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29/04/2022 | FRANCE | N°18/11351

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 avril 2022, 18/11351


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 29 AVRIL 2022



N° 2022/ 96





RG 18/11351

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXL7







SARL METAPHORES





C/



[G] [E] épouse [T]

























Copie exécutoire délivrée le 29 avril 2022 à :



-Me Nicolas BESSET, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Alexia ZEMMOUR, avocat au barreau de MA

RSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F16/02453.





APPELANTE



SARL METAPHORES Nom commercial '[Adresse 2]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 AVRIL 2022

N° 2022/ 96

RG 18/11351

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCXL7

SARL METAPHORES

C/

[G] [E] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée le 29 avril 2022 à :

-Me Nicolas BESSET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Alexia ZEMMOUR, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F16/02453.

APPELANTE

SARL METAPHORES Nom commercial '[Adresse 2]', demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]

représentée par Me Nicolas BESSET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [G] [E] épouse [T], demeurant [Adresse 5] - [Adresse 4]

représentée par Me Alexia ZEMMOUR, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 octobre 2010, Mme [G] [E] épouse [T] a été engagée par la société Métaphores, anciennnement dénommée SARL [Adresse 2], en qualité d'employée polyvalente par contrat à durée déterminée à temps partiel jusqu'au 31 décembre 2010.

La relation de travail, régie par les dispositions de la convention collective nationale, artistique, entreprises artistiques et culturelles, s'étant poursuivie au delà du terme, sans signature d'un nouveau contrat de travail, il en est résulté un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein.

Le 1er novembre 2014, Mme [T] a été placée en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail et son contrat a été suspendu.

Par courrier du 26 avril 2016, la salariée a démissionné.

Le 21 octobre 2016, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail et de divers demandes financières.

Le 5 juin 2018, le conseil de prud'hommes a :

'Dit que Mme [T] [G] née [E] a démissioné de la SARL Métaphores

Constate que la société Métaphores n'a pas versé à Mme [T] les salaires dus pour les mois d'août et septembre 2014

Constate que la société Métaphores a manqué à ses obligations conventionnelles en matière de maintien de salaire durant la période de suspension du contrat pour accident du travail de Mme [T] et plus précisément à compter de novembre 2014

Constate que la société métaphores n'a pas remis à Mme [T] les bulletins de paie de novembre 2014, juin 2015 à janvier 2016

Constate que la société Métaphores n'a pas établi l'attestation patronale à compter de mars 2016

Condamne la société Métaphores à payer à Mme [T] les sommes suivantes :

Salaires d'août à septembre 2014 : 3 097,16€ bruts

Congés payés afférents : 309,71€ bruts

Complément de salaire patronal pendant accident de travail : 4 642,09€ bruts

Dit et juge que Mme [T] a démissionné de son poste de travail au travers de sa correspondance du 24 avril 2016

Déboute la salariée des chefs de demande se rapportant à ladite requalification

Condamne la société Métaphores à la somme de 2 707,66€ bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 48 jours de congés acquis et restant dus

Condamne la société Métaphores à verser à Mme [T] la somme de 3 500,00€ au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail

Condamne la société Métaphores à la somme de 1 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Les dites sommes avec intérêts au taux légal

Ordonné à la société Métaphores la remise de l'attestation patronale pour les mois de mars et avril 2016

Ordonne à la société Métaphores la remise des bulletins de paie rectifiés de novembre 2014 à avril 2016 et des documents sociaux

Ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 jours et dit qu'une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée par le Greffe aux dits organismes

Condamne la société métaphores aux dépens'.

