COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 19 FÉVRIER 2021
N°2021/96
Rôle N° RG 19/14311 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE3TJ
SAS ONET SERVICES
C/
[E] [Y]
Syndicat C.G.T DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
19 FEVRIER 2021
à :
Me Jean-Claude PERIE de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Arrêt en date du 19 février 2021 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 20 mars 2019, qui a cassé et annulé l'arrêt n°285/2017 rendu le 31 mars 2017 par la chambre 4-7 de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence .
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
SAS ONET SERVICES, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Claude PERIE de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
Madame [E] [Y], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
SYNDICAT C.G.T DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2020 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2021.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2021
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [E] [Y] a été salariée de la société ONET SERVICES à compter du 1er février 2006 en qualité d'agent de service ; elle a été affectée sur le site de l'Institut [9] à [Localité 8].
Le 25 juin 2012, comme plusieurs autres salariées, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille de demandes en paiement de diverses primes et rappels de salaires sur le fondement d'une inégalité de traitement et du principe "à travail égal salaire égal".
Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches -du- Rhône est intervenu volontairement à l'instance pour solliciter l'allocation de dommages-intérêts en réparation d'un manquement aux intérêts collectifs de la profession.
Le contrat de travail de Madame [Y] a été transféré à la société ELIOR PROPRETE et SANTE le 30 avril 2014.
Par jugement du 1er octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Marseille a:
- déclaré recevable l'intervention du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,
-déclaré irrecevables les demandes financières antérieures au 26 juillet 2007,
-condamné la société ONET SERVICES à payer à [E] [Y] , pour une période de travail jusqu'au mois d'avril 2014:
*7 267,19 € à titre de rappel sur la prime de fin d'année,
*726,71 € au titre des congés payés y afférents,
*3 996,66 € au titre de la prime de vacances,
*11 296 € au titre de la prime de panier,
*1 129,60 € au titre des congés payés y afférents,
*300 € de dommages- intérêts pour rupture de l'égalité de traitement entre les salariés,
-dit que la société ONET SERVICES a porté atteinte aux intérêts collectifs de la profession,
-condamné la société ONET SERVICES à payer au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts,
-dit que les créances de nature salariale porteront intérêts à compter de la demande en justice et que celles qui sont de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la signification de la décision,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
-condamné la société ONET SERVICES à payer à Madame [E] [Y] la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-rejeté toutes autres demandes,
-condamné la société ONET SERVICES aux dépens.
Sur recours interjeté par la société ONET SERVICES, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a , par arrêt du 31 mars 2017,
' confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de Madame [E] [Y] au titre de la prime de vacances et de dommages-intérêts, en ce qu'il lui a alloué les sommes de 7 267,19 € à titre de rappel de la prime de 13ème mois et au titre des congés payés afférents à cette prime, de 11'296 € au titre de la prime de panier et une somme au titre des congés payés afférents à cette prime, et en ce qu'il a condamné la société ONET SERVICES à payer au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 2000 € à titre de dommages- intérêts,
statuant à nouveau et y ajoutant,
' débouté Madame [E] [Y] de ses demandes formulées au titre d'une prime de vacances et de dommages- intérêts,
' condamné la société ONET SERVICES à lui verser les sommes de :
*6 234,42 € à titre de rappel de prime de fin d'année,
*10 291,05 € à titre de prime de panier,
*7 874,49 € à titre de prime de transport,
*300 € au titre des frais irrépétibles,
' déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,
' condamné la société ONET SERVICES à lui payer la somme de 10 € à titre de dommages- intérêts ainsi que celle de 10 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouté la société ONET SERVICES de ses demandes formées à l'encontre du syndicat,
' condamné la société ONET SERVICES aux entiers dépens.
Par arrêt du 20 mars 2019, la Cour de cassation, sur pourvoi de la société ONET SERVICES, a :
-cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société ONET SERVICES à payer à la salariée des sommes à titre de prime de fin d'année de 13ème mois, de prime de panier et de trajet et au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône des dommages-intérêts pour l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession et en ce qu'il rejette la demande de la salariée au titre de la prime de vacances, l'arrêt rendu le 31 mars 2017 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
' remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt,
' renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée,
' laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
' rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions soutenues oralement, la société ONET SERVICES demande à la cour de:
-dire qu'elle n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement et justifie la différenciation soit entre salariés de catégories professionnelles différentes, soit entre salariés de la même catégorie par des causes objectives exemptes de toute inégalité ou discrimination,
-dire que la salariée n'apporte pas la preuve que les différences de traitement résultant de l'accord collectif conclu le 27 octobre 2010 au sein de l'établissement de [Localité 5] seraient étrangères à toute considération de nature professionnelle,
-constater que la salariée n'apporte nullement la preuve d'une discrimination ni de l'existence d'un préjudice qui justifierait l'allocation de dommages-intérêts,
-débouter en conséquence la salariée de l'intégralité de ses demandes,
-réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 1er octobre 2015 en ce qu'il a
*déclaré recevable l'intervention du syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône,
*condamné la société ONET SERVICES à payer à la salariée pour une période de travail jusqu'au mois d'avril 2014 :
-7 267,19 € à titre de rappel sur la prime de fin d'année,
-726,71 € au titre des congés payés y afférents,
-3 996,66 € au titre de la prime de vacances,
-11 296 € au titre de la prime de panier,
-1 129,60 € au titre des congés payés y afférents,
