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28/04/2022 | FRANCE | N°18/03689

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 28 avril 2022, 18/03689


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/ 77













Rôle N° RG 18/03689 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCBEH









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Marie-Anne COLLING



Me Françoise ASSUS-JUTTNER



Me Alain DE ANGELIS









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Ja

nvier 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/13670.





APPELANTE



S.C.I LES MOULINS, demeurant 23 route de Chateaurenard - 13870 ROGNONAS



représentée par Me Marie-Anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/ 77

Rôle N° RG 18/03689 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCBEH

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie-Anne COLLING

Me Françoise ASSUS-JUTTNER

Me Alain DE ANGELIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Janvier 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/13670.

APPELANTE

S.C.I LES MOULINS, demeurant 23 route de Chateaurenard - 13870 ROGNONAS

représentée par Me Marie-Anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me VERNHET Thierry

INTIMEES

Compagnie d'assurances GAN, demeurant 8-10 Rue d'Astorg - 75008 PARIS

plaidant par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE

SA ALLIANZ IARD - demeurant 1, Cours Michelet CS 30051 - 92076 PARIS LA DEFENSE

et

Société COLLOME FRERES - demeurant 78 bis rue Velpeau - 92160 ANTONY

représentées par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Benjamin GERARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Leydier Sophie conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, présidente de chambre

Mme Sophie LEYDIER, conseillère

Monsieur [W] [U] vise président placé auprès du premier président

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

La SCI Les Moulins est propriétaire de biens immobiliers dans le 9ème arrondissement de Marseille situés 1 rue Jean Maurin et 10 Boulevard Gustave Ganay, assurés auprès de la SA Gan Assurances au titre d'une police multirisque immeuble n°939102356 souscrite le 8 octobre 1993.

Ces biens ont été entièrement détruits suite à un incendie survenu le 2 avril 2006.

Le 3 avril 2006, la SA Gan Assurances a donné à la société Gab Robins la mission d'évaluer contradictoirement les dommages.

La SCI Les Moulins a désigné la SA Collome Frères en qualité d'expert d'assuré, suivant mandat d'intervention du 4 avril 2006.

Le 1er février 2007, la SA Collome Frères a communiqué à la société Gab Robins un état des pertes s'élevant à la somme de 1 306 783 euros.

Après échanges entre experts, la société Gab Robins a adressé à la SA Collome Frères par courrier du 30 mars 2007 un état des pertes s'élevant à la somme totale de 579 377 euros.

Par LRAR du 1er avril 2008, la SCI Les Moulins a contesté l'évaluation des dommages et mis en demeure la SA Gan Assurances de l'indemniser.

Par courrier du 10 avril 2008, la société Gab Robins a accusé réception du courrier RAR du 1er avril 2008 adressé à son assureur par la SCI Les Moulins, répondant à plusieurs de ses contestations et lui demandant de lui préciser sa position et de lui indiquer si la SA Collome Frères était toujours expert de l'assurée.

Par courrier du 27 novembre 2008, la SCI Les Moulins a adressé un avenant au contrat prenant effet au 5 octobre 2001 à la compagnie Gan Assurances en lui demandant de parvenir à une issue rapide et satisfaisante du dossier.

Par LRAR du 30 mars 2011, la SCI Les Moulins a de nouveau mis en demeure son assureur d'indemniser le sinistre.

Par courrier du 26 avril 2011, l'assureur a refusé de garantir le sinistre, en opposant à la SCI Les Moulins la prescription biennale.

Par ordonnance de référé du 28 avril 2015, le Président du tribunal de grande instance de Marseille a :

- confié une expertise à Monsieur [I] [X],

- condamné la SA Gan Assurances à verser à la SCI Les Moulins à titre provisionnel la somme de 575 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice, outre la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 28 janvier 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé cette décision et rejeté la demande de provision formée par la SCI Les Moulins.

