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18/02/2021 | FRANCE | N°19/00599

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 18 février 2021, 19/00599


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2021



N° 2021/ 107













N° RG 19/00599



N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTRQ







Société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3]





C/



La société GURVAL



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alexandre ACQUAVIVA






Me Emmanuel LAMBREY



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06475.



APPELANTE



Société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3]

dont le siège social est [Adresse 1...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2021

N° 2021/ 107

N° RG 19/00599

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTRQ

Société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3]

C/

La société GURVAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandre ACQUAVIVA

Me Emmanuel LAMBREY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/06475.

APPELANTE

Société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3]

dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Alexandre ACQUAVIVA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

La société GURVAL

dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Emmanuel LAMBREY de la SCP LAMBREY & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2020, en audience publique, Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Céline ROBIN-KARRER, conseillère a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Monsieur Pascal GUICHARD, Conseiller

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

qui ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2021

Signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 6 août 1981, la société à responsabilité limitée (SARL) POMPES FUNEBRES DU PAYS

D'AlX dont Mme [K] était la gérante et unique associée, a fait l'acquisition d'un fonds de commerce comprenant les droits relatifs à un bail commercial portant sur des locaux appartenant à M. [B].

Le bail qui courrait pour une durée de 9 ans a été renouvelé pour une durée identique le ler janvier 1989, le ler janvier 1998 et en dernier lieu le 13 décembre 2000. La destination exclusive en est le commerce de fleurs et d'articles annexes et connexes et dérivés et de tous accessoires se rattachant à ce commerce, y compris la thanatologie et les pompes funèbres.

Le 13 octobre 2008, M.[B] a cédé les locaux objet du bail à la société civile immobilière (SCI) GURVAL.

Par jugement du 20 juin 2011, le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence a annulé le congé avec refus de renouvellement délivré le 6 novembre 2009 par la SCI GURVAL.

Le 25 août 2011, la SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] a signifié une demande de renouvellement de bail commercial à compter du 25 août 2011 pour une durée de neuf années aux charges et conditions initiales.

Le 21 novembre 2011, la société GURVAL a délivré à la société POMPES FUNEBRES DU

PAYS D'[Localité 3] un acte de refus de renouvellement du bail commercial et formulé une offre d'indemnité d'éviction à hauteur de 125 000€.

La SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] a demandé à Mme [N], expert inscrite près la Cour d'appel d'Aix en Provence, un avis sur la valeur de l'indemnité d'éviction qui lui est due. Mme [N] a proposé de retenir la somme de 144.388,77€.

Par acte d'huissier en date du 05/11/2013, la SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] a assigné la SCI GURVAL, devant le Tribunal de Grande Instance d'Aix En Provence, qui par jugement rendu le 26 novembre 2015 a ordonné une mesure d'expertise.

L'expert judiciaire Mme [W] a déposé son rapport le 19 décembre 2016.

Par jugement du 26 novembre 2018, la Tribunal de Grande Instance d'Aix En Provence a:

- écarté des débats les pieces 83 à 87 produites par la société POMPES FUNÈBRES DU PAYS D'[Localité 3] ,

- rejeté la demande de nouvelle expertise de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3].

- fixé à la somme de 142 000€ l'indemnité d'éviction due par la société GURVAL à la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] ;

- condamné la société GURVAL à payer à la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] à la somme de 142 000€ avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2013 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus annuellement ;

- débouté la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de ses autres demandes ;

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société GURVAL aux dépens, y compris les frais d'expertise judiciaire, et autorisé maître Alexandre ACQUAVIVA à les recouvrer en application de l'article 699 du code de procedure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

Par déclaration au greffe en date du 11 janvier 2019, la SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la demande de nouvelle expertise de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3],

- fixé à la somme de 142 000€ l'indemnité d'éviction due par la société GURVAL à la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] ;

- débouté la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de ses autres demandes,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Elle sollicite:

- le constat de l'absence d'une seconde méthode d'évaluation de l'indemnité d'éviction par l'expert judiciaire, en conséquence,

- la désignation de tel expert qu'il plaira à la Cour de céans, pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction avec la mission d'ajouter comme méthode d'évaluation celle de la capitalisation de l'économie du loyer, aux frais avancés de l'intimée.