-300 € de dommages- intérêts pour rupture de l'égalité de traitement entre les salariés,
-200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
*condamné la société ONET SERVICES à payer au syndicat CGT des Entreprises de Propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts,
-les condamner reconventionnellement à payer chacun à la société ONET SERVICES la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner enfin aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Aux termes de ses écritures développées à l'audience, [E] [Y], l'intimée, demande à la cour de:
' réformer le jugement pour une meilleure compréhension,
statuant de nouveau sur le tout
sur la prime de 13ème mois
vu les pièces du dossier justifiant l'attribution d'un 13ème mois à l'ensemble du personnel de la société ONET SERVICES ( employés administratifs, agents de maîtrise et cadres) à l'exception des agents de services dont la salariée concluante,
vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 juin 2020 considérant que le seul fait de ne pas appartenir à la même catégorie professionnelle et d'avoir des responsabilités supérieures ne justifie pas à lui seul d'écarter le bénéfice d'un 13ème ou 14ème mois qui ne fait l'objet d'aucune définition ni de précisions sur les critères et conditions retenus lors de son attribution, pour écarter un ouvrier de pouvoir y prétendre,
' constater que la salariée concluante ne bénéficie pas du 13ème mois,
' constater que les raisons invoquées par la société ONET SERVICES ne sont ni objectives ni pertinentes,
' dire que la salariée concluante a droit au bénéfice du 13ème mois,
' condamner la société ONET SERVICES à payer cette prime à la salariée concluante tel que le montant est précisé ci-après,
sur les primes de fin d'année, panier et trajet
la prime de fin d'année de 1 470 € n'est sollicitée qu'à titre subsidiaire et pour le cas où la cour
viendrait à rejeter le 13ème mois formulé ci-dessus,
vu les primes de fin d'année d'un montant de 1470 €, de panier et de trajet accordées aux salariés de la société ONET SERVICES affectés sur le CEA de [Localité 5]
' dire que la salariée est recevable et bien fondée en raison de la date à laquelle elle a saisi le conseil de prud'hommes à présenter une demande nouvelle en cause d'appel, s'agissant de la prime de trajet, et ce en application des articles R 1452-6 à R1452-8 du code du travail encore applicables en l'espèce,
à titre principal
' dire que l'accord NAO du 27 octobre 2010 signé par les organisations syndicales qui réserve le paiement des primes de fin d'année de 1470 €, de panier et de trajet aux seuls salarié affectés sur le site du CEA et en exclut les salariés exerçant leurs fonctions sur d'autres sites du complexe de [Localité 5] et dont l'employeur ne justifie d'aucune raison objective et pertinente matériellement vérifiable justifiant de cette restriction ne saurait recevoir application,
' dire que la seule circonstance que les primes dont s'agit résulteraient d'un accord collectif signé le 27 octobre 2010 ne suffit pas à exclure de ce seul fait la salariée intimée de la possibilité de pouvoir se comparer à ses collègues de travail bénéficiant de ces primes dans la mesure où l'employeur ne justifie d'aucune raison objective ni pertinente d'avoir réservé ces primes aux seuls salariés du site du CEA,
à titre subsidiaire
' constater que la salariée intimée a été recrutée en février 2006, soit quatre ans avant la signature de l'accord NAO du 27 octobre 2010,
' dire qu'il convient de se placer à la date des manquements de l'employeur au respect de l'égalité de traitement avec les salariés de [Localité 5] avec lesquels elle se compare pour apprécier le bien-fondé des demandes formulées,
' dire que le changement de nature juridique des primes sollicitées et visées dans l'accord NAO du 27 octobre 2010 n'a aucune incidence sur le droit de la salariée intimée de continuer de percevoir les primes visées dans cet accord dans la mesure où celles-ci font partie intégrante de son contrat de travail,
' dire que les raisons invoquées et les pièces produites par la société ONET SERVICES pour s'opposer à l'attribution à la concluante des primes sollicitées ne sont ni objectives ni pertinentes,
' constater que la salariée concluante qui ne perçoit pas ces primes, alors qu'elle appartient à la même catégorie professionnelle, a les mêmes classifications, exerce des fonctions équivalentes de valeur égale que les personnes avec lesquelles elle se compare et qu'elle est placée dans la même situation juridique, est bien victime d'une inégalité de traitement,
' condamner la société ONET SERVICES à payer à Madame [Y] un rappel de prime de fin d'année de 1470 €, de panier et de trajet courant de la période non prescrite, à savoir du 26 juin 2007 au 30 avril 2014 date de son départ de la société ONET SERVICES, tel que le détail est repris ci-après,
sur la prime de vacances
' constater que la prime de vacances telle que versée par l'employeur de 20 % du salaire de base ne vient pas compenser une sujétion particulière spécifique au seul site de [Localité 5] mais qu'elle n'est qu'un supplément de pouvoir d'achat pour les vacances et n'est pas attribuée en fonction des fonctions exercées ou des responsabilités,
' constater que l'employeur ne rapporte aucune preuve objective et pertinente justifiant du versement de cette prime aux seuls cadres et agents de maîtrise,
' condamner la société ONET SERVICES à payer à la salariée un rappel de prime de vacances courant de la période non prescrite, à savoir du 26 juin 2007 au 30 avril 2014, date de son départ de la société, tel que le détail est donné ci-après,
' condamner la société ONET SERVICES à lui payer un rappel de prime courant de la date de la prescription 27/06/2007 au 30/04/2014 date de la perte du marché de l'IPC par la société, à savoir :
*7 761,75 € au titre de la prime de 13ème mois,
*7 868,49 € au titre de la prime de fin d'année à titre subsidiaire,
*10 206,71 € au titre de la prime de panier,
*7 874,49 € au titre de la prime de trajet,
*1 828,53 € au titre de la prime de vacances,
-condamner la société ONET SERVICES à lui payer 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
sur l'intervention du syndicat CGT du nettoyage des Bouches-du-Rhône
' dire recevable l'intervention du syndicat CGT du nettoyage des Bouches-du-Rhône aux côtés de la salariée,
' condamner la société ONET SERVICES à lui payer 100 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente,
' condamner la société ONET SERVICES à lui verser la somme de 50 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en tout état de cause
' débouter la société ONET SERVICES de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
' condamner la société ONET SERVICES aux entiers dépens,
' dire que l'intégralité des sommes allouées produira intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du Code civil.
Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRET
Le principe d'égalité de traitement implique, notamment en matière de rémunération, pour un travail de valeur égale, de traiter de façon identique les travailleurs placés dans une même situation au regard de l'avantage en cause.
'Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités, de charge physique ou nerveuse', selon l'article L 3221-4 du code du travail .
Sur la prime de fin d'année :
Rappelant que la salariée réclame un traitement identique à celui des secrétaires administratives, agents de maîtrise et directeurs d'agence qui perçoivent une gratification de fin d'année égale à un mois de salaire, la société ONET SERVICES invoque qu'une différence de traitement entre catégories professionnelles est admise quand elle repose sur une raison objective et pertinente comme les spécificités de la situation des salariés tenant aux conditions d'exercice de leurs fonctions, à leur évolution de carrière ou aux modalités de leur rémunération.
Elle relève qu'en l'espèce, une différence de traitement a été faite en considération du niveau de responsabilité, des objectifs qualitatifs et/ou quantitatifs fixés, de la formation plus importante et donc plus contraignante, et du degré d'initiative voire de prise de décision qui s'attachent aux fonctions exercées par ces catégories professionnelles.
Elle souligne que le personnel d'exploitation - transférable dans le cadre des dispositions de l'article 7 de la convention collective - ne réalise pas le même travail, ni un travail de valeur égale que le personnel de structure, ce qui justifie une différence de traitement basée sur une raison objective et pertinente et qu'en raison de la diversité des sites sur lesquels ils sont affectés, ( milieu hospitalier, milieu tertiaire ( service public) ou milieu nucléaire sensible), tous les agents de service n'occupent pas non plus un poste identique ou de valeur égale, les différences d'attributions, les consignes de travail, les protocoles à suivre sur chaque chantier démontrant la complexité propre à chaque poste, rapporté à l'environnement dans lequel il s'exerce; ces conditions de travail sont de nature , selon elle, à justifier un traitement différent. La société ONET SERVICES relève enfin que certains salariés repris dans le cadre d'une succession de prestataires de services sur le même marché ont parfois une rémunération ou des éléments de salaire différents de ceux d'autres salariés appartenant à la même catégorie. Elle conclut donc au rejet de la demande.
En ce qui concerne l'application de l'accord NAO du 27 octobre 2010 que la salariée invoque pour obtenir le bénéfice de la prime de fin d'année comme les salariés affectés au sein de l'établissement de [Localité 5], la société ONET SERVICES soutient que ce texte ne s'applique qu'aux salariés de cet établissement et que selon la jurisprudence, cet accord crée une présomption de légitimité de la différence de traitement, qu'il appartient à la demanderesse de renverser, ce qu'elle ne fait pas.
Madame [Y] réclame à titre principal la même prime de 13ème mois que celle attribuée aux cadres, agents de maîtrise et employés administratifs au sein de la société ONET SERVICES. Elle invoque le procès-verbal de la réunion du 31 mai 2012 dans lequel le représentant de la direction reconnaissait le bénéfice d'un 13ème mois à ces seules catégories professionnelles et considère que la qualification supérieure, le diplôme exigé et la formation plus contraignante invoqués par la société appelante pour justifier les différences de traitement ne sont pas prouvés par les fiches de poste produites, qui ont été établies par l'appelante elle-même, alors que la convention collective des entreprises de propreté ne prévoit pas une telle différenciation.
En ce qui concerne les sujétions particulières telles que clause d'exclusivité -clause que les agents de service n'ont pas dans leur contrat, ce qui leur permet de disposer d'une grande liberté notamment de cumul d'emplois -, clause de non-concurrence ou clause de confidentialité, elle relève que la société ONET SERVICES d'une part ne produit pas les contrats de travail des salariés concernés par ces clauses, les seules pages produites extraites de ces contrats étant insuffisantes pour déterminer de quelle catégorie professionnelle il s'agit, et d'autre part procède par voie d'allégations en considérant que la prime de 13ème mois compenserait cette liberté dont ne jouiraient pas ces catégories professionnelles.
Relativement aux objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs faisant l'objet d'un suivi périodique, assignés aux cadres, agents de maîtrise et employés administratifs, avec sanctions en cas de non réalisation, tels qu' invoqués par la société ONET SERVICES, Madame [Y] les considère comme non démontrés d'autant que les contrats des agents administratifs ne sont pas produits.
