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28/04/2022 | FRANCE | N°21/07390

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 28 avril 2022, 21/07390


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/ 78













Rôle N° RG 21/07390 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHPA6











Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Pierre TERTIAN



Me Françoise BOULAN











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 08 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire gÃ

©néral sous le n° 2020F00237.





APPELANTE



S.A.S. CAVALIERE HOTELS COMPANY, demeurant 14 Rue du Vingt Quatre Août - 06400 CANNES



représentée par Me Jean-Pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN / BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE et plaidant par...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/ 78

Rôle N° RG 21/07390 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHPA6

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Pierre TERTIAN

Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 08 Avril 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2020F00237.

APPELANTE

S.A.S. CAVALIERE HOTELS COMPANY, demeurant 14 Rue du Vingt Quatre Août - 06400 CANNES

représentée par Me Jean-Pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN / BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE et plaidant par Me SERAPIONIAN Jimmy avocat au barreau de Paris

INTIMEE

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège - demeurant 313 Terrasses de l'Arche - 92727 NANTERRE

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me DUPUY Catherine Marie avocat au barreau de Paris

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme LEYDIER Sophie conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, présidente de chambre

Mme Sophie LEYDIER, conseillère (rapporteur)

Monsieur Nicolas ERNST vice président placé auprès du premier président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, présidente de chambre et Mme Natacha BARBE greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

La SAS Cavaliere Hôtel Company, exploitant un hôtel sous l'enseigne L'Hotera, situé à Cannes (06400), a souscrit le 5 février 2019, par l'intermédiaire du courtier GEA, un contrat d'assurance Multirisque Professionnelle n°104 190 454 04 auprès de la SA Axa France Iard, à effet rétrooactif au 1er janvier 2019, par l'intermédiaire du courtier GEA.

Par mail du 16 juillet 2020, la SA Axa France Iard a indiqué à la SAS Cavaliere Hôtel Company qu'elle ne pouvait donner une suite favorable à sa demande de prise en charge de ses pertes d'exploitation consécutives aux mesures prises à partir de mars 2020 par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, dans la mesure où la garantie contractuelle n'avait pas vocation à s'appliquer.

Par deux courriers de son conseil du 17 novembre 2020, la SAS Cavaliere Hôtel Company a adressé à son courtier GEA une déclaration de sinistre aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses pertes d'exploitation consécutives aux mesures prises à partir de mars 2020 dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19 et la désignation d'un expert, ainsi que le paiement « d'un acompte de 38 727,66 euros» à valoir sur le montant de son indemnisation.

Se plaignant du silence de son assureur, la SAS Cavaliere Hôtel Company l'a assigné à bref délai devant le tribunal de commerce de Cannes.

Par jugement contradictoire du 8 avril 2021, le tribunal de commerce de Cannes a :

Dit non remplies les conditions de la garantie perte d'exploitation consécutives à une fermeture de l'établissement sur ordre des autorités prévues dans la police d'assurance n°10419045404 souscrite auprès de la société Axa France Iard,

En conséquence, dit opposable la clause d'exclusion afférente à la garantie fermeture administrative,

Débouté la société Cavaliere Hotels Company de sa demande tendant à la condamnation de la SA Axa France Iard à lui payer la somme de 98 699 euros au titre des pertes d'exploitation subies, de l'indemnité forfaitaire du fait des pourboires, vestiaires et services, des honoraires de l'expert et du préjudice subi par l'immobilisation de son dirigeant,

Condamné la société Cavalière Hotels Company aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros à la SA Axa France Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 17 mai 2021, la société Cavalière Hotels Company a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

débouté la SAS Cavaliere Hôtel Company de ses demandes tendant à voir la SA Axa France Iard garantir ses pertes d'exploitation du fait de la fermeture de son établissement sur ordre des autorités après avoir déclaré nul et/ou inopposable la clause d'exclusion invoquée par l'assureur,

débouté la SAS Cavaliere Hôtel Company de sa demande tendant à la condamnation de la SA Axa France Iard à lui payer la somme de 98 699 euros au titre des pertes d'exploitation subies, de l'indemnité forfaitaire du fait des pourboires, vestiaires et services, des honoraires de l'expert et du préjudice subi par l'immobilisation de son dirigeant,

débouté la SAS Cavaliere Hôtel Company de ses demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Condamné la SAS Cavaliere Hôtel Company à payer à la SA Axa France Iard la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SAS Cavaliere Hôtel Company aux dépens.

