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28/04/2022 | FRANCE | N°21/14721

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 28 avril 2022, 21/14721


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022



N° 2022/ 170













N° RG 21/14721 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIHX4







[C] [Y], [S] [G]





C/



[P] [W]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :





SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES







Me Karine TOUBOU

L-ELBEZ















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 07 Janvier 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 1118000598.





APPELANT





Monsieur [C] [Y], [S] [G]

né le 01 Septembre 1961 à MARSEILLE, demeurant 67 Rue Saint Ferréol - 13006 MARSEILLE

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/ 170

N° RG 21/14721 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIHX4

[C] [Y], [S] [G]

C/

[P] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

Me Karine TOUBOUL-ELBEZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 07 Janvier 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 1118000598.

APPELANT

Monsieur [C] [Y], [S] [G]

né le 01 Septembre 1961 à MARSEILLE, demeurant 67 Rue Saint Ferréol - 13006 MARSEILLE

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Pascal CERMOLACCE de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me William COHEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIME

Monsieur [P] [W]

né le 10 Août 1964 à TIZI OUZOU, demeurant chez Monsieur [I], 152, Avenue de Toulon, Bât. MN - 152 Avenue de Toulon - Bât. MN - 13010 MARSEILLE

représenté par Me Karine TOUBOUL-ELBEZ, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Fanny LAVAILL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Dans le cadre d'une procédure transactionnelle avec la compagnie d'assurance GAN, M. [P] [W], représenté par Maître [C] [Y] [G], a obtenu la somme de 20 900 euros pour l'indemnisation des préjudices subis suite un accident de la circulation survenu le 2 novembre 2011.

M. [W] a perçu un chèque de 11 240 euros de Maître [G] et s'est vu communiquer une facture d'un montant de 9 960 euros TTC au titre des honoraires et frais de ce dernier.

Par décision du 28 juin 2016, le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Marseille a taxé le montant des honoraires de Me [G] à la somme de 3600 euros TTC, dont il n'a pas été relevé appel. Il était également précisé, dans l'ordonnance, que M. [W] ayant réglé une somme de 1500 euros TTC à titre d'honoraires, il lui restait devoir la somme de 2 100 euros TTC.

Par ordonnance du 23 mai 2017, la décison du Bâtonnier était revêtue de la formule exécutoire par le premier vice-président du Tribunal de grande instance de Marseille.

Par acte d'huissier du 20 avril 2018, Mr [P] [W] a fait citer M. [C] [Y] [G] aux fins de le voir condamner au paiement la somme de 7 860 euros indûment perçue, 2 000 euros de dommages-intérêts pour manquements à ses obligations contractuelles et résistance abusive, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 7 janvier 2019, le Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a statué en ces termes :

- CONSTATE que le 3.12.2018 Me [G] n'invoque plus la nullité de l'assignation et n'entend plus se prévaloir des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile.

- ECARTE la fin de non recevoir (autorité de la chose jugée) invoquée par [C] [Y] [G].

- REJETTE toutes les demandes de [C] [Y] [G].

- CONDAMNE [C] [Y] [G] à payer à [P] [W] :

- La somme de 7 860,00 euros au titre des sommes indûment perçues,

- Celle de 1000,00 euros à titre de dommages intérêts pour les causes indiquées dans les motifs,

- Celle de 1200,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- ASSORTIT les condamnations qui précèdent de l'exécution provisoire.

- DIT que le greffe fera parvenir une copie de la présente décision à :

- Madame le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille,

- Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

- CONDAMNE [C] [Y] [G] aux dépens de l'instance.

Ledit jugement estime que la demande présentée par le requérant ne tend pas à fixer les honoraires de Me [G] mais à obtenir restitution du trop perçu, restitution sur laquelle le Bâtonnier n'a pas statué ; que la demande de restitution de M. [W] n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et que doit donc être écartée l'irrecevabilité invoquée à ce titre par le défendeur.

Il juge la demande de ce dernier bien-fondée et considère que le défendeur a utilisé tous les moyens à sa disposition pour se soustraire au remboursement des sommes dont il est redevable après la décision définitive du bâtonnier et un rappel de celui-ci, ce qui permet de fixer à la somme de 1000 euros les dommages-intérêts dus par l'auxiliaire de justice en vertu de son comportement.

