIS a été endommagé à la suite de travaux effectués le 07 janvier 2016 par Monsieur [R] sur sa propriété.

Par acte d'huissier du 18 février 2019, la société ENEDIS a fait assigner Monsieur [K] [R] aux fins principalement de le voir condamner à lui verser la somme de 8660,32 euros au titre de la réparation du dommage causé au réseau de distribution.

Par jugement contradictoire du 05 décembre 2019, le tribunal d'instance de Cannes a :

- déclaré l'action engagée par la société ENEDIS prescrite,

- débouté la société ENEDIS de ses demandes,

- débouté Monsieur [K] [R] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- laissé les dépens à la charge de la société ENEDIS.

Le premier juge a estimé prescrite l'action de la société ENEDIS; il s'est appuyé sur l'article L 218-2 du code de la consommation; il a considéré que le point de départ de la prescription biennale était fixé au jour de l'établissement de la facture de la société ENEDIS du 12 septembre 2016.

Le 26 octobre 2020, la société ENEDIS a relevé appel de tous les chefs de cette décision.

Monsieur [R] a constitué avocat.

Par conclusions notifiées le 09 juin 2021 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la SA ENEDIS demande à la cour de statuer en ce sens :

'- DEBOUTER Monsieur [K] [R] de l'intégralité de ses dernandes, fins et conclusions.

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugernent déféré.

ET STATUANT A NOUVEAU

- CONDAMNER Monsieur [K] [R] à payer à la société ENEDIS la somme de 8660,32 € au titre de la réparation du dommage causé par sa faute au réseau de distribution dont elle est gestionnaire, assortie des intérêts de droit à compter du 11 novembre 2016, le tout sous anatocisme.

- CONDAMNER Monsieur [K] [R] à payer à la société ENEDIS une somme de 1.000 € au titre de dommages-et-intéréts pour résistance abusive.

- CONDAMNER Monsieur [K] [R] à payer à la société ENEDIS une sornrne de 4.500 € sur le fondernent de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont ceux d'appel'.

Elle conteste toute prescription de son action en paiement. Elle note que l'article L 218-2 du code de la consommation ne s'applique pas. Elle relève que son action ne résulte pas de la fourniture d'un bien ou d'un service mais consiste en une demande de réparation en lien avec une faute délictuelle de Monsieur [R]. Elle souligne que son assignation visait l'article 1382 du code civil. Elle soutient qu'en procédant aux réparations, elle n'a pas agi en qualité de prestataire de services mais qu'elle s'est contentée d'assurer l'entretien et la maintenance du réseau d'électricité endommagé par les travaux effectués par Monsieur [R].

Elle relève que la prescription applicable est quinquennale.

Elle soutient qu'il appartenait à Monsieur [R], avant qu'il ne fasse ses travaux, de vérifier s'il existait des réseaux en sous-sol. Elle note qu'il devait consulter le guichet unique en application de l'article R 554-20 du code de l'environnement. Elle note que s'il avait consulté les documents nécessaires, la présence du réseau lui aurait été signalée puisqu'il était cartographié. Elle en conclut qu'il a commis une faute à l'origine exclusive du dommage qu'elle a subi.

Elle estime qu'il est redevable du coût de la réparation de ce câble avec intérêts de retard et anatocisme.

Elle sollicite des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par conclusions notifiées le 26 avril 2021 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Monsieur [R] demande à la cour de statuer en ce sens :

'Vu les dispositions de l'article L 218-2 du code de la consommation,

Vu à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 1382 du code civil,

Déclarer prescrite l'action menée par la société ENEDIS,

Par conséquent confirmer le jugement du 5 décembre 2019 en ce qu'il a déclaré prescrite l'action initiée par la SA ENEDIS,

Subsidiairement,

Déclarer infondée l'action initiée par la SA ENEDIS,

Dire et juger que le concluant n'a commis aucune faute lors du sinistre survenu le 7 janvier 2016, le câble n'étant pas installé à une profondeur suffisante et la grille avertissant de sa présence les particuliers à un endroit non conforme.

Dire et juger que le concluant n'a pas résisté abusivement aux demandes de la SA ENEDIS, la simple résistance à une action en justice n'étant pas constitutif d'un abus de droit.

Débouter la SA ENEDIS de l'ensemble de ses demandes.

La condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés par le concluant devant la Cour d'Appel.

Condamner la SA ENEDIS aux entiers dépens, ceux de 1ère instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ, sur son offre de droit'

Il soulève la prescription biennale de l'action de la société ENEDIS en s'appuyant sur l'article L 218-2 du code de la consommation. Il estime que cette société a agi en qualité de prestataire de services puisqu'elle a pris l'initiative de réparer le câble et que sa facture (à la suite de l'intervention de l'entreprise EURO-TP) est au nom de Monsieur [R].

Sur le fond, il conteste toute faute. Il indique n'avoir pas été informé de la présence du câble haute tension. Il ajoute que la réparation du dommage s'est faite hors sa présence. Il reproche à la société ENEDIS d'avoir choisi unilatéralement la société EURO TP et de l'avoir tenu à l'écart des réparations.