~*~

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens:

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 décembre 2021, la société Cavalière Hotels Company, appelante, sollicite au visa des articles 1103, 1104, 1188 et 1231-1 du code civil et des articles L112-4 et L113-1 du code des assurances, l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à' nouveau :

1/ Sur le principe de la garantie

A titre principal,

La condamnation de la SA Axa France Iard à l'indemniser des pertes d'exploitation résultant de l'interruption totale ou partielle de son activité consécutive à :

l'événement garanti « fermeture de l'établissement sur ordre des autorite's» et/ou l'événement garanti «fermeture administrative» en relevant que l'exclusion qui doit être réputée non écrite vu sa typographie et sa rédaction, est au surplus inapplicable en l'espèce,
Pour une pé'riode de'butant le 15 mars 2020 jusqu'à retour à une exploitation normale dans la limite d'une période d'indemnisation de 24 mois,

A titre subsidiaire,

La condamnation de la SA Axa France Iard à l'indemniser des pertes d'exploitation résultant de l'interruption totale ou partielle de son activité consécutive à l'événement garanti « tous autres dommages sauf », pour une période débutant le 15 mars 2020 jusqu'à retour' à une exploitation normale dans la limite d'une période d'indemnisation de 6 mois.

2/ Sur le montant des condamnations

- Juger que le contrat d'assurance n'impose pas la recherche d'un lien de causalité direct entre l'événement garanti et la perte indemnisée, n'impose pas de recensement des événements annulés et du chiffre d'affaires lié aux seules activités visées par une mesure d'interdiction d'accueil du public, mais organise l'indemnisation de la perte de marge brute selon les règles de calcul énoncées aux conditions générales et particulières à la seule condition que ces pertes soient consécutives à un événement garanti,

- Juger que la période d'indemnisation organisée par le contrat prend fin au jour où les résultats de l'entreprise ne sont plus affectés par « le sinistre », ce qui ne correspond pas au jour où cesse l'«événement garanti» mais ce qui correspond au retour à une exploitation normale comparable à celle qui était prévisible en l'absence de sinistre,

- Juger que les subventions du fonds de solidarité ne viennent pas en déduction du calcul de la perte d'exploitation indemnisable, et n'ont pas vocation à réduire les obligations contractuelles de l'assureur, mais seront tout au plus extériorisées pour en informer l'Etat une fois les indemnités

d'assurance versées par l'assureur,

- Juger que toute autre conséquence de la crise sanitaire du printemps 2020 ne compte pas parmi les facteurs extérieurs et intérieurs susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité et les résultats de l'assuré,

- Condamner en conséquence la SA Axa France Iard à lui verser les sommes de :

* 167 181 euros correspondant à la perte d'exploitation indemnisable due sur la période d'indemnisation courant du 15 mars 2020 au 31 mai 2021,

* 7 551 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour « pourboires, vestiaires et services » pour la période allant du 15 mars 2020 au 31 mai 2021,

* 7 862 euros au titre de l'indemnité forfaitaire honoraires d'expert d'assuré pour la période allant du 15 mars 2020 au 31 mai 2021,

- Condamner la SA Axa France Iard à lui verser les indemnités d'assurance qui seront dues pour la période d'indemnisation courant du

1er juin 2021 jusqu'au retour à une exploitation normale non impactée par les sinistres incluant toutes les conséquences dommageables de la crise sanitaire dite du covid 19, dans la limite de la période d'indemnisation de 24 mois expirant le 15 mars 2022, en appliquant les mêmes règles que celles retenues par la juridiction pour chiffrer la période du 15 mars 2020 au 31 mai 2021,

- Condamner la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi par l'immobilisation de son dirigeant,

- Enjoindre à l'assureur de procéder contradictoirement et de bonne foi, avec la concluante, au chiffrage et au versement de la perte d'exploitation subie par elle pour la période allant du 1er juin 2021 au 15 mars 2022,