Selon déclaration du 7 février 2019, M. [G] a relevé appel dudit jugement en toutes ses dispositions.

Selon ordonnance du 13 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné, au visa de l'article 526 du code de procédure civile, la radiation de l'affaire du rôle de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Par décision du 15 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a donné son accord à la réinscription de l'affaire RG n°19/02221 au rôle des affaires de la cour ; l'affaire a été réenrôlée sous le n° RG 21/14721.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, Monsieur [G] demande de voir :

- Révoquer l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2022 et admettre les présentes conclusions,

- Rejeter toutes prétentions adverses,

- Réformer le jugement rendu par le Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence le 7 janvier 2019,

- Et statuant à nouveau,

- Dire et juger que la demande de restitution se heurte à l'autorité de la chose jugée de la décision du Bâtonnier du 28 juin 2016,

- En conséquence,

- Déclarer irrecevable M. [W],

- Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Reconventionnellement, le condamner à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts conformément à l'article 1240 du code civil outre 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

Selon ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [G] soutient que c'est grâce à son intervention que M. [W], son client, a pu obtenir une indemnisation satisfactoire auprès de la compagnie GAN et que ses honoraires sont parfaitement justifiés à la hauteur de la somme de 9960 euros TTC.

Il fait valoir également que le retard des conclusions prises est dû à la maladie de son conseil atteint de la COVID 19 à compter du 22 janvier 2022.

Il soutient que le remboursement d'honoraires trop-perçus constitue une contestation de recouvrement des honoraires d'avocat au sens de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et relève donc de la procédure spéciale prévue par ce texte qui est d'ordre public; qu'ainsi la demande de restitution formée par l'intimé est irrecevable car se heurtant à l'autorité de la chose jugée par la décision du bâtonnier du 28 juin 2016, dont il n'a pas été relevé appel.

Il fait valoir que c'est de façon erronée que la décision du Bâtonnier de taxer ses honoraires à 3600 euros indique qu'il n'y a pas eu d'accord sur le montant des honoraires et qu'il n'a pas été signé d'autorisation de prélèvement.

Il précise également que le 10 janvier 2020, le premier président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire qu'il avait formée et qu'il a réglé les condamnations mises à sa charge, suite à la radiation de l'affaire par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 13 octobre 2020.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2021, M. [W] demande de voir :

- SUR L'APPEL PRINCIPAL,

- JUGER que le jugement rendu par le Tribunal d'Instance d'Aix-en-Provence le 7 janvier 2019 ne se heurte aucunement à l'autorité de la chose jugée tirée de la décision du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Marseille du 28 juin 2016, l'action de Monsieur [W] n'ayant ni la même cause ni le même objet,

- DEBOUTER Monsieur [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal d'Instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a condamné Monsieur [C] [Y] [G] à payer à Monsieur [P] [W] la somme de 7 860 euros au titre des sommes qu'il a indument perçues,

- SUR L'APPEL INCIDENT,

- REFORMER le jugement du tribunal d'instance d'Aix-en-Provence du 7 janvier 2019 en ce qu'il a condamné Monsieur [G] à payer à Monsieur [W] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Et, statuant à nouveau,

- CONDAMNER Monsieur [C] [Y] [G] au paiement de la somme de 5 000 euros à Monsieur [W] à titre de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles et résistance abusive,

- EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

- CONDAMNER Monsieur [C] [Y] [G] à payer à Monsieur [W] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- CONDAMNER Monsieur [C] [Y] [G], qui succombe, aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [W] soutient que'il n'a jamais signé d'autorisation de prélèvement mais uniquement une quittance en blanc, sur laquelle les sommes ont été ajoutées postérieurement.

Il fait valoir que le bâtonnier n'a pas compétence pour statuer sur la demande de restitution faisant suite à une décision de fixation d'honoraires et que l'appelant n'a jamais soulevé l'incompétence de la juridiction au profit de celle exclusive du bâtonnier alors qu'elle auraît dû l'être in limine litis.

Il prétend que sa demande en restitution de l'indû ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée car il n'y a ni identité de demande, ni identité d'objet au sens de l'article 1355 du code civil, le bâtonnier n'ayant pas statué sur la question de la restitution des sommes indûment perçues.

