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05/05/2022 | FRANCE | N°20/01570

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 05 mai 2022, 20/01570


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2022



N° 2022/ 200













Rôle N° RG 20/01570 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRDL







[V] [N]





C/



[I] [Y]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Gervais GOBILLOT





Me Thierry TROIN





Décision déférée à

la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de GRASSE en date du 30 Décembre 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-19-000350.





APPELANT



Monsieur [V] [N]

de nationalité Française, demeurant 205 route de Grasse - 06810 AURIBEAU SUR SIAGNE



représenté par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2022

N° 2022/ 200

Rôle N° RG 20/01570 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRDL

[V] [N]

C/

[I] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gervais GOBILLOT

Me Thierry TROIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de GRASSE en date du 30 Décembre 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-19-000350.

APPELANT

Monsieur [V] [N]

de nationalité Française, demeurant 205 route de Grasse - 06810 AURIBEAU SUR SIAGNE

représenté par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIMEE

Madame [I] [Y]

née le 29 Janvier 1953 à Oullins (69), demeurant 256 Route de Grasse - 06810 AURBIBEAU SUR SIAGNE

représentée par Me Thierry TROIN de l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Alexandra PAULUS, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Février 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 13 novembre 2014 à effet au 1er décembre 2014, M. [V] [N] a donné à bail à Mme [I] [Y] un appartement T2 sis 256 route de Grasse, 06810 Auribeau sur Siagne, moyennant un loyer mensuel initial révisable de 600 euros et le paiement d'un dépôt de garantie de 600 euros.

Un état des lieux d'entrée a été dressé contradictoirement le 30 novembre 2014.

Par arrêt du 21 mars 2017, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a statué en ces termes :

- rejette les pièces n°38 à 44 communiquées le 8 et 14 février 2017 par Mme [Y],

- infirme le jugement du 18 décembre 2015 prononcé par le Tribunal d'instance de Grasse,

- Statuant à nouveau, déboute M. [N] de ses demandes aux fins de voir constater la résilitation du bail par acquisition de la clause résolutoire et en expulsion de Mme [Y],

- Y ajoutant, déboute Mme [Y] de sa demande d'expertise,

- ordonne la réfaction du loyer à hauteur de 50% depuis le 1er janvier 2015 et ce jusqu'à la réalisation des travaux de remise en état du logement, à savoir, mettre fin aux infiltrations d'eau et vérifier la conformité de l'installation électrique,

- déboute Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts,

- condamne Monsieur [N] à payer à Mme [Y] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la présente décision sera transmise au représentant de l'Etat dans le département,

- condamne M. [N] aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêté du 6 novembre 2017, le préfet des Alpes-Martimes a mis en demeure M. [N] , à compter de la notification du présent arrêté, de faire cesser dans un délai de six mois la situation de mise à disposition aux fins d'habitation du local impropre par nature à l'habitation du logement loué à Mme [Y].

Il résulte de cet arrêté que les loyers ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cesse d'être due à compter de la notification de l'arrêté, que le propriétaire est tenu d'assurer le relogement de l'occupant dans un délai de trois mois suivant la date de notification du présent arrêté et de verser à l'occupant évincé une indemnité d'un montant égal à trois mois de son nouveau loyer et destinée à couvrir les frais de réinstallation. En cas de défaillance du propriétaire, le relogement de l'occupant est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation et son coût est à la charge du propriétaire.

Par lettre du 3 janvier 2019, Mme [Y] a informé son bailleur avoir trouvé un logement par elle-même.

Par ordonnance sur requête du 10 avril 2019, le Tribunal d'instance de Grasse a :

- constaté l'abandon des lieux loués par M. [V] [N] à Mme [I] [Y], sis 256 route de Grasse, Auribeau sur Siagne (06810),

- constaté la résiliation du bail,

- autorisé M. [V] [N] à reprendre les lieux,

- déclaré abandonnés les biens laissés sur place (une table de chevet et un meuble à deux battants) apparaissant sans valeur marchande justifiant la saisine du juge de l'exécution,

- condamné Mme [I] [Y] aux dépens.

Par courrier recommandé du 23 mai 2019, Mme [Y] a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement contradictoire du 30 décembre 2019, le Tribunal d'instance de Grasse a statué en ces termes :

- DECLARE recevable l'opposition formée par Madame [I] [Y].

- CONDAMNE Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme de 14.000 euros au titre de son préjudice de jouissance.

- CONDAMNE Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme

de 1.500 euros sur le fondement de Particle L 521-3-1 II précité du code de la construction et

de l'habitation.