La salariée considère que la société appelante ne peut exciper de la possession d'un diplôme, de responsabilités supérieures, de sujétions particulières ou de l'appartenance à une catégorie inférieure pour justifier une différence de traitement dès lors que l'enjeu n'est pas la rémunération mais une prime. Elle rappelle qu'alors que l'entreprise tente de créer une hiérarchie professionnelle, il est constant que les agents qualifiés et très qualifiés de service mais aussi les chefs d'équipe appartiennent à la même catégorie professionnelle que les employés administratifs dans la convention collective des entreprises de propreté qui ne prévoit pas de hiérarchie entre la filière exploitation et la filière administrative.
A titre subsidiaire, Madame [Y] réclame une prime de fin d'année de 1470 € par an.
* * *
Il n'est pas contesté que Madame [Y] n' a pas bénéficié d'une prime de 13ème mois, perçue par certains salariés de la société ONET SERVICES travaillant sur divers chantiers, dont elle produit notamment les contrats de travail et bulletins de salaire.
Il résulte du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement ONET Institut [9] du 31 mai 2012 qu' à la question ' combien de personnes ont le 13ème mois chez ONET et plus précisément dans notre établissement'', il a été répondu par la direction que 'à part les 2 salariés qui ont la prime de fin d'année à 100% au 13ème mois , repris par l'annexe 7 suite à une reprise de marché en 2006, l'agent de maîtrise embauché en 2009 a le 13ème mois, le directeur d'agence qui a pris la direction en mai 2010 a le 13ème mois sans oublier les secrétaires administratives qui ont également le 13ème mois. En résumé, cela a toujours été chez ONET les agents de maîtrise, les cadres et les secrétaires qui ont le droit au 13ème mois et pas les autres salariés'.
Si la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement, force est de constater que ce moyen , sous le prisme de l'accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, s'il était étayé par des pièces versées au débat démontrant leurs droits antérieurs, justifierait la situation des deux salariés -cités dans ce procès-verbal- repris en 2006, ainsi que celle des salariés transférés par application de l'annexe 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, figurant sur la liste produite en ce sens.
En revanche, ce moyen ne vaut pas relativement aux autres salariés percevant la prime litigieuse avec lesquels Madame [Y] se compare.
En ce qui concerne la différence de catégorie professionnelle, elle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Par conséquent, l'invocation par la société ONET SERVICES de la seule appartenance à une catégorie professionnelle est inopérante pour exclure Madame [Y] du bénéfice de cette prime de 13ème mois.
Si la société appelante verse au débat un organigramme générique, la définition des emplois et la grille de classification des différents salariés en fonction de leurs emplois et qualifications, ainsi que la fiche de conditions d'environnement de travail, ces éléments reflètent les missions, attributions et responsabilités déjà prises en compte par les textes conventionnels pour déterminer la tranche de rémunération attribuée à chacune de ces catégories.
Par ailleurs, les clauses de non-concurrence - qui doivent contenir intrinsèquement une contrepartie financière pour être valables - ne sauraient justifier ladite prime.
En outre, les clauses de confidentialité et de secret professionnel ou les clauses d'exclusivité, pour constituer des raisons objectives matériellement vérifiables justifiant l'attribution égalitaire d'un avantage, doivent être en lien avec ladite prime.
En l'espèce, il n'est pas justifié en premier lieu que ces clauses aient été stipulées, même non cumulativement, dans le contrat de chacun des salariés bénéficiaires de la prime de 13ème mois; en effet, deux pages de contrat seulement sont produites, sans que la catégorie professionnelle concernée soit connue-.
Elles ne sont pas démontrées ensuite comme des critères d'attribution objectifs, au regard de l'avantage considéré, permettant d'exclure les agents de service.
Enfin, les différents plans de formation ( APHM, CEA [Localité 5], SEMIVIM), cahiers des charges, plans de prévention, instructions de travail et consignes d'organisation applicables dans les divers sites dont la société ONET SERVICES a la charge du nettoyage, s'ils permettent de vérifier des protocoles propres à chaque environnement , ne sont pas probants d'une complexité accrue ou de contraintes supérieures dans les conditions de travail de nature à justifier, au regard de l'avantage considéré, les différenciations constatées, d'autant que les interventions en ' zone chaude' ou dangereuse sur le CEA de [Localité 5] ne sont pas distinguées par rapport aux autres zones pour la perception de la prime litigieuse et que les interventions en milieu médicalisé comme l'Institut [9] présentent diverses contraintes majeures également.
Il convient donc d'accueillir la demande de Madame [Y] au titre de la prime de 13ème mois, sauf à la réduire à hauteur de 6 234,42 € comme réclamée initialement en cause d'appel , à défaut d'éléments de calcul justifiant une somme supérieure , même dans la pièce n°14 de la salariée.
Sur la prime de panier:
La société ONET SERVICES, qui affirme apporter la preuve d'un élément objectif permettant la différenciation entre les salariés du site de [Localité 5] et ceux du site de l'Institut [9], conclut au rejet de la demande de prime de panier, rappelant que le site de [Localité 5] se trouve isolé et éloigné du domicile des salariés, ce qui rend impossible la prise de repas par ces derniers chez eux.
Elle souligne que si les salariés du CEA bénéficient d'un tarif avantageux dans le restaurant d'entreprise du site, il n'en est pas de même pour les salariés des entreprises intervenantes qui doivent s'acquitter d'un prix de repas de l'ordre de 8 à 10 € . Elle indique que si la prime de panier indemnise les dépenses occasionnées du fait de l'impossibilité pour un salarié de se restaurer à son domicile, l'indemnisation n'est pas de droit et doit résulter d'un accord de branche ou d'un accord collectif, raison pour laquelle dans le cadre de la négociation annuelle, une prime de panier a été attribuée exclusivement aux salariés de l'agence de [Localité 5], pour compenser les sujétions particulières à ce site.