- Assortir toutes les condamnations prononcées au titre de l'exécution du contrat d'assurance des intérêts au taux légal avec capitalisation à compter du 17 novembre 2020, ainsi que d'une condamnation de la SA Axa France Iard aux dépens, outre 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 janvier 2022, la société Axa France, intimée, sollicite :

A titre principal, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :

- dit non remplies les conditions de la garantie perte d'exploitation consécutives à une fermeture de l'établissement sur ordre des autorités prévues dans la police d'assurance n°10419045404 souscrite auprès de la société Axa France Iard,

En conséquence, dit opposable la clause d'exclusion afférente à la garantie fermeture administrative,

- débouté la société Cavaliere Hotels Company de sa demande tendant à la condamnation de la SA Axa France Iard à lui payer la somme de 98 699 euros au titre des pertes d'exploitation subies, de l'indemnité forfaitaire du fait des pourboires, vestiaires et services, des honoraires de l'expert et du préjudice subi par l'immobilisation de son dirigeant,

- condamné la société Cavalière Hotels Company aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros à la SA Axa France Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent, le rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre par l'appelante,

A titre subsidiaire,

- Juger que la preuve du montant des pertes d'exploitation qui serait garanti aux termes de la police d'assurance n'est pas rapportée,

- Juger que la preuve de l'obligation de prise en charge et du montant des frais de l'expert n'est pas rapportée,

- Juger que la preuve de l'obligation de prise en charge et du montant de l'indemnité forfaitaire des pourboires, vestiaires et services, n'est pas rapportée,

- Juger que la preuve d'un refus fautif de la SA Axa France Iard et d'un préjudice y afférent n'est pas rapportée,

- Débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à son encontre,

A titre plus subsidiaire,

- Désigner un expert avec pour mission de chiffrer le montant des pertes d'exploitation garanties, aux frais de l'appelante, avec les précisions:

que la période d'indemnisation garantie devra être limitée à la période durant laquelle les événements garantis invoqués par l'appelante sont effectivement intervenus,

que le calcul de la perte de marge subie devra être effectué uniquement pour les activités effectivement concernées par l'événement « fermeture administrative », sur la seule période de vigueur des mesures de fermeture administrative invoquées et dans la limite du plafond de garantie prévu aux conditions générales telles que préalablement déterminées par la cour,

que le calcul de la perte de marge subie devra tenir compte de «la tendance générale de l'évolution d'entreprise » au regard des comptes arrêtés pour les exercices antérieurs à l'exercice en cause,

qu'il convient de retrancher de la perte de marge subie les « montants de charges constitutives de la marge brute que l'entreprise cesserait de supporter du fait du sinistre, pendant la période d'indemnisation » ainsi que les aides d'Etat,

qu'enfin, la perte de marge brute devra être déterminée en tenant compte «des facteurs extérieurs et intérieurs susceptibles d'avoir eu, indépendamment de ce sinistre, une influence sur son activité et ses résultats »,

que l'expert chiffrera le montant de l'indemnité d'assurance liée à la garantie « indemnité forfaitaire des pourboires, vestiaires et services »,

- Débouter l'appelante de toute demande de condamnation ou de provision, et du surplus de ses demandes,

En tout état de cause,

- Débouter l'appelante de ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

- Condamner l'appelante à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner l'appelante à supporter les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Aix-en-Provence, avocats

associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2022.

MOTIFS :

A titre liminaire, la cour rappelle qu'à l'appel de la cause, les conseils des parties ont indiqué s'être accordés pour que l'affaire soit retenue et plaidée sur les conclusions précitées, le conseil de l'appelante ayant expréssément renoncé à sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et indiquant ne pas souhaiter répondre aux dernières écritures de l'intimée notifiées la veille de l'ordonnance de clôture.

Sur le sinistre et la mobilisation des garanties

La SAS Cavaliere Hôtel Company entend obtenir l'indemnisation de ses pertes d'exploitation consécutives selon elles aux mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, en se fondant à titre principal en premier lieu sur la garantie 'pertes d'exploitation après fermeture de l'établissement sur ordre des autorités' prévue dans un tableau explicitant au point 6 les pertes financières (page 5 de l'intercalaire GEA), et en deuxième lieu sur la garantie 'fermeture administrative' (page 22 de l'intercalaire GEA).

