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29/04/2022 | FRANCE | N°18/11857

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 avril 2022, 18/11857


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 29 AVRIL 2022



N° 2022/ 98





RG 18/11857

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCY6M







[S] [K]





C/



[Z] [E]

Association CGEA DE [Localité 4]

























Copie exécutoire délivrée le 29 avril 2022 à :



-Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me François ARNO

ULD, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 02 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01151.





APPELANT



Monsieur [S] [K], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 AVRIL 2022

N° 2022/ 98

RG 18/11857

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCY6M

[S] [K]

C/

[Z] [E]

Association CGEA DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée le 29 avril 2022 à :

-Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 02 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01151.

APPELANT

Monsieur [S] [K], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [Z] [E] Es qualité de 'Mandataire Liquidateur' de la SARL ASPP, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Association CGEA DE [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 6 décembre 2013, M. [S] [K] a été engagé par la société ASPP-Gardiennage en qualité d'agent de prévention et de sécurité, pour un horaire mensuel de 151,67, coefficient 120, niveau 2, échelon2 selon un contrat de travail à durée déterminée prenant fin le 9 février 2014.

La convention collective applicable à la relation de travail était celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Par courrier du 1er avril 2014, la société a informé M. [K] que le contrat de travail à durée déterminée se transformait en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 50 heures par mois.

Le 28 avril 2017, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 11 mai 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir requalifier son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à temps complet et de voir dire que sa prise d'acte a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 13 novembre 2017, la société a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille et Me [E] a été désigné en qualité de liquidateur.

Le 2 juillet 2018, le conseil des prud'hommes a :

'Dit et juge que la rupture du contrat de travail de M. [K] s'analyse en une démission

Reconnaît à M. [K] le bénéfice d'un emploi à temps complet à compter d'avril 2014

Par suite, fixe la créance de M. [K] à valoir sur la liquidation judiciaire de la société ASPP, administrée par Me [E] aux sommes suivantes :

14 679,30€ à titre des rappels de salaire d'avril 2014 à avril 2017

1 467,93€ à titre d'incidences de congés payés

Dit que le centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de [Localité 4] garantira ces créances

Déclare le présent jugement opposable aux AGS CGEA de [Localité 4]

Ordonne la remise des bulletins de salaire sur la période considérée ainsi que les documents sociaux conformes à la présente décision

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement

Déboute M. [K] de toutes ses autres demandes

Déboute M. [K] de l'ensemble de ses demandes au titre de garantie des frais

Déboute M. [K] du surplus de ses demandes

Dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limités au plafond de garantie applicable en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail

Dit que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en application de l'article L.622-28 du code de commerce.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1 482,51 euros

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective'.

Le 13 juillet 2018, M. [K] a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 juillet 2021, M. [K] demande à la cour de :

'Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 2 juillet 2018 en ce qu'il a reconnu le bénéfice d'un emploi à temps complet à M. [K] et fixé la créance de ce dernier au passif de la liquidation judiciaire de la société ASPP aux sommes de 14 679,30€ à titre de rappel de salaire d'avril 2014 à avril 2017, outre l'incidence congés payés pour un montant de 1 467,93€

Le réformer pour le surplus

Statuant à nouveau :

Requalifier le CDD du 6 décembre 2013 en CDI

Dire que la prise d'acte du 28 avril 2017 produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

Fixer à la liquidation de la société ASPP les créances suivantes :

987,78€ à titre d'indemnité de licenciement

2 963,62€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis

296,36€ à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée

Ordonner à Me [E] es qualité de mandataire liquidateur de la société ASPP, sous astreinte de 150,00€ par jour de retard, 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, d'avoir à délivrer à M. [K] les documents suivants :

Bulletins de salaire rectifiés du chef de la rémunération due

Attestation Pôle emploi rectifiée du même chef et mentionnant au titre de la rupture un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Tout document probant attestant de la régularisation des cotisations auprès des organismes de retraite

Dire que le conseil de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte sur simple requête de M. [K]

Dire que les créances salariales précitées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective

Fixer en outre à la liquidation judiciaire de la société ASPP les créances suivantes :

1 481,81€ à titre d'indemnité spéciale de requalification

8 890,86€ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

15 000,00€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil

Dire le jugement opposable au CGEA en toutes ses dispositions'.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2018, Me [E], ès qualités de liquidateur de la société, et l'Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 4] demandent à la cour de :

'Infirmer le Jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire d'avril 2014 à avril 2017 ainsi que les congés y afférents,

Confirmer le Jugement en ce qu'il a débouté le salarié :

de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé

de sa demande de requalification de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement

de toutes les indemnités et dommages et intérêts consécutives à une requalification de la prise d'acte en licenciement

En tout état diminuer le montant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts en l'état des pièces produites.