Considérant que cet accord collectif - qui ne comporte qu'une seule page - doit recevoir application, que les différences de traitement reposant sur cet accord sont présumées justifiées par des considérations professionnelles et que Madame [Y] ne rapporte pas la preuve contraire, la société ONET SERVICES relève que puisque l'accord du 27 octobre 2010 n'a établi aucune distinction au regard de l'éloignement du domicile, retenant comme seul critère l'affectation sur le site, elle ne pouvait elle-même opérer une distinction que les partenaires sociaux ont écartée.
Elle rappelle que Madame [J], engagée pour la remise en état du centre de vacances situé à [Localité 6] (04) , devait bénéficier d'une prime de panier dans la mesure où son domicile était situé dans le Var à environ 45 km, l'empêchant de prendre son repas de midi chez elle, que Monsieur [W], embauché initialement à [Localité 5], a été affecté à compter de janvier 2013 sur le nouvel établissement de [Localité 11] avec maintien des avantages antérieurement acquis, comme l'obligation en est faite à l'employeur.
Madame [Y] sollicite le paiement d'une prime de panier, non plus parce qu'elle conteste le caractère collectif de l'accord NAO du 27 octobre 2010, mais parce que cet accord, excluant les salariés non affectés sur le site de [Localité 5] des avantages qu'il prévoit, ne repose sur aucune raison objective, ni pertinente. Elle souligne que tous les salariés dépendaient de la seule agence ONET située à [Localité 11], existant au jour de la signature de l'accord, lequel officialisait une situation de fait préexistante.
Alors que cet accord s'applique selon elle aux salariés travaillant sur le complexe de [Localité 5], tous chantiers confondus, Madame [Y] invoque la situation de Monsieur [D] recruté en qualité d'agent très qualifié de service, affecté au CEA, puis sur les sites RJH et RES, ne percevant aucune prime mentionnée dans l'accord alors qu'il a été embauché avant, en janvier 2008, celle de Monsieur [B] recruté en 2008 en qualité de chef d'équipe, travaillant sur le site d'ITER, celle de Madame [M], recrutée en 2014 en qualité d'agent de service sur les sites d'ITER et de SODEXO notamment, celle de Madame [A] travaillant sur le site d'ITER et celle de Madame [N] [H] et considère qu'elle n'a pas à démontrer que la différence de traitement opérée du fait d'un accord collectif est étrangère à toute considération professionnelle, ce mécanisme probatoire étant contraire au Droit de l'Union Européenne puisqu'il fait reposer sur le seul salarié la charge de la preuve de l'atteinte au principe d'égalité . Au surplus, un accord collectif n'étant pas en soi de nature à justifier une différence de traitement, elle indique que la société ONET SERVICES ne peut plus se réfugier derrière le fait que les primes sollicitées ont été mises en place par l'accord du 27 octobre 2010 pour ne pas justifier objectivement et de façon pertinente son refus de les lui verser.
À titre subsidiaire, considérant qu'il convient de se placer à la date à laquelle l'employeur a manqué à ses obligations pour apprécier s'il y a ou non manquement de sa part, elle invoque son ancienneté remontant au 1er février 2006. Elle fait valoir que l'inégalité dont elle se prévaut est née bien antérieurement à l'accord NAO du 27 octobre 2010, comme en atteste Monsieur [DX], délégué syndical et signataire de cet accord. Elle verse au débat l'avenant au contrat de travail de Madame [S] qui a travaillé dans l'entreprise de 1980 à 1998, mentionnant le versement de primes de panier notamment, ses bulletins de salaire, et se compare aux salariés travaillant sur le CEA. Considérant que son droit de se prévaloir de la prime de panier est né avant l'entrée en vigueur de l'accord NAO du 27 octobre 2010 et que ce droit doit perdurer après, la salariée , qui se dit victime d'une inégalité de traitement , réclame un rappel de prime de panier du 26 juin 2007 - ayant saisi le conseil de prud'hommes le 26 juin 2012 - au 30 avril 2014, date de son départ de l'entreprise.
* * *
Si une présomption générale de justification de toutes différences de traitement entre les salariés opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs ne peut être reconnue, notamment parce qu'elle serait contraire au Droit de l'Union dans les domaines où il est mis en oeuvre, en ce qu'elle ferait reposer sur le seul salarié la charge de la preuve de l'atteinte au principe d'égalité et en ce qu'un accord collectif n'est pas en soi de nature à justifier une différence de traitement, des présomptions peuvent toutefois exister dans certaines différences de traitement opérées par voies de conventions ou accords collectifs.
Il en va ainsi des différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords collectifs négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, différences qui sont présumées justifiées.
En l'espèce, l'accord du 27 octobre 2010 résultant de la Négociation Annuelle Obligatoire entérinant le principe d'une 'prime de panier (2 fois le MG)' accordée exclusivement aux salariés affectés à l'établissement de [Localité 5], texte dont Madame [Y] ne conteste pas la valeur d'accord collectif, est de nature à justifier les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais affectés à des établissements distincts.
