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23/02/2021 | FRANCE | N°18/12640

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 23 février 2021, 18/12640


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2021

A.D.A.S.

N° 2021/ 75













N° RG 18/12640 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3JF







[V] [F]

[W] [X]

[D] [Z] épouse [F]





C/



[Y] [U] [N] [R]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Romain CHERFILS

Me Elie MUSACCHIA

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 24 Mai 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/00927.





APPELANTS



Monsieur [V] [F]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 6] (ITALIE) de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2021

A.D.A.S.

N° 2021/ 75

N° RG 18/12640 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC3JF

[V] [F]

[W] [X]

[D] [Z] épouse [F]

C/

[Y] [U] [N] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Elie MUSACCHIA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 24 Mai 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/00927.

APPELANTS

Monsieur [V] [F]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 6] (ITALIE) de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

et

Monsieur [W] [X]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 9] (54) de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

et

Madame [D] [Z] épouse [F]

née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 11] de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

ensemble assistés de Me Olivier DE FASSIO de la SCP SCP OLIVIER DE FASSIO- DAVID PERCHE, avocat au barreau de NICE,

et représentés par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [Y] [U] [N] [R]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 10],

demeurant [Adresse 8]

assistée de Me Denis DEUR de l'ASSOCIATION E. W. D ET ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE,

et représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2021 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Anne DAMPFHOFFER, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Rudy LESSI

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2021,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et M. Rudy LESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé :

Par jugement du 24 mai 2018, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a statué ainsi qu'il suit :

- dit que Mme [R] n'a pas renoncé à son droit d'usage d'habitation,

- condamne solidairement M et Mme [F] et M. [X] à payer à Mme [R] la somme de 5000 € en réparation de son préjudice moral,

- déclare irrecevable la demande reconventionnelle de M et Mme [F] et M. [X] ,

- rejette leur demande de dommages et intérêts

- les condamne solidairement à payer à Mme [R] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- ordonne l'exécution provisoire,

- condamne solidairement les consorts [S] aux dépens.

M et Mme [F] d'une part, et M [X], d'autre part, ont relevé appel de cette décision.

Au terme de leurs dernières conclusions en date 28 octobre 2020, les appelants demandent de:

- réformer le jugement,

- vu l'article 1134 du code civil ,

- dire que Mme [R] est déchue de son droit d'usage d'habitation, ayant transféré directement ou indirectement le bénéfice de ce droit à M. [B], celui-ci ayant de surcroît quitté les lieux il y a plusieurs mois,

- juger qu'elle s'est directement ou indirectement domiciliée à [Localité 10], selon ses missives adressées le 22 décembre 2015 aux époux [F], consacrant ainsi la déchéance de son droit d'usage et d'habitation ,

- la condamner à leur verser la somme de 20'000 € à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la transmission des écrits frauduleux du 27 décembre 2015 au procureur de la république de Nice compte tenu de l'existence de faux et de tentative d'escroquerie au jugement en application des articles 642 et suivants du code de procédure pénale,

- condamner Mme [R] à leur payer la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.

Mme [R] a conclu le 25 mars 2020 en demandant de :

- déclarer irrecevable la demande nouvelle en application de l'article 70 du code de procédure civile, de l'article 1184 du Code civil et de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955,

- subsidiairement, rejeter la demande non fondée

- condamner solidairement les appelants à 5000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, à 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- pour le surplus, confirmer le jugement,

- condamner des appelants aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prise le 15 décembre 2020.

Motifs

Les consorts [S] ont acheté, auprès de Mme [R], le 6 septembre 2013, un bien immobilier sis à [Adresse 8], les époux [F] ensemble et M [X] de son autre côté se portant chacun acquéreurs de la pleine propriété pour moitié .

Il s'agit d'une vente sous forme de viager avec un paiement comptant de 65'000 € et la stipulation d'une rente annuelle viagère de 8160 €, payable mensuellement.

Mme [R] conserve sur ce bien un droit d'usage et d'habitation, l'acte prévoyant de ce chef : « Le vendeur jouira personnellement du droit d'usage et d'habitation sans pouvoir changer la destination des biens en les habitant bourgeoisement sans pouvoir céder ce droit, ni consentir une location, même partielle, à peine de nullité des cessions et d'extinction du droit d'usage et d habitation ;en outre, ce droit ne peut être étendu à aucun occupant à titre gratuit.

Il aura la faculté, si bon lui semble, à toute époque, de renoncer à son droit d'usage et d'habitation et d'abandonner la jouissance du bien à l'acquéreur en prévenant ce dernier par la lettre recommandée avec accusé de réception trois mois à l'avance.