Subsidiairement,

- la condamnation de la SCI GURVAL à lui payer une indemnité d'éviction de 329 954 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5/11/13,

- la capitalisation des intérêts échus annuellement,

- le débouté de la SCI GURVAL de ses demandes, fins et prétentions.

- la condamnation de la SCI GURVAL à lui payer les sommes suivantes :

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, toutes causes confondues ;

- 6.000 € de pertes sur stock,

- Allocation de Double loyer : 1.400 €

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- 8 000 € au titre des frais irrépétibles ;

- le montant retenu par l'huissier ;

- les dépens, y compris la facture de Mme [N] du 12/11/13 et le relevé d'honoraires frais et débours de Mme [W] du 19/12/16, et les frais du constat d'huissier du 03.02.2017, distraits au profit de Me Alexandre ACQUAVIVA.

-Y ajoutant en tout état, la condamnation de la SCI GURVAL en cause d'appel à lui payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son recours, elle fait valoir :

- que l'expert aurait dû utiliser deux méthodes d'estimation et plus spécifiquement celle de capitalisation de la différence entre la valeur locative du marché et le loyer en cours,

- que l'expert n'a pas répondu à son dernier dire,

- que le déplacement du marché à proximité du local et ce durant au moins trois ans ne peut qu'avoir un impact positif sur la clientèle, comme la présence de places de stationnements oubliées par l'expert, qui n'a pas non plus tenu compte du fait que le local était dans la zone la plus prisée d'[Localité 3] En Provence,

- que du fait de sa situation et de son emplacement en angle très visible le coefficient de pondération doit être de 1,3 et non de 1 comme retenu par l'expert,

- que la surface a retenir est de 89,83m² et non 87,60m² avec un prix moyen de 3 674,33€ le m²,

- que les termes de comparaison retenus par l'expert correspondent à des loyers élevés, ce qui a diminué d'autant la valeur du droit au bail,

- que la perte relative à l'habotation doit être évaluée à 81 000€,

- que l'inertie du bailleur quant aux travaux à effectuer, malgré mise en demeure de la mairie et expertise judiciaire lui imputant les désordres, a pour but de déprécier la valeur du fonds pour diminuer l'indemnité d'éviction, ce qui justife sa demande de 10 000€ de dommages et intérêts,

- que le déménagement aura une durée de 3 jours au regard de l'âge et de la maladie de la gérante,

- qu'il y a perte de stock comme il résulte de la pièce 87 et droit à allocation d'un double loyer, outre des indemnités de licenciement dont celle de préavis,

- que la gérante a des troubles médicaux qui ne lui permettent pas d'exploiter normalement le fonds de commerce.

La société GURVAL conclut :

A titre principal:

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en désignation d'un troisième expert ;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en fixation d'une indemnité d'éviction à hauteur de 329.954,00€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en paiement d'une somme de 10.000€ à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices subis, « toutes causes confondues » ;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en paiement d'une somme de 6.000€ à titre de perte sur stock ;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en paiement d'une somme de 1.400 euros à titre d'allocation de double loyer ;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en paiement d'une somme de 5.000 euros à titre à titre de dommages intérêts pour résistance abusive;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en paiement d'une somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens y compris la facture de Mme [N] du 12/11/2013 ainsi que les débours et frais d'expertise judiciaire et de constat d'huissier du 03.02.2017;

- à la fixation à l'indemnité d'éviction à la somme de 125 000 euros ;

- à la désignation de la CARPA ou tel séquestre qu'il lui plaira de nommer aux fins de règlement du montant de l'indemnité d'éviction due au locataire moyennant la remise des clés et conformément aux dispositions de l'article L145-29 du Code de Commerce;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de sa demande en paiement d'intérêts avec capitalisation ;