Il appartient donc à la salariée de démontrer que ces différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Pour ce faire, Madame [Y], rappelant l'existence de deux restaurants d'entreprise, produit l'attestation de Monsieur [X] [O], ancien responsable du site de [Localité 5], indiquant au sujet de la prime de panier 'pour ce qui est des raisons invoquées par la société Onet Services quant à son attribution , c'est faux, pour déjeuner les agents de nettoyage, comme tout le personnel Onet Services affectés sur le site, pouvaient bénéficier des 2 restaurants d'entreprise du CEA ou du service de restauration rapide (sandwiches sur le restaurant 1). Du reste, tout le personnel extérieur mais travaillant sur le CEA peut en bénéficier à des prix très intéressants. Ceux qui ne voulaient pas manger à l'intérieur du CEA [Localité 5] pouvaient le faire en faisant à peine 900 mètres à pied car il y a plusieurs points de restauration de type snack ou camion pizza ou sandwiches qui se trouvent sur la ZAC au bord de la route et ouverts à tous. Aucune employée de la société d'ONET Service n'avait donc à faire 3 ou 8 km pour manger', les attestations de Monsieur [U], ayant exercé huit ans sur le site CEA de [Localité 5] et de Monsieur [Z] , ingénieur chercheur du CEA, confirmant la présence de deux cantines de restauration collective ouvertes à tous les travailleurs présents sur le centre. Elle verse également au débat des tickets de caisse correspondant à des repas pris dans l'un de ces restaurants par des salariés affectés soit sur le site d'ITER, comme Monsieur [B], soit sur le CEA comme Madame [C] et Madame [T], déjeunant régulièrement dans ces restaurants d'entreprise.
En ce qui concerne le coût élevé du repas, il est établi, en analysant les tickets produits , que le prix (de 8 à 10 €) correspond à un repas complet; cependant, les salariés peuvent également acheter un simple plat, ou même prendre un sandwich au restaurant 1, ou se rendre dans plusieurs points de restauration de type snack ou pizza se trouvant sur la zone, à quelques centaines de mètres du CEA, comme en atteste Monsieur [O].
En ce qui concerne la distance importante qui séparerait le CEA de toute possibilité de se restaurer, soit 3 km au minimum selon l'employeur, la salariée produit des données cartographiques Google Maps permettant de localiser plusieurs restaurants situés à trois minutes en voiture du CEA, ou des boulangeries ou magasins vendant salades ou sandwiches à moins de 3 km.
Au surplus, elle produit le contrat de travail et l'avenant de Monsieur [D] , rattaché administrativement à l'agence de [Localité 11] et travaillant sur les sites RJH et RES, les contrats de travail de Monsieur [B], travaillant sur le site d'ITER , habitant [Localité 4], celui de Madame [M] , agent de service sur les sites d'ITER et SODEXO, domiciliée à [Localité 10] dans le Var, celui de Madame [A], habitant à [Localité 7], travaillant sur le site d'ITER comme Madame [H], habitant [Localité 12] dans les Alpes-de-Haute-Provence, aucun d'entre eux ne bénéficiant de prime de panier pour compenser leurs frais exposés pour se restaurer le midi.
Elle verse également l'attestation de Madame [P], domiciliée à Saint-Paul- lez- Durance, commune sur laquelle se situe le CEA, indiquant rentrer tous les jours déjeuner chez elle, comme les autres salariés résidant dans la même commune et percevant la prime de panier, ainsi que celle de Madame [G], dans la même situation.
Il est donc établi, au vu des éléments produits, que les salariés affectés sur le site du CEA de [Localité 5] perçoivent une prime de panier de façon forfaitaire et identique quelque soit leur lieu d'habitation, que la prime de panier n'est pas versée en fonction de la distance séparant le domicile des salariés de leur lieu de travail qui les empêcherait de rentrer déjeuner chez eux, que le coût des repas sur place peut être variable en fonction du choix du salarié et ne constitue pas une raison objective d'attribution de la prime litigieuse.
Il convient donc d'accueillir la demande de rappel de prime de panier présentée par Madame [Y], à hauteur de la somme réclamée dont le montant n'est pas strictement contesté par l'employeur.
Sur la prime de trajet :
La société ONET SERVICES , rappelant que la prime de trajet résulte de l'accord signé le 27 octobre 2010 dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire au sein de l'agence de [Localité 5], souligne qu'elle ne peut bénéficier qu'aux salariés affectés sur ce site et que Madame [Y] échoue à rapporter la preuve que cette différence de traitement est étrangère à toute considération professionnelle. Elle soutient que, comme pour la prime de panier, l'accord prévoit une indemnisation forfaitaire indépendante du domicile du salarié, sachant qu'en l'occurence, il s'agit d'un chantier particulièrement éloigné et isolé, et que cette prime compense un temps de trajet domicile-travail supérieur à la normale.
Madame [Y] fait valoir que l'ensemble du personnel ONET SERVICES des zones B et C du site de [Localité 5] perçoit une indemnité de trajet, en plus de la prime de transport conventionnelle, que la société ONET SERVICES ne peut invoquer, pour justifier le paiement de cette prime, ni une quelconque compensation des frais exposés du fait de l'éloignement géographique du site dans la mesure où les salariés prennent le même bus gratuitement mis à leur disposition par le CEA et n'ont donc pas de frais pour se rendre sur leur lieu de travail , ni la distance séparant le domicile des salariés de leur lieu de travail.
Par ailleurs, elle observe que d'autres salariés affectés depuis 2013 sur l'agence de [Localité 11] perçoivent ladite prime de trajet, comme par exemple Monsieur [W], ou Monsieur [V] qui en bénéficiait alors qu'il disposait d'un véhicule de service fourni par l'employeur.