Débouter Monsieur [K] [S] de sa demande de condamnation sous astreinte,

En tout état la déclarer inopposable à l'AGS CGEA ,

Déclarer inopposable à l'AGS ' CGEA la demande formulée par Monsieur [K] [S] au titre de l'article 700 du NCPC,

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [K] [S] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur l'exécution du contrat de travail

1. Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 6 décembre 2013 en contrat de travail à durée indéterminée

A l'appui de sa demande de requalification, l'appelant invoque deux moyens qu'il convient d'examiner successivement.

- S'agissant des conditions du recours au contrat de travail à durée déterminée

Le salarié fait valoir que les conditions du recours au contrat de travail à durée déterminée n'étaient pas réunies puisqu'il occupait un emploi d'agent de prévention alors qu'il s'agissait de l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il considère que le motif du recours au contrat à durée déterminée invoqué au contrat tel 'un surcroît temporaire d'activité' était artificiel dès lors que la société n'avait pas d'autres activités.

Les intimés ne répondent qu'à la demande d'indemnité de requalification pour contester l'existence d'un tel droit dès lors qu'un contrat de travail à durée indéterminée a été conclu après le contrat de travail à durée déterminée.

L'article L 1245-1 du code du travail dispose qu' est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 à L 1242-4, ces articles édictant que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que le contrat à durée déterminée ne peut intervenir que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 22 décembre 2014, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas limitativement énumérés dont notamment l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

L'article L. 1242-12 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La cour relève, après analyse des pièces du dossier que le contrat de travail du 6 décembre 2013 stipule, en son article 2, avoir pour objet un surcroît d'activité.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, le fait que le salarié ait été engagé pour exercer des fonctions en lien avec l'activité habituelle de l'entreprise, la sécurité et la prévention, n'est pas en soi dirimant dès lors qu'il y a une augmentation temporaire d'activité.

La mention dans le contrat de travail d'un surcroît d'activité suffit à établir l'existence d'un motif précis.

Le moyen doit donc être rejeté.

- Sur la poursuite de la relation de travail

Le salarié fait valoir que le contrat de travail à durée déterminée du 6 décembre 2013 s'est poursuivi au delà du terme sans qu'un nouveau contrat de travail ne soit signé.

La cour relève, après analyse des pièces du dossier que c'est à juste titre que les intimés font valoir l'existence d'un avenant du 10 février 2014 aux termes duquel la société indique 'nous vous prolongeons votre contrat de travail à durée déterminée du 10 février 2014 au 31 mars 2014. Les termes de votre contrat initial restent inchangés'. Cet accord est signé par M. [K], sans que celui-ci ne conteste sa signature dans ses écritures.

Il s'ensuit qu'en l'état de ce second contrat de travail à durée déterminée conclu pour le même motif que celui du 6 décembre 2013 et prenant sa suite, la relation contractuelle s'est régulièrement poursuivie pour une nouvelle durée déterminée prenant fin le 31 mars 2014, date à laquelle l'avenant du 1er avril 2014, non discuté, a transformé la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter de cette date.

En définitive, la cour dit que le salarié est mal fondé en sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et confirme le jugement de ce chef.

Par confirmation de jugement, il y a lieu également de rejeter la demande d'indemnité de requalification qui est non fondée.

2. Sur la requalification à temps complet et le rappel de salaire

Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un emploi à temps complet à compter d'avril 2014 et a fixé sa créance au titre des rappels de salaires d'avril 2014 à avril 2017, à la somme de 14 679,30 euros, outre les congés payés afférents.

A l'appui, il fait valoir d'une part que ses horaires extrêmement variables ne lui permettaient pas de prévoir son rythme de travail dans des délais suffisants; d'autre part, qu'à partir du moment où l'employeur a fixé une durée hebdomadaire de 35 heures, il ne pouvait qu'appliquer un temps complet.

Il produit ses bulletins de salaire indiquant le nombre d'heures travaillées chaque mois et renvoie à sa pièce 8 bis consistant en un tableau mensuel reprenant les heures payées/heures temps complet/heures effectuées/salaire dû.

Les intimés répliquent que chacun des dépassements du temps partiel initial était contractualisé dans le cadre d'un avenant signé et donc accepté par le salarié.