Par acte du 28 mai 2015, la SCI Les Moulins a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille la SA Gan Assurances, la SA Collome Frères et son assureur, la SA Allianz Iard, afin qu'elles soient condamnées à lui verser la somme de 1 200 000 euros à titre de provision et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il soit sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

L'expert [X] a clôturé son rapport le 22 juin 2016.

Par jugement contradictoire du 15 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- rejeté la demande de complément d'expertise formée par la SA Collome Frères et par la SA Alliand Iard,

- déclaré irrecevable l'action introduite par la SCI Les Moulins à l'encontre de la société Gan Assurances en ce qu'elle est prescrite,

- déclaré irrecevable l'action introduite par la SCI Les Moulins à l'encontre de la société Collome Frères en ce qu'elle est prescrite,

- mis la société Allianz Iard hors de cause,

- condamné la société la SCI Les Moulins à verser à la SA Gan Assurances la somme de 578 883,19 euros au titre du remboursement de la provision,

- condamné la SCI Les Moulins à verser à la SA Gan Assurances la somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Les Moulins à verser à la SA Collome Frères et à la SA Allianz Iard ensemble la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formulée par la SCI Les Moulins sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la SCI Les Moulins aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 27 février 2018, la SCI Les Moulins a interjeté appel, critiquant l'ensemble des chefs du jugement précités et intimant:

1/ la SA Gan Assurances,

2/ la SA Collome Frères,

3/ la SA Allianz Iard.

~*~

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

La SCI Les Moulins, appelante, (conclusions du 30 mars 2021) sollicite :

La réformation du jugement entrepris,

Que la prescription de l'article L 114-1 soit déclarée inopposable et subsidiairement, infondée,

Qu'il en soit jugé de même pour la prescription opposée par la SAS Collome Frères et son assureur,

La condamnation in solidum de la SA Gan Assurances, la SAS Collome Frères et son assureur à lui payer les sommes de:

1 319 261 euros HT + TVA à 20%,

694 400 euros au titre de la perte des loyers,

50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel, avec distraction.

La SA Gan Assurances, intimée (conclusions du 29 avril 2021), sollicite au visa des articles L114-1 et L114-2 du code des assurances, des articles 2250, 2251, 1240, et 2 du code civil, de l'article 9 du code de procédure civile et des articles 1134 et 1147 anciens du code civil:

* la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la prescription biennale était opposable à la SCI Les Moulins et qu'elle était acquise en l'espèce, de sorte que l'action de la SCI Les Moulins dirigée à l'encontre de la SA Gan Assurances est irrecevable,

* l'irrecevabilité des demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de l'assureur à son encontre dans la mesure où l'action en garantie et en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance dérive de ce contrat et se trouve également soumise au délai de prescription biennale de l'article L114-1 du code des assurances, laquelle est acquise en l'espèce,

* à défaut, le rejet des demandes formées par l'appelante à son encontre, faisant valoir que la SCI Les Moulins, par l'intermédiaire de la société Collome, s'est montrée peu diligente pour lui adresser ses réclamations et les justificatifs lui permettant d'instruire le dossier, que le Gan n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat, que l'appelante a reconstruit le bâtiment sinistré et ne produit pas les factures correspondant au coût de la reconstruction, que les investigations de l'expert sont insuffisantes à établir la réalité du préjudice matériel dont l'indemnisation est réclamée, que les pertes de loyers invoquées sur 10 ans ne sont pas justifiées, la garantie prévoyant un plafond de garantie limité à deux ans pour ces pertes, et que les autres demandes ne sont pas fondées,

* la condamnation de la SCI Les Moulins à lui restituer les sommes indûment versées par le Gan à hauteur de 578 883,19 euros,

Subsidairement,

* la condamnation de la SA Collome Frères et de la SA Allianz Iard à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre,

* juger les franchises prévues au contrat d'assurance du Gan opposables,

En tout état de cause,

* la condamnation de la SCI Les Moulins et tout autre succombant in solidum à lui payer la somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction.