- CONSTATE la résiliation du bail conclu le 13 novembre 2014 entre Madame [I] [Y] et Monsieur [V] [N] et portant sur l'appartement situé 256 route de Grasse

à AURIBEAU SUR SIAGNE le 1er janvier 2019.

- AUTORISE Monsieur [V] [N] à reprendre les lieux.

- DECLARE abandonnés les biens laissés sur place sans valeur marchande.

- DEBOUTE Madame [I] [Y] de sa demande en restitution du dépôt de garantie.

- CONDAMNE Madame [I] [Y] à payer à Monsieur [V] [N] la somme de 10.500 euros au titre des loyers impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017, les loyers postérieurs n'étant pas dus en vertu de l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2017 déclarant l'insalubrité irrémédiable du logement donné à bail.

- DEBOUTE Monsieur [V] [N] de sa demande d'indemnités d'occupation.

- DEBOUTE Madame [I] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- CONDAMNE Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNE Monsieur [V] [N] aux dépens.

- Ordonne l'exécution provisoire.

Le premier juge se fonde sur l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2017 qui a mis en demeure le bailleur de faire cesser dans le délai de 6 mois la situation de mise à disposition du logement loué à Mme [Y], celui-ci étant impropre par nature à l'habitation.

Le juge cite également l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 21 mars 2017 ayant ordonné à M. [Y] de faire des travaux de remise en état, leur absence justifiant la réfaction du loyer de 50% depuis le 1er janvier 2015 ; que M. [N] ne justifie pas de leur réalisation.

Le jugement précise que Mme [Y] a été contrainte de vivre dans un logement insalubre au-delà de la fin du mois de mai 2018 et que cette situation a eu des conséquences sur son état de santé.

Il déboute Mme [N] de sa demande en restitution du dépôt de garantie car elle n'a pas rendu les clés au bailleur et estime qu'elle reste redevable de la moitié des loyers (soit 300 euros) jusqu'au mois de novembre 2017 inclus. Il rejette la demande d'indemnité d'occupation du fait de l'arrêté du 6 novembre 2017 qui interdit toute occupation du logement.

Selon déclaration du 31 janvier 2020, M. [N] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a condamné Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme de 14.000 euros au titre de son préjudice de jouissance, condamné Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article L 521-3-1 II précité du code de la construction et de l'habitation, débouté M. [N] de sa demande d'indemnité d'occupation, condamné M.[N] à payer à Mme [Y] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Selon ordonnance du 13 avril 2021, le conseiller de la mise en état a dit qu'il n'est pas compétent pour statuer sur les demandes de nullité de la constitution de Mme [Y] et d'irrecevabilité de ses conclusions, dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 février 2022, M. [N] demande de voir :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- constaté la résiliation du bail conclu le 13 novembre 2014 entre Madame [I] [Y] et Monsieur [V] [N] et portant sur l'appartement situé 256 route de Grasse AURIBEAU SUR SIAGNE le 1er janvier 2019.

- autorisé Monsieur [V] [N] à reprendre les lieux.

- déclaré abandonnés les biens laissés sur place sans valeur marchande.

- débouté Madame [I] [Y] de sa demande en restitution du dépôt de garantie.

- condamné Madame [I] [Y] à payer à Monsieur [V] [N] la somme de 10.500 euros au titre des loyers impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017, les loyers postérieurs n'étant pas dus en vertu de l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2017 déclarant l'insalubrité irrémédiable du logement donné à bail.

- débouté Madame [I] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- L'infirmant pour le surplus ;

- Débouter Madame [I] [Y] de ses demandes aux fins de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, pour procédure et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Y ajoutant,

- condamner Madame [I] [Y] à payer à Monsieur [V] [N] la somme de 7.200 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Gervais GOBILLOT, avocat sur ses offres de droit.

Selon ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [N] fait valoir qu'il avait proposé à la locataire une offre de relogement bien avant l'arrêté préfectoral et l'a maintenue après ; que le refus obstiné de cette dernière a rendu impossible les travaux à effectuer ; qu'elle a quitté les lieux depuis janvier 2019 ne subissant plus depuis cette date de préjudice de jouissance .

Il soutient que dès le mois de janvier 2015, Mme [Y] a cessé de payer les loyers et qu'il a subi un préjudice de 7200 euros (24X300) du fait de l'occupation des lieux par cette dernière à compter du 20 novembre 2017, date de l'arrêté, jusqu'au mois de janvier 2020, date de reprise de possession des lieux.

Il invoque également l'arrêt infirmatif de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 décembre 2020 qui le relaxe et déboute Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts.