Elle critique l'argument de l'employeur qui affirme que si certains salariés affectés sur l'agence de [Localité 11] perçoivent la prime de trajet, c'est au titre des avantages acquis préalablement à leur transfert, relevant que dans ce cadre, les intéressés auraient dû également bénéficier des autres primes prévues par l'accord NAO du 27 octobre 2010.
Comme pour la prime de panier, Madame [Y] fait valoir qu'il appartient à l'employeur - qui ne peut se retrancher derrière l'existence de cet accord collectif - de justifier des raisons objectives et pertinentes de l'attribution de cette prime de trajet, et à titre subsidiaire, relève qu'eu égard à la date à laquelle remonte son ancienneté, il appartient à ce dernier de justifier les inégalités de traitement qui préexistaient à l'accord NAO du 27 octobre 2010.
L'accord du 27 octobre 2010 résultant de la négociation annuelle obligatoire au sein de l'établissement de [Localité 5] entérine l'existence d'une prime de trajet, qu'elle revalorise.
Il en résulte que ce texte, ayant valeur d'accord collectif d'établissement, est de nature à justifier les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais affectés à des établissements distincts, de sorte qu'il appartient au salarié qui les conteste de démontrer qu'elles étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Pour ce faire, Madame [Y] verse au débat divers bulletins de salaire de Mesdames [T], [L], [P], [R], [C], [G] , de Monsieur [I], les fiches de paie et contrats de Messieurs [W] et [V] montrant le versement à leur bénéfice de la prime de trajet. Elle produit également le témoignage de Monsieur [V], chef d'équipe à l'agence de [Localité 11], bénéficiaire de la prime de trajet et en même temps d'un véhicule de service, l'attestation de Monsieur [O], ancien responsable d'agence, celle de Monsieur [U], celle de Monsieur [Z], ingénieur chercheur du CEA, celle de [F] [K], chauffeur de bus, indiquant ' je fais le ramassage du personnel aussi bien du personnel du CEA que des sociétés extérieures. J'atteste que les salariés ONET prennent depuis tout le temps le transport mis à la disposition par le CEA'.
Il résulte de ces pièces que les salariés du site du CEA de [Localité 5] perçoivent la prime de trajet de façon forfaitaire, quel que soit le montant des frais exposés pour se rendre sur leur lieu de travail, qu'ils bénéficient ou non du moyen de transport en commun gratuitement mis à leur disposition ou d'un véhicule de service, et de façon identique, quelle que soit la distance à parcourir pour eux de leur lieu d'habitation à leur lieu de travail.
Cette prime n'est donc pas versée pour compenser les frais de trajet pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir.
Ayant été attribuée à certains salariés exerçant un travail égal à celui de Madame [Y], sans qu'il soit justifié, au regard de l'avantage accordé, de raisons objectives tenant à des considérations professionnelles, elle doit donc également lui profiter.
Sur la prime de vacances:
La société ONET SERVICES soutient qu'en se fondant uniquement sur le bulletin de salaire de mai 2014 de Monsieur [O], la salariée considère que ses collègues de l'agence de [Localité 5] bénéficiaient d'une prime de vacances, ce qui est faux, puisque c'est en raison de son statut de responsable d'exploitation niveau MP4, catégorie agent de maîtrise que Monsieur [O] a bénéficié de cette prime, versée uniquement aux salariés rattachés au siège, cadres et agents de maîtrise, ne percevant aucune autre prime particulière en dehors de la gratification de fin d'année. Elle soutient que la cour s'en persuadera d'ailleurs à la lecture de l'accord NAO du 27 octobre 2010 qui reprend l'ensemble des primes versées sur le site de [Localité 5] et ne mentionne nullement la prime de vacances.
Elle considère que l'existence de distinctions catégorielles ne porte pas atteinte au principe d'égalité, les salariés de catégories professionnelles différentes n'étant pas placés dans des situations identiques. Elle affirme qu'à l'instar de la prime de 13ème mois, la prime de vacances n'a pas pour objet de compenser une sujétion particulière ou de récompenser le rendement, la productivité, l'assiduité ou l'ancienneté du salarié mais participe de la rémunération annuelle versée au même titre que le salaire de base. Elle critique la référence isolée, citée par la salariée (qui produit les bulletins de salaire de Madame [S]), et vieille de 20 ans, qui ne peut servir de base à une revendication actuelle, la production de bulletins de salaire étant insuffisante en tout état de cause pour revendiquer une égalité de traitement.
Madame [Y] indique que la prime de vacances, équivalente à 20 % de leur salaire de base, perçue par les agents de maîtrise et cadres de l'entreprise, doit lui bénéficier également.
Elle critique l'argument de la société ONET SERVICES indiquant que Monsieur [O] perçoit cette prime parce qu'il n'en perçoit pas d'autre, conteste que les cadres et agents de maîtrise bénéficient de cette prime en raison de sujétions particulières auxquelles ils sont soumis et de leur situation particulière en tant qu'affectés sur le site de [Localité 5], considère qu'il s'agit d'un engagement unilatéral de l'employeur qui ne justifie nullement des contraintes alléguées, les clauses spécifiques, les amplitudes horaires de travail, les pressions liées aux objectifs en termes de performances ou même le niveau de responsabilité étant inopérants au regard de cette prime.
Elle sollicite donc un rappel au titre de cette prime.