Le 6 juillet 2018, la société a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2018, la société demande à la cour de :

'Statuant à nouveau,

Constater la volonté réitérée de Madame [T], depuis le mois de novembre 2014, de quitter les effectifs de la Société METAPHORES,

Constater que la lettre de démission de Madame [T] ne contient aucun grief envers son employeur, ni même aucun motif à l'origine de sa décision,

Constater que la démission de Madame [T] relève de la volonté manifeste de celle-ci d'occuper un emploi dans la Drôme où elle s'est domiciliée,

Confirmer ledit jugement en ce qu'il a jugé que Madame [T] a démissionné de son poste de travail, et ne lui a en conséquence pas accordé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis réclamées par elle,

Infirmer en toutes ses autres dispositions le jugement,

Dire et juger que Madame [T] ne rapporte pas la preuve d'invectives,

Dire et juger que Madame [T] ne rapporte pas la preuve d'avoir communiqué à l'employeur ses prolongations et avis d'arrêts de travail, ainsi que ses relevés IJSS, afin de lui permettre la régularisation de la garantie de maintien de salaire ou l'établissement de l'attestation patronale des mois de mars et avril 2016,

Subsidiairement, si par extraordinaire devait être jugé l'employeur redevable du montant de garantie de salaire :

Fixer le complément de salaire patronal à la somme de 133,31 €

Dire et juger que Madame [T], en sa qualité d'associée de la Société CABARET [T], ne rapporte pas la preuve des sommes dont la Société METAPHORES lui serait redevable au titre des salaires d'août et septembre 2014,

Dire et juger que Madame [T] ne rapporte pas la preuve de l'absence de communication de ses bulletins de paie de novembre 2014, juin 2015 à janvier 2016,

Dire et juger que Madame [T] ne rapporte pas la preuve de manquement graves de l'employeur à ses obligations,

Débouter Madame [T] de sa demande pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

Débouter Madame [T] de sa demande d'incidence congés payés des mois d'août et septembre 2014, ceux-ci étant compris dans l'indemnité de congés payés du mois de mai 2016,

Débouter plus généralement Madame [T] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions.

Condamner Madame [T] à payer à la Société METAPHORES la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La condamner aux entiers dépens'.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022, Mme [T] demande à la cour de :

'- Confirmer le jugement rendu le 5 juin 2018 par le conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a condamné la société Métaphores à payer à Mme [T] les sommes suivantes :

salaires d'août 2014 et septembre 2014 : 3 097,16€ bruts

congés payés afférents : 309,71€ bruts

complément de salaire patronal pendant accident de travail : 4 642,09€ bruts

indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 48 jours de congés acquis et restants dus: 2 707,66€

dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail : 3 500,00€

article 700 du CPC : 1 000,00€

- Confirmer le jugement rendu le 5 juin 2018 par le conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a ordonné à la société Métaphores de remettre à Mme [T] :

l'attestation de salaire pour mars et avril 2016

les bulletins de paie rectifiés de novembre 2014 à avril 2016

les documents sociaux rectifiés

- Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 5 juin 2018 en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses chefs de demande se rapportant à la requalification de sa rupture du contrat de travail au travers de sa correspondance du 26 avril 2016 en prise d'acte devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ET STATUANT A NOUVEAU :

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail intervenue selon courrier du 26 avril 2016 faisant état de divers manquements de l'employeur est en réalité une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail devant être requalifiée en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur est justifiée au regard des divers manquements graves que la société Métaphores a commis et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- Condamner la société Métaphores aux sommes suivantes :

2 933,30€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois)

293,33€ bruts à titre d'incidence congés payés

4 094,39€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

15 000,00€ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

- Fixer les intérêts au taux légal

- Ajouter une condamnation de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.'

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

I. Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les rappels de salaires des mois d'août et septembre 2014

C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli. La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées.

La salariée soutient que les salaires des mois d'août et septembre 2014 ne lui ont pas été versé. Elle produit ses relevés de compte (pièce 13) établissant qu'aucune somme correspondant aux bulletins de salaires qui lui ont pourtant été délivrés pour les mois d'août et septembre 2014, ne lui a été effectivement versées.

L'appelant qui ne conteste pas l'absence de paiement (p. 8 de ses conclusions) fait valoir qu'ils relèvent de comptes entre associés avec la société Cabaret [T], et d'un accord entre M. [T], alors gérant de la société, et son épouse.

Aucune pièce n'est cependant versée aux débats pour établir l'existence de cet accord entre époux selon lequel Mme [T] aurait accepté un gel de ses salaires, celle-ci indiquant seulement avoir accepté un retard de paiement ; par ailleurs, le fait que la société Cabaret [T], qui détenait 100% du capital de la société Métaphores jusqu'en octobre 2014, était gérée jusqu'au 24 octobre 2014, par M. [K] et M. [T] est sans incidence sur le paiement de ses salaires à l'épouse de ce dernier.