Selon ses derniers conclusions notifiées par le RPVA le 2 février 2022, Mme [Y] demande de voir :

- CONFIRMER le jugement du Tribunal d'Instance de GRASSE du 30 décembre 2019, sauf :

- en ce qu'il a débouté Madame [Y] de sa demande en restitution du dépôt de garantie;

- en ce qu'il a condamné Madame [Y] à payer à Monsieur [V] [N] la somme de 10 500 euros au titre de loyers impayés entre le 1 er janvier 2015 et le 30 novembre 2017 ;

- débouté Madame [I] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- Statuant de nouveau :

- INFIRMER le jugement sur le dépôt de garantie, les loyers de 2015 à 2017 et la procédure abusive.

- CONDAMNER Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme

de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- CONDAMNER Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme

de 3 fois 600 euros soit 1 800 euros correspondant au nouveau loyer de Madame [Y], - CONDAMNER Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme

de 600 euros correspondant au dépôt de garantie à laquelle s'ajoutera la somme de 2.160 euros correspondant aux 36 mois de retard dans la restitution de ce dépôt de garantie.

-DEBOUTER Monsieur [V] [N] de sa demande de paiement de la somme de 10 500 euros

au titre des loyers impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017.

- En tout état de cause,

- CONDAMNER Monsieur [V] [N] à payer à Madame [I] [Y] la somme

de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, sous distraction de Monsieur le Bâtonnier Thierry TROIN, Avocat, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [Y] soutient que son dépôt de garantie n'a pas été restitué et qu'il devra être majoré de 10% par mois de retard depuis le 24 novembre 2017, date de notification de l'arrêté préfectoral ; que la demande en paiement des loyers de M. [N] est prescrite sur la période antérieure à juillet 2016 et qu'à partir de la notification de l'arrêté préfectoral, aucune somme n'est due par la locataire conformément aux articles L. 521-2 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Elle soutient avoir été contrainte de se maintenir dans des lieux insalubres malgré l'arrêté préfectoral, pendant 14 mois, soit un préjudice total de 14000 euros (1000X14).

La procédure a été clôturée le 9 février 2022.

MOTIVATION :

A titre liminaire, il convient de relever que le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'opposition formée par Mme [I] [Y],

- constaté la résiliation du bail conclu le 13 novembre 2014 entre Mme [I] [Y] et M. [V] [N] et portant sur l'appartement situé 256 route de Grasse à AURIBEAU SUR SIAGNE le 1er janvier 2019,

- autorisé M. [V] [N] à reprendre les lieux,

- déclaré abandonnés les biens laissés sur place sans valeur marchande.

Sur la demande en paiement de la somme de 10 500 euros correspondant aux loyers impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017 :

L'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le locataire est obligé de payer le loyer et charges récupérables aux termes convenus.

L'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi du 24 mars 2014, prévoit que toutes les actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Il résulte de la combinaison des articles 2241 et 2242 du code civil que la prescription est interrompue par une action en justice et est suspendue pendant toute la durée de l'instance.

En l'espèce, par acte sous seing privé du 13 novembre 2014 à effet au 1er décembre 2014, M. [V] [N] a donné à bail à Mme [I] [Y] un appartement T2 sis 256 route de Grasse, 06810 Auribeau sur Siagne, moyennant un loyer mensuel initial révisable de 600 euros et le paiement d'un dépôt de garantie de 600 euros.

Dès le 16 juin 2015, M. [N] a saisi le Tribunal d'instance de Grasse pour obtenir notamment la condamnation de Mme [Y] à lui payer les lieux et charges non réglés, suite à un commandement de payer signifié par acte d'huissier du 13 avril 2015.

Le tribunal a rendu sa décision le 18 décembre 2015 dont Mme [Y] a interjeté appel.

Par arrêt infirmatif du 21 mars 2017, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé que le logement loué par M. [N] à Mme [Y] ne répond pas aux caractéristiques du logement décent telles qu'énoncées par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 et que M. [N] ne justifie d'aucun travaux : il a donc manqué à son obligation de délivrance d'un logement décent.

En revanche, elle ne retient pas la demande d'exception d'inexécution de Mme [Y], celle-ci n'ayant pas payé son loyer depuis février 2015, car les lieux ne sont pas totalement et en permanence inhabitables. Elle décide alors d'ordonner la réfaction du loyer à hauteur de 50% depuis le 1er janvier 2015 et ce jusqu'à la réalisation des travaux de remise en état du logement, à savoir, mettre fin aux infiltrations d'eau et vérifier la conformité de l'installation électrique et de débouter Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts.

Ainsi, concernant l'exception de fin de non-recevoir tirée de la prescription, les demandes en justice précitées et les instances qui s'en sont suivies ont interrompu et suspendu le délai de prescription triennale.