La SA Collome Frères et la SA Allianz Iard, intimées (conclusions du 23 août 2018) sollicitent au visa des articles 42, 46 et 145 du code de procédure civile et de l'article 1147 du code civil :

A titre principal, sur la prescription de l'action :

que l'action en responsabilité entreprise par la SCI Les Moulins à son encontre soit déclarée prescrite,

Conséquemment,

La confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé prescrite l'action de l'appelante à l'égard de la SA Collome Frères et de son assureur la SA Allianz Iard et leur mise hors de cause,

A titre subsidiaire, sur la faute alléguée à l'encontre de la SA Collome Frères et sur la demande de condamnation in solidum :

Faisant valoir l'absence de faute de la SA Collome Frères dans l'accomplissement de sa mission,

que ne soit prononcée une éventuelle condamnation à l'encontre de la société Collome Frères et de son assureur la SA Allianz Iard uniquement subsidiairement à celle prononcée à l'encontre de la compagnie Gan Assurances et dans la seule hypothèse où la cour estimerait que les condamnations prononcées à l'encontre de la compagnie Gan Assurances ne couvrent pas l'intégralité des préjudices subis par la SCI Les Moulins à la suite du sinistre,

A titre plus subsidiaire, sur les autres demandes indemnitaires de la SCI Les Moulins :

le rejet des demandes au titre de ses pertes locatives complémentaires non retenues par les experts amiables aux termes de l'état des pertes contradictoirement arrêté, ou à tout le moins, par l'expert judiciaire aux termes de son rapport, et des demandes formées au titre du prétendu préjudice moral chiffré à la somme de 50 000 euros et au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 50 000 euros,

A tout le moins, que les demandes précitées soit ramenées à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 4 000 euros,

A titre infiniment subsidiaire et d'appel incident, dans l'hypothèse où la mise hors de cause de la SA Collome Frères ne serait pas confirmée par la cour :

Que l'appel incident formée par la SA Collome Frères et la SA Allianz Iard soit déclaré recevable,

Que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire complémentaire,

Que soit désigné un expert avec pour mission de :

Donner son avis sur le bienfondé du chiffrage arrêté à l'issue des opérations d'expertise amiable à la somme de 579 377 euros après avoir entendu les sociétés Gab Robins et Polyexpert et toute autre personne utile en qualité de sachant,

Se faire remettre les pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

Se rendre, si nécessaire, sur les lieux,

D'établir un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir leurs observations par voie de dire.

En tout état de cause, si par impossible, la cour entrait en voie de condamnation à l'encontre de la société SA Collome Frères,

Que soit fait application du contrat d'assurance souscrit par la SA Collome Frères auprès de la SA Allianz Iard n°46229678 dans les limites du plafond souscrit et sous déduction de la franchise contractuellement stipulée d'un montant de 3 500 euros,

La condamnation de la SCI Les Moulins ou tout succombant à payer une somme de 6 000 euros chacune à la SA Collome Frères et à la SA Allianz Iard en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens avec distraction.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2022.

MOTIFS :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale pour agir soulevée par la SA Gan Assurances

En application de l'article R 112-1 du code des assurances, la police d'assurance multirisques habitation, comme un certain nombre d'autres polices d'assurances, doit rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre premier de ce code, concernant notamment la prescription biennale des actions dérivant du contrat d'assurance de l'article L 114 -1 du code des assurances.

En vertu de l'article L 114 -1 du code des assurances 'toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court:

1/ en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance,

2/ en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier (...)'.

En l'espèce, la clause relative à la prescription invoquée par l'assureur est stipulée à l'article 35 des conditions générales A565 comme suit: 'toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites pour deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court:

1/ en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où nous en avons eu connaissance,

2/ en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là,

Quand votre action contre nous a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre vous ou a été indemnisé par vous.

Cette prescription peut être interrompue par:

- la désignation de l'expert,

- l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception par nous à vous en ce qui concerne le paiement de la prime et par vous à nous en ce qui concerne le règlement de l'indemnité,

- les actes d'émission,

- la saisine d'un tribunal même en référé,

- ou toute autre cause ordinaire d'interruption de la prescription (action en justice.....)'.