Enfin, il fait valoir la mauvaise foi de l'appelant qui a fixé ses honoraires à une somme représentant 47,66% du résultat obtenu, qu'il a ainsi manqué à son obligation d'information sur les honoraires pratiqués et s'est opposé à la restitution des sommes dues suite à la décision définitive du bâtonnier ; qu'il attend depuis plus de cinq années cette restitution.

La procédure a été clôturée le 27 janvier 2022.

MOTIVATION :

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

L'article 803 du code de procédure civile prévoit que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, il résulte des débats que suite à sa décision du 13 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a donné son accord, le 15 octobre 2021, à la réinscription de l'affaire au rôle des affaires en cours de la Cour, et ce à la demande de l'appelant.

Le 28 octobre 2021, le conseil de l'intimé a fait notifier ses conclusions par le RPVA et ce n'est que le 28 janvier 2022, soit après l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2022, que le conseil de l'appelant a fait notifier ses conclusions en réponse.

Pour solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture, ce dernier invoque et justifie avoir été testé positif à la COVID 19, le 22 janvier 2022.

Cependant, il ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de conclure avant cette date alors qu'il avait demandé, dès le 15 octobre 2021, le réenrôlement de l'affaire suite au paiement des condamnations par son client.

En outre, il doit être relevé que son adversaire avait conclu dès le 28 octobre 2021 et qu'il disposait donc d'un temps suffisant pour conclure avant l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2022, voire avant le 22 janvier 2022 date à laquelle il a été testé positif à la COVID 19, et ce alors qu'il ne démontre pas avoir été empêché de travailler suite à cette infection.

Par conséquent, en l'absence de preuve de l'existence d'une cause grave qui se serait révélée après le 27 janvier 2022, il ne sera pas fait droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

Ainsi, il convient d'écarter les dernières conclusions prises par M. [G] et notifiées le 28 janvier 2022, la Cour se fondant uniquement sur ses conclusions antérieures, soit celles du 3 mai 2019 et les pièces qui y sont afférentes en vertu du bordereau de communication.

Il est à noter qu'y sont développés les mêmes prétentions et moyens que dans ses dernières conclusions.

Sur la recevabilité de la demande principale de M. [W] :

L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formées par elle et contre elles en la même qualité.

Il résulte de l'article 173 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dans sa version applicable au présent litige, que les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ne peuvent être réglées qu'en recourant à la procédure prévue aux articles suivants.

Il est prévu à l'article 176 de ce décret que la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, qui est saisi par l'avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai de recours est d'un mois.

L'article 178 prévoit que lorsque la décision prise par le bâtonnier n'a pas été déférée au premier président de la cour d'appel, elle peut être rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance à la requête, soit de l'avocat, soit de la partie.

En l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2016, M. [W] a saisi le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Marseille en vue de contester les honoraires de Maître [G], qui s'est occupé de son dossier suite à son accident de la circulation du 2 novembre 2011.

Il consteste la facture de ce dernier d'un montant de 9 960 euros TTC, indiquant n'avoir jamais signé de convention d'honoraires ni d'autorisation de prélèvement.

Il lui demande expressément de 'bien vouloir intervenir auprès de Maître [G] pour qu'il me rende l'argent qu'il a gardé, au mieux je demande que ses honoraires soient taxés par votre instance'.

Par lettre du 10 mars 2021, Monsieur le Bâtonnier a accusé réception de sa lettre reçue le 7 mars 2016 et indiquait qu'après avoir pris contact avec M. [G], il saisissait la commission des honoraires.

Suite à la demande de ce dernier, M. [G] a répondu par lettre du 25 mai 2016, invitant le Bâtonnier à rendre une ordonnance de taxe.

Par lettre du 17 juin 2016, M. [W] affirmait ne pas avoir signé d'autorisation de prélèvement, indiquant que M. [G] produit uniquement une quittance 'en blanc' ('les sommes ont été rajoutées a posteriori manuscritement'), et sollicitait la restitution des sommes pour lesquelles il n'avait pas autorisé le prélèvement 'dans l'attente de la fixation des honoraires qui risque d'être longue'.

