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29/04/2022 | FRANCE | N°18/12361

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 avril 2022, 18/12361


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 29 AVRIL 2022



N° 2022/ 100





RG 18/12361

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC2SV







[Z] [B]





C/



Association HORIZON BLEU

























Copie exécutoire délivrée le 29 avril 2022 à :



-Me Danielle DIDIERLAURENT, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat

au barreau de MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01558.





APPELANTE



Madame [Z] [B]

(bénéfi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 AVRIL 2022

N° 2022/ 100

RG 18/12361

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC2SV

[Z] [B]

C/

Association HORIZON BLEU

Copie exécutoire délivrée le 29 avril 2022 à :

-Me Danielle DIDIERLAURENT, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01558.

APPELANTE

Madame [Z] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/8979 du 31/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Danielle DIDIERLAURENT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association HORIZON BLEU, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Manuel CULOT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 janvier 2012, Mme [Z] [B] a été engagée par l'association Horizon Bleu en qualité d'agent à domicile par contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée mensuelle de 55 heures.

La relation de travail était régie par la convention Collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

Le 12 décembre 2016, Mme [B] a informé son employeur de sa démission par un courrier libellé dans les termes suivants :

« Madame, Monsieur

Par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste d'agent à domicile que j'occupe depuis le 10 janvier 2012. La fin de mon contrat sera donc effective le 13 janvier 2017.

A cette date, je vous demanderai de bien vouloir me remettre le solde de mon compte, ainsi qu'un certificat de travail.

Je vous prie d'agréer Madame, Monsieur mes respectueuses salutations. »

Le 29 juin 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille afin de voir requalifier son contrat de travail à temps plein et sa démission en prise d'acte ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 juillet 2018, le conseil de prud'hommes a :

'Dit et jugé que la démission de Madame [Z] [B] est claire et non équivoque ;

Rejeté de ce chef toutes les demandes subséquentes de Madame [Z] [B] quel qu'en soit l'objet;

Débouté Mme [B] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

Par suite, rejeté les demandes de rappels de salaire et la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du non-respect du temps partiel choisi :

Débouté Mme [Z] [B] de ses demandes de rappels de salaire au titre des heures complémentaires.

Débouté Madame [Z] [B] du surplus de ses demandes ;

Débouté l'association HORIZON BLEU de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile ;

Dit que Madame [Z] [B] supportera les éventuels dépens de la présente instance'.

Le 23 juillet 2018, la salariée a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2019, la salariée demande à la cour de :

'Infirmer le Jugement du Conseil des Prud'hommes du 11 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

A titre principal

- Condamner L'association HORIZON BLEU à verser la somme de 20 943.54 € au titre du rappel des heures sur la base d'un contrat de travail à temps plein depuis les 3 dernières années ;

- Condamner L'association HORIZON BLEU à verser la somme de 5 270,40 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre subsidiaire

- Dire le salaire mensuel moyen calculé sur l'horaire mensuel de 90 heures, et pour les 3 derniers mois à 878,40 € brut par mois

- Condamner L'association HORIZON BLEU à verser à Madame [B] la somme de 2 494€ plus les intérêts de retard au taux légal au titre des salaires soustraits des bulletins de salaires de juin 2014 à janvier 2017 ;

- Condamner HORIZON BLEU à payer la somme de 629.81 € plus les intérêts de retard au titre des rappels de salaires des heures complémentaires non payées de 2015 à décembre 2016

- Condamner HORIZON BLEU à payer la somme de 1 000 € au titre du préjudice résultant du non-respect du temps partiel choisi, et de la clause d'exclusivité

- Condamner L'association HORIZON BLEU à verser la somme de 908.26 € € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Condamner L'association HORIZON BLEU à verser la somme de 5 247.18 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Généralement

- Condamner L'association HORIZON BLEU à verser la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2019, l'association Horizon Bleu demande à la cour de :

'- CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 11 juillet 2018,

En conséquence,

A titre principal,

- DEBOUTER Madame [B] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein;

- DIRE ET JUGER que la démission de Madame [B] est claire et non équivoque;

- LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes à ce titre;

En tout état de cause,

- DEBOUTER la salariée de toutes ses demandes à l'encontre de l'Association Horizon Bleu que ce soit au titre d'un rappel de salaire au titre des heures complémentaires, des salaires soit disant soustraits des bulletins de salaire ou des dommages et intérêts résultant du non-respect du temps partiel choisi et de la clause d'exclusivité.