Subsidiairement, elle ajoute désormais en appel que dans l'hypothèse où la cour écarterait les deux premières garanties, la garantie 'pertes d'exploitation après tous autres dommages sauf' (figurant également en page 5 de l'intercalaire GEA) a vocation à être mobilisée en l'espèce.

Il appartient à l'assurée qui réclame la mobilisation de la garantie souscrite de rapporter la preuve que les conditions de sa mise en oeuvre sont réunies.

En l'espèce, il résulte des pièces régulièrement produites et des explications des parties:

- que l'extrait Kbis à jour au 17 décembre 2014 produit par l'appelante ne mentionne l'exploitation par la SAS L'hotera d'aucune activité de restauration, de bar d'hôtel, de spa, de sauna ou de salle de détente (pièce 1),

- qu'aucune mesure des autorités et/ou aucune mesure administrative n'a imposé la fermeture des hôtels à Cannes, et spécialement la fermeture de l'hôtel exploitant à l'enseigne L'hotera, ainsi que des activités revendiquées par elle comme concernant le service petit déjeuner, le spa, le sauna et la salle de détente,

- que l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 pris par le Ministre des solidarités et de la santé n'a pas visé les hôtels (classés en catégorie O), mais concernait notamment les restaurants et débits de boissons (classés en catégorie N), les salles de conférences (....), salles de réunion, les salles à usage multiple (classées en catégorie L), et précise que les restaurants et bars d'hôtels, à l'exception du 'room service' sont regardés comme relevant de la catégorie N 'restaurants et débits de boissons', l'ensemble des établissements de cette catégorie étant en outre autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison (pièce 4),

- que l'article 8 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire n'a pas visé les hôtels (classés en catégorie O) et permettait pour ces derniers le 'room service' dans les conditions susvisées, outre l'accueil du public selon certaines conditions (pièce 7),

- que l'article 10 du décret du 11 mai 2020 n'a pas davantage visé les hôtels (classés en catégorie O) comme ne pouvant pas accueillir du public, mais a prévu en son annexe 3 que les hôtels pouvaient continuer de recevoir du public (pièce 8),

- que l'arrêté du 4 avril 2020 pris par le préfet des Alpes-Maritimes a interdit jusqu'au 15 avril 2020 la location à titre touristique des chambres d'hôtel notamment à Cannes, tout en précisant que cette interdiction ne concernait pas l'hébergement au titre du domicile régulier des personnes qui y vivent, l'hébergement d'urgence ou l'hébergement pour des motifs professionnels

(pièce 12 de l'appelante),

- que dans son rapport, [F] [H], mandaté par l'appelante aux fins de calculer la perte d'exploitation invoquée, indique que l'hôtel L'Hotera propose les services suivants 'hébergement, sauna, coin détente' sans mentionner une activité de restauration ou de bar, et ne fait état d'aucun chiffre d'affaires réalisé par l'exploitation d'une salle de détente, d'une activité de spa ou de sauna (pièce 7 de l'appelante).

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge et à ce que soutient l'assurée, il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'aucune fermeture totale ou partielle de son établissement, condition de mise en oeuvre des garanties 'fermeture sur ordre des autorités' et 'fermeture administrative', n'est caractérisée.

Il s'ensuit que l'assureur est fondé à soutenir que ces deux premières garanties ne peuvent être mobilisées, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres conditions de la garantie, et la clause d'exclusion relative à la garantie en cas de fermeture administrative.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé, par substitution de motifs, excepté en ce que le premier juge a dit opposable à l'assurée la clause d'exclusion afférente à la garantie en cas de fermeture administrative.

La garantie 'pertes d'exploitation après tous autres dommages sauf' figure en page 5 de l'intercalaire GEA comme suit:

6) pertes financières:

pertes d'exploitation après:

dommages aux appareils électriques et électroniques

Tous autres dommages sauf, y compris:

- effondrement total ou partiel du bâtiment,

- meurtres ou suicide dans l'établissement.

