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04/05/2022 | FRANCE | N°17/03822

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 04 mai 2022, 17/03822


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2022



N° 2022/ 219







N° RG 17/03822



N° Portalis DBVB-V-B7B-BADHY







SA HOTEL MAJESTIC





C/



SARL MAGREY

AND SONS







































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Agnès ERMENEUX r>


Me Sylvie CAMPOCASSO







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Janvier 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/01320.





APPELANTE



SA HOTEL MAJESTIC

dont le siège social est sis Hôtel Majestic Boulevard de la Croisette 06400 CANNES, prise en la personne de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2022

N° 2022/ 219

N° RG 17/03822

N° Portalis DBVB-V-B7B-BADHY

SA HOTEL MAJESTIC

C/

SARL MAGREY

AND SONS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Sylvie CAMPOCASSO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Janvier 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/01320.

APPELANTE

SA HOTEL MAJESTIC

dont le siège social est sis Hôtel Majestic Boulevard de la Croisette 06400 CANNES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me André GUILLEMAIN de la SCP SCP GUILLEMAIN PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SARL MAGREY AND SONS

dont le siège social est sis 9 Boulevard de la Croisette 06400 CANNES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

représentée par Me Sylvie CAMPOCASSO, avocat au barreau de MARSEILLE

et plaidant par Me Jean-Pierre BLATTER de la SCP BLATTER SEYNAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Février 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 mai 2022

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 04 mai 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 5 février 1997, la société Hôtel Majestic a donné à bail commercial pour 9 ans à compter du 1er mai 1997 à la société Magrey and Sons des locaux sis 9 boulevard de la Croisette à Cannes à usage d'agence immobilière.

Par acte sous seing privé en date du 27 septembre 2007 et dans le cadre d'un protocole dit transactionnel, le bail a été renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 29 septembre 2006, moyennant un loyer annuel de 152 000€ hors taxes et charges, avec clause d'indexation triennale sur l'indice du coût de la construction.

L'article 7 de l'avenant de renouvellement signé le même jour prévoit que le loyer du bail renouvelé sera calculé par rapport à la valeur locative du marché au jour du renouvellement sans application de la règle du plafonnement.

Par acte du 18 février 2015, la société Hôtel Majestic a donné congé à la société Magrey and Sons pour le 28 septembre 2015 avec paiement d'une indemnité d'éviction.

Par jugement contradictoire du 3 janvier 2017, le tribunal de grande instance de GRASSE a dit le congé à effet au 28 septembre 2015 régulier et valide, dit que le refus de renouvellement avait pour effet la perte de son fonds par la locataire, dit que l'article 7 de l'avenant au renouvellement du 27 avril 2007 n'était ni nul ni non écrit, qu'en conséquence l'indemnité d'éviction devait être fixée à la valeur marchande du fonds et a ordonné une expertise.

Le 3 janvier 2017, la société Hôtel Majestic a interjeté appel de cette décision.

Le 13 septembre 2019, l'expert désigné par la juridiction a déposé son rapport.

Par ordonnance d'incident du 12 mai 2021, le conseiller de la mise en état a débouté la société Hôtel Majestic de sa demande de complément d'expertise afin de recueillir des informations sur la valeur du fonds de commerce de la SARL Magrey and Sons, la possibilité de transfert en l'état sur le boulevard de la Croisette et l'écart des valeurs locatives de marché entre 2015 et 2020 compte tenu de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid 19.

Par conclusions du 25 janvier 2022, la société Hôtel Majestic demande à la cour :

JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Hôtel Majestic,

Et statuant de nouveau,

INFIRMER la décision du tribunal, en ce qu'il a été jugé que le refus de renouvellement du bail, a pour effet la perte totale par la société Magrey and Sons de son fonds de commerce

JUGER que le tribunal ne pouvait de plano, alors même qu'une expertise était ordonnée pour apprécier du préjudice subi du fait de l'éviction, JUGER que la société Magrey and Sons perdait la totalité de son fonds de commerce

JUGER que la preuve d'un possible déplacement de l'agence Magrey and Sons, sans perte totale de clientèle est rapportée, en l'état,

- de l'existence de trois agences Magrey and Sons à ce jour, date de détermination de l'indemnité d'éviction,

- de l'existence de locaux disponibles sur le boulevard de la Croisette, notamment ceux précédemment occupés par l'agence Taylor, agence également prestigieuse,

- du fait que Magrey and Sons dispose d'un maillage de sociétés démontrant que l'emplacement du 9 Croisette n'est pas indispensable, en attestant ses diffusions nombreuse par internet, l'examen de son site, l'existence de divers annonceurs avec lesquels elle collabore.