- au débouté de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire de :

- qu'il soit dit et jugé qu'une nouvelle désignation d'expert se fera aux frais avancés de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3], demanderesse à la mesure ;

En tout état de cause de :

- à la condamnation de la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] à verser à la société GURVAL la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire objet du rapport en date du 19 décembre 2016 ;

Elle soutient:

- que l'activité pratiquée dans les locaux est transférable qu'ainsi l'indemnité d'éviction due s'apparente à une indemnité de transfert qui a pour assiette principale la valeur du droit au bail,

- que l'appelante a mandaté un expert qui a fixé à 144 000€ l'indemnité d'éviction,

- que le local est dans un lieu de faible commercialité, que la destination du bail est exclusive, que le loyer est très faible, les locaux sont vétustes (non entretenus par la locataire), que le déplacement temporaire du marché est sans incidence sur la commercialité du secteur, que le prix moyen est de 1315€ par m², que la surface pondérée doit être retenue pour 59,50m², qu'ainsi la valeur du droit au bail est de 80 000€,

- que l'indemnité pour perte de logement doit être de 9 670,32€,

-que le licenciement du fils de la gérante en contrat à temps partiel depuis septembre 2013 est ni fondée ni chiffrée,

- que le studio ne constitue pas le domicile de la gérante ni un logement de fonction pour son seul salarié mais un lieu de stockage,

- qu'aucun frais de garde meuble ne sont prévus par les textes, que la locataire ayant cessé son activité n'a pas droit à des frais de déménagement,

- que l'expert n'a relevé aucune perte de stock, que cette perte de stock n'est pas établie,

- que l'état de santé de la gérante n'a pas d'impact sur le montant de l'indemnité d'éviction d'autant que son fils, salarié, suffirait à l'exploitation du commerce, que cette dernière est d'ailleurs décédée sans que l'intimée n'en donne la date,

- que malgré l'exécution provisoire le jugement n'a pas été exécuté par appelante qui cherche à retarder son départ alors même qu'elle n'exploite plus le local depuis des années, qu'il convient de séquestrer l'indemnité d'éviction contre remise des clés,

- qu'il n'y a aucune obligation pour l'expert à faire une double évaluation,

- que l'appelante ne justifie nullement d'une résistance abusive,

- que la locataire ne va pas se réinstaller qu'elle n'a pas droit à une allocation de double loyer,

- que les travaux à sa charge ont été réalisés à partir du moment où l'appelante a laissé accès au local, que cette dernière est responsable d'un défaut d'entretien et ne peut réclamer aucun dédommagement qui fait d'ailleurs l'objet d'une autre procédure,

- que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de l'arrêt l'appelante ayant tout fait pour retarder la procédure et ne s'étant pas exécutée malgré l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges.

L'ordonnance de clôture est du 25 novembre 2020.

Par des conclusions du 25 novembre 2020, la SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] sollicite, en sus de ses précédentes conclusions :

- la révocation de l'ordonnance de clôture pour que ses conclusions du 25 novembre 2020 sans nouvelles demandes mais en réplique à celles de l'intimée du 21 novembre 2020 soient déclarées recevables.

Elle fait valoir que l'intimée ne justifie pas de la conformité des travaux qu'elle allègue avoir effectué ni de son refus de l'accès au local qu'elle argue.

Elle précise qu'en ne mettant pas en conformité le studio l'intimée décprécie ce studio et fait baisser l'indemnité d'éviction.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

La SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture exposant que la SCI GURVAL a répliqué à ses conclusions du 9 novembre 2020 le 21 novembre 2020 soit un samedi ne lui permettant pas de répliquer avant le 25 novembre 2020 date de la clôture.

La SCI GURVAL arguant de la tardivité des conclusions et des pièces demande, quant à elle, leur rejet n'ayant pas été en mesure de répliquer.