En page 17 de cet intercalaire GEA sont reprises au 6) les pertes financières, concernant d'une part la valeur vénale du fonds de commerce, et, d'autre part, les pertes d'exploitations (pages 19 et suivantes).

Outre les définitions de plusieurs éléments permettant de calculer l'indemnisation due à l'assurée, il est stipulé au titre des événements garantis que l'assureur garantit à l'assuré les pertes d'exploitation qu'il pourrait subir par suite de l'interruption totale ou partielle de l'activité exercée dans les locaux assurés due à un événement garanti.

Et, en page 23 de cet intercalaire GEA, il est stipulé que 'la garantie 'tous autres dommages sauf' a pour objet de garantir les biens assurés contre tous les dommages matériels et immatériels consécutifs, disparitions, destructions, altérations qui résultent d'événements non prévus par le contrat.

En aucun cas, cette garantie ne peut avoir pour objet de racheter les exclusions qui figurent dans le contrat, ni les événements que l'assuré n'a pas souhaité souscrire, ni racheter les franchises, ni intervenir en différence de limite sur les garanties spécifiques (en gras)'.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la garantie 'tous autres dommages sauf' contenue dans le tableau figurant en page 5 de l'intercalaire GEA susvisé n'est pas assimilable à une garantie 'tous risques sauf' ouvrant droit à l'indemnisation des pertes d'exploitation consécutives à tous dommages, sauf ceux exclus, comme le fait pertinemment remarquer l'assureur.

Et, cette garantie 'tous autres dommages sauf' ne constitue pas en elle-même un 'événement' comme le soutient l'appelante (page 29 de ses écritures), de sorte que sa mobilisation implique nécessairement l'existence d'un événement garanti, lequel n'est pas défini par l'appelante.

Au surplus, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la garantie 'tous dommages sauf' figurant au point 9) du tableau en page 5 de l'intercalaire GEA susvisé serait une garantie distincte de celle figurant au point 6), dont l'objet détaillé en page 23 ne serait pas applicable, alors qu'il se déduit de la présentation de ce tableau que la garantie 'tous dommages sauf' (9), tout comme la garantie 'catastrophe naturelle' (8) sont d'abord évoquées au point 6 relatif aux pertes financières, puis reprises de manière plus détaillée s'agissant des franchises et plafonds de garantie, de sorte que l'assureur est fondé à se prévaloir des stipulations figurant en page 23 de l'intercalaire GEA aux termes desquelles la garantie 'tous autres dommages sauf' n'a vocation à s'appliquer que pour les pertes d'exploitation consécutives à un dommage matériel résultant d'un événement autre que ceux contractuellement prévus (tels qu'un incendie, un dégât des eaux ....etc) ainsi qu'aux dommages immatériels consécutifs à ces dommages matériels.

L'appelante n'établissant par aucun élément que les pertes d'exploitation dont elle demande l'indemnisation sont consécutives à un dommage matériel résultant d'un événement autre que ceux contractuellement prévus, ou à un dommage immatériel consécutif à ce dommage matériel, les conditions d'application de la garantie 'tous dommages sauf' ne sont pas réunies, et ses demandes fondées à titre subsidiaire sur cette garantie doivent également être rejetées.

Sur la demande de dommages et intérêts

Alors que l'appelante n'établit pas que l'assureur a commis une faute lui ayant directement causé 'un préjudice lié à l'immobilisation de son dirigeant', sa demande de dommages et intérêts doit également être rejetée.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé, en partie pour d'autres motifs.

Sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Succombant, la SAS Cavaliere Hotels Company doit être condamnée aux dépens d'appel.

En revanche, aucune considération d'équité ne justifie d'allouer aux parties une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici partiellement infirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré, excepté en ce que le premier juge a :

- dit opposable à l'assurée la clause d'exclusion afférente à la garantie en cas de fermeture administrative,

- condamné la SAS Cavaliere Hotels Company à payer à la SA Axa France Iard une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la garantie 'tous autres dommages sauf' n'est pas mobilisable,

REJETTE les demandes d'indemnisation formées par la SAS Cavaliere Hotels Company,

REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Cavaliere Hotels Company aux dépens d'appel et en ordonne la distraction.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 21/07390
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.07390 ?
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