C'est en conséquence à bon droit que le conseil des prud'hommes a condamné la société à payer à la salariée la somme de 3 097,16 euros à titre de rappel des salaires des mois d'août et septembre 2014, outre les congés payés afférents à hauteur de 309,71 euros.

Sur l'obligation conventionnelle de maintien de salaire durant l'arrêt de travail

Mme [T] soutient que l'employeur ne lui a versé aucun complément de salaire pendant la durée de son arrêt de travail et n'a donc pas respecté les termes de la convention collective applicable qui prévoit un maintien du salaire brut au salarié, sous déduction des indemnités journalières de sécurité sociale, pendant toute la durée de l'arrêt indemnisé par la sécurité sociale.

Elle ajoute n'avoir perçu aucune indemnité journalière de sécurité sociale pour les mois de mars et avril 2016, faute pour son employeur d'avoir produit les attestations de salaire destinées à la caisse primaire d'assurance maladie.

Elle fait valoir qu'elle a régulièrement adressé à la société ses avis d'arrêt de travail par courrier simple et que celle-ci ne peut prétendre le contraire alors qu'elle ne l'a jamais mise en demeure de justifier ses absences.

L'appelant réplique que la salariée ne lui a jamais adressé ses prolongations d'arrêt de travail, ce qu'il lui a fait savoir par courrier du 12 février 2016 lui demandant de l'informer de sa situation, de sorte qu'il ne pouvait lui verser le complément de salaire dont il ne conteste pas le principe.

Il affirme en tout état de cause que les calculs opérés par l'intimée sont erronés étant basés sur le salaire brut et qu'en tout état de cause, la garantie ne serait due que sur une période de 12 mois et non durant l'intégralité de l'arrêt de travail.

L'article 32 de la convention collective nationale artistique, entreprises artistiques et culturelles prévoit qu'au cas où l'indisponibilité du salarié est due à un accident du travail ou un accident de trajet reconnus, son salaire brut lui est intégralement garanti pendant la période de versement des indemnités.

Le 25 novembre 2014, l'assurance maladie a notifié à Mme [T] la prise en charge de l'accident du travail survenu le 1er novembre 2014 en reconnaissant son caractère professionnel.

La salariée a perçu des indemnités journalières du 2 novembre 2014 au 22 février 2016 (pièce 6).

L'employeur échoue à démontrer que la salariée ne lui a pas adressé les prolongations de ses arrêts de travail, au delà du certificat médical initial prenant fin le 14 décembre 2014, dès lors que l'ensemble des certificats médicaux et avis d'arrêt de travail sont produits par Mme [T] (pièce 4) qui indique les avoir communiqués par lettre simple, que l'employeur produit lui-même un courrier du 12 janvier 2015 de M. [T] qui lui écrit que son épouse est toujours en arrêt maladie pour accident du travail et lui joint une prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 28 janvier 2015, et que des indemnités journalières ont été versées à la salariée par la caisse primaire d'assurance maladie du Var jusqu'au 22 février 2016 (pièce 8) démontrant la réception par cet organisme des attestations de salaire établies par l'employeur pour cette période.

Le courrier que la société a adressé à la salariée le 12 février 2016, soit plus de 14 mois après la fin de la date de l'arrêt de travail initial, demandant à celle-ci de justifier ses absences apparaît de pure opportunité et ne saurait suffire à démontrer la carence de Mme [T] dans l'envoi des arrêts de travail à ce dernier.

En tout état de cause, il ressort des dispositions conventionnelles susvisées que la salariée avait droit à la garantie de ressources conventionnelles, sans autre limite de durée que la période de versement des indemnité en lien avec son indisponibilité pour accident du travail.

Cette période s'étend du 2 novembre 2014 au 22 février 2016, et pas au delà contrairement aux revendications de la salariée, dès lors que le médecin du travail a prévu une reprise du travail à temps complet à compter du 23 février 2016 aux termes d'un certificat du 22 février et que l'avis d'arrêt de travail du 18 mars au 22 avril 2016 produit par la salarié n'est pas en lien avec l'accident du travail, de sorte qu'il n'ouvre pas droit à la garantie susvisée.