Par conséquent, la demande en paiement des loyers échus depuis le 1er janvier 2015 formée initialement par M. [N], lors de l'audience de débats du 19 novembre 2019, qui s'est tenue devant le Tribunal d'instance de Grasse à l'occasion de la présente affaire, n'est pas prescrite et est donc parfaitement recevable.

Sur son bien-fondée, il convient de rappeler que par arrêté du 6 novembre 2017, le préfet des Alpes-Martimes a mis en demeure M. [N], à compter de la notification du présent arrêté de faire cesser dans un délai de six mois la situation de mise à disposition aux fins d'habitation du local impropre par nature à l'habitation du logement loué à Mme [Y].

Il résulte de cet arrêté que les loyers ou toute autre somme versée en contrepartie de l'occupation cesse d'être due à compter du premier jour du mois qui suit la date de notification par affichage, soit en l'espèce à compter du 1er décembre 2017.

En outre, M. [N] ne justifie pas avoir réalisé les travaux demandés par la Cour avant la date de l'arrêté du 6 novembre 2017.

En effet, selon rapport d'enquête du 2 octobre 2017 faisant suite à une visite de l'Agence Régionale de Santé de Provence Alpes-Côte d'Azur du 16 août 2017, il est noté notamment une humidité avec prolifération de moissures, des enduits dégradés et un réseau électrique médiocre et dangereux.

Par conséquent, au vu du décompte établi dans le commandement de payer du 13 avril 2015 délivré à la locataire par son bailleur et de la réfaction de moitié des loyers telle que décidée par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, il convient de retenir la somme de 9650 euros (300 X 35 - 850 euros de versements de la locataire).

Alors, Mme [Y] sera condamnée à payer à M. [N] la somme de 9 650 euros au titre des loyers échus et impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Sur le préjudice de jouissance :

L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...).

Il est obligé d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations autres que locatives nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des lieux loués.

En vertu de l'article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6.

Avant le début des travaux, le locataire est informé par le bailleur de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux qui lui est remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

En l'espèce, il résulte des éléments produits aux débats que Mme [Y] n'occupe plus les lieux depuis le 1er janvier 2019, date de résiliation du bail décidée par le premier juge.

En outre, il convient de rappeler que par arrêt du 21 mars 2017, devenu définitif, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a décidé que la réfaction du loyer de 50% constitue une indemnisation suffisante du trouble de jouissance subi par la locataire.

Par conséquent, il convient de se demander si Mme [Y] est bien-fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice de jouissance subi entre le mois de mars 2017 et celui de décembre 2018 alors qu'elle ne règle que la moitié des loyers pour compenser le préjudice subi.

M. [N] invoque que la locataire a, à plusieurs reprises, refusé les interventions des entrepreneurs aux fins d'effectuer les travaux de remise en état alors qu'il avait pour obligation de faire cesser dans les six mois de la notification de l'arrêté du 6 novembre 2017, soit jusqu'au 24 mai 2018, la situation d'indécence du logement loué.

M. [N] produit plusieurs courriers informant Mme [Y] de l'intervention d'entreprises pour effectuer des travaux : la lettre recommandée avec accusé de réception du 3 novembre 2017, la lettre recommandée avec AR du 13 novembre 2017, la lettre recommandée avec AR du 9 janvier 2018 proposant trois dates de rendez-vous au mois de janvier 2018 afin de trouver une solution favorable.

Si le contenu des lettres envoyées ne respectent pas les exigences de l'article 7 e) précité puisque la nature et les modalités d'exécution des travaux ne sont décrites avec précision, il n'en demeure pas mois qu'à chaque demande, le bailleur s'est heurté à un refus de la locataire qui invoque des problèmes de santé mais qui ne sont pas justifiés aux débats.

En outre, en vertu de l'article L. 521-3-1 du code de la construction et de l'habitation, l'arrêté du 6 novembre 2017 prévoit que le propriétaire est tenu d'assurer le relogement de l'occupante dans un délai de trois mois suivant sa date de notification.

M. [N] avait donc jusqu'au 26 février 2018 pour faire cette proposition à Mme [Y], étant précisé que l'obligation de relogement est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre de relogement correspondant à ses besoins et possibilités.

Or, M. [N] explique aussi avoir proposé, à plusieurs reprises, un autre logement à Mme [Y], mitoyen à celui qu'elle louait, notamment par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juillet 2018.

Si par lettre du 12 novembre 2018, Mme [Y] expose que le logement proposé est dans le même état que celui qu'elle occupe, sans en justifier, la proposition a néanmoins été faite bien après la date du 20 février 2017 susvisée.