Si le vendeur qui a quitté les lieux se trouve hors d'état de manifester sa volonté, cet état étant médicalement constaté, le présent droit s'éteindra dans les limites de cette constatation médicale. »

Mme [R] est entrée dans un EHPAD le 3 avril 2014.

Le 25 janvier 2016 elle est toujours dans l'établissement, y séjournant, selon l'attestation du directeur, avec des retours à son appartement pour conserver ses repères bénéficiant d'un contrat pouvant être rompu à tout moment en vue d'un retour à domicile.

Une expertise diligentée le 28 septembre 2016 retient sur son état médical : « Mme [R] ne présente pas d'altération patente de ses fonctions corticales supérieures pouvant entraîner des troubles cognitifs et des troubles de mémoire importants. Elle conserve tout son sens logique et toute capacité à tenir une discussion. Elle pourrait avoir les capacités à gérer ses affaires même si elle a accepté d'être aidée par l'une de ses soeurs. Elle ne présente pas de DTS.

Conclusion : au terme de cette expertise, Mme [R] est capable d' exprimer totalement et librement sa volonté ».

Le 23 novembre 2015, les acquéreurs ont revendiqué la renonciation du vendeur à son droit d'usage et d'habitation.

La présente instance a été introduite par Mme [R] pour voir dire qu'elle n'avait pas renoncé à son droit d'usage et d'habitation et solliciter des dommages et intérêts.

Devant la cour, les appelants exposent essentiellement qu'il convient de rejeter les demandes d'irrecevabilité et sur le fond que la procédure est 'pilotée' par la soeur de Mme [R]; que le vendeur est dans l'impossibilité de démontrer qu'il habite le bien; qu'il n'y a pas de preuve de vie matérielle de Mme [R] dans les lieux; que M [B] s'y est installé, ce dont il atteste et que le dernier relevé de charges, révélant une consommation d'eau chaude quasi-nulle, établit le non usage.

Mme [R] oppose essentiellement que les appelants forment une demande nouvelle d'expertise en appel, que leurs prétentions se heurtent à des fins de non recevoir; qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait loué son appartement à M [B], ni qu'il l'ait occupé gratuitement

**************

Sur les moyens d'irrecevabilité :

Le moyen tiré de l'article 30.5 du décret du 4 janvier 1955 est inopérant, dans la mesure où les demandes ne portent pas sur un droit soumis à publicité, s'agissant, en effet, d'une demande de déchéance d'un seul droit d'usage et d'habitation.

Le moyen sur le fondement de l'article 70 du Code de Procédure Civile, tiré du défaut de connexité de la demande des consorts [S] en déchéance du droit d'habitation sera également rejeté, dans la mesure où il résulte de la procédure que c'est Mme [R] qui a introduit l'action pour, notamment, voir reconnaître qu'elle n'est pas déchue de son droit d'usage et d'habitation et que ses adversaires lui ont opposé une demande de déchéance en lien de connexité avec la demande principale.

Enfin, le moyen tiré de l'article 1184 du Code Civil, au motif que les acquéreurs lui demandent des dommages et intérêts, sans l'avoir mise en demeure, cette mise en demeure ne pouvant résulter que d'une assignation alors qu'ils sont défendeurs, est également inopérant, dès lors qu'aucune demande de résolution n'est formée et qu'il est seulement demandé la déchéance du droit d'usage en vertu des dispositions contractuelles sus citées.

Les exceptions d'irrecevabilité soulevées par Mme [R] seront donc rejetées.

Sur les demandes sans objet :

Il n'y a pas lieu de statuer, ni répondre sur les différents moyens de celle-ci développés contre les prétendues demandes de ses adversaires, à savoir, ceux relatifs à :

- à une demande d'expertise qui n'est de toute façon pas présentée par les appelants aux termes du dispositif de leurs conclusions qui seul lie la cour;

- à une demande de communication des documents justificatifs des charges d'eau et d'électricité, aucune demande n'étant, non plus, désormais soutenue par eux à cet égard.

Sur le fond :

En ce qui concerne le bien fondé des positions de chacune des parties sur le droit d'usage et d'habitation en cause, il convient liminairement de rappeler que ce droit est prévu par les articles 625 et suivants du Code civil ;

Qu'il s'agit d'un droit personnel de sorte que le titulaire ne peut le céder, ni louer le bien, ni consentir une occupation à titre gratuit; qu'il s'éteint notamment avec le décès de son titulaire; que les droits de l'usager sont prévus par la convention qui institue le droit et qu'à cet égard, il conviendra donc de se référer aux énonciations ci-dessus rappelées de la convention qui lie les parties; que l'usager jouit du bien en se comportant comme un propriétaire normalement prudent et diligent, sauf dispositions particulières de la convention.