Contrairement à ce qu'indique l'appelant, le calcul opéré par la salariée à partir des salaires bruts pour déterminer les sommes dues est conforme aux prescriptions conventionnelles.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande de la salariée mais seulement pour la période du 2 novembre 2014 au 22 février 2016, et de condamner la société à lui verser la somme de 4 083,07 euros par infirmation du jugement qui avait retenu une somme plus élevée.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur en application de l'article L.3141-3 du code du travail.

Selon l'article L.3141-5 du code du travail, sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé:

- les périodes de congé payé;

- les périodes de congé maternité, paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption;

- les contreparties obligatoires en repos prévues par l'article L.3121-11 du code du travail et l'article L.713-9 du code rural et de la pêche maritime;

- les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L.3122-2;

- les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle;

- les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.

Il incombe à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

Aux termes du solde de tout compte remis à la salariée le 23 juin 2016, l'indemnité compensatrice de congés payés s'est élevée à la somme de 2 645,59 euros, calculée selon l'employeur sur la base de 12,5 jours de congés acquis entre le 1er juin 2014 et le 31 octobre 2014, outre 30 jours correspondant au maintient du congé payé pendant un an.

L'employeur conteste devoir une indemnité au titre des périodes antérieures :

- de juin 2013 à juin 2014 : affirmant que l'intimé avait pris ses congés durant l'été, l'établissement étant fermé du 1er août au 10 septembre 2014;

- de juin 2012 à juin 2013 : pour les mêmes raisons, ajoutant que M. [T] était gérant et que lui et son épouse étaient associés.

Il ajoute que la salariée ne démontre pas l'existence d'une activité professionnelle pendant les périodes estivales au sein de la société.

Mme [T] soutient qu'elle a droit à 90,50 jours d'indemnité compensatrice de congé payé correspondant à :

- 48 jours acquis entre juin 2012 et juin 2013

- 12,5 jours acquis entre juin 2014 et juin 2015

- 30 jours acquis durant son arrêt de travail pour accident du travail entre novembre 2014 et novembre 2015.

Elle produit son bulletin de salaire du mois d'octobre 2014 sur lequel figurent un solde de 48 jours de congé payé pour l'année N-1 et 12,5 jours pour l'année N.

En l'état de ces éléments, la société échoue à prouver que la salariée aurait pris ses congés durant la période du mois de juin 2012 à juin 2014. Aucune pièce n'est par ailleurs produite s'agissant de la fermeture de l'établissement durant la période estivale et de l'absence de travail effectif fourni par la salariée au cours de l'été 2013 et 2014, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur.

Le fait que M. [T] était gérant de la société est sans incidence sur les droits de la salariée, peu important l'existence d'un lien matrimonial entre eux.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à payer à Mme [T] la somme de 2 707,66 euros correspondant à un rappel d'indemnité compensatrice de congé payé de 48 jours (90,5 jours - 42,5 jours payés aux termes du sole de tout compte).

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

En application des dispositions combinées des articles L.1221-1, L.1222-1 du code du travail et 1134, devenu article 1103 du code civil, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie défaillante étant condamnée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil.

Il incombe à celui qui fait état de manquement dans l'exécution des obligations contractuelles de les établir.

La salarié reproche les manquements suivants :

- défaut de paiement des salaires des mois d'août et septembre 2014

- défaut du maintien de la garantie conventionnelle de ressources durant la période d'arrêt de travail pour accident du travail ;

- non régularisation de l'attestation de salaire pour les mois de mars et avril 2016;

- défaut de remise des bulletins de salaires des mois de novembre 2014, et de juin 2015 à janvier 2016 compris;

- retard dans le délivrance des documents de fin de contrat;

Elle fait en outre valoir l'attitude déloyale de son employeur dans la présente procédure.

Pour contester les griefs, l'employeur se borne à affirmer que la salarié avait la volonté de quitter la société et que son époux avait commis des fautes de gestion durant sa gérance de la société.