Après avoir rappelé que l'assurée avait reconnu avoir reçu les conditions générales précitées, et relevé que l'article 35 des conditions générales reprenait le délai de prescription édicté par l'article L114 -1 du code des assurances, ainsi que les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L114-2 du même code, le premier juge en a exactement déduit que le délai de prescription biennale invoqué par l'assureur était opposable à la SCI Les Moulins.

En application des dispositions de l'article L114 -1 du code des assurances, le premier juge a exactement fixé le point de départ du délai de la prescription biennale au jour du sinistre, soit le 2 avril 2006.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la désignation de l'expert interrompt le délai de prescription et ne le suspend pas, de sorte que le moyen selon lequel l'expertise diligentée par la société Gab Robins n'est pas terminée et serait toujours en cours est inopérant, puisque la désignation d'un expert amiable ne suspend pas le délai, et qu'au surplus l'assureur soutient à bon droit que les dispositions des articles 2238 et 2239 du code civil sont inapplicables en l'espèce, dans la mesure où la désignation de la société Gab Robins est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

Conformément aux dispositions de l'article L114 -2 du code des assurances, le délai a été interrompu par la LRAR adressée par la SCI Les Moulins à son assureur le 1er avril 2008 (pièce 1 du Gan) et un nouveau délai de 2 ans a recommencé à courir pour expirer le 1er avril 2010.

Avant le 1er avril 2010, l'appelante ne justifie d'aucun acte interruptif du délai de prescription.

Et, l'appelante ne peut sérieusement soutenir qu'il résulte des termes de la lettre du 11 mars 2008 qui lui a été adressée par la société Gab Robins que l'assureur aurait renoncé à se prévaloir de la prescription en lui proposant de régler une indemnité immédiate de 411 599,32 euros et une indemnité différée sur présentation de justificatifs de 167 898,10 euros, puisqu'à cette date, le délai de prescription était toujours en cours et que l'assureur ne pouvait donc renoncer à se prévaloir de la prescription biennale, seule une prescription acquise étant susceptible de renonciation.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'éventuelle exécution de mauvaise foi du contrat par l'assureur s'analyse en un manquement à ses obligations contractuelles, et l'action en garantie et en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance dérive de ce contrat et se trouve également soumise au délai de prescription biennale de l'article L 114-1 précité.

Alors qu'en l'espèce, le délai de prescription biennale a expiré le 1er avril 2010, qu'il n'a pas été interrompu avant cette date, l'action en référé ayant été initiée postérieurement, l'action au fond engagée par la SCI Les Moulins par assignation du 28 mai 2015 à l'encontre de la SA Gan Assurances est effectivement prescrite, comme l'a à bon droit estimé le premier juge.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour agir soulevée par la SA Collome Frères

L'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose en son deuxième paragraphe que 'les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

Et, suivant l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de cette loi du 17 juin 2008, les actions personnelles se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, dans sa proposition du 3 avril 2006 pour intervenir en qualité d'expert d'assuré, la société Collome Frères a précisé à Monsieur [H], représentant la SCI Les Moulins, que sa mission consistait à :

- la reconnaissance sur place du sinistre,

- prise des mesures conservatoires des biens sinistrés,

- demande d'acomptes,

- établissement et rédaction de l'état des dommages,

- pointage des dommages avec notre confrère, expert missionné par votre compagnie d'assurances,

- proposition de l'indemnité arrêtée contradictoirement avec notre confrère, expert de vos assureurs (pièce 2 des intimées).