Il résulte de l'article 784 du code de procédure civile que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Il est indéniable que les conclusions et pièces de la SARL POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3] sont tardives puisque du jour de l'ordonnance de clôture, que pour autant elles sont en réponse à des conclusions adverses faites le samedi précédent, que cela constitue une cause grave et légitime justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, afin d'admettre ces conclusions et pièces, et le prononcé de la clôture à l'audience, avant débat.

Sur la demande d'une nouvelle expertise

S'il est préconisé par la charte de l'expertise en évaluation immobilière deux méthodes différentes, l'une 'par comparaison' et l'autre 'par le revenu', cette charte contient des recommandations sans aucun caractère obligatoire pour l'expert.

Aussi, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'une nouvelle expertise d'autant que sont versées aux débats l'expertise amiable diligentée par l'appelante et l'expertise judiciaire, dont les évaluations de l'indemnité d'éviction sont très proches, comme étant respectivement de 144 388,77€ et 142 000€, ce qui montre que l'utilisation de deux méthodes n'aurait pas permis de déterminer une indemnité d'éviction fondamentalement différente.

Sur l'indemnité d'éviction

Il n'est pas contesté que l'indenité d'éviction doit être calculée sur la valeur du droit au bail.

Il résulte de l'expertise judiciaire que les lieux loués, sis [Adresse 5] sont constitués d'un local commercial avec arrière boutique, WC et deux caves, ainsi que d'un studio dont l'accès est indépendant du commerce, au deuxième étage de l'immeuble.

L'expert expose que le commerce, bien que situé [Adresse 4] dont le bas de la rue a une attractivité commerciale, se trouve à la lisière du quartier moins commerçant de la [Adresse 5], où il est difficile de se garer, le marché se trouvant à distance et ayant peu d'incidence pour attraire la clientèle.

Le local, vétuste, se trouve, en conséquence, dans une zone excentrée au sein d'un quartier populaire.

Le loyer est faible.

La façade d'angle donne pour partie sur la rue VAN LOO, étroite, peu attractive pour les piétons.

Aussi, il ne peut être retenu que l'expert a oublié d'évaluer le potentiel du lieu en matière de stationnement, puisqu'il retient des difficultés à se garer.

Sur la pondération de la vitrine

Les premiers juges ont pu considérer que du fait de la situation géographique du bien et de son emplacement en angle avec façade en partie peu attractive [Adresse 5] et avec peu d'ouverture rue SEXTIUS, le coefficient de pondération de 1,1 retenu par l'expert se justifie.

Sur la pondération de l'arrière boutique

Cette arrière boutique, constituant la seule réserve, présente un caractère indispensable à l'activité exercée et justifie que la pondération de 0,8 décidée par l'expert soit retenue par les premiers juges.

Sur la pondération des caves

Les caves voutées, avec crépi au mur et au plafond apparaissent utilisables s'agissant d'un commerce de fleuriste, pour la conservation des fleurs, ce qui justifie que les premiers juges aient retenu la pondération de l'expert de 0,3.

Le renfoncement du sol en terre battue devant lui être pondéré à 0,1.

Les premiers juges seront confirmés en ce qu'ils ont retenus les pondérations de l'expert parfaitement justifiées.

Sur l'évaluation par l'expert de l'indemnité d'éviction

L'expert a, pour évaluer le local commercial ou le studio, écarté les publicités ou offres de locations qui ne révèlent pas le prix du marché ou a procédé à une décôte de 15%.

Elle a écarté les locaux situés dans des quartiers plus proches du centre ville et donc plus attractifs, a tenu compte de l'état de vétusté constaté lors des visites sur les lieux.

Elle a retenu trois références de comparaison pour l'un comme pour l'autre des locaux.

En ce qui concerne le studio, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que ce studio constitue un logement de fonction, ni le contrat de travail du salarié ni ses fiches de paie ne le faisant apparaître comme tel. Son encombrement résultant des photos prises par l'expert plaide davantage pour un lieu de stockage.