Il conteste certains chefs d'intervention sur la facture, notamment la main d'oeuvre (dont il indique qu'il s'agit des employés d'ERDF) et les fournitures qui ne sont pas justifiées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2021.

MOTIVATION

Sur la prescription de l'action de la société ENEDIS

Le litige entre la société ENEDIS et Monsieur [K] [R] a pour objet une demande de réparation faite par cette société à la suite de travaux effectués par Monsieur [R]. Elle estime ainsi engagée la responsabilité de ce dernier.

Il ne s'agit pas d'une action intentée par la société ENEDIS dans le cadre d'une fourniture de biens ou de services au bénéfice de Monsieur [R].

Les réparations auxquelles la société ENEDIS a procédé à la suite du dommage commis sur le câble relèvent de son obligation d'entretien du réseau.

En conséquence, c'est à tort que le premier juge a estimé prescrite l'action formée par la société ENEDIS en s'appuyant sur l'article L 218-2 du code de la consommation qui stipule que l'action des professionels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé.

Sur la responsabilité de Monsieur [R]

Il n'est pas contesté que les dommages causés au réseau de câble à haute-tension souterrain sont consécutifs à des travaux effectués le 07 janvier 2016 par Monsieur [R] sur son terrain, comme le témoigne le constat contradictoire amiable.

L'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Selon l'article R 554-20 du code de l'environnement, le responsable de projet qui envisage la réalisation de travaux vérifie au préalable s'il existe dans ou à proximité de l'emprise des travaux un ou plusieurs ouvrages dont font partie les réseaux électriques.

Monsieur [R], qui a effectué des travaux d'affouillements d'environ 0,40 m, sans rechercher s'il existait des réseaux souterrains, alors même que la présence du câble souterrain à haute tension était cartographiée, a commis une faute liée à sa négligence dans la recherche d'information.

Sa responsabilité est ainsi engagée et le lien de causalité est démontré.

Sur la réparation du préjudice subi par ENEDIS

Le câble endommagé par Monsieur [R] a dû être réparé en urgence afin de garantir la réalimentation en électricité des sites desservis.

La société ENEDIS démontre avoir fait appel à une société SARL EURO TP pour un montant de 3636 euros HT, dont elle demande le remboursement à Monsieur [R].

La facture délivrée par ERDF (devenue ENEDIS) évoque par ailleurs un coût de main d'oeuvre (opérateur et technicien pour un montant de 4466,68 euros) ainsi qu'un coût de fourniture à hauteur de 557, 12 euros.

Comme le souligne Monsieur [R], les opérateurs et techniciens, sauf démonstration contraire par ENEDIS, sont ses propres employés; elle ne peut donc soutenir que la négligence fautive commise par Monsieur [R] lui a créé un préjudice financier en lien avec la nécessité de payer des opérateurs et techniciens qui sont déjà ses employés. Elle n'indique pas plus en quoi consistent les fournitures chiffrées à la somme de 557,52 euros.

Monsieur [R], qui ne conteste pas les dégradations apportées au réseau, n'apporte aucun élément permettant de dire que l'intervention de la société SARL EURO TP n'était pas opportune ou que le coût de son intervention aurait été excessif. C'est à tort qu'il estime qu'il aurait dû être présent lors des opérations de réparation du câble. Il peut tout au plus les contester mais n'apporte aucune pièce au débat permettant de dire que le chiffrage de la réparation effectuée par la société SARL EURO TP n'était pas justifié.

En conséquence, il convient de condamner Monsieur [R] à verser à la société ENEDIS la somme de 3636 euros qui constitue le préjudice qu'elle a subi à la suite des travaux effectués par ce dernier.

Cette somme sera assortie des intérêts de retard à compter du 11 novembre 2016 avec anatocisme, date sollicitée par la société ENEDIS qui justifie avoir adressé le 08 novembre 2016 une mise en demeure à Monsieur [R].

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La société ENEDIS ne démontre pas avoir subi un préjudice qui ne serait pas déjà réparé par les intérêts moratoires auxquels est condamné Monsieur [R]. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à le voir condamner à la somme de 1000 euros.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Monsieur [R] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. Il sera débouté de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la société ENEDIS les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits. Monsieur [R] sera condamné à lui verser la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré qui a laissé les dépens à la charge de la société ENEDIS et l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles sera infirmé; il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par Monsieur [R] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande formée par Monsieur [K] [R] au titre des frais irrépétibles,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée par la société ENEDIS,

DÉCLARE recevable l'action intentée par la société ENEDIS,

CONDAMNE Monsieur [K] [R] à verser à la société ENEDIS la somme de 3636 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 11 novembre 2016 et anatocisme,

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société ENEDIS,

CONDAMNE Monsieur [K] [R] à verser à la société ENEDIS la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

REJETTE la demande de Monsieur [K] [R] faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [K] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 20/10284
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.10284 ?
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