Le mandat d'intervention signé le 4 avril 2006 par les représentants de la SCI Les Moulins et de la société Collome Frères stipule notamment :

- que l'expert d'assuré a pour mision d'intervenir après le sinistre d'incendie du 1er avril 2006 (...) dans le cadre de l'évaluation du dommage avec constitution d'un dossier qui servira de base de réclamation de l'évaluation du montant du préjudice, avec état préparatoire à la fixation des dommages et perte l'exploitation,

- que la société Collome Frères est désignée comme expert pour procéder notamment à l'évaluation des dommages sur bâtiment, matériels, mobiliers, marchandises, et l'assistance à l'expertise des risques locatifs en résultant,

- que l'expert d'assuré a pour mission de participer ou d'assister à la défense des intérêts de l'assuré lors des expertises amiables contradictoires d'assurances, et lors des expertises judiciaires en présence de l'assuré ou de son avocat, à moins que l'assuré l'autorise expressément par écrit d'intervenir seul pour le représenter,

- que les documents servant de base au calcul des sommes à retenir comme pertes portées aux procès-verbaux d'expertises et transmis par l'expert d'assuré devront être obligatoirement avalisés par l'assuré,

- que les honoraires de l'expert d'assuré seront payables par l'assuré, après règlement total par la compagnie d'assurance à l'assuré des sommes qui lui sont dues au titre de la garantie couvrant les dépenses relatives à l'intervention de l'expert d'assuré, et après la clôture des procès-verbaux d'expertises (...) (pièce 1 des intimées).

En outre, il résulte des échanges de courriers entre les experts de l'assuré et de l'assureur et avec la SCI Les Moulins les éléments suivants:

- par courrier du 30 mars 2007, la société Gab Robins a adressé à la société Collome Frères le récapitulatif des dommages établi après discussion contradictoire avant application de toutes limitations contractuelles et sous réserves de garanties, en évaluant le montant total des dommages vétusté déduite à la somme de 579 377,04 euros (pièce 3 des intimées),

- par courrier du 13 avril 2007, la société Collome Frères a adressé à la SCI Les Moulins le projet de décompte des dommages établi par la société Gab Robins en lui demandant de lui faire part de son accord, ou de toute remarque, en vue de finaliser cette affaire avec les assureurs, ce courrier portant les annotations manuscrites de Monsieur [H] faxées le 16 avril 2007 'cher Monsieur, pour que je puisse me prononcer sur ce dossier, merci de me communiquer au plus tôt le rapport d'expertise contradictoire' (pièce 4 des intimées),

- par LRAR du 11 mars 2008, la société Gab Robins a indiqué à la SCI Les Moulins avoir reçu sa télécopie du 7 mars 2008 et a repris la chronologie des diligences postérieures au sinistre, en précisant notamment:

* que la réclamation du cabinet Collome avait été formée le 1er février 2007, soit dix mois après la survenance du sinistre,

* que l'état des pertes d'un montant de 1 306 783 euros avait été ramené, après discussions entre les experts entre février et mars 2007 à la somme de 579 377 euros,

* que ce dernier décompte avait été adressé le 30 mars 2007 au cabinet Collome, lequel avait répondu le 25 juillet 2007 en contestant seulement le poste relatif aux agencements et à la dalle béton, tout en réclamant un acompte de 150 000 euros,

* que le 31 juillet 2007, un original du relevé hypothécaire de l'immeuble sinistré avait été réclamé au cabinet Collome afin de le transmettre à l'assureur en vue de la libération d'un acompte,

* que depuis le 31 juillet 2007, le cabinet Collome n'avait jamais repris contact avec elle et ne lui avait pas indiqué que l'assuré acceptait la somme proposée à titre d'indemnité,

* que la responsabilité du cabinet Collome lui paraissait engagée au titre de l'allongement des délais de traitement du dossier (pièce 7 de l'appelante),

- par courrier du 10 avril 2008, la société Gab Robins a accusé réception du courrier qui lui avait été adressé par la SCI Les Moulins le 1er avril 2008 et lui a fait part de son étonnement concernant l'écart certain entre les prétentions de la SCI Les Moulins et la somme réclamée par son expert Collome, tout en lui demandant de lui indiquer si le cabinet Collome était toujours son expert (pièce 8 de l'appelante), courrier auquel la SCI Les Moulins n'a pas répondu,