Ainsi, l'évaluation de l'expert qui repose sur des éléments objectifs est la suivante :

- 125 000€ au titre de la perte du fonds de commerce

- 12 500€ au titre de la perte de logement.

Et c'est à juste titre, que le jugement entrepris l'a retenue.

Sur les sinistres et les travaux à effectuer

L'appelante se prévaut de multiples désordres, qui ont donné lieu à un arrêté de fermeture administrative du 24 mai 2018 et d'une procédure en référé, en cours, avec expertise judiciaire.

L'intimée, quant à elle, indique que l'arrêté de fermeture administrative fait suite à une mise en demeure d'avoir à procéder au contrôle des installations électriques non respectée par l'appelante et justifie avoir fait constater l'état des lieux extérieurs qui s'est révélé ne pas présenter de danger.

Ces désordres s'ils existent, l'expertise étant en cours, feront l'objet d'une indemnisation dans la cadre de la procédure pendante à cet effet, qui les imputera à l'une ou l'autre des parties, chacune de ces dernières considérant que la vétusté résulte du non respect de ses obligations par son adversaire.

Aussi, il n'est pas fait droit comme en première instance à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000€ toute cause de préjudice confondu, formulée par l'appelante.

Sur les frais de déménagement et de double loyer

Mme [K], l'unique associée de la société appelante, est décédée. Toute réinstallation est donc exclue, les frais de déménagement et de double loyer sont à écarter.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point également.

Sur les pertes sur stock

Aucune perte de stock n'a été relevée par l'expert judiciaire, ni revendiquée par la locataire dans le cadre des opérations d'expertise.

Le montant de la perte sur stock dépend de la valeur du stock non vendu, dont l'évaluation doit être soumise au contradictoire.

L'évaluation forfaitaire à hauteur de 6 000€ n'est corroborée par aucun élément comptable certifié par un expert comptable.

Il n'y sera pas fait droit, comme en première instance.

Sur les indemnités de licenciement

L'examen de cette indemnité se fait sur justificatifs, qui font défaut en l'espèce, justifiant qu'elle soit écartée.

Sur le trouble commercial de cessation d'activité

L'appelante ne justifie, ni de la perte de temps subi par le preneur pour la recherche de nouveaux locaux au détriment de son activité commerciale ni de perturbations subies par l'exploitation du fait de l'éviction.

Par ailleurs, la situation de santé de la gérante est indépendante de l'évaluation de l'indemnité d'éviction.

En tout état de cause ce trouble invoqué n'est pas chiffré.

Il n'y sera pas fait droit.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande de séquestre

L'article L145-29 du code de commerce dispose qu'en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la date du versement de l'indemnité d'éviction au locataire ou de la notification à celui-ci du versement de l'indemnité à un séquestre. A défaut d'accord entre les parties, le séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l'indemnité ou à défaut par simple ordonnance sur requête.

Au regard des relations particulièrement conflictuelles entre les parties, des procédures en cours et de l'absence d'exécution du jugement de première instance pourtant avec exécution provisoire, par la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3], il convient de faire droit à cette demande selon les modalités fixées au dispositif.

Sur les autres demandes

L'appelante ne justifie nullement du caractère abusif de la résistance de l'intimée ni du préjudice qui en résulterait, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge de la société GURVAL, les frais d'expertise amiable de Mme [N], engagés avant l'instance par l'appelante et n'ayant aucun caractère judiciaire n'en faisant pas partie, ni les frais de constat d'huissier du 3 février 2017.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2018 par le Tribunal de grande instance d'Aix-En-Provence,

Y ajoutant,

DESIGNE la CARPA aux fins de séquestre du règlement du montant de l'indemnité d'éviction due à la société POMPES FUNEBRES DU PAYS D'[Localité 3], jusqu'à la remise des clés par cette dernière à la société GURVAL,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

CONDAMNE la société GURVAL aux dépens de l'appel recouvrés au profit de Me ACQUAVIVA avocat.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 19/00599
Date de la décision : 18/02/2021

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°19/00599 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-18;19.00599 ?
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