Il en est de même de deux autres propostions faites par M. [N], par lettre du 13 novembre 2018, dont il n'est pas démontré qu'elle ait été dûment envoyée à la locataire.

Cependant, au vu de l'ensemble de ces éléments, même si le bailleur n'a pas respecté son obligation de relogement ni de remise en état dans les délais légaux contraignant ainsi la locataire à continuer de résider dans un logement indécent jusqu'à début janvier 2019, il n'en demeure pas moins que celle-ci, qui se plaignait de l'indécence des lieux loués, n'a pas permis l'accès au logement pour y remédier tout en voyant son préjudice de jouissance compensé par la décision de réfaction des loyers de 50% prise par la Cour le 21 mars 2017.

Par conséquent, il convient de ne pas faire droit à sa demande d'indemnisation supplémentaire à hauteur de la somme de 14000 euros et par là même d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts de M. [N] :

L'indemnité d'occupation est destinée à compenser le préjudice subi par le bailleur, qui du fait de l'occupation sans droit ni titre de son bien par un tiers, ne peut en disposer notamment en le proposant de nouveau à la location.

En l'espèce, si M. [N] admet qu'il ne peut avoir droit à une indemnité mensuelle d'occupation de la part de Mme [Y] suite à l'arrêté du 6 novembre 2017 qui a suspendu l'obligation de celle-ci de payer le loyer, une solution de relogement devant être trouvé dans les trois mois, il sollicite néanmoins des dommages-intérêts à hauteur de 300 euros par mois, entre le 10 avril 2019 et la date de reprise de possession au mois de janvier 2020.

Cependant, le bail s'est trouvé résilié le 1er janvier 2019 du fait de l'abandon des lieux par la locataire à cette date, le juge d'instance de Grasse ayant constaté cette inoccupation par ordonnance du 10 avril 2019 et ayant autorisé le bailleur à reprendre les lieux à cette date.

Par conséquent, il appartenait au bailleur de faire les travaux nécessaires pour pouvoir disposer de nouveau de son bien à compter du 10 avril 2019 sans qu'il puisse imputer une quelconque occupation à l'intimée à compter de cette date.

Ainsi, il convient de débouter M. [N] de ce chef de demande et par là même de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur l'indemnité de réinstallation due à l'intimée :

En vertu de l'article L. 521-3-1 II du code de la construction et de l'habitation, le bailleur doit verser à l'occupant évincé une indemnité destinée à couvrir ses frais de réinstallation, d'un montant égal à trois mois du nouveau loyer.

En l'espèce, le premier juge s'est fondé sur la quittance d'un montant de 500 euros produite par Mme [Y] et datée du 24 décembre 2018 où il apparaît que le montant de son nouveau loyer, en ce non compris les charges, s'élève à la somme de 500 euros, et non 600 euros comme indiqué à tort par l'intimée.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en condamnant M. [N], qui ne prouve pas sa libération, à verser à Mme [Y] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 521-3-II précité.

Sur les demandes de Mme [Y] :

Sur la restitution du dépôt de garantie :

L'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l'adresse de son nouveau domicile.

De même, le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal d'un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée, déduction fait le cas échéant des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [Y] n'a pas jamais restitué les clés à M. [N] qui a dû saisir un huissier de justice et le juge d'instance de Grasse pour reprendre possession de son bien.

Par conséquent, elle ne peut valablement invoquer à son profit les dispositions de cet article et sera donc déboutée de sa demande.

Sur la procédure abusive :

L'article 1241 du code civil prévoit que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par son négligence ou par son imprudence.

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

L'article 1353 du code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que M. [N] obtient la réformation du jugement déféré sur sa condamnation au titre du préjudice de jouissance.

En outre, Mme [Y] ne démontre pas la mauvaise foi de l'appelant qui n'a fait qu'user d'une voie de recours qui lui était ouverte, ni n'apporte pas la preuve de la réalité d'un préjudice distinct de l'engagement de frais irrépétibles.

Par conséquent, Mme [Y] sera déboutée de sa demande faite à ce titre et le jugement déféré sera aussi confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles tant en première instance qu'en cause d'appel.

De même, chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Ainsi, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [V] [N] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [V] [N] aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné M. [V] [N] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 14 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,

- condamné M. [V] [N] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 10 500 euros au titre des loyers impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017,

- condamné M. [V] [N] à payer à Mme [I] [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné M. [V] [N] aux dépens.

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE Mme [I] [Y] à payer à M. [V] [N] la somme de 9 650 euros au titre des loyers échus et impayés entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2017 ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles, tant en première instance qu'en cause d'appel ;

DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 20/01570
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.01570 ?
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