- par courrier du 27 novembre 2008, la SCI Les Moulins a adressé un avenant au contrat prenant effet au 5 octobre 2001 à la compagnie Gan Assurances en lui demandant de parvenir à une issue rapide et satisfaisante du dossier, mais sans faire état de la mission initialement confiée par elle à la société Collome Frères (pièce 9 de l'appelante),

- par mail du 19 septembre 2013, la société Collome Frères a adressé à Monsieur [H] représentant la SCI Les Moulins une nouvelle mission afin d'agir contre l'assureur de son locataire (Axa) pour obtenir une indemnisation, en lui précisant notamment 'j'ai besoin de votre accord pour agir en votre nom vis-à-vis de la compagnie Axa étant donné que la mission que vous nous aviez rédigée en 2006 est depuis caduque; vous trouverez en pièce jointe notre nouvelle mission' à retourner régularisée (pièce 15 de l'appelante) auquel Monsieur [H] répondait accepter de 'redéfinir la mission non aboutie du 3 avril 2006" (pièce 8 des intimés).

La loi du 17 juin 2008 ayant réduit la durée du délai de prescription de l'action en responsabilité contractuelle à 5 ans et le mandat litigieux étant antérieur à l'entrée en application de cette loi, c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'il convenait de faire application du nouveau délai de 5 ans à compter du 19 juin 2008, de sorte que l'action de la SCI Les Moulins à l'encontre de la société Collome Frères devait être introduite avant le 19 juin 2013.

Alors que la SCI Les Moulins n'établit pas avoir définitivement pris position sur la proposition d'indemnisation qui lui a été adressée par la société Collome Frères le 13 avril 2007 et encore moins avalisé cette dernière, elle n'est pas fondée à soutenir que le mandat confié par elle à cette société n'a pas été exécuté jusqu'à son terme par la faute de cette dernière, de sorte que le point de départ du délai de prescription n'aurait pas pu commencer à courir avant 2014.

Alors que le sinistre remonte au 2 avril 2006, que postérieurement au 13 avril 2007 l'appelante a directement échangé avec la société Gab Robins et avec la SA Gan Assurances, sans recourir aux services de la société Collome Frères, et que depuis le 11 mars 2008, l'appelante a été officiellement informée par la société Gab Robins de l'absence de réactivité de la société Collome Frères depuis plusieurs mois susceptible d'engager la responsabilité de cette dernière, il convient de considérer que l'appelante avait dès cette date, et à tout le moins à compter du 19 juin 2008, connaissance des manquements de la société Collome Frères susceptibles de lui permettre d'engager une action en responsabilité contractuelle à son encontre.

Comme l'a exactement relevé le premier juge, il n'est justifié d'aucune cause d'interruption de prescription avant la délivrance de l'assignation en référé le 30 octobre 2014, ni davantage avant l'assignation au fond délivrée le 28 mai 2015, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a :

- déclaré l'action de la SCI Les Moulins diligentée à l'encontre de la société Collome Frères irrecevable comme prescrite,

- dit en conséquence que la SA Allianz Iard, prise en sa qualité d'assureur de la société Collome Frères, devait être mise hors de cause.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici également confirmé, étant ajouté que l'ensemble des demandes formées par l'appelante à l'encontre de la SA Gan Assurance, de la société Collome Frères et de la SA Allianz Iard doivent être déclarées irrecevables.

Et, compte tenu de la solution du litige, la condamnation de la SCI Les Moulins à verser à la SA Gan Assurances la somme de 578 883,19 euros prononcée par le premier juge doit également être confirmée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, la SCI Les Moulins sera condamnée aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de Monsieur [X].

En revanche, aucune considération d'équité ne justifie d'allouer à quiconque une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici partiellement infirmé.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce que le premier juge a :

- condamné la SCI Les Moulins à verser à la SA Gan Assurances la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Les Moulins à verser à la SA Collome Frères et à la SA Allianz Iard ensemble la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que le greffe communiquera à l'expert [I] [X] une copie du présent arrêt,

CONDAMNE la SCI Les Moulins aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [X], et en ordonne la distraction.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/03689
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;18.03689 ?
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