* * *
Il n'est pas contesté que la prime de vacances n'est pas visée par l'accord NAO du 27 octobre 2010.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ' à travail égal, salaire égal' de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Alors que Madame [Y] verse au débat l'attestation de Monsieur [O] , responsable d'exploitation sur l'agence de Saint -Paul-lez-Durance, anciennement affecté sur le CEA de [Localité 5], bénéficiaire de la prime de vacances - qu'il qualifie de ' supplément de salaire' - mais également d'autres primes, comme le montrent ses bulletins de salaire de juin 2014 et janvier 2015 et indiquant que tout le personnel de nettoyage affecté sur le site de [Localité 5] percevait une prime de vacances, ainsi que les bulletins de salaire de Madame [S], agent de nettoyage ayant travaillé dans l'entreprise jusqu'en 1998 et bénéficiaire de cette prime, démontrant ainsi une différence de traitement entre salariés au sein de l'entreprise, la société ONET SERVICES invoque les distinctions catégorielles opérées en raison des situations différentes occupées par les cadres, agents de maîtrise d'une part et les agents de service d'autre part.
Cependant, la seule différence de catégories professionnelles ne peut en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Au surplus, au regard de l'avantage revendiqué, à savoir une prime de vacances ayant trait par définition aux congés ( et versée d'ailleurs en mai 2014 à Monsieur [O]) - lesquels constituent un droit dont bénéficient tous les salariés de l'entreprise -, le poste occupé, les responsabilités exercées, les qualifications obtenues, le travail fourni, les objectifs atteints ou non, les sujétions particulières liées au site ne constituent pas des raisons objectives de différenciation.
Il en va de même, au regard de l'avantage considéré, des différenciations reposant sur les conditions de travail alléguées, d'autant que les interventions en ' zone chaude' ou dangereuse sur le CEA de [Localité 5] ne sont pas distinguées par rapport aux autres zones pour la perception de la prime litigieuse et que les interventions en milieu médicalisé comme l'Institut [9] au sein duquel Madame [Y] travaillait, présentent diverses contraintes majeures et spécificités également.
Il n'est apporté aucune explication enfin au versement d'une prime de vacances à Madame [S], appartenant à la même catégorie professionnelle que l'intimée.
En l'absence de raisons objectives, matériellement vérifiables, permettant de justifier les différences de traitement constatées au sein du personnel quant à l'octroi d'une prime de vacances, il convient d'accueillir la demande de la salariée à hauteur du montant réclamé.
Sur l'intervention du syndicat CGT :
La société ONET SERVICES rappelle que pour être recevable, un syndicat doit justifier de son existence légale par la production de ses statuts, du justificatif de leur publication en préfecture et de la liste de ses dirigeants également déposée en préfecture, qu'il ne peut intervenir dans une procédure initiée par un ou plusieurs salariés qu'à la condition que cette intervention s'inscrive dans le cadre de la défense de l'intérêt collectif de la profession, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les salariées demanderesses entendent se voir reconnaître un avantage qui ne leur est ni légalement, ni conventionnellement reconnu en sollicitant un avantage accordé à d'autres catégories professionnelles, ce qui revient à défendre un intérêt simplement catégoriel. En tout état de cause, elle fait valoir que les demandes des salariées s'avérant infondées, l'intervention du syndicat CGT doit être rejetée, d'autant que la somme allouée en première instance ne repose sur aucune justification. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris de ce chef.
Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône entend intervenir volontairement dans l'instance, la profession à laquelle les salariées appartiennent entrant dans son objet. Il indique que l'inégalité de traitement et la discrimination de la part d'un employeur à l'égard d'une catégorie de salariés constituent une atteinte à l'intérêt collectif de la profession. Il sollicite la somme de 100 € par salariée à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de l'atteinte à l'intérêt collectif portée par la société ONET SERVICES en lien avec les inégalités de traitement dont elle s'est rendue fautive.
Il est versé au débat les statuts du syndicat professionnel CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, le récépissé de déclaration de modification en date du 18 mai 2010, le pouvoir donné par les membres du bureau au secrétaire général pour agir au nom et pour le compte du syndicat dans le cadre de la présente procédure.
Aux termes de l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession.
En sollicitant l'extension à son profit d'avantages dont bénéficient certains de ses collègues, sur le fondement du principe d'égalité de traitement, la salariée soulève une question dépassant son intérêt personnel. La solution à ce litige, pouvant avoir des conséquences pour l'ensemble des personnels de ces entreprises, entre dans le cadre de l'intérêt collectif de la profession. Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône est donc recevable à agir dans le cadre de la présente procédure.
L'inégalité de traitement est une atteinte aux intérêts de toute une profession et par conséquent aux intérêts du syndicat chargé de protéger et de défendre les principes essentiels du droit du travail.
Il convient donc de condamner la société ONET SERVICES à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 80 € à titre de dommages-intérêts.
Sur les intérêts:
Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du Code civil, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation ( soit le 27 juillet 2012), et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre la somme de 800 € à Madame [Y] et celle de 50 € au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône.
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré, pour faciliter l'exécution du présent arrêt,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société ONET SERVICES à payer à [E] [Y] les sommes de :
- 6 234,42 € à titre de rappel de prime de 13ème mois,
- 10 206,71 € à titre de rappel de prime de panier,
- 7 874,49 € à titre de rappel de prime de trajet,
- 1 828,53€ à titre de rappel de prime de vacances,
- 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Reçoit l'intervention du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,
Condamne la société ONET SERVICES à lui verser les sommes de :
- 80 € à titre de dommages-intérêts,
- 50 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter du 27 juillet 2012 pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la société ONET SERVICES aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction