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05/05/2022 | FRANCE | N°19/16360

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 05 mai 2022, 19/16360


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2022



N° 2022/ 191













Rôle N° RG 19/16360 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBZ3







[P] [O]





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SA CA CONSUMER FINANCE





















Copie exécutoire délivrée

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à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON





Me Sylvain DAMAZ








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Jugement du Tribunal d'Instance de Menton en date du 24 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11 19-236.







APPELANT



Monsieur [P] [O], demeurant 2398 Chemin de la Saint Jean - 06240 BEAUSOLEIL



représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE S...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2022

N° 2022/ 191

Rôle N° RG 19/16360 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBZ3

[P] [O]

C/

SA CA CONSUMER FINANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Sylvain DAMAZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de Menton en date du 24 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11 19-236.

APPELANT

Monsieur [P] [O], demeurant 2398 Chemin de la Saint Jean - 06240 BEAUSOLEIL

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Laurent ROTGÉ, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA CA CONSUMER FINANCE, demeurant 1 rue Victor Basch CS 70001 - CS 70001 - 91068 MASSY CEDEX

représentée par Me Sylvain DAMAZ de l'AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Février 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2022,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 3 décembre 2016, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à M. [P] [O] un crédit affecté à l'achat d'un véhicule de marque HYUNDAI modèle TUCSON 1.7 CRDI 141 CREATIVE, moyennant un capital de 29444,76 euros, remboursable en 72 mensualités de 467,90 euros, sans assurance et incluant les intérêts au taux nomimal débiteur de 3,432% l'an.

La facture d'acquisition du véhicule a été dressée par la garage GLINCHE AUTOMOBILE le 7 décembre 2016.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 octobre 2018, la SA CA CONSUMER FINANCE a adressé à l'emprunteur une mise en demeure prononçant la déchéance du terme et le sommant de payer la totalité des sommes restant dues, soit 27436,68 euros.

Par acte du 29 avril 2019, la SA CA CONSUMER FINANCE a fait citer M. [O] pour le voir condamner au paiement de la somme de 27321,41 euros avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 24973,95 euros à compter du 20 août 2018, outre la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2019, le Tribunal d'instance de Menton a statué en ces termes :

- DIT LA SOCIETE ANONYME CA CONSUMER FINANCE recevable en ses demandes ;

- CONDAMNE Monsieur [P] [O] à payer à LA SOCIETE ANONYME CA CONSUMER FINANCE la somme de 25 318, 65 euros, avec intérêt au taux conventionnel de

3, 432 % l'an à compter de la mise en demeure du 3 octobre 2018 et ce, jusqu'au parfait paiement,

outre celle d'1euro au titre de l'indemnité légale ;

- DEBOUTE LA SOCIETE ANONYME CA CONSUMER FINANCE de sa demande de restitution du véhicule sous astreinte ;

- DEBOUTE Monsieur [P] [O] de sa demande de délais de paiement ;

- DEBOUTE LA SOCIETE ANONYME CA CONSUMER FINANCE de sa demande sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Monsieur [P] [O] aux entiers dépens ;

- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Ledit jugement fixe la date du premier incident de paiement non régularisé au 10 avril 2018 et décide que l'action de la banque n'est pas forclose.

Le défendeur ne contestant pas la créance dans son principe et son montant, il est condamné à payer le solde de la somme restant dûe outre intérêts au taux conventionnel de 3,432% ainsi qu'à une clause pénale réduite à un euro compte tenu de son caractère manifestement excessif.

Il est dit que le véhicule, objet du crédit, a déjà été restitué et que les délais de paiement seront rejetés, l'emprunteur ayant revendu le véhicule sans remettre son prix de vente au prêteur et le train de vie adopté par la famille excédant ses capacités financières.