- CONDAMNER Madame [B] à la somme de 1 500€ au titre des dispositions de l'article 700 du CPC'.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet

- S'agissant du respect du formalisme du contrat à temps partiel

Il résulte de l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa version applicable au litige (ancien article L.212-4-3 du code du travail), que le contrat de travail des salariés à temps partiel doit être établi par écrit comportant des mentions obligatoires telles que la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, les modalités selon lesquelles les horaires, pour chaque journée travaillée, sont communiquées par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires.

En l'espèce, seul l'article 16 du contrat de travail est critiqué par la salariée qui y voit, outre une disposition contraire à l'ordre public, une obligation de rester à disposition constante de l'employeur l'empêchant notamment de développer l'activité complémentaire de coiffure qu'elle projetait et un motif de requalification du contrat de travail à temps complet.

L'employeur réplique qu'il s'agit d'une clause de non concurrence et de fidélité qui n'interdisait absolument pas à l'intéressée de travailler et ne la maintenait pas à sa disposition constante.

La clause litigieuse est libellée comme suit:

'L'employée est tenue à l'égard de l'association d'une obligation de fidélité et de non concurrence pendant toute la durée du contrat; qui lui interdisent de s'intéresser directement ou indirectement à une autre société, ou de collaborer sous quelque forme que ce soit avec toute autre entité. Il est formellement interdit de se faire embaucher par un client de l'association'.

La cour rappelle tout d'abord que si la clause par laquelle un salarié à temps partiel se voit interdire toute autre activité professionnelle soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et n'est dès lors valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, la nullité d'une telle clause n'a en tout état de cause pas pour effet d'entraîner la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet. Elle permet seulement au salarié d'obtenir réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite.

Après analyse des dispositions contractuelles susvisées, la cour retient que la clause n'a pas pour objet une exclusivité de travail pour l'association qui l'embauche, mais de non concurrence en raison du risque d'embauche par les clients de l'association, et n'interdisait pas à la salariée de travailler par ailleurs. Pour s'en convaincre, figure également au contrat un article 11 dont l'objet est précisément le cumul d'emploi, obligeant le salarié à communiquer à son employeur le nombre d'heures effectué chez tout autre employeur.

Aucun motif n'est par conséquent établi quant à la nature, l'objet ou les effets de cette clause qui justifie une requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

- S'agissant de l'exécution du contrat de travail par l'employeur

Au soutien de sa demande en requalification en temps complet, la salariée fait valoir qu'elle était dans l'impossibilité de connaître à l'avance son rythme de travail.

Elle soutient que l'employeur n'a pas respecté le délai contractuel de prévenance de 7 jours dans la mesure où les cinq avenants à son contrat modifiant la durée du travail ont tous été conclus le premier du mois avec effet immédiat et qu'en outre, ils faisaient échec à la durée du travail convenue.

Elle ajoute que l'employeur procédait également à des modifications de son emploi du temps sans avenant, ni respect du délai de prévenance.

Elle indique enfin que les avenants avaient entraîné un dépassement de son horaire convenu de plus de 10%.

En réponse, l'employeur estime que la salariée était parfaitement en mesure de connaître à l'avance son rythme de travail ayant rempli une fiche sur ses indisponibilités en début de contrat faisant ressortir qu'elle demeurait disponible uniquement les matins des jours de semaine.

S'agissant des avenants, il indique qu'ils ont été signés par l'intéressée aux termes d'une décision commune qui n'avait pas à respecter un délai de prévenance. Il ajoute que sur l'ensemble de la relation contractuelle, la salariée ne produit que quatre avenants.

S'agissant des modifications de l'emploi du temps, l'employeur fait valoir que la plupart des modifications sont la conséquence d'une annulation au dernier moment de la prestation prévue pour des personnes bénéficiant de l'intervention.

Un contrat à temps partiel peut être requalifié en contrat à temps complet, lorsque le salarié est mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler chaque mois et se trouve dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, la durée mensuelle du travail était contractuellement fixée à 55 heures; il était prévu la possibilité de demander au salarié d'effectuer des heures complémentaires dans la limite du dixième de son temps de travail contractuel, rémunérées au taux normal et les parties ont inséré un article 5 consacré au temps de travail stipulant, s'agissant d'une entreprise d'aide à domicile et de la nécessité de répondre aux exigences des clients au titre de la prestation de service, que l'horaire de travail serait déterminé avec le responsable, selon le plan de travail et que la durée du travail pourra être modifiée, sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours et par avenant au contrat de travail initial, dans plusieurs cas énumérés limitativement (surcroît de travail, absence d'un salarié, réorganisation des horaires collectifs, modification des temps d'intervention).

Il ressort de ces dispositions que le délai de prévenance n'était applicable qu'en cas de décision unilatérale de l'employeur et non lorsque la modification intervenait avec l'accord exprès du salarié.

Or, les quatre avenants querellés par la salariée ayant modifié la durée de travail ont reçu l'accord de cette dernière.

S'agissant des modifications ponctuelles intervenues courant 2016 au nombre de 12, la cour qui observe que le délai de prévenance n'a pas été respecté, relève néanmoins qu'il s'agit d'annulation d'interventions chez des clients qui, certes ont eu pour effet de modifier la durée du travail de la salariée, sans cependant, du fait de leur nature, empêcher la salariée de prévoir le rythme auquel elle devait travailler et sans la contraindre à se tenir à la disposition constante de son employeur, étant de fait disponible.

S'agissant des avenants qui ont porté la durée du travail à 90 heures à partir du 1er octobre 2012, puis 110 heures pendant les mois de janvier 2013 et juillet 2015, puis 98 heures pendant le mois d'octobre 2015, ils ouvrent droit à un complément de salaire sur la base du minimum contractuel mais non à une requalification du temps de travail en temps complet, aucun d'entre eux n'ayant porté la durée du travail à la durée légale.

En conséquence, il convient de dire que la demande de requalification du contrat de travail en contrat à temps complet n'est pas fondée et de rejeter la demande subséquente au titre d'un rappel de salaire, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris.

Sur le paiement des heures convenues

L'article L.3242-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que la rémunération des salariés est mensuelle et indépendante pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. Le paiement mensuel neutralise les conséquences de la répartition inégale des jours entre les douze mois de l'année.

En l'espèce, Mme [B] expose que depuis fin 2014, l'employeur ne respecte pas la durée du travail convenu puisqu'il ne lui a pas fourni de travail à hauteur des 55 heures prévues au contrat initial, puis des 90 heures et jusqu'à 110 heures prévues par les avenants successifs.

Elle précise à ce titre qu'elle n'a pas travaillé pour l'association durant 255,45 heures entre 2014 et la rupture du contrat de travail en février 2017 et que son employeur ne lui a en conséquence pas versé l'intégralité de ses salaires.

Elle produit les tableaux des heures non rémunérées qualifiées à tort selon elle, d'absences justifiées, et ses bulletins de salaire ; elle explique que les plannings communiqués par l'intimé sont illisibles et comportent de nombreuses erreurs notamment en ce que les jours ne correspondent pas aux dates.

L'association prétend, pour s'opposer aux demandes, que l'exécution partielle du contrat de travail est le fait de la salariée qui s'abstenait de manière injustifiée ou qui refusait d'exercer certaines prestations et produit un tableau en ce sens.

L'intimé précise par ailleurs que les prestations réalisées par les salariés étaient payées par le conseil départemental sur les heures effectives et non sur les heures programmées.

Le contrat de travail de Mme [B] stipulait que la durée mensuelle de travail prévu était de 55 heures et qu'elle pouvait être modifiée par avenant au contrat initial et sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours. Il était donc convenu une modulation sans référence à un accord collectif permettant la modulation ou de précision sur ce point. La salariée était employée à temps partiel pour un temps convenu, de sorte que l'employeur devait lui verser chaque mois le paiement correspondant au nombre d'heure contractuellement prévu, indépendamment du nombre d'heures travaillées dans le mois.

Les pièces produites par la salariée sont suffisamment précises pour permettre à l'employeur d'y répondre. L'intimé ne démontre cependant pas, par la production de planning - au demeurant difficilement lisibles- que les absences qualifiées de 'justifiées' sur les bulletins de salaire correspondaient à de réelles absences imputables à la salariée et non à ses propres directives quant à la suppression d'heures de travail effectif.

S'agissant d'une rémunération mensuelle tenant compte d'une durée de travail fixée au contrat de travail et aux termes d'avenants successifs, l'employeur était tenu de verser le salaire convenu reposant sur 55 heures par mois jusqu'au 1er octobre 2012, puis 90 heures par mois et jusqu'à 110 heures en janvier 2013 et juillet 2013.

Le jugement déféré doit donc être infirmé et l'association condamnée à verser à Mme [B] la somme de 2 494 euros correspondant au rappel de salaire pour les années 2014, 2015, 2016.

Sur le rappel de salaire au titre des heures complémentaires en 2015 et 2016

Le contrat de travail stipule qu'il pourra être demandé à la salariée d'effectuer des heures complémentaires dans la limite du dixième de son temps de travail contractuel, ces heures étant rémunérées au taux normal, en sus du salaire habituel.

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisées par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

En l'espèce, la salariée fait valoir à l'appui de sa demande en paiement d'heures complémentaires pour la période comprise entre 2015 et 2016 qu'elle a accompli 29, 40 heures complémentaires en 2015 dont 1h 30 dépassant les 10% autorisées, et 26,30 heures complémentaires en 2016 dont 6 heures majorées à 25%.

Elle produit un planning et un tableau (pièces 4bis, 5, 6 et 7).

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées au titre d'heures complémentaires que le salarié prétend avoir accompli afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

A ces éléments, l'association oppose le fait que la salariée a souvent été absente ou n'a pas voulu travailler certains jours et verse des plannings très peu lisibles.

Il résulte de ces éléments que l'employeur à qui il revient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, ne justifie pas d'éléments contraires à ceux apportés par la salariée, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande à hauteur de 629,81 euros et d'infirmer le jugement de ce chef.

Il convient de fixer le salaire brut mensuel à la somme de 829,80 euros pour un temps partiel de 90 heures par mois.

Sur la demande au titre de la clause d'exclusivité et du non respect du temps partiel choisi

La salariée sollicite une réparation à hauteur de 1 000 euros au titre du non respect du temps partiel choisi et de la clause d'exclusivité.

S'agissant de la clause stipulée à l'article 16 du contrat de travail de Mme [B], la cour a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une clause d'exclusivité et qu'elle n'empêchait pas la salariée d'exercer une autre activité.

En tout état de cause, la salariée ne démontre pas le préjudice qu'elle subirait en lien avec la mise en oeuvre de cette clause, étant observé que l'employeur produit une fiche d'indisponibilité selon laquelle la salariée remplissait les jours et les heures auxquels elle était indisponible pour travailler pour l'association.

S'agissant du non respect du temps partiel choisi, la salariée ne démontre pas l'existence d'un autre préjudice que celui qui a été réparé par la condamnation de l'employeur à des rappels de salaire au titre du travail convenu.

La demande doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

La démission ne se présume pas ; il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements suffisamment graves imputables à son employeur, et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ou, dans le cas contraire, d'une démission.

À partir du moment où la démission résulte d'une volonté libre, clairement exprimée et non équivoque, le contrat de travail se trouve rompu à la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance, et la rétractation s'avère sans effet.

La salariée soutient que le caractère équivoque, tel que définit ci-dessus, de sa démission ne fait aucun doute dès lors qu'elle est fondée sur des griefs reprochés à l'employeur et qu'elle a, par la suite, développé les raisons de son départ dans un courrier recommandé du 13 mars 2017 où elle expliquait à son supérieur hiérarchique (pièce 9) :

'J'ai été contrainte le 10 février 2017 de démissionner de mes fonctions après vous avoir donné préavis.

Toutefois, il est important que je précise les conditions de cette démission qui a été motivée par votre irrespect continuel du contrat de travail.

En effet, j'ai été embauchée pour effectuer 55 heures de travail, puis un avenant a été signé à effet du 10 janvier 2012 pour un horaire mensuel de 90 heures.

Depuis, mes horaires n'ont cessé de se modifier par avenant, ceux-ci précisant toujours ensuite le retour à la normale de 90 heures.

Ce dysfonctionnement continuel et le non respect des horaires à temps partiel et des heures complémentaires autorisées à la limite des 10% sont totalement interdits par la loi et sanctionnés par les tribunaux qui, dans ce cas là, requalifient le contrat de travail à temps plein.

Par ailleurs, vous avez mis une pression continuelle sur mes épaules me modifiant mon planning de quart d'heure en quart d'heure, m'obligeant à prendre des rendez-vous dans une journée qui en comportait déjà, et me menaçant d'avertissements chaque fois que je voulais refuser un horaire.

Hors, le contrat porte bien que le planning était établi à l'avance conjointement entre l'employeur et le salarié, 7 jours à l'avance.

De plus, l'annonce que vous venez de passer porte bien, comme c'était le cas lorsque vous m'avez embauché que le temps partiel, est à temps choisi.

Rien de tout cela n'a été respecté, j'ai été sans cesse menacée d'avertissement quand je me permettais de refuser un rendez-vous à 13h45, dont on m'avertissait à midi et demi. J'ai également vainement demandé chaque mois d'effectuer mon horaire de 90 heures.

Tous mes bulletins de salaire portent des heures justifiées que vous ôtez de ma paye pour ne payer que les heures que vous m'avez allouées.

Dans ces conditions, je ne pouvais continuer à exécuter le contrat.

C'est pourquoi je vous ai présenté ma démission mais considère que celle-ci est à vos torts exclusifs.'

En conséquence, la salariée considère que les griefs invoqués pour expliquer sa décision de quitter l'entreprise sont exclusifs du caractère non équivoque de sa démission et justifient que celle-ci soit requalifiée en prise d'acte.

Par ailleurs, eu égard aux manquements qu'elle impute à l'employeur du seul fait du non-respect de ses horaires et de leur changement ainsi que du non-paiement des heures complémentaires qu'elle affirme avoir effectuées, la salariée demande à ce que cette prise d'acte soit dite aux torts exclusifs de l'association intimée et qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur objecte que la lettre de démission de Mme [B] ne mentionnait aucune réserve et que le courrier précisant les motifs du départ de la salarié ne lui a été adressé, que le 13 mars 2017, soit plus de trois mois après le courrier de démission et après avoir effectué son préavis, ce qui ne permet pas de considérer sa démission comme équivoque. Il conteste en tout état de cause les manquements qui lui sont reprochés par la salariée pour fonder sa prise d'acte et il demande à ce que celle-ci soit qualifiée de démission.

Il produit le courrier du 20 mars 2017 par lequel il a répondu à celui de la salariée notamment en ces termes:

'Votre courrier annonce a posteriori que nous avons commis des manques d'une telle gravité que la poursuite du contrat de travail n'était pas possible, n'a pas manqué de nous surprendre. Nous avons eu de votre part un courrier de démission très clair et non équivoque (...). Vous avez effectué vos deux mois de préavis, puis un peu plus d'un mois plus tard vous revenez sur 5 ans de collaboration fluide.

Aucun courrier, ni aucune trace d'appel antérieur n'existe de notre côté sur ce que vous qualifiez désormais de dysfonctionnement continuel et de non respect du temps partiel que vous dites n'avoir eu de cesse de demander chaque mois. De sorte que vos propos ne semblent pas refléter ce qui s'est réellement passé. Je reste attentif à tout élément que vous pourriez présenter qui pourrait attester de la réalité de votre affirmation. (...)'.

Quoique sans réserve, la lettre de démission du 12 décembre 2016, a été suivie, certes trois mois après, d'un courrier faisant état de manquements de l'employeur.

Il s'ensuit que la démission était équivoque et devait s'analyser comme une prise d'acte.

Cependant, la preuve d'un différend sur les questions de temps partiel, de délai de prévenance et de paiement d'heures complémentaires au moment de la démission n'est pas rapportée. Au demeurant, il a été considéré par la cour qu'il n'y avait pas lieu à requalifier le contrat de travail en contrat à temps complet.

L'accueil par la cour des demandes de la salariée fondées sur des rappels de salaire d'heures complémentaires et de paiement d'heures convenues apparaissent minimes au regard du respect par l'employeur de l'ensemble de ses obligations et de l'exécution contractuelle. Les pressions qu'aurait subi la salariée et dont elle fait état dans son courrier du 13 mars 2017 ne sont étayées par aucune pièce; de même que les changements incessants d'horaires et de planning qu'elle allègue ne ressortent d'aucun élément du dossier et ne sont en tout état de cause pas repris dans ses conclusions en tant que tels.

En conséquence, le jugement qui a rejeté la demande de requalification de la démission en prise d'acte aux torts de l'employeur doit donc être confirmé, de même que l'ensemble des demandes subséquentes.

Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre de salaires portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 30 juin 2017.

 

L'équité commande de ne pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

L'association Horizon Bleu, partie succombante, doit supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris sauf s'agissant des demandes au titre des rappels de salaire, de rappel au titre des heures complémentaires,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne l'association Horizon Bleu à verser à Mme [Z] [B] les sommes suivantes :

- 2 494 euros au titre des rappels de salaire convenus,

- 629,81 euros au titre de rappel d'heures complémentaires

Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2017,

 

Déboute Mme [B] de ses autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne l'association Horizon Bleu aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/12361
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;18.12361 ?
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