Ainsi, le 28 juin 2016, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille a décidé de taxer les honoraires de Maître [G] à la somme de 3 600 euros TTC et a constaté également que M. [W] avait réglé la somme de 1 500 euros TTC, soit une somme due à son avocat de 2100 euros TTC.

Or, cette décision, notifiée le même jour aux deux parties, est devenue définitivie, aucune d'entre elles n'ayant saisi le premier président de la Cour d'un recours à l'encontre de cette ordonnance.

Elle a été revêtue de la formule exécutoire par décision du 23 mai 2017 prise par le premier vice président du Tribunal de grande instance de Marseille.

Si l'ordonnance de taxe du Bâtonnier en date du 28 juin 2016 ne statue pas sur une prétendue demande en répétition de l'indû faite par M. [W], c'est que le courrier du 22 février 2016 qui le saisit, évoque clairement une contestation de la facture des honoraires de Maître [G] et demande, sans plus de précision de 'bien vouloir intervenir auprès de Maître [G] pour qu'il me rende l'argent qu'il a gardé'.

C'est donc à juste titre que le Bâtonnier a estimé n'être saisi que d'une demande de taxe clairement explicitée dans le courrier de l'intimé.

Par conséquent, si l'article 173 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 précité prévoit la compétence exclusive des contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats, il ne précise pas que les questions de répétition de l'indû en découlant sont de la compétence exclusive du Bâtonnier de l'ordre des avocats.

Par conséquent, la demande en répétition de l'indû formée par M. [W] devant le Tribunal d'instance de Marseille, par assignation du 20 avril 2018, n'est pas la même et ne porte pas sur le même objet que celle présenté précédemment devant Monsieur le Bâtonnier : elle ne se heurte donc pas à l'autorité de la chose jugée comme invoquée à tort par M. [G].

De même, au vu de la décision du 28 juin 2016, il était indispensable que M. [W] saisisse les juridictions de droit commun pour obtenir un titre afin de pouvoir demander l'exécution d'une éventuelle condamnation de son ancien conseil à lui restituer les sommes conservées au delà du montant décidé par la juridiction ordinale.

Il convient donc de confirmer sur ce point le jugement déféré.

Sur le bien-fondé de la demande de M. [W] :

L'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

L'article 1302-1 du code civil prévoit que celui qui a reçu par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'espèce, il résulte de l'ordonnance du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Marseille, en date du 28 juin 2016, que les honoraires de Maître [G] ont été taxés à la somme de 3600 euros TTC alors que M. [W] lui a déjà versé la somme de 1500 euros TTC.

Or, selon facture du 9 février 2015, M. [G] a décompté une somme de 9 960 euros TTC d'honoraires à son client (dont 1500 euros déjà versés) et lui a remis un chèque CARPA de 11240 euros, suite à l'indemnisation obtenue dans le cadre transactionnel de la compagnie d'assurance GAN d'un montant de 20 900 euros, étant précisé qu'il a dû être réglé la somme de 1 200 euros TTC à un médecin expert.

Or, il convient de relever qu'aucune convention d'honoraire n'a été signée entre les parties et que l'autorisation de prélèvement invoquée par l'appelant est en réalité une quittance dont les mentions manuscrites de la main de M. [W] ne correspondent pas à celles portées dans le corps de celle-ci quant aux montants, comme le relève à juste titre Madame le Bâtonnier, dans un courrier du 28 janvier 2018 adressé à M. [G].

Ainsi, comme l'affirme, avec raison, l'intimé, l'appelant ne peut se prévaloir ni d'une convention d'honoraires, ni d'une autorisation de prélèvement.

En outre, il convient de relever que la somme de 9 960 euros TTC correspond à 47,65 % de la somme totale versée par l'assureur GAN dans le cadre transactionnel suite aux préjudices subis par M. [W].

Or, la décision du 28 juin 2016 rappelle que les honoraires de l'avocat doivent être appréciés en tenant compte notamment de la nature et de la difficulté de l'affaire, de l'intérêt du litige, des diligences effectuées, du temps consacré à l'étude du dossier ainsi que des usages et de la notoriété de l'avocat ainsi que les charges et les frais de fonctionnement de tous ordres de son cabinet.