Selon déclaration du 22 octobre 2019, M. [O] a relevé appel de ce jugement en en demandant l'annulation ou la réformation en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté le prêteur de sa demande en restitution du véhicule et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2021, M. [O] demande de voir :

- DECLARER recevable et DIRE bien fondé l'appel formé par Monsieur [O] contre le jugement du 24 septembre 2019,

- INFIRMER ledit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a réduit le montant de l'indemnité légale à 1 euro et débouté CA CONSUMER FINANCE de sa demande de restitution du véhicule sous astreinte,

- Statuant à nouveau et à titre principal :

- DIRE ET JUGER que la société CA CONSUMER FINANCE ne peut se prévaloir de la déchéance du terme,

- en conséquence, vu que la société CA CONSUMER FINANCE sollicite le paiement de l'intégralité de sa créance, DEBOUTER la société CA CONSUMER FINANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- CONDAMNER la société CA CONSUMER FINANCE à verser à Monsieur [O] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

- A titre infiniment subsidiaire,

- DIRE ET JUGER que la société CA CONSUMER FINANCE sera déchue des intérêts conventionnels,

- CONSTATER que Monsieur [O] est dans l'impossibilité de procéder au remboursement de la somme sollicitée dans l'immédiat ou en une seule fois, et CONSTATER que la société CA CONSUMER FINANCE ne se trouve pas en état de nécessité ;

- ACCORDER à Monsieur [O] les plus larges délais possibles pour paiement de sa dette.

- STATUER ce que de droit sur les dépens.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [O] soutient que le prêteur n'a pas délivré de mise en demeure préalable pour prononcer valablement la déchéance du terme, le prêteur devant justifier que le débiteur a effectivement reçu la lettre de mise en demeure alors que le courrier adressé par l'intimée est revenu avec la mention 'pli avisé et non réclamé'.

Il sollicite la déchéance du droit aux intérêts pour défaut de fiche d'information standardisée, défaut de bordereau détachable de rétractation, absence de vérification de la solvablité de l'enprunteur. Il soutient que la clause pénale doit être réduite à un euro faute pour la banque de prouver son préjudice.

Il invoque sa situation finnacière délicate : il a débuté une activité de concergierie et services aux particuliers sous le statut d'auto-entrepreneur, il a déclaré un revenu annuel 2020 de 45630 euros et son épouse, un revenu annuel de 800 euros, qu'elle a été victime d'un AVC de l'oreille interne et ne peut plus travailler. Il précise qu'il perçoit la somme de 240 euros au titre des prestations familiales monégasques, qu'il paie un loyer de 1726 euros et a d'autres prêts à honorer et qu'il lui reste environ 500 à 600 euros par mois.

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2020, la SA CA CONSUMER FINANCE demande de voir :

- A titre principal,

- DEBOUTER M. [P] [O] de ses demandes,

- DIRE ET JUGER que la déchéance du terme est régulièrement acquise,

- A titre subsidiaire,

- PRONONCER la résolution judiciaire du contrat en l'état des manquements du débiteur à ses obligations contractuelles,

- Par conséquent, CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de MENTON,

- A titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait prononcer la déchéance du terme,

- CONDAMNER M. [P] [O] à payer à CA CONSUMER FINANCE la somme de 22894,16 euros,

- CONDAMNER M. [P] [O] à payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER M. [P] [O] aux entiers dépens.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA CA CONSUMER FINANCE soutient que le contrat de crédit contient une clause résolutoire de plein droit sans mise en demeure préabable en cas de défaillance de l'emprunteur; que le code de la consommation ne prévoit pas l'exigence d'une mise en demeure préalable ; qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts, il convient de fixer la créance à la somme totale de 22894,16 euros.

La procédure a été clôturée le 16 février 2022.

MOTIVATION :

Il convient, à titre liminaire, de constater que la recevabilité de l'action de la SA CA CONSUMER FINANCE n'est pas contestée par l'appelant, sur le fondement de l'article R. 312-35 du code de la consommation selon lequel les actions, à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le Tribunal d'instance dans les deux ans de l'évènement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur la déchéance du terme et la résolution judiciaire du contrat de prêt :

Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En vertu de l'article 1227 du code civil, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sans disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass. 1ère Civ., 6 décembre 2017, n°16-19914).

En l'espèce, selon offre préalable accepté le 3 décembre 2016, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à M. [P] [O] un crédit affecté à l'achat d'un véhicule de marque HYUNDAI modèle TUCSON 1.7 CRDI 141 CREATIVE, moyennant un capital de 29444,76 euros, remboursable en 72 mensualités de 467,90 euros, sans assurance et incluant les intérêts au taux nomimal débiteur de 3,432% l'an.

Il résulte des conditions générales de ce contrat de crédit qu'il n'est pas prévu une clause de déchance du terme, expresse et non équivoque, prévoyant la déchéance du terme sans lettre de mise en demeure de l'emprunteur.

Or, par lettre recommandée avec avis de réception du 3 octobre 2018, la SA CA CONSUMER FINANCE a adressé à l'emprunteur une mise en demeure prononçant la déchéance du terme et le sommant de payer la totalité des sommes restant dues, soit 27436,68 euros.

Ainsi, le prêteur ne justifie pas avoir adressé à l'emprunteur une mise en demeure préalable à la notification de la résolution du contrat, lettre qui préciserait de plus un délai pour le débiteur pour y faire obstacle. Il convient donc de faire application de l'article 1227 du code civil.

M. [O] n'ayant pas réglé ses mensualités de prêt depuis le 10 avril 2018, il convient de considérer que ce dernier a manqué de façon réitérée à son obligation principale de rembourser le prêt, manquement suffisamment grave pour justifier de la résolution judiciaire du contrat souscrit auprès de la SA CA CONSUMER FINANCE.

Par conséquent, il convient de prononcer la résolution judiciaire du contrat aux torts de l'emprunteur à la date de la présente décision.

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

En l'espèce, il convient de faire application des dispositions introduites par la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, dite Loi Lagarde, reprises par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 aux articles L. 312-1 et suivants, telles qu'invoquées par l'appelant.

Ainsi, il convient de regarder la conformité de l'offre préalable de crédit renouvelable signée par ce dernier en date du 3 décembre 2016 aux dispositions précitées.

* Sur la fiche d'informations précontractuelles :

L. 341-1 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 312-12 ou pour les opérations de découvert en compte, à l'article L. 312-85, est déchu du droit aux intérêts.

Par ailleurs, en application de l'article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Enfin, il convient de rappeler les termes de l'arrêt de la 4ème chambre de la CJUE, rendu le 18 décembre 2014, sur renvoi préjudiciel, dans l'affaire C-449/13, CA Consumer Finance SA c. Ingrid Bakkaus et autres, selon lequel les dispositions de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, et en particulier le paragraphe 3 de son article 22, « s'opposent à ce que, en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 ».

L'article L. 312-12 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat litigieux, prévoit que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

En l'espèce, force est de constater que la SA CA CONSUMER FINANCE ne produit pas cette fiche d'information précontractuelle, la mention selon laquelle 'l'emprunteur reconnaît avoir reçu et pris connaissance de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées et de son annexe' ne peut suffire à établir que ce dernier l'a bien reçu du prêteur, qui ne peut ainsi valablement renverser la charge de cette preuve.

Par conséquent, de ce seul fait, l'intimée encourt la déchéance totale de son droit aux intérêts contractuels.

* Sur la vérification de la solvabilité :

L. 341-3 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 312-17 est déchue du droit aux intérêts.

L'article L. 312-17 code de la consommation dispose que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'information distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12 est remise par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur.

Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.

La fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche doivent faire l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude.

Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt.

Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret.

Ce seuil est fixé, en vertu de l'article D. 312-7 du code de la consommation, à 3 000 euros.

L'article D. 312-8 dudit code prévoit que les pièces justificatives mentionnées à l'article L. 312-17 sont les suivantes :

- tout justificatif de domicile de l'emprunteur et,

- tout justificatif de revenu de l'emprunteur et,

- tout justificatif de l'identité de l'emprunteur.

Les pièces justificatives doivent être à jour de l'établissement de la fiche d'information mentionnée à l'article L. 312-17.

En l'espèce, s'agissant d'un crédit affecté supérieur à la somme de 3000 euros, la SA CA CONSUMER FINANCE aurait dû produire les trois types de pièces justificatives prévus par les dispositions susvisées. Or, aucune de ces pièces n'est versée aux débats par la société de crédit.

Là encore, la SA CA CONSUMER FINANCE encourt la déchéance totale de son droit aux intérêts contractuels.

* Sur le bordereau détachable de rétractation :

L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi, que pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts.

L'article L. 312-19 du code de la consommation prévoit que l'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comportant les informations prévues à l'article L. 312-28.

L'article L. 312-21 dudit code dispose qu'afin de permettre l'exercice du droit de rétractation mentionnée à l'article L. 312-19, un formulaire détachable de rétractation est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

En l'espèce, il résulte également des pièces produites par l'organsime de crédit que l'exemplaire du contrat de prêt consenti à M. [O] ne comporte aucun formulaire détachable de rétractation comme l'exige l'article L. 311-21 précité.

A titre surabondant, il convient là encore de rappeler que la seule reconnaissance par l'emprunteur qu'il a reçu le formulaire détachable ne suffit pas à justifier que le prêteur a rempli ses obligations. Dans l'hypothèse inverse, cela opèrerait un renversement de la charge de la preuve alors qu'il appartient au prêteur de justifier du bien-fondé de la créance qu'il invoque.

Dans ces conditions, au vu des nombreux manquements de la SA CONSUMER FINANCE à ses obligations pré-contractuelles et contractuelles, il sera prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Ainsi, en application de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.

Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restitués par le prêteur ou imputés sur le capital restant dû.

Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 312-40 du code de la consommation.

Dans ce cas, il n'y a donc pas lieu de réduire le montant de l'indemnité légale à 1 euro.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats dont l'historique de compte que le capital emprunté est de 29444,76 euros duquel il convient de déduire les versements effectués par l'emprunteur, soit une somme totale de 6551,65 euros.

Pour assurer l'effectivité de la sanction de la déchance du droit aux intérêts au sens de la jurisprudence communautaire, il convient de ne pas faire application de l'article L.313-3 du Code monétaire et financier, énonçant que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire.

En conséquence, M. [O] sera condamné à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 22 893,11 euros, outre intérêts au taux légal non majoré à compter de la date de la mise en demeure du 3 octobre 2018.

Ainsi, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

En revanche, il est à relever que la SA CA CONSUMER FINANCE ne sollicite pas la restitution du véhicule en cause d'appel, ce dernier ayant été vendu par l'emprunteur.

Sur les délais de paiement :

En vertu de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, M. [O] sollicite des délais de grâce pour payer sa dette et justifie, pour son couple, d'un revenu imposable annuel de 46347 euros pour l'année 2020.

Il expose avoir créé, le 15 juillet 2020, son entreprise de conciergerie et de services à la personne mais ne justifie pas de revenus à ce titre.

Il affirme que son épouse rencontre des problèmes de santé et qu'ils doivent faire face à de nombreux emprunts pour un montant d'environ 114 458 euros, outre la somme mensuelle de 4167 euros de dépenses contraintes incluant un loyer de 1700 euros.

Or, au vu du montant de sa dette envers la SA SOFINCO, il serait nécessaire de prévoir des mensualités de l'ordre de 950 euros, auxquelles il ne pourrait faire face du fait de ses charges mensuelles et de son important endettement, qui ne paraît pouvoir être traité que dans le cadre d'une procédure de surendettement, comme l'a relevé à juste titre le premier juge.

Par conséquent, M. [O] ne pourra donc apurer sa dette en deux ans, il convient donc de rejeter sa demande de délais de paiement.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité et la situation économique respective des parties commandent que la SA CA CONSUMER FINANCE conserve la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

L'appelant, qui succombe en partie, sera condamné aux dépens d'appel.

Enfin, il convient de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a condamné M. [P] [O] aux dépens et a débouté la société CA CONSUMER FINANCE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [P] [O] à payer à LA SOCIETE ANONYME CA CONSUMER FINANCE la somme de 25 318, 65 euros, avec intérêt au taux conventionnel de 3, 432 % l'an à compter de la mise en demeure du 3 octobre 2018 et ce, jusqu'au parfait paiement, outre celle d'1euro au titre de l'indemnité légale ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

PRONONCE, à la date du présent arrêt, la résolution du contrat de crédit affecté du 3 décembre 2016 aux torts de M. [P] [O] ;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts ;

En conséquence, CONDAMNE M. [P] [O] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 22 893,11 euros, outre intérêts au taux légal non majoré à compter de la date de la mise en demeure du 3 octobre 2018 ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [P] [O] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 19/16360
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;19.16360 ?
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