Ils versent aux débats quatre avenants ayant pour objet une modification du nombre d'heures, pour surcroît d'activité, indiquant 'en acceptant votre planning, vous êtes d'accord avec cet avenant':

- avenant pour le mois de juin 2016 : 156 heures 36

- avenant pour le mois de septembre 2016 : 163 heures

- avenant pour le mois de janvier 2017 : 158 heures

- avenant pour le mois de février 2017: 122 heures;

Selon l'article L.3123-6 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

- la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification;

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié;

- les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.

En l'absence d'un contrat écrit ou de l'une des mentions légales requises, le contrat de travail à temps partiel est réputé à temps plein et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, peu important qu'il ait occasionnellement travaillé pour une autre société ou que les plannings aient tenu compte de sa disponibilité.

L'article L.3123-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu'une convention ou un accord de branche étendu, peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat sous certaines conditions.

Lorsque les heures effectuées par un salarié à temps partiel, en exécution d'avenants contractuels, ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au niveau de la durée fixée conventionnellement, le contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps plein.

La cour observe tout d'abord que le contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2014 qui stipule un temps partiel de 50 heures par mois, ne prévoit rien quant aux modalités de réalisation d'heures complémentaires, ni durée quelconque d'application, ni répartition de ces heures, ni modalités de communication, ni limite, de sorte que le salarié était fondé à réclamer une requalification en contrat à temps complet et qu'il incombait à l'employeur de prouver la durée exacte du travail mensuelle ou hebdomadaire convenue et sa répartition, et/ou que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur

La cour relève que les bulletins de salaire révèlent l'existence d'heures complémentaires, en dehors de tout avenant (80 heures en avril 2014; 151,67 H en mai 2014 ; 131 H en juin 2014; 130 H en septembre 2014; 149 H en octobre 2014; 72H60 en novembre 2014; 138H28 en décembre 2014; 78 H en janvier 2015) et qu'au mois de mai 2014, le salarié a réalisé des heures complémentaires ayant pour effet de porter la durée du travail à la durée légale.

La cour dit encore qu'en l'état de la non conformité du contrat de travail, l'employeur ne pouvait, par avenant, modifier la durée du temps de travail, et ce, d'autant moins, qu'il l'a portée à la durée légale.

Les intimés qui, pour justifier les modifications de la durée du travail, se bornent à faire état de l'existence de ces avenants, lesquels en tout état de cause ne concernent pas l'ensemble des mois au cours desquels des heures complémentaires ont été accomplies par le salarié, échouent à renverser la présomption de contrat de travail à temps plein.

Il s'ensuit que, conformément au jugement, le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet et ce, dès le 1er avril 2014.

En conséquence, il convient également de confirmer le jugement ayant fait droit à la demande de rappel de salaire, telle que produite en pièce 8 bis, à hauteur de 14 679,30 euros, outre les congés payés afférents de 1 467,93 euros.

3. Sur le travail dissimulé

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur n'a effectué aucune des déclarations sociales pour les années 2014 et 2015 et n'a tenté de régulariser la situation qu'en 2017 juste avant d'être déclaré en liquidation judiciaire et ce, alors que l'entreprise compte 95 salariés.

Compte tenu du nombre de salariés, de l'importance des sommes dues, de la durée de l'absence de déclaration, l'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations légales est suffisamment démontrée.

Il s'ensuit que le salarié a droit à l'indemnité forfaitaire due en cas de travail dissimulé égale à 6 mois de salaire.

Le salaire mensuel brut s'élevant à la somme de 1 457,55 euros, il doit en conséquence lui être alloué la somme de 8 745,30 euros.

II. Sur la rupture du contrat de travail

1. Sur la prise d'acte

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, la lettre du 28 avril 2017 est rédigée ainsi :

« En l'état de divers manquements et, notamment, l'absence de déclaration sociale pendant plusieurs années, l'irrespect du temps de travail hebdomadaire, j'ai l'honneur de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.

Je demande au conseil de prud'hommes de procéder à la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Je vous remercie de m'adresser, d'ores et déjà, une attestation pôle emploi faisant mention de la présente prise d'acte, du chèque correspondant à mes droits à congés payés d'ores et déjà acquis au jour de la prise d'acte. »

Le salarié soutient que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur au regard du comportement fautif rédhibitoire que celui-ci a adopté à son égard, par le fait de :

- De ne pas lui pas lui avoir permis de prévoir son rythme de travail en faisant fluctuer son temps de travail d'un mois sur l'autre, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, et ce au regard de la durée du travail réelle effectuée;

- De ne pas l'avoir régulièrement déclarer auprès des organismes sociaux pendant toute la durée du contrat de travail.

Les intimés considèrent que la gravité des faits invoqués n'est pas suffisamment démontrée et qu'elle aurait dû donner lieu à une réclamation préalable du salarié durant l'exécution du contrat de travail.

La cour constate que la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et les circonstances de celle-ci, telles qu'énoncées ci-dessus, suffisent à caractériser l'existence d'un manquement de l'employeur et à considérer ce manquement comme étant suffisamment grave et contemporain pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Contrairement à ce qui a été jugé par le conseil des prud'hommes, la prise d'acte n'a pas à être précédée d'une mise en demeure ; elle n'est soumise à aucun formalisme.

Il s'ensuit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, à la date de la rupture, soit le 28 avril 2017.

2. Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

Le salarié peut prétendre d'abord à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, dont il n'est pas discuté qu'elle est équivalente, en vertu de la convention collective applicable en la cause, à deux mois de salaire, soit la somme de 2 915,10 euros (salaire mensuel brut 1 457,55 euros selon taux horaires et temps plein), outre 291,51 euros.

Ayant une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, il peut prétendre à une indemnité de licenciement selon l'article L.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable au litige.

Au vu de sa rémunération brute et de son ancienneté (3 ans et 4 mois), il a droit à la somme de :

(3 X 1/5 X 1457,55) + (4/12 X 1/5 x 1 457,55) = 971,70 euros qu'il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société.

M. [K] a également droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'article L.1235-3 du code du travail, dès lors qu'il a plus de deux ans d'ancienneté et appartient à une entreprise d'au moins 11 salariés. Cette indemnité ne peut être inférieure à six moins de salaire.

Au vu de son ancienneté, de son âge lors de la rupture (43 ans) et en l'absence d'élément sur sa situation postérieure à la rupture, il convient de lui allouer la somme de 9 000 euros.

3. Sur les intérêts

Les intérêts sont dus du 11 mai 2017 au 13 novembre 2017, date du jugement d'ouverture qui a arrêté les intérêts.

La demande de capitalisation doit être rejetée.

4. Sur la délivrance des documents

Le liquidateur exerçant pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine par suite du dessaisissement de ce dernier de l'administration et de la disposition de ses biens, il convient de dire que Maître [E], es qualité, devra délivrer à M. [K], une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail conforme à la teneur du présent arrêt et un bulletin de salaire rectificatif des sommes de nature salariale lui revenant, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

5. Sur la garantie de l'AGS

Il convient de rappeler que l'obligation du CGEA de procéder à l'avance des créances visées à l'article L.3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limités au plafond de garantie applicable, en vertu des article L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail.

L'Unedic CGEA-AGS de [Localité 4] est tenu à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponible.

III. Sur les autres demandes

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ASPP, représentée par Maître [E], en qualité de liquidateur, doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré sauf s'agissant:

- du rejet de la demande de requalification en contrat de travail à durée déterminée,

- du rejet de la demande d'indemnité de requalification,

- de la reconnaissance du bénéfice d'un emploi à temps complet de M. [S] [K] à compter d'avril 2014,

- de la fixation de la créance de M. [K] à la liquidation judiciaire de la société ASPP aux sommes suivantes:

14 679,30 euros à titre de rappel de salaire d'avril 2014 à avril 2017,

1 467,93 euros à titre d'incidence de congés payés sur rappel de salaire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 28 avril 2017,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société ASPP, représentée par Maître [E], ès qualités de liquidateur, les créances suivantes :

- 8 745,30 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 2 915,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 91,51 euros au titre des congés payés afférents,

- 971,70 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les intérêts au taux légal sont dus du 11 mai 2017 au 13 novembre 2017 sur les créances salariales,

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce,

Déclare l'Unedic CGEA-AGS de [Localité 4] tenu à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponible,

Rejette la demande de capitalisation des intérêts,

Dit que Maître [E], ès qualités de liquidateur, devra délivrer à M. [K], une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail conforme à la teneur du présent arrêt et un bulletin de salaire rectificatif des sommes de nature salariale lui revenant,

Rejette les autres demandes, y compris l'astreinte,

Condamne la société ASPP, représentée par Maître [E], en qualité de liquidateur, aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/11857
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;18.11857 ?
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