Au vu de la transaction effectuée avec la compagnie d'assurance et donc de l'étendue des diligences effectuées dans ce cadre, le Bâtonnier a évalué à un plus faible montant les honoraires décomptés par M. [G].

Cette décision, qui au contraire de ce qu'il allègue ne lui est pas favorable, vaut donc titre définitif dont il n'a pas interjeté appel.

Par conséquent, il en résulte que M. [W] a été privé indûment de la somme complémentaire entre la somme versée par GAN et celle prélevée par son conseil, soit 8 460 euros TTC alors qu'il ne devait que la somme totale de 3 600 euros TTC, soit après son versement de 1500 euros, celle de 2 100 euros TTC.

Par conséquent, M. [W] est bien-fondé à réclamer à M. [G] la somme de 7 860 euros TTC (9960-2100 euros) correspondant à la somme indûment perçue au titre de ses honoraires.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a justement décidé de condamner M. [G] à payer à M. [W] la somme de 7860 euros au titre des sommes indûment perçues.

Sur les demandes de dommages-intérêts :

L'ancien article 1134 du code civil prévoit que les conventions doivent être exécutées de bonne foi.

En vertu de l'ancien article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte suffisamment des débats que comme l'a justement relevé le premier juge, M. [G], auxiliaire de justice ayant prêté serment d'exercer sa mission avec dignitié, conscience, probité et humanité, n'a pas seulement déterminé le montant de ses honoraires en toute transparence mais a également mis tous les moyens qu'il connaissait, en tant que professionnel du droit, pour se soustraire, même en cause d'appel, au remboursement des sommes dont il se savait redevable depuis le caractère définitif de l'ordonnance de taxe du 28 juin 2016 et un rappel de son bâtonnier.

Face à un client profane, qui lui avait donné mission avec confiance de transiger en sa faveur suite à un accident de la circulation subi le 2 novembre 2011, il a manqué de loyauté en ne lui faisant signé aucune convention d'honoraire, ni aucune autorisation de prélèvement claire et expresse mais une quittance en partie non remplie manuscritement par ce dernier et en lui prélevant presque la moitié du montant indemnitaire obtenu dans le cadre d'une affaire simple, sans contentieux.

Or, même si après la radiation de l'affaire par le conseiller de la mise en état du 13 octobre 2020, M. [G] a fini par payer les condamnations dues en vertu de l'exécution provisoire décidée par le jugement déféré, il ne la fait intégralement que courant 2021, soit plusieurs mois après l'ordonnance du 13 octobre 2020 et plus de deux années après la décision du premier juge.

Par conséquent, le comportement fautif et déloyal de M. [G] doit donner lieu à l'allocation de dommages-intérêts à M. [W], qui n'a pu récupérer les sommes qui lui étaient dues sur sa part d'indemnisation que cinq années après la décision du Bâtonnier, et seulement après avoir été dans l'obligation de saisir un autre avocat et multiplié les démarches judiciaires et de recouvement pour obtenir son dû.

Le préjudice subi excède ainsi largement l'indemnisation des frais irrépétibles qu'il est également en droit d'obtenir dans le cadre de cette instance.

Aussi, M. [G] sera condamné à payer à l'intimé la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Concernant la demande indemnitaire de l'appelant, elle est mal-fondée au vu des dispositions qui précèdent et de sa succombance dans le présent litige. Il sera donc débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement déféré sera donc confirmé sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués à l'intimé pour le manquement de l'appelant à ses obligations contractuelles et résistance abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de faire droit à la demande de M. [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'appelant, qui succombe, sera condamné à lui payer la somme visée au dispositif de la présente décision.

L'appelant, partie succombante, sera condamné aux dépens d'appel.

En outre, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [C] [Y] [G] à payer à M. [P] [W] la somme de 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 27 janvier 2022 ;

En conséquence, ÉCARTE les dernières conclusions de M. [C] [Y] [G], notifiées par le RPVA, le 28 janvier 2022, et les nouvelles pièces y afférentes ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [C] [Y] [G] à payer à M. [P] [W] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE M. [C] [Y] [G] à payer à M. [P] [W] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

CONDAMNE M. [C] [Y] [G] à payer à M. [P] [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] [Y] [G]aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 21/14721
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.14721 ?
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