En l'espèce, il sera considéré, d'une part, que si Mme [R] est hébergée en EHPAD, à aucun moment elle n'a renoncé dans les termes précis de la convention à son droit d'usage et d'habitation, n'ayant, en effet, pas dénoncé cette renonciation à ses acquéreurs dans les conditions et formes y stipulées, d'autre part, que si une renonciation peut être tacite, elle doit cependant être non équivoque, ce qui n'est pas le cas du seul non usage du bien.

En ce qui concerne les autres cas envisagés par le contrat comme causes d'une extinction, ou déchéance du droit d'usage et d'habitation, la preuve en incombe aux acquéreurs.

Les conditions relativement à l'état de santé du vendeur en sont les suivantes : le vendeur doit avoir quitté les lieux et doit se trouver hors d'état de manifester durablement sa volonté; cet état doit être médicalement constaté, le droit s'éteignant six mois après ce constat.

Or, il sera à cet égard retenu que les documents médicaux versés par l'intimée démontrent que les facultés mentales de Mme [R] ne sont pas atteintes. Aucune preuve contraire n'est rapportée par les acquéreurs et le seul fait d'une éventuelle dépendance physique ne peut caractériser une incapacité à manifester durablement sa volonté, ni le fait que les questions relatives à l'appartement ont été réglées par la soeur de Mme [R].

Reste, dès lors, le cas d'une occupation du bien par une personne autre que le bénéficiaire du droit d'usage et d'habitation et qui en l'espèce est invoqué relativement à l'occupation par M [B].

Il résulte des éléments produits à ce sujet que malgré le courrier de l'agence immobilière du 2 février 2016 qui relate que M [B] lui a indiqué ne pas être locataire, mais lui a dit être un simple ami de Mme [R] qui passe à l'appartement de temps en temps, celui-ci atteste néanmoins, de façon claire le 11 février 2018, qu'il occupe l'appartement à titre gratuit plusieurs jours dans la semaine avec l'autorisation de Mme [R].

Cette situation ainsi constituée par les déclarations de M [B] lui même, caractérise suffisamment le non respect par Mme [R] des stipulations du contrat qui lui interdisent d'étendre son droit à tout occupant à titre gratuit.

M. [B] a, en outre, complété et conforté ladite attestation en écrivant encore que M et Mme [F] ne lui avaient jamais réclamé de sommes d'argent pour les charges ou autres;

Le fait qu'il ait par ailleurs conservé son propre appartement est sans incidence sur l'appréciation de cette situation.

Enfin, les élements susceptibles d'être tirés des justificatifs de charges produits (consommation d'eau et d'électricité), ne sont pas significatifs.

Il sera donc fait droit à l'appel des consorts [S], sauf à dire vu les dispositions contractuelles invoquées que le droit d'usage et d'habitation de Mme [R] s'est éteint.

Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur la demande du dispositif des appelants tendant à voir dire que Mme [R] 's'est directement ou indirectement domiciliée à [Localité 10], selon ses missives adressés le 22 décembre 2015 aux époux [F]', qui n'est en réalité pas une demande, mais un seul moyen, désormais surabondant.

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts des consorts [S], ceux-ci ne produisent aucun élement justificatif à l'appui de cette prétention et il sera en outre observé que tant que l'extinction du droit d'usage n'était pas consacré par une décision de justice ou admis par les parties, les acquéreurs ne pouvaient, de toute façon, occuper le bien par eux mêmes, de sorte qu'il n'est pas établi par les appelants, qui ont la charge de la preuve de ce chef, la réalité d'un préjudice autre que celui lié aux frais de l'instance et indemnisé au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

En ce qui concerne, enfin, la réclamation des consorts [F] - [X], tendant à la transmission au Procureur de la république Nice de pièces alléguées comme étant des faux

( courriers du 27 décembre 2015 de Mme [R] aux appelants), elle n'est pas irrecevable, le fondement invoqué tiré de la nécessité d'être détenteur d'un pouvoir spécial pour l'avocat manquant en droit dès lors, en effet qu'il n'y a présentement pas de demande d'inscription de faux qui soit formulée .

Elle sera cependant rejetée comme mal fondée au regard des dispositions des articles 642 et suivants du Code de Procédure Pénale invoqués.

Le jugement sera donc infirmé.

Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile et vu la succombance de Mme [R] qui sera, en conséquence, déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement et statuant à nouveau :

Dit que le droit d'usage et d'habitation de Mme [R] s'est éteint,

Rejette les demandes des consorts [S] en dommages et intérêts et en transmission de pièces au Procureur de la République,

Rejette les demandes de Mme [R],

Condamne Mme [R] à payer à M et Mme [F] et M [X] ensemble la somme de 2000€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ,

Condamne Mme [R] à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel avec distraction conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/12640
Date de la décision : 23/02/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/12640 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-23;18.12640 ?
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