Au vu de ce qui a été jugé par la cour au présent arrêt, certains des manquements reprochés sont établis s'agissant du défaut de paiement des salaires susvisés, de l'absence de garantie conventionnelle durant l'arrêt de travail en lien avec l'accident du travail, de la remise tardive des documents de fin de contrat (courrier AR de la salariée du 2 juin 2016). Le défaut de délivrance des bulletins de salaire pour certains mois est démontré par les courriers de relance de la salariée restés vains (notamment un courrier du 12 janvier 2015 produit par la société) de même que le défaut de régularisation de l'attestation de salaire pour les mois de mars et avril 2016 (pièce 8).

En revanche, le comportement de l'employeur quant à l'exécution provisoire de la décision des 1er juges ne saurait être sanctionné sur le fondement d'une exécution contractuelle fautive ou déloyale.

Le comportement fautif de l'employeur est par conséquent établi et les mauvaises relations avec la salariée, en partie dues à leurs liens juridiques et capitalistiques dans les sociétés Métaphores et Cabaret [T] ne peuvent exonérer la société d'exécuter correctement et loyalement ses obligations d'employeur.

Il convient par conséquent de confirmer la décision du conseil de prud'hommes quant au principe d'une exécution fautive du contrat de travail mais de diminuer le quantum de la réparation à 2 000 euros.

II. Sur la rupture du contrat de travail

Sur la prise d'acte

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, la lettre du 26 avril 2016 est rédigée ainsi :

« Par la présente, je vous fais part de ma démission de mon poste d'employé polyvalente au sein de votre société. Elle prendra effet dès le dernier jour de mon arrêt de travail c'est-à-dire le 1er mai 2016.

Je vous saurai gré de bien vouloir me faire parvenir tous les papiers nécessaires à la régularisation de cette démission ainsi que mon solde de tout compte, à mon adresse habituelle.

Je vous rappelle également que les salaires de juillet, aout et septembre 2014 ne m'ont jamais été versés. Il me manque les feuilles de paie de novembre 2014 ainsi que celles de juin 2015 à janvier 2016. »

La salariée soutient que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur au regard du comportement fautif rédhibitoire que celui-ci a adopté à son égard, par le fait de :

- ne pas lui avoir versé les salaires d'août et septembre 2014,

- ne pas avoir assurer la garantie conventionnelle de ressources pendant son arrêt de travail

- ne pas lui avoir remis les bulletins de paie des mois de novembre 2014, puis de juin 2015 à janvier 2016,

- ne pas avoir régularisé l'attestation patronale destinée à la caisse primaire d'assurance maladie pour la perception de ses indemnités journalières,

- l'attitude fautive de la société.

L'intimée objecte que la lettre de démission ne porte trace d'aucun grief et encore moins de ceux dont elle fait état dans ses conclusions.

Elle soutient surtout que Mme [T] avait l'intention de démissionner depuis fin 2014. La société explique en ce sens que la salariée et son époux s'étaient peu à peu retirés de la société, en cédant leurs parts dans la société Cabaret [T], détenant 100% de la société Métaphore, entre février et novembre 2014, pour n'en conserver que 5% chacun, et, concernant M. [T], en renonçant à son mandat de gérant de la société Métaphore en octobre 2014.

Elle ajoute qu'il y avait eu des pourparlers pour une rupture conventionnelle au moment de l'accident du travail de l'appelante.

Elle produit notamment le courrier du 12 mai 2015 dont il ressort une négociation entre Mme [T] et la société pour une rupture conventionnelle et celui du 8 février 2016 aux termes duquel Mme [T] rappelle 'avant ma chute, nous étions en discussion pour que je m'en aille'.

En cet état, la cour retient qu'il a existé, à la fin de l'année 2014, des discussions entre Mme [T] et la société en vue d'une rupture conventionnelle manifestant de manière non équivoque la volonté de la salariée de se retirer de la société qui l'employait, discussions s'inscrivant d'ailleurs dans le cadre d'un désengagement plus large de la société puisqu'accompagnées du retrait capitalistique des époux [T] de la société Cabaret [T] et indirectement de la société Métaphores.

La cour observe néanmoins que ces pourparlers étaient largement antérieurs à la lettre de rupture (fin 2014 alors que la rupture date d'avril 2016) et qu'à cette époque, les griefs reprochés à la société, en sa qualité d'employeur, n'existaient pas et ne motivaient pas la volonté de rupture.

Or, il est constant que la relation salariée s'est finalement poursuivie en dépit du désengagement capitalistique et de M. [T], et que les griefs qui ont été détaillés par la cour ci-dessus sont fondés et sont contemporains à la rupture.

S'agissant notamment du non respect d'obligations inhérentes au contrat de travail, la cour dit qu'ils sont suffisamment graves pour justifier l'impossibilité de la poursuite du contrat de travail, peu important la volonté de rupture antérieure.

Dés lors, la lettre de démission doit s'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé.

Sur les conséquences financières

La salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Ayant deux ans d'ancienneté et le statut d'employée, la convention collective applicable prévoit une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de deux mois, soit 2 933,30 euros, outre 293,33 euros de congés payés afférents.

Il convient en outre de condamner la société à lui verser la somme de 4 094,39 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, non autrement discutée.

S'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a droit à une indemnité calculée sur un minimum de six mois de salaire brut, au vu de l'article L.1235-3 du code du travail applicable en l'espèce.

Elle avait une ancienneté de 5 ans et 7 mois lors de la rupture et était âgée de 52 ans. Elle justifie avoir occupé un emploi à compter du 2 mai 2016 sans cependant avoir été embauchée à l'issue de sa période d'essai puis avoir été engagée en qualité d'intérimaire.

Au vu de ces éléments et des circonstances de la rupture, étant rappelé que les manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat ont été réparés par ailleurs, il convient de lui allouer la somme de 9 500 euros.

Sur la délivrance des documents

Dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la salariée demande que soit confirmée la décision en ce qu'elle a ordonné à la société la remise de l'attestation de salaire pour les mois de mars et avril 2016, les bulletins de paie rectifiés pour les mois de novembre 2014 à avril 2016 et les documents sociaux rectifiés.

La cour observe que le conseil des prud'hommes a constaté que la société n'a pas remis à Mme [T] les bulletins de paie des mois de novembre 2014, et de juin 2015 à janvier 2016, ainsi que l'attestation patronale à compter de mars 2016 et a ordonné la remise des bulletins de salaire rectifiés de novembre 2014 à avril 2016 ainsi que les documents sociaux et l'attestation patronale pour les mois de mars et avril 2016.

Au vu de ce qui a été jugé par la cour, il convient de confirmer que soit ordonné la remise de l'attestation patronale pour les mois de mars et avril 2016, ainsi que des bulletins de paie des mois de novembre 2014 et des mois de juin 2015 à janvier 2016.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, et en l'état de la prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient d'ordonner à la société le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois.

III. Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 26 octobre 2016.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

Il convient de condamner la société à verser à la salariée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens doivent être supportés par la société Métaphores.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné la société Métaphores à verser à Mme [T] les sommes suivantes :

- 3 097,16 euros bruts à titre de rappel de salaire,

- 309,71 euros à titre de congés payés afférents,

- 2 707,66 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné la remise de l'attestation patronale pour les mois de mars et avril 2016 et des documents sociaux,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que la démission de Mme [T] doit s'analyser en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce le 26 avril 2016,

Condamne la société Métaphores à verser à Mme [T] les sommes suivantes:

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 4 083,07 euros au titre de l'obligation conventionnelle de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail du 2 novembre 2014 au 22 février 2016,

- 2 933,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 293,33 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 094,39 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 9 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2016 et les sommes allouées à titre indemnitaire, à compter de la présente décision,

Ordonne la remise des bulletins de paie des mois de novembre 2014, ainsi que des mois de juin 2015 à janvier 2016 compris,

Ordonne le remboursement par la société Métaphores aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [T] du jour de son licenciement au jour du prononcé de la décision, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé, dans les conditions des articles L.1235-3 et L.1235-11 du code du travail,

Condamne la société à verser à Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Métaphores aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/11351
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;18.11351 ?
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