-du fait que selon Magrey and Sons, son agence 'hôtel de la Croisette' connaîtrait des résultats exceptionnels en 2021, alors même que le flux des chalands s'est considérablement réduit en 2021,

-que les hôtels de luxe à CANNES ont connu des résultats très inférieurs à ceux de l'année 2019 et 2018,

-de l'aveu de la société Magrey and Sons, qui le 21 janvier 2022, reconnaît que l'agence du 9 boulevard de la Croisette drainait une clientèle des alentours, notamment de MOUGINS et SAINT TROPEZ, raison de la création des agences Magrey and Sons à MOUGINS et SAINT TROPEZ,

ORDONNER en conséquence le complément d'expertise sollicité aux termes des présentes écritures, et RENVOYER à la connaissance du tribunal d'ores et déjà saisi les fixations des indemnités d'éviction d'occupation,

JUGER qu'il appartiendra dans ces conditions au Tribunal, connaissance prise de la mesure d'expertise ordonnée par la Cour de statuer sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation,

JUGER que le complément d'expertise s'impose d'autant, que les comptes 2019, 2020 et 2021 communiqués le 21 janvier 2022 de la société Magrey and Sons doivent être analysés pour en apprécier la cohérence d'une part, et que l'expert du fait de l'omission de statuer du Tribunal, n'a pu donner un avis sur le montant de l'indemnité d'occupation, ni se prononcer sur une perte partielle du fonds d'autre part.

JUGER qu'il convient de respecter la règle des deux degrés de juridiction, a fortiori en l'état du bouleversement du marché des valeurs locatives, valeurs des fonds de commerce et droits aux baux, ignorés du tribunal et de l'expert,

JUGER que les conclusions de l'expert arrêtées au 13 septembre 2019 ne sauraient permettre une fixation en 2022, en l'état des méconnaissances par l'expert des implantations des agences Magrey and Sons avant le dépôt de son rapport, et du bouleversement du marché effectif depuis la fin de I'année 2019 et pendant toutes les années 2020 et 2021,

JUGER que la Cour, sans méconnaître le principe du double degré de juridiction et des dispositions de l'article 6.1 de la CEDH, et des ultimes prétentions de la société Magrey and Sons datant du 21 janvier 2022, se doit de renvoyer à la connaissance du Tribunal le litige relatif à la fixation de l'indemnité d'éviction,

JUGER, à titre infiniment subsidiaire, que le préjudice de la société MAGREY AND SONS né de son éviction, ne saurait excéder la somme de 200.000 €,

Et pour le surplus,

JUGER irrecevable, en tout cas mal fondé, l'appel incident formé par la société Magrey and Sons,

CONFIRMER la décision déférée quant à la validité de la clause prévue à l'article 7 de l'avenant de renouvellement,

JUGER, en effet, licite la clause de l'article 7 de l'avenant de renouvellement du 27avril 2007, les dispositions des articles L 145-33 et L 145-34 du C. com. n'étant pas d'ordre public, permettant aux parties de fixer librement les modalités de détermination des loyers de renouvellement aux prix du marché,

JUGER qu'il n'y a pas eu application de l'article L 145-15 du C. com, dès lors que la clause précitée de l'article 7 ne fait pas échec au droit au renouvellement de la société Magrey and Sons, dès lors qu'il est de jurisprudence constante qu'un loyer de renouvellement peut être fixé à la valeur locative d'un marché,

JUGER que l'article L 145-15 ne vise pas davantage les dispositions de l'article L145-14,

JUGER que l'accord des parties tendant à la fixation du loyer de renouvellement aux prix du marché n'a nullement pour conséquence de priver le locataire de l'application de l'article L 145-14, le juge seul pouvant apprécier du préjudice subi, en déterminant si elle existe, principalement à la valeur du fonds de commerce dont le bail, à supposer qu'il est une valeur ou non, n'est qu'un élément constitutif, le fait qu'un loyer de marché puisse être préconisé au moment du renouvellement ne privant nullement le locataire de l'existence de son fonds de commerce, et dès lors de son droit à indemnité,

JUGER dès lors que la clause est licite, indifférent de se prononcer sur la modification législative ayant substitué dans les termes de l'article L 145 aux mentions nulles et de nul effet, celles réputées non écrites, sauf à défaut à juger eu égard à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 27 avril 2007 indivisible de l'avenant du 27 avril 2007, que le caractère indissociable des deux actes ne peut permettre de remettre en cause les effets d'un seul acte,

DEBOUTER en toute hypothèse la société Magrey and Sons de son appel incident, et toutes demandes, fins et prétentions, y inclue celle tendant à la détermination des indemnités d'éviction et d'occupation sans nouvelle expertise,

JUGER qu'il n'y a lieu à application au profit de la société Magrey and Sons de l'article 700,

CONDAMNER la société Magrey and Sons aux entiers dépens.

A l'appui de son recours, elle fait valoir :

-que l'intimée ne rapporte pas la preuve que ces clients sont essentiellement ceux qui se trouvent sur la Croisette de sorte qu'en l'absence d'emplacement commercial équivalent disponible l'indemnité d'éviction doit réparer la perte du fonds de commerce et correspondre à sa valeur marchande réelle, alors que sa clientèle résulte de sa notoriété indépendante de son emplacement, les biens proposés étant consultables en ligne,

-que des locaux sont disponibles de surface équivalente dans l'immeuble du Gray d'Albion,

-que d'autres agences immobilières de luxe sont implantées rue d'Antibes ou rue des Serbes,

-que l'expertise démontre que seul 10% de la clientèle tient à la présence de l'agence sur la Croisette,

-que l'intimée dissimule volontairement sa clientèle et les mandats qui lui ont permis les transactions et ses revenus, qu'en cela elle porte atteinte au principe d'un procès équitable,

-qu'elle a d'autres agences sur la Côte d'Azur,

-qu'un complément d'expertise est nécessaire l'indemnité d'éviction devant être fixée au jour le plus proche de la libération des locaux,

-qu'il convient de retenir 20% du chiffre d'affaire soit 280 000€ pour la valeur totale du fonds,

-que, par ailleurs, les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé ne sont pas d'ordre public les parties étant en conséquence libres d'écarter par avance la règle du plafonnement et de se référer au prix du marché,

-que l'article 7 de l'avenant de renouvellement indivisible avec la transaction qui a autorité de la chose jugée n'a pas été obtenu par fraude, ne fait pas échec au droit au renouvellement et ne prive nullement le preneur de son indemnité d'éviction,

-que la loi du 18 juin 2014 est inapplicable,

-que la nullité de la clause n'a pas été formée par voie d'exception mais constitue une demande principale reconventionnelle,

-qu'il est dû une indemnité d'occupation de 256 000€, sur la base d'une expertise ordonnée dans une autre affaire, sauf à ordonner une nouvelle expertise sur ce point et à accorder une provision, les juges de première instance ayant omis de statuer,

-qu'un complément d'expertise doit être ordonné pour la fixation de l'indemnité d'éviction et d'occupation par la cour, qui ne peut les fixer avant que le tribunal ne se soit prononcé sauf à la priver d'un degré de juridiction.

La société Magrey and Sons conclut le 21 janvier 2022 :

-au débouté de la société Hôtel Majestic de son appel et de sa demande d'expertise complémentaire

-à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le refus de renouvellement du bail commercial qui avait été consenti suivant avenant du 27 avril 2007 a pour effet la perte par elle même de son fonds de commerce,

Pour le surplus,

-qu'il soit jugé qu'elle est recevable et bien fondée en son appel incident,

-qu'il soit dit que l'article L. 145-15 du code de commerce tel que modifié par la loi du 18 juin 2014 est applicable aux baux en cours,

-qu'il soit jugé qu'est réputée non écrite, en ce qu'elle fait obstacle au paiement d'une indemnité d'éviction en valeur de droit au bail, la clause de l'article 7 de l'acte de renouvellement du 27 avril 2007, selon laquelle le loyer du bail renouvelé sera calculé par rapport à la valeur locative de marché,

-qu'il soit jugé que le délai de prescription a été suspendu par la fraude commise par la société bailleresse,

-qu'il soit jugé en tout état de cause qu'elle est bien fondée à soulever par voie d'exception qui est perpétuelle, la nullité de la clause de l'article 7 de l'acte de renouvellement du 27 avril 2007,

-qu'il soit dit que l'indemnité d'éviction que devra lui payer la société Hôtel Majestic doit correspondre à la perte du fonds de commerce, ladite indemnité devant être fixée à la somme de 1 949 719€, sauf à parfaire au titre des frais de licenciement sous réserve de justificatif à hauteur de 54 180€ et qu'à défaut elle doit être au moins égale à la valeur du droit au bail outre les indemnités accessoires et doit être fixée à la somme de 1 636 639€, sauf à parfaire au titre des frais de licenciement sous réserve de justificatif à hauteur de 54 180€,

-que soit fixée l'indemnité d'occupation due par elle, depuis le 29 septembre 2015, à la somme annuelle de 181 328€, après abattement pour précarité de 15 %,

-qu'il soit jugé que pour les années suivantes l'indemnité d'occupation sera fixée comme ci-après :

Du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 à 163 196,10€,

Du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 à 146 876,49€,

Du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 à 132 188,85€,

Du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 à 118 969,97€.

-à la condamnation de la société Hôtel Majestic, aux dépens de la procédure qui pourront être recouvrés directement par Maître CAMPOCASSO en ce qui la concerne, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 30 000€ par application de l'article 700 du même code.

Elle soutient :

-que l'article L145-14 du code de commerce édicte une présomption de perte de fonds de commerce en cas de non renouvellement du bail sauf à ce que le bailleur prouve que le préjudice subi du fait de l'éviction est moindre,

-qu'en l'espèce la bailleresse ne rapporte pas la preuve de locaux disponibles équivalents et donc du transfert possible de l'activité,

-que les agences immobilières dont l'appelante fait état et qui sont implantées rue d'Antibes sont des agences internationales de luxe implantées dans plusieurs pays, que la comparaison ne peut être faite,

-qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise complémentaire,

-qu'elle n'a pas à fournir de documents supplémentaires qui plus est confidentiel ce qui renverserait la charge de la preuve,

-que sa notoriété dépend de son emplacement,

-qu'elle verse aux débats ses chiffres d'affaires 2019, 2020 et 2021 qui montre la santé de l'entreprise,

-que les agences qu'elle a ouvertes répondent à la nécessité de survie de l'entreprise en raison de la perte de son local à Cannes,

-que l'article 7 de l'avenant de renouvellement limite par avance l'indemnité d'éviction due au locataire aux seules indemnités accessoires et doit donc être réputé non écrit, la loi du 18 juin 2014 étant applicable aux baux en cours,

-que cet article est nul, l'exception de nullité étant imprescriptible pour cette clause non exécutée, qu'en tout état de cause la fraude dont elle a été victime a suspendu le délai de prescription,

-que l'indemnité d'éviction doit être de la valeur la plus forte entre celle du fonds de commerce et celle du droit au bail,

-que la cour doit fixer l'indemnité d'occupation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la licéité de l'article 7 de l'avenant de renouvellement signé le 27 avril 2007

Suivant transaction en date du 27 avril 2007, ayant autorité de la chose jugée en application des articles 2052 du code civil, les parties au présent litige ont fait des concessions réciproques à savoir renonciation à tous droits et actions nés du refus de renouvellement du bail et à tous droits et actions ayant pour cause ou objet les permis déposés et l'extension qui en résultera de l'hôtel Majestic.

Cette transaction, dont la validité n'est pas remise en cause, indique, par ailleurs, en son article 2 'renouvellement' que les parties signent ce jour un acte de renouvellement, indivisible de la présente transaction.

Or cet acte de renouvellement signé le 27 avril 2007 prévoit un article 7, qui, de fait, interdit au preneur de se prévaloir de tout droit au bail, en l'absence de toute différence entre le loyer de marché et le loyer du bail renouvelé calculé par rapport à la valeur locative du marché.

Aussi, en raison de l'indivisibilité entre la transaction, qui a autorité de chose jugée, et l'acte de renouvellement, le preneur ne peut valablement soulever le caractère non écrit de cet article pas davantage que sa nullité et le jugement entrepris est confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a retenu que l'article 7 de l'avenant doit recevoir application.

Sur la demande d'expertise complémentaire

Il est indéniable que le jugement entrepris n'a pas statué sur la demande de fixation de l'indemnité d'occupation, ni confié à l'expert mission de déterminer cette indemnité malgré la demande formulée par la SA Hôtel Majestic dans ses conclusions de première instance visées au jugement.

Par ailleurs, il résulte de l'article L145-14 du code de commerce que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Ainsi, le préjudice peut être moindre lorsque le fonds est transférable puisque l'éviction n'entraîne pas alors la perte de celui-ci, la charge de la preuve incombant au bailleur qui doit combattre la présomption de perte de fonds de l'article L145-14 précité.

C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'activité seule ne suffit pas à déterminer le caractère transférable ou non du fonds, mais que cela dépend également des spécificités de son emplacement.

En l'espèce, l'intimée exerce une activité d'agence immobilière spécialisée dans les immeubles de luxe, tournée vers une clientèle fortunée, ce qui rend son emplacement aux abords de l'hôtel Majestic de CANNES fréquenté par ce type de clientèle, sur le boulevard de la Croisette, réputé pour ses commerces de luxe parfaitement adaptée à son activité.

Pour autant il résulte de l'expertise mandatée en première instance que seuls 15% des clients bénéficient de l'effet Croisette.

Par ailleurs, l'intimée indique qu'elle rayonne de MONACO à ST TROPEZ et fait 50% de son chiffre d'affaire sur CANNES et MOUGINS, que les propriétaires viennent de 50 à 100 km aux alentours, or elle a multiplié la création d'agences Magrey and Sons :

-Magrey and Sons à ST TROPEZ en juin 2018,

-Magrey and Sons VAR en mars 2019,

-Magrey and Sons MOUGINS en février 2019, là où le chiffre d'affaire est réalisé.

Enfin, l'appelante verse aux débats un constat d'huissier en date du 9 décembre 2020 duquel il résulte que des locaux sont disponibles sur le boulevard de la Croisette à CANNES, sans précision sur l'équivalence de ces locaux avec ceux objet des présentes.

Il convient donc d'ordonner un complément d'expertise pour apprécier de l'existence d'emplacements équivalents et des conséquences de la perte de l'emplacement boulevard de la Croisette au regard de la clientèle captée par cet emplacement, de l'utilisation de techniques de communication type sites internet, de la création de nouvelles agences Magrey and Sons à proximité, afin d'établir si la perte de l'emplacement en cause est de nature à générer ou non une perte totale du fonds et d'évaluer au mieux l'indemnité d'éviction sollicitée, les dernières références de l'expert datant de 2018.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a retenu que le transfert de l'agence est impossible et jugé que l'indemnité d'éviction doit réparer la perte du fonds de commerce et correspondre à sa valeur marchande réelle.

L'appel ne portant en l'état du jugement rendu en janvier 2017 que sur l'éventuelle étendue de la perte du fonds de commerce, perte complète ou partielle d'une part et la licéité de la clause de fixation du loyer de renouvellement au prix du marché d'autre part, à l'issue de ce complément d'expertise sur l'indemnité d'occupation et d'éviction, il appartiendra au tribunal de GRASSE de fixer ces indemnités.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 3 janvier 2017 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE,

SAUF en ce qu'il a dit que le refus de renouvellement du bail commercial qui avait été consenti suivant avenant du 27 avril 2007 a pour effet la perte par la SARL Magrey and Sons de son fonds,

Statuant à nouveau,

ORDONNE un complément d'expertise confié à Mme [D] [V] épouse [H] expert demeurant 6 place Stanislas à CANNES avec en sus de la mission ordonnée en première instance :

* la réunion des éléments permettant la détermination de l'indemnité d'occupation due par le preneur au bailleur

* la réunion des éléments permettant d'apprécier du caractère ou non transférable du fonds et de la détermination en conséquence de l'indemnité d'éviction, eu égard notamment aux éventuels locaux équivalents disponibles sur le boulevard de la Croisette et à la création récente d'agences Magrey and Sons à proximité,

DIT que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à l'ensemble de leurs derniers dires récapitulatifs conformément aux nouvelles dispositions de l'article 276 du code de procédure civile,

DIT que pour l'exécution de ce complément d'expertise, l'expert commis s'entourera de tous renseignements utiles à charge d'en indiquer l'origine, recueillera toutes informations orales ou écrites de toutes personnes sauf à préciser dans son rapport leurs noms, prénoms, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, en collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles et qu'il pourra éventuellement recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne,

DIT que l'expert commis devra faire connaître sans délai son acceptation au conseiller chargé du contrôle des mesures d'instruction, le tenir averti de la date de son premier accedit et informé de l'état de ses opérations,

DIT qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ce conseiller,

DIT que la SA Hôtel Majestic Société Immobilière et d'Exploitation devra consigner auprès du régisseur de la Cour d'Appel dans les deux mois suivant l'invitation qui lui sera faite conformément à l'article 270 du code de procédure civile la somme de 3 000€ destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,

DIT qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le conseiller, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité,

DIT qu'en cas de défaillance de la partie en charge de la consignation, l'autre partie pourra consigner en ses lieu et place,

DIT que conformément aux dispositions de l'article 280 du code de procédure civile, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligences faites ou à venir, l'expert en fera sans délai rapport au conseiller, qui, s'il y a lieu, ordonnera la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il détermine et qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixés par le conseiller, et sauf prorogation de ce délai, l'expert déposera son rapport en l'état,

DIT que l'expert devra déposer son rapport au service expertise du greffe dans les 6 mois de sa saisine, à moins qu'il ne refuse sa mission,

DIT qu'il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l'expertise, une prorogation de ce délai, si celui-ci savère insuffisant, en exposant les motifs de sa demande,

DIT que l'expert désigné devra rendre compte pour cette date et par écrit du degré d'avancement de la mesure, si cette mesure est toujours en vigueur,

DIT que les parties pour cette date pourront faire parvenir au conseiller en charge de cette expertise leurs observations écrites,

DIT que dans le cas où les partes viendraient à se concilier, l'expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport au conseiller chargé du contrôle,

DIT qu'à défaut de pré-rapport, il organisera, à la fin de ses opérations, 'un accedit de clôture' où il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport d'expertise,

DIT que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, l'expert devra remettre copie de son rapport à chacune des parties (ou des représentants de celles-ci) en mentionnant cette remise sur l'original,

DIT qu'à l'issue de ses opérations, l'expert adressera au magistrat taxateur sa demande de recouvrement d'honoraires et débours, en même temps qu'il justifiera l'avoir adressée aux parties,

DIT que conformément aux dispositions de l'article 282, le dépôt par l'expert de son rapport sera accompagné de sa demande de rémunération, dont il aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception et dit que s'il y a lieu, celles-ci adresseront à l'expert et à la juridiction leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de 15 jours à compter de sa réception,

DIT que passé le délai imparti aux parties par l'article 282, le magistrat fixera la rémunération de l'expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni,

DIT que les parties disposeront à réception de ce projet de demande de recouvrement d'honoraires, d'un délai d'un mois pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais, que ces observations seront adressées au magistrat taxateur afin, si nécessaire, de débat contradictoire préalablement à l'ordonnance de taxe,

RENVOIE pour l'affaire suite au dépôt du complément d'expertise au tribunal judiciaire de GRASSE,

DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à la charge de chacune des parties les dépens d'appel.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 17/03822
